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Divergence d'opinions.



La journée était grise, froide, humide et calme, brumeuse et morne. Les conversations se résumaient à des monosyllabes péremptoire grommelées autour de gréements poisseux. Le brouillard s'est installée , tirant hermétiquement les rideaux du monde. Le long du bastingage et de la proue à la poupe se traînaient des silhouettes grises et blafarde, la tête rentrée dans les épaules avec des airs de damnés. C'était un jour pourri, rongé jusqu'au noyau par les démons de la morosité. Sur le pont, l'équipage vaquait à ses taches tentant d'ignorer cette humidité qui trempait jusqu'au os et ce froid s'insinuant au plus profond du cœur des marins pour saper leur énergie. Dans la cale, les hommes se serraient autour des rares points de chaleur tentant de réchauffer leur carcasse transies et de rendre leurs uniformes moins humide, tentant de voler un peu de repos à l'océan sournois. On finissait même par oublier ce que signifiait être chaud et sec. Mes cheveux détrempés collaient à mon visage tel un voile gluant ou les tentacules de quelques odieuses créatures gluante. Collant, tout l'était ma chemise, ma veste, mon pantalon une chape de plomb sur mon corps fatigué. J'avais abandonné l'idée de porter des chaussure qui n'aurait été utile qu'à se gorger d'une eau froide, cloaque humide.


Voilà quelques jours que le navire avait essuyé un coup de tabac qui s'était muée en une drache éreintante et hargneuse qui nous martelait avec obstination, telle une funeste malédiction ou un animal visqueux se tordant sur la mer. La pluie se ressentait dans le morale de l'équipage, lugubre et morose... Incapable de dire qui influençait quoi. Tout le monde était persuadé qu'une tempête à vous retourner les tripes aux vagues pouvant abriter des titans était préférable à ce froid tuant à petit feu. Le temps pourri était l'un des sujets de discussion favoris à bord, mais celui-ci minait toute conversation... on ne parlait plus, on subissait et attendait. Pourtant, le moral aurait du être joyeux ou du moins enjoué, on retourne sur les blues, le berceau de l'équipage. Plus de mer de folie, plus de proches trop éloignés pour que l'on puisse savoir si tout allait bien. Rentrions nous en vainqueur ou en vaincu ? Je ne saurai dire, nous n'avions pas brillé ces derniers temps. Nous avions vogué, combattu et connu défaite, mais étions nous miné pour autant ? Cette mélancolie qui nous serre l'âme dans son étau cruel est elle le fruit de cette mer s'acharnant férocement pour saluer le départ d'une fourmi courant sur ses étendues ? Ou es-ce celle qui nous force à regarder derrière soit pour nous rappeler que nous n'avions rien accomplis ?

Les bras croisés, inflexible face à la tourmente et l'expression probablement sinistre, je surveille mes hommes depuis le gaillard arrière. Un capitaine se doit de partager le destin de ses hommes. Cela met du baume au cœur, en général, et nous en avions besoin.J'aurai pu me réfugier dans ma cabine et attendre que la mer telle une enfant capricieuse se désintéresse de la faible étoupe que nous étions pour tourmenter d'autres voyageurs qu'elle abritait en son sein. ... on évite juste la pluie et la brume qui colle à la peau. Mais on ne s'en sent pas lavé. A mes cotés, compagnon d'infortune, le barreur, un gars du nom de Shed. La trentaine au teint halé et arborant un catogan graisseux qui selon la légende faisait disparaître l'humidité ambiante... elle était fausse. Il semble remarquer que je le dévisage, il tourne la tête et sourit, tristement.

-Tu crois que le vieux Jones il veut qu'on lui fasse une offrande pour qu'il arrête de nous faire chier ?
-On lui file quoi ? Une ration ou de la verroterie ?
-Oaui t'as raison... si je devais lui offrir un truc... ça serait bien profond !
-Il risque de mal le prendre, non ?
-Pire que ce temps de merde... j'demande à voir... même une tempêtes c'est mieux.

On a attendu quelques secondes histoire de voir si il prenait la mouche,comme s'il allait s'intéresser à quelques mortels de passage maudissant son mépris pour le confort... peut-ètre que les générations de marins l'ont rendu insensibles au blasphème, ils ne sont pas reconnus pour leur politesse, après tout... Je ne regrette pas et je n'ai jamais eu l'âme croyante... mais au moins ça occupe l'esprit. Deux gars qui en chient et tentent de jouer les durs sans raisons aucunes, ça donne du charme à l'atmosphère morose.

