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Trône de pierre


Lieutenant Morneplume. Bienvenue à Marie-Joie.
Hm. Je vous remercie.

C'est une rangée de soldats d'Élite aux uniformes bien repassés, tous au garde à vous, qui accueille Morneplume lorsqu'il descend du croiseur. Les docks militaires de la Capitale du Monde, tout de pierre, d'ordre et de décorum. D'un air appréciatif, Morneplume prend quelque seconde pour se munir d'une cigarette, en observant les tours, les grandes bâtisses et les monumentales structures ministérielles qui s'élèvent dans le paysage. C'est ici qu'on le convoque, à Marie-Joie, pour le féliciter de ses exploits sur North Blue. C'est au plus haut de la hiérarchie de l'Élite que l'on prend enfin le soin de remercier son implacable et omnisciente application de la Justice. Enfin. Loin de lui les pauvres fous qui trop longtemps n'ont voulu le suivre ou ont osé faire entrave à ses démarches.

Ici, on veut connaître l'homme humble qui s'est dévoué à la cause ultime. Une allumette s'embrase, consumant par le même fait le tabac de la cigarette. Morneplume crache un premier nuage de fumée. Hm.

Si vous voulez bien me suivre, Lieutenant.

Le petit Sergent arbore une mine contrite, les longs cheveux bruns en catogan, la barbe de plusieurs jours, les cernes. Si son uniforme est impeccable, son air, lui, semble celui d'un homme fatigué, faisant montre d'un laissé-allé notoire, ou alors d'une mauvaise nuit. Peu importe Morneplume, qui s'engage en silence à la suite de son guide. Il arque un sourcil, alors qu'il passe en revue la rangée droite et immobile d'hommes tous bien cadrés. Jusqu'alors, il n'a pas fait attention à eux, mais c'est avec surprise qu'il remarque les teintes écarlates de leurs uniformes.

La 102e d'Élite. Les corbeaux de Marie-Joie.

Hm.

Où me menez-vous donc, Sergent ?
Nous allons directement vous mener aux bureaux de l'Assemblée des Nations, c'est là-bas que vous recevrez les honneurs relatifs à vos accomplissements en compagnie de quelques membres de l'État Major et de nombreux représentants de royaumes affiliés au Gouvernement.
À la bonne heure.

Suite à Hat Island, la convalescence s'est avérée rude pour Morneplume, gravement blessé par des tirs de balles lors de la bataille de Bull Town. Ce n'est que depuis quelques jours déjà qu'il peut à nouveau librement marcher sans souffrir de cuisantes douleurs. On lui a proposé une canne pour son séjour à la Capitale. Il a refusé. Trop contraignant.
Ce n'est donc pas sans heurt qu'il progresse à travers les grouillantes allées de la ville, en compagnie du Sergent, croisant bourgeois et prolétaires dans une atmosphère bruyante et active. C'est un plafond bas et nuageux qui les surplombe, promesse d'une pluie à venir en cette journée venteuse. Peu importe la température, ils seront bientôt à l'intérieur.

Nous y voilà, Lieutenant.




La voilà enfin, l'Assemblée des Nations. L'un des hauts sièges décisionnels de la Justice à travers le monde. Et ils sont nombreux à l'attendre sur le parvis de cet énorme bâtisse impériale. Deux colonnes de soldats, bannières gouvernementales entre les mains, dans un mutisme solennel.

Hm. Décidément, ce séjour à la Capitale s'avère agréable.


Dernière édition par Edwin Morneplume le Jeu 1 Oct 2015 - 21:13, édité 1 fois
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Il y a tous ces officiers triés sur le volet. Ils sont droits, fiers et bien plus décorés que lui. Ils forment une rangée compacte de mains à serrer et de félicitations à recevoir, avec une fausse franchise dans leurs yeux que même Edwin saurait déceler. Ces hommes ne sont là que pour le féliciter. Si ça se trouve, ils ne sont ni des hommes d'action ni des gradés méritants, juste une bande de pistonnés, fils des grands bourgeois marijoans, qu'on a parqué là pour serrer des mains et montrer la seule chose qu'ils ont réellement appris à l'école des officiers : bien se tenir. Edwin se doute bien qu'aucun d'eux ne sait ce qu'est un champ de bataille, ou encore qu'aucune d'eux n'a jamais appliqué la Justice. Ils sont des valets, des signe-papiers, des soldats anoblis qui n'ont probablement jamais entendu parler de lui.

Aucun d'eux ne porte le Ruban Rouge.

