_____Sirup. Je suis née sur cette petite île, un coin paumé paradisiaque emprisonné par de gigantesques montagnes qui se dressent telles l’immense mâchoire de quelque monstre mythologique s’apprêtant à détruire le ciel. J’aime cette île. C’est un endroit calme et paisible où toutes les journées se ressemblent et où il ne se passe rien, jamais… Mais c’est mon chez-moi. Et comme je n’ai pas grand-chose à moi, je peux vous dire que je l’aime. J’aime tout ce qui me rattache à mon enfance, à ma famille – non pas que je sois nostalgique mais plutôt que j’aime me souvenir d’où je viens et de qui je suis… Cette île, c’est beaucoup de souvenirs, c’est les interminables parties de cache-cache dans le manoir de papi, les jeux de trappe-trappe à travers champs, des après-midi entiers à courir après un ballon introuvable et une proximité sans failles avec mes quelques amis d’enfance. Cette île, c’est là où tout commence, là où j’ai grandi. Quoi qu’il arrive, ce sera toujours quelque part d’infiniment beau et accueillant, quelque part où je peux revenir.
_____Sur les quais, quatre personnes. Elles attendent au bout de la jetée, nous faisant de grands gestes de bienvenue. Je m’accroche au bastingage et prends une grande inspiration, je ne sais pas, je me sens toute émue, là, dans ce port ridicule construit sur une baie improbable, une des deux portes qui ouvrent Sirup sur le monde extérieur. Cette baie, c’est un véritable miracle : on dirait qu’un géant a écarté les falaises pour nous la construire. C’est une petite étendue de sable encerclée de reliefs impraticables, des constructions de roche bien verticales qui s’élèvent très haut pour aller chatouiller les nuages. Sur la droite, une petite cabane en bois a été construite à même la pierre, offrant son toit en chaume en guise de refuge aux marins épuisés. À l’intérieur, une cuisine et un dortoir peuvent accueillir tout un équipage, fait surprenant tant la cabane parait minuscule aux pieds de ces à-pics démesurés. Au-devant, la baie se prolonge en entonnoir par un petit chemin de sable qui devient vite rocailleux et s’élève en pente raide sur le flanc des monts, chemin qui mène aux vertes vallées de Sirup et à ses grands manoirs.
_____Je ne sais pas quoi dire. Il n’y a pas besoin de mots, juste de simples gestes, juste d’une main passée entre ses cheveux, d’un baiser déposé sur sa joue, d’une longue embrassade et de quelques larmes versées sur ses épaules. Je leur souris. Je suis si contente d’être avec eux, si contente que j’en oublie tout le reste. Les gens qui s’agitent autour de moi n’effleurent qu’à peine ma conscience, moi je suis contre lui, lentement bercée par quelques mots chuchotés en secret, des mots qui font du bien, des mots qui m’apaisent. Je plonge dans ses pupilles pétillantes et lui sers un simple sourire :
_____— Tu as grandi, lui dis-je simplement.
_____Je me souviens d’un temps où il se hissait sur mes genoux pour blottir sa tête dans le creux de mon cou ; maintenant il est nettement plus grand que moi. Sa bouille s’est affinée, ses muscles se sont développés, son ossature s'est allongée mais il reste mince, il reste mon petit frère, un garçon fragile que je dois protéger. Il me tapote le dos et je me tourne vers elle.
_____Elle, c’est Mélanie. Même si je la connais depuis la nuit des temps, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit ici. Mélanie, on ne la voyait qu’une fois par an, durant deux ou trois semaines. C’est la fille d’une des nombreuses familles nobles qui possèdent un manoir à Sirup et s’en servent comme résidence d’été… Mélanie, c’est une compagne de jeu, des nuits entières à se raconter des histoires et veiller sur les étoiles ; c’est une fleur solitaire ayant grandi sans soleil, une perle rare aussi changeante que la Lune, aussi insaisissable que le ciel : elle a toujours été là mais je n’ai jamais pu la saisir. Mélanie, c’est une énigme souriante et doucereuse, une jolie blonde aux beaux yeux d’azur qui transpercent tout ce qu’elle touche, qui analysent, saisissent et comprennent à une vitesse folle. Me dépassant de quelques centimètres, elle me fait face d’un air gêné mais moi je l’accueille avec un sourire aussi sincère que stupéfait.
_____— C’est gentil d’être venue, dis-je en l’embrassant.
_____Elle me répond d’un sourire silencieux et amusé, épaississant encore le mystère qui l’entoure. Sur son visage, une multitude de taches de rousseur dessinent de curieux motifs sur sa peau hâlée pour lui donner un charme parfaitement adorable : elle est à croquer ! Ses cheveux lisses et soyeux sont impeccablement coiffés et positionnés de façon recherchée, maintenus en place par une simple pince noire qui ressort impertinemment sur sa coiffure dorée. Elle porte une légère et courte robe verte au décolleté discret qui fait des plis sophistiqués et particulièrement fascinants… Je ne savais pas qu’on pouvait être aussi belle !