-Va falloir que tu quittes ce foutu pont au prochain quart capitaine.
-Ah ?
-J'pense pas que Grag aura envie d'un capitaine fatigué à ses cotés. Va te reposer ou si t'as pas la tête à ça, on va se faire une partie de carte avec Brash', Elmo, Toub et Naga. Vaut mieux éviter de rester trop longtemps sous ce temps de merde.
-Moaui...
-En plus comme ça Naga arrêtera de tricher héhé.
-T'es sûr que c'est pas ça la vrai raison ?
-Une peu, alors tu viens ?
-Pourquoi pas héhé.

Ainsi, dans cette prison de bois et d'eau, l'équipage est lié comme une famille. Personne ne veut le montrer ouvertement, mais chacun veille sur son voisin. Le capitaine condamné à la solitude du commandement a finit par adopter la place du camarade. Cette pensée me tire un maigre sourire, même écrasé par les voiles gris du destin, l'équipage garde la tête haute, se serre les coudes. Je passe par ma cabine, une pièce trop grande et trop luxueuse pour un homme qui veut être égal à ses hommes. Je me défais de ces habits pesant et enfile quelque chose de passablement sec sans oublier que l'eau me reprendra dés que je quitterai ma cabine pour la salle de jeu... mais ce n'est pas si mal au fond.


*
* *

D'un puissant coup de rein, Mich Sakuragi tire la drisse et la noue consciencieusement, il se jugeait trop vieux pour ce genre de travail, mais n'aurai jamais laissé personne le lui dire, pas question de passer pour un bleu-bite. Sans avoir dépassé de loin la barre des trente, il se rapprochait dangereusement du zéro. On se sent toujours mal quand on passe un bon tiers de sa vie en cabane, on a l'impression d'avoir perdu du temps à rien foutre. Néanmoins, il préférait les quatre murs aux quatre planches, vivres c'est toujours mieux que passer l'arme à gauche. Le mitard avait pas été si mal non plus, t'avais un toit et de la bouffe tout les jours... plus besoin de te battre pour ça... tu ne le faisais plus que pour se faire respecter. Et coup de bol, il était bon en ce domaine. Il avait toujours eu une carrure imposante pour remplir son indémodable trench-coat, du moins il espérait le croire. Selon lui, le délavé donnait du cachet au manteau et selon certains ça donnait un aspect miteux. Au moins, ils changeaient vite d'avis...

Il avait aussi du mal à comprendre l'équipage. Une belle bande de cinglés à son avis. Ils vouent tous une confiance aveugle au gamin qui sert de capitaine et une bonne partie fait même copain-copain. Ces bleus devraient apprendre qu'on devient pas pote avec le type qui t’envoies au casse-pipe, c'est une hygiène de vie. Il était arrivé dans ce foutu équipage de barjos après que ceux-ci aient quitté le trou. En plus, de ça il se retrouvait à nouveau dans le même équipage qu'un frimeur de première dénommé Rock. Une baston se doit d’être sanglante et brutale, elle se doit d'en rendre les hommes dégoûtés... mais avec un amuseur de foire pareil, ce n'est plus possible. C'est le type qui te collera un coup de tatane après avoir prouvé qu'il savait faire des saltos... un salopard qui prend plaisir à la bagarre et qui essaie même de faire en sorte que l'on parie sur lui. Il s'étaient déjà affrontés plusieurs fois par le passé... de bonnes bagarres. Néanmoins, il n'en est jamais sortit vainqueur de leurs échauffourées, il avait beau avoir plus d'expérience, ce blanc-bec avait la jeunesse pour lui... résultat, il devenait encore plus chiant à chaque fois et passait une semaine à pleurer devant son miroir, ça valait le coup quoi...

-Hey Mich, dés qu'on a finit notre quart on va jouer au billard ?

Il se retourne vers l'impertinent qui a oublié de mentionné son grade et le foudroie du regard. Un gars d'une vingtaines d'années arborant un veston fatigué. Celui-ci se gratte le bouc, l'air gêné devant l'air furieux de son supérieur.

-Moi c'est caporal Sakuragi, soldat !
-Ouiap mon Caporal... mais vous savez c'est comme une seconde famille ici... détendez vous du cul... mon blaze, je vous le donne c'est Kyle.

L'homme le regarde encore plus froidement avant de cracher à ses pieds. Il allait de ce pas dire ce qu'il pensait de ce radeau de la méduse au gosse. C'était la troisième fois qu'un mec lui manquait de respect, ces Davad, Jeff et Kyle devraient écoper sévère. Mais bon, il avait peu d'espoir que le capitaine ne fasse grand chose... en plus de pas savoir apporter un peu de discipline dans son équipage, il se doutait que son chef soit pas malin. Un zig qui tente de capturer des gars vivants et se bat avec une épée... c'est comme un mec qui veut donner une mort de soldat à ses adversaires et utilise des explosifs. Attends... Y'a un billard sur ce sabot ? Il va falloir qu'il aille vérifier.