Les soldats, eux, en contrepartie, réagissent. Ils le suivent des yeux, mortifiés. Il est comme un fantôme mécanique qui procède sous leurs yeux, baignant dans une froide aura qui fait frissonner. D'aucun oserait dire "je croyais qu'il était plus grand" car tous semblent ternir dans l'ombre du Lieutenant d'Élite qui rencontre chaque officier avec une impassibilité sans pareil.

Le tout dans un silence respectueux, parfois lourd, digne de la bureaucratie gouvernementale à son meilleur.

Hm.

Morneplume se rallume une cigarette avant de poursuivre sa marche, ayant serré les mains d'une bonne douzaine d'officiers. Désormais, c'est l'enceinte de l'assemblée qui s'ouvre à lui. Ses pas claquent et font écho dans les monumentaux couloirs de pierre et de marbres. Au-dessus de lui s'élèvent des clés de voûtes inaccessible où se répercute chaque chuchotement, chaque toussotement et chaque respiration proférée dans la colossale bâtisse. Tout dans l'Assemblée des Nations hurle la puissance incontestable et l'hégémonie de la Justice gouvernementale à travers le monde.

Puis il y a cette salle, immense, où les décisions du monde sont prises. Cette majestueuse agora aux longs bureaux de bois et d'ébène où chaque siège est réservé à l'ambassadeur d'un royaume affilié au gouvernement. Là-haut, dans les lointains sommets de la colossale assemblée, on installe un nouveau fauteuil, réservé à l'ambassadeur de Hat Island. Son succès.

Près du bureau du chef de l'assemblée, il y a les magistrats de North Blue, tous petits et gros vêtus de toges assez larges pour cacher leur embonpoint. Avec des airs solennels, ils tiennent une caisse doublée de velours dans laquelle reposent quelques reluisantes médailles. Ses médailles.

Et parmi eux il y a un drôle de petit bonhomme qui s'avance, l'air fripé, des lunettes encadrant de grands yeux sages. La calvitie, la moustache, une taille insignifiante, et pourtant l'homme est énorme.

Morneplume le connait, puisque l'homme qui s'avance au devant des magistrats est un des plus célèbres politiciens au monde.
Genji Nakamura, le porte parole du Gouvernement à l'Assemblée des Nations.


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Bonjour mon petit.
Monsieur Nakamura.

Lui, il a le droit de l'appeler "mon petit." Personne n'oserait contredire une telle affaire. Personne n'oserait simplement contredire un homme si influent.

C'est un honneur, je dois dire, de rencontrer enfin celui qu'on surnomme "La Poigne de Fer." Ça parle de vous ici, depuis Boréa.
Hm, eh bien vous m'en voyez sincèrement touché, Monsieur Nakamura. Je dois vous avouer que c'est une surprise de vous voir ici.
Ça, mon petit, c'est parce que je voulais mettre un nom sur celui qui met North Blue à feu et à sang depuis la dernière année, huhu.

Il dit ça avec un regard malin, qui vous fait douter du sarcasme utilisé. Était-ce une pique, Edwin lui-même ne saurait le dire.

Hm. Heureux de savoir que mon application de la Justice n'est pas passée inaperçue, Monsieur Nakamura.
Oh, oui, oui, la Justice, la Justice, bien sûr…

Cette fois il a fait exprès, de détourner le regard de la sorte, affichant un semblant de désintérêt. Edwin ne sait comment réagir, mais une chose est sûre, ce vieux gâteux -plus vieux que lui, assurément- est un sacré malin.

Est-ce tout, Monsieur Nakamura ? ton péremptoire, de quoi faire réagir le petit bonhomme chauve avec un sourire énigmatique.
Tout ? Oh non, non, je suis ravi, déjà, de vous rencontrer, mais il y a d'autres personnes plus importantes que moi, à la Capitale, qui souhaite s'entretenir avec vous.
Hm.
Ah, tiens, le voilà.
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Je traverse les larges couloirs du monument d'un pas aussi assuré que régulier. Sur mon passage les gens se retournent, me reconnaissent, et s'écartent précipitamment pour me laisser la place. J'apprécie particulièrement quand il s'agit d'officiers. Les couloirs de Marijoa en sont plein. Jeunes de bonnes familles tout juste sortis de l'école d'officiers, flambants neufs, vantards, sur d'eux. Mes bottes résonnent sur le sol dallé, ils se retournent, un sourire de dédain aux livres, prêt à lancer un bon mot à un quelconque civil. Je ralentis. Je regarde leur sourire mourir, tout leur corps hésiter soudain entre la fuite et le recul quand ils reconnaissent l'uniforme, quand ils me reconnaissent. Parfois je m’arrête, me contentant de regarder fixement un de ses cadets pendant qu'il effectue un salut piteux avant de prendre la fuite en bafouillant. Puis je repars.

