- Capitaine.
- Je te gonfle cette voile, Landstorm.
Ciel dégagé, vent plein Est. Le soleil matinal chasse le brouillard s'étant installé sur la houle. Le St-Margot fend les flots à pleine allure sous l'œil bienveillant du vieux marin bourru qui, ses deux grandes poignes serrées contre le gouvernail, file grand largue avec une dextérité peu commune. C'est à croire qu'il lui suffit de respirer pour comprendre le vent, en connaître la force et la direction, pouvoir déceler s'il est traître ou s'il est vif, s'il va durer ou s'il s'en ira rapidement. Toutes ces choses, tu peux les voir dans les yeux du Landstorm, alors qu'il se perd dans l'horizon, sa pipe accrochée au coin des lèvres, avec cet air déterminé mais amoureux.
De mon côté, je descends des gréements avec aisance, m'accrochant à une corde que j'utilise comme balancier avant de me lancer vers le pont. J'y atterris, non-loin de la proue, dans une descente parfaite, fort de mes nombreuses années de pratique en compagnie de mon oncle Alla Toreshky. Ce vieux Allan, tu ne l'as pas connu, toi, Napoléon, mais c'était un brave homme. Triste et nostalgique, mais fier aussi. C'est pour mon père que j'entreprends ce voyage, mais aussi pour ce vieil Allan qui plus jamais ne prendra la mer.
Dans moins de deux jours nous atteindrons l'Anse aux mégardes, un site bien connu des pirates pour pénétrer les profondeurs de Red Line, dans cette mer souterraine que l'on appelle La Flaque. Un réseau découvert puis creusé à la démesure de l'homme, créature trop petite ayant toujours voulu faire trop grand. Si La Flaque existe, ses entrailles en sont néanmoins méconnues de beaucoup, contrecoups des explorations trop ambitieuses d'hommes trop avares. Ainsi, il serait étonnant de tomber sur un quelconque croiseur de la Marine dans les ténèbres profondes qui enveloppent les galeries innombrables de La Flaque. Néanmoins, les dangers sont nombreux là-dessous, mais je compte sur le talent et l'assurance de Landstorm pour nous diriger en ces lieux. Il s'y est déjà aventurer, ce brave marin, m'a-t-il confirmé, alors que nous mangions face à un coucher de soleil saumoné, hier.
C'est un coup du sort, ça aussi, mais les cales sont pleines ! Assez pour durer une semaine, à bien y compter, soit un peu plus que le temps nécessaire pour atteindre Rokade, l'île pirate vers laquelle nous voguons.
Et si moi, Landstorm et toi, Napoléon, avons mangé, ce n'est pas le cas pour un dernier de nos partenaires…
Je m'avance calmement vers la proue, là où m'attend un spectacle que j'ai moi-même monté avec l'aide de Landstorm. Sur le haut de la proue, ligoté, gît le Baron Brixius. Complètement saucissonné, il ne peut que péniblement faire face au soleil levant, son teint déjà hâlé depuis hier, jour où nous l'avons entravé, commençant à faire montre de nombreux coups de soleil. Pauvre carcasse, sans eau ni nourriture, dans cette position, je ne lui donne pas plus de deux autres jours.
- Alors, Brixius ? Toujours en vie ?
C'est une vieille sanction pirate que j'ai lu dans un livre, dans la bibliothèque du manoir de mon enfance. On attache les marins retors au mât ou à la proue sans vivres ni eau, afin de mettre à l'épreuve leur moral. Je l'ai juré, je materai l'attitude de Balthazar coûte que coûte. Je m'assois en indien face à lui, alors que tu arrives à ma hauteur, Napoléon, une gamelle d'eau dans la gueule.
- Je te l'ai demandé hier, Balthazar, mais tu n'as pas osé m'offrir une réponse satisfaisante. C'est horrible de manquer d'eau, c'est pour ça que Napoléon t'apporte une gamelle. Tu en veux ? Eh bien tu dois répondre à ma question, Baron.
Alors dis moi. Qui est ton Capitaine ?
Dernière édition par Maxwell Percebrume le Dim 6 Sep 2015 - 20:16, édité 1 fois