*
* *

Le cow-boy marche au soleil après avoir terminé l'une des corvées dans laquelle il excelle : Ronfler les deux santiags sur le bureau. L'avantage des navires, c'est que t'as pas les pieds crottés, donc tu salis pas les bureaux. Le fond de l'air est frais, rien de plus normal,on est en début décembre. L'équipage avait laissé derrière lui ces averses digne d'un règlement de compte dans une petite ville. Voila quelques jours qu'il profitait du soleil d'hiver... bien qu'on ne puisse dire que les saisons soit réelles sur Grand-Line... mais bon, fallait bien placer quelques repères sur cette mer de fou.
Parfois, le soleil de plomb et les nuages de poussières qui battaient les plaines désertiques de son enfance, lui manquaient... après, il se souvenait de ces étés à souffrir de la soif et des brûlures qui accablaient sa peau et se rappelait que ce n'était pas si mal d’être trempé. On n'est jamais réellement sec à bord d'un navire, mais quand le temps était beau, on se surprenait à hanter le pont pour expurger toute cette eau, au risque de subir une lame et d'en finir ruisselant.

Il donne de la voix pour inciter les hommes à donner plus de cœur à la tâche qu'ils exécutaient déjà parfaitement. Il se sent presque inutile dans ce navire, le capitaine avait réussi le tour de force de créer de la discipline à partir de cohésion et non de réprimande. Il ne doutait pas qu'aux yeux d'autres équipages, ils passaient pour des curiosités ou des parias. Pas besoin d'élever la voix, l'équipage réagit au quart de tour, certains avec bonhomie et d'autre d'une ferveur presque aveugle. Il ne faut pourtant pas croire que tout est bien dans le meilleur des mondes, ceux incapable de se conformer avec l'optique avaient été évincés et dur de dire qui jouait la comédie et qui considérait ses compagnons d'infortunes et son capitaine comme des frères ou du moins ses amis. Et c'était la lourde mission que s'était donné Cole... après tout, il avait assisté à la naissance de leur cercle. Il ne savait combien de fois, dans l'ombre, il avait corrigé certains membres de l'équipage ou signé de la main du capitaine des ordres de mutation ou de renvoi pour des êtres impurs incapable de comprendre la grandeur de leur chef. Tout ça, pour que le rêve de son ami se réalise, un équipage presque nucléaire uni comme les doigts de la main. Mais, il sentait que sa mission touchait à sa fin, l'équipage était presque parfait et le capitaine s'en croyait l'unique responsable. Il ne restait plus que Mich, un nouvel officier à dresser... bien qu'étant un homme dur, sévère et droit, il allait finir par rentrer dans les rangs... il serait l'oncle intransigeant mais un bon.
Cet homme portait en lui une gentillesse qu'il refusait d'avouer. Un soir, alors qu'ils avaient un peu bu et que leur langues se déliaient... il avait compris. Il jouait au dur, mais c'était un homme bon.

*
* *

Il s'était levé de bonne heure, d'un saut carpé et délaissant son hamac avait repris sa routine habituelle : milles pompes, milles abdos, milles squats, mille talon-fesses et milles allers-retours sur le beaupré un seau dans chaque mains et milles aller retour à caracoler dans la mature. Si il voulait garder sa forme olympique sans se fatiguer et se blesser inutilement, il devait se résigner à un échauffement si austère. Une fois sur la terre ferme, il pourra enfin reprendre ses cents kilomètres de footings et ses ascensions d'escaliers ou de collines en saut lapin. Pour avoir la force du tigre, l’agilité du singe et la vitesse du guépard un entraînement plus rigoureux s'impose. D'ailleurs, en parlant d’entraînement, c'est aujourd'hui qu'il prodiguera le sien...

Rock, ce monstre aléthique que n'importe quel intellectuel traiterait de sportif décérébré, possède en effet une forme peu commune. Ses prouesse dignes des champions olympiques lui servaient à faire mal... très mal. La légende racontait même qu'on lui avait interdit l'entrée aux jeux olympiques de peur qu'il ne s'empare de toutes les médailles. Pris de peur les vendeurs de produits dopants avaient envoyés une légion de tueur pour éviter qu'il ne coule leur business en prouvant que la victoire était possible. La fin de l'histoire est plus confuse, il aurait vaincu toute cette bande en un coup. La vérité est toujours tronquée en présence de ce genre d'individus. En fait, il avait voulu présenter toutes les épreuves, ce qu'on lui a refusé, choqué il avait quitté cette odieuse institution avant de passer ses nerfs sur un ivrogne de passage... la vérité est moins intéressante...