J'adore cette sensation de puissance, cette vague de froid et de silence qui se répand dans mon sillage pendant que je me rapproche de l’hémicycle et que j'y entre.

Un coup d’œil alentour me permet de repérer rapidement l'attraction du jour. Le lieutenant Morneplume. Déjà en grande conversation avec tonton Genji, et probablement en train de se demander si le vieux pas si fou est en train de se moquer de lui ou s'il est juste parfaitement gâteux. Je m'approche.

Porte parole Nakamura, Lieutenant Morneplume.

Salut militaire, puis serrement de main civil. La poignée de main du lieutenant est agréablement ferme. Malgré l'ambiance écrasante du saint des saints il semble calme. Et ne cille pas en me saluant.

Vous recevrez vos félicitations officielles sous peu évidemment. Mais à titre purement personnel, permettez moi de vous adresser les miennes en premier. Vos opérations sur Boréa sont un modèle que devraient appliquer tous les officiers de la marine d'élite...

Et pour la plus grande partie en tout cas, je pense vraiment ce que je viens de dire. Malgré les zones d'ombres de son dossier, le lieutenant d'Edwin Morneplume a abattu un boulot exemplaire sur North Blue. Et dans cette période ou chaque jour apporte son lot de nouveaux traîtres, il convient de récompenser ouvertement même les plus atypiques de nos bons éléments...

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Hm. Colonel Jakku Kattar.
Colonel. minaude le vieux singe.

Déjà raide, Morneplume se fige, plus solide que le roc. Les civilités s'échangent, mais il reste de marbre, cachant une certaine surprise. Un Colonel d'Élite. L'idéal de l'application de la Justice. Cet homme, tout comme ses douze homologues, est l'élément de l'Élite ayant accès aux plus amples moyens et à la plus grande tolérance peu importe l'opération, il est un héros, un génie, un stratège et un combattant hors pair, comme le veulent les pré requis concernant ce grade.

Il est tout ce qu'Edwin pourrait être, aurait-il simplement les médailles pour parvenir à ses fins.

Vous me voyez flatté d'une telle attention, mon Colonel. Je suis aussi persuadé que le tollé qu'a suscité Boréa chez les troupes est totalement injustifié. Certains disent que j'ai utilisé un trop gros canon pour tuer une mouche.

Et pourtant, la mouche est morte.


Remerciements froids, ancrés dans le plus impersonnel des décorums. La politesse est inhérente chez Morneplume. Ses émotions sont, en contrepartie, fortement futiles.

Jakku Kattar est un homme tiré à quatre épingles, respectable et à qui l'uniforme fait bien. Néanmoins, Morneplume a eu ouï-dire de son immobilisme récent, l'homme s'en tenant majoritairement à Marie-Joie depuis sa prise de fonction controversée un peu avant les années 20. Une chose ne cesse de tracasser l'esprit de Morneplume, cela dit. Rien qui ne soit relié avec le passé nébuleux du Colonel, mais plutôt avec l'uniforme de celui-ci. Les corbeaux de la 102e. Le rouge sang des bourreaux du Gouvernement. Et de voir ce Colonel en particulier venir le rencontrer -seul, qui plus est- est un gage d'une magouille ultérieure qu'il n'est pas sûr d'apprécier… Qu'est-ce que la 102e pourrait bien lui vouloir particulièrement ? Parce qu'Edwin se doute bien qu'à Marie-Joie, on ne rencontre pas n'importe qui pour rien.

Tout le monde agit par intérêt, à la Capitale.

J'ose croire que vous et Morneplume êtes attendus, n'est-ce pas Colonel ?
Ah bon ?
Oui, je vais vous laisser. Ce fut un plaisir Lieutenant Morneplume. Colonel. Faites bonne route.

Il glousse alors qu'un éclat mystérieux s'immisce au creux de ses pupilles. Il quitte l'hémicycle avec les quelques magistrats. Ils sont seuls. Hm. Morneplume arque un sourcil en rivant son regard d'acier vers Kattar.

Je suis votre obligé, Colonel. Puis-je savoir avec qui ai-je rendez-vous de la sorte… et que me vaut l'honneur d'être escorté par quelqu'un de marqué comme vous ?
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C'est moi qui serais chargé tout à l'heure de vous épingler le ruban rouge à l'uniforme. La plus insignifiante des décorations que vous allez recevoir aujourd’hui. Mais à mon sens celle qui représente le mieux les exigences du Service. Et le don