_____Maman aussi, elle est monochrome : sa robe est claire, d’un beige qui tire un peu sur le jaune… Elle me fait cette caresse dont elle a le secret et qui me fait tant de bien… Maman, elle doit être magicienne : elle me console d’un sourire, me réconforte d’un regard. Elle peut calmer toute douleur d’un baiser et effacer la tristesse d’un revers de la main ; maman, c’est la tendresse incarnée, l’amour aveugle à l’état pur. Il lui suffit de me prendre dans ses bras pour que tout disparaisse… et tout disparaît.
_____Sur les quais, quatre personnes. Elles attendent au bout de la jetée, nous faisant de grands gestes de bienvenue. Je m’accroche au bastingage et prends une grande inspiration, je ne sais pas, je me sens toute émue, là, dans ce port ridicule construit sur une baie improbable, une des deux portes qui ouvrent Sirup sur le monde extérieur. Cette baie, c’est un véritable miracle : on dirait qu’un géant a écarté les falaises pour nous la construire. C’est une petite étendue de sable encerclée de reliefs impraticables, des constructions de roche bien verticales qui s’élèvent très haut pour aller chatouiller les nuages. Sur la droite, une petite cabane en bois a été construite à même la pierre, offrant son toit en chaume en guise de refuge aux marins épuisés. À l’intérieur, une cuisine et un dortoir peuvent accueillir tout un équipage, fait surprenant tant la cabane parait minuscule aux pieds de ces à-pics démesurés. Au-devant, la baie se prolonge en entonnoir par un petit chemin de sable qui devient vite rocailleux et s’élève en pente raide sur le flanc des monts, chemin qui mène aux vertes vallées de Sirup et à ses grands manoirs.
_____Je ne sais pas quoi dire. Il n’y a pas besoin de mots, juste de simples gestes, juste d’une main passée entre ses cheveux, d’un baiser déposé sur sa joue, d’une longue embrassade et de quelques larmes versées sur ses épaules. Je leur souris. Je suis si contente d’être avec eux, si contente que j’en oublie tout le reste. Les gens qui s’agitent autour de moi n’effleurent qu’à peine ma conscience, moi je suis contre lui, lentement bercée par quelques mots chuchotés en secret, des mots qui font du bien, des mots qui m’apaisent. Je plonge dans ses pupilles pétillantes et lui sers un simple sourire :
_____— Tu as grandi, lui dis-je simplement.
_____Je me souviens d’un temps où il se hissait sur mes genoux pour blottir sa tête dans le creux de mon cou ; maintenant il est nettement plus grand que moi. Sa bouille s’est affinée, ses muscles se sont développés, son ossature s'est allongée mais il reste mince, il reste mon petit frère, un garçon fragile que je dois protéger. Il me tapote le dos et je me tourne vers elle.
_____Elle, c’est Mélanie. Même si je la connais depuis la nuit des temps, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit ici. Mélanie, on ne la voyait qu’une fois par an, durant deux ou trois semaines. C’est la fille d’une des nombreuses familles nobles qui possèdent un manoir à Sirup et s’en servent comme résidence d’été… Mélanie, c’est une compagne de jeu, des nuits entières à se raconter des histoires et veiller sur les étoiles ; c’est une fleur solitaire ayant grandi sans soleil, une perle rare aussi changeante que la Lune, aussi insaisissable que le ciel : elle a toujours été là mais je n’ai jamais pu la saisir. Mélanie, c’est une énigme souriante et doucereuse, une jolie blonde aux beaux yeux d’azur qui transpercent tout ce qu’elle touche, qui analysent, saisissent et comprennent à une vitesse folle. Me dépassant de quelques centimètres, elle me fait face d’un air gêné mais moi je l’accueille avec un sourire aussi sincère que stupéfait.
_____— C’est gentil d’être venue, dis-je en l’embrassant.
_____Elle me répond d’un sourire silencieux et amusé, épaississant encore le mystère qui l’entoure. Sur son visage, une multitude de taches de rousseur dessinent de curieux motifs sur sa peau hâlée pour lui donner un charme parfaitement adorable : elle est à croquer ! Ses cheveux lisses et soyeux sont impeccablement coiffés et positionnés de façon recherchée, maintenus en place par une simple pince noire qui ressort impertinemment sur sa coiffure dorée. Elle porte une légère et courte robe verte au décolleté discret qui fait des plis sophistiqués et particulièrement fascinants… Je ne savais pas qu’on pouvait être aussi belle !
_____Maman aussi, elle est monochrome : sa robe est claire, d’un beige qui tire un peu sur le jaune… Elle me fait cette caresse dont elle a le secret et qui me fait tant de bien… Maman, elle doit être magicienne : elle me console d’un sourire, me réconforte d’un regard. Elle peut calmer toute douleur d’un baiser et effacer la tristesse d’un revers de la main ; maman, c’est la tendresse incarnée, l’amour aveugle à l’état pur. Il lui suffit de me prendre dans ses bras pour que tout disparaisse… et tout disparaît.
Dernière édition par Anatara le Ven 26 Aoû 2016 - 9:19, édité 2 fois