A présent, il regarde ceux qui suivront ses enseignements. On leur avait dédié un espace sur le gaillard avant là où ils ne gêneraient pas la manœuvre. Il avait devant lui les plus jeunes membres de l'équipage, les sans-grade du moins. Quand il avait proposé son programme le capitaine et ce qui semblait être son second avaient ricanés avant de se mettre à admirer une bouteille vide comme si leur attention allait ambré son ventre enflé.
Chose étonnante on lui avait confié les deux seules filles de l'équipage, pensaient ils qu'elles étaient plus disposé à des acrobaties que le reste de l'équipage ? Ils finiront tous par rejoindre la danse une fois à terre, il ne se faisait pas trop de soucis. Trois gars se rapprochèrent, sac sur le dos avant de se poser dans un coin.

-Les gars, pour l’entraînement prenez une tenue convenable !

L'un d'eux, un échalas au nez brisé et dont le front s'ornait d'une cicatrice sinueuse se gratte le crâne avant de répondre.

-Si nous on est là, c'est juste pour soigner les bobos... si tu nous connaissais pas on est les toubibs à bord du rafiot... Ludnir, c'est moi. Celui à l'air bête c'est Kendri et l'autre c'est Kett.

Il eut du mal à déterminer qui était le fameux Kendri, jusqu'à ce que celui-ci foute une mandale à son collège. Le troisième un homme plus âgé à l'air affable les calme d'un regard, serait-ce donc le « chef » du groupe ?
L'un des marins lève la main, si ses souvenirs sont bons, il s'agit de Croak ou un truc du genre, il l'invite à parler d'un geste de la main.

-Ton truc là, ça marche pour draguer les filles ?
-Nan, ça changera rien pour toi !

Aah, la délicatesse féminine, Rock efface une larme invisible. Cette même délicatesse qui lui avait brisé le cœur et fait rejoindre la marine. Il s'était perfectionné des années pour une filles qui ne l'avait pas attendu, la garce ! Elle ne pouvait donc patienter pendant les dix ans qu'il avait passé à l'étranger !

-Allez laisse lui une chance !
-Voyons Anna, tu sais bien que mon cœur revient au capitaine !
-Je t'ai dit qu'il était à moi !
-Il devinera que je l'aime avant qu'il ne devines que tu l'aime !
-Toi t'es plate ! Yama aime les grosses poitrines !

Nat' saute sur Anna et elle se lancent dans une bagarres violente et sanglante sous les yeux effarés du sportif. Tandis que Croak pleure en position fœtale sur le pont. Comment en est on arrivé la ?
Les toubibs et les autres gars venus assisté à l’entraînement se désintéressèrent vite de leur ménage. Le trio se lancent dans une partie de Pierre-papier-ciseau... ils décident qui répare les dégâts? Un jeunot avec deux trois poils sur le menton enjambe le geignard qui répétait en boucle que personne ne l'aimait et s’arrête au coté de Rock.

-T'en fais pas on s'habitue à force... Corso, relève Croak !

Bien que rechignant un « Tu fais chier Steve », celui-ci relève son comparse et le remet sur pieds malgré ses protestations. Peu à peu, le calme revient sur le gaillard, Anna sourire au lèvre et une mèche blonde en main domine l'autre fille qui bougonne au sol. L’entraîneur d'un geste de la main relègue ces événements au passé et se lance dans l'explication de l'échauffement.

-C'est simple, vous courrez en cercle en file indienne. Si l'un de vous reste dernier plus de trois secondes, il doit faire 2000 pompes avant que ses comparses ne fassent 10 tours. Si un tour n'est pas effectué en 10 secondes vous faites tous 5000 pompes !


L'assistance semble quelque peu décontenancé, l'un deux lève la main.

-Rock... tu te souviens du bouquin que je t'ai passé la semaine passée ?
-Bien sûr Grim !
-Tu vois le sergent instructeur des enfers... bah c'est un personnage fictif... ça marche pas comme ça en vrai.
-Ah bon ?
-Ok, t'es comme Yama... pas humain...
-Mais si il est humain, s'exclame la blonde
-Un humain ne balance pas des poings d'airs...
-Vu comme ça...

Sur ces entre-faits on décida que les entraînements attendront la terre ferme, quelque part, un homme riait à plein poumon en se frappant les cuises avant d'essuyer une larme d'un doigt qu'il frotta sur un trench-coat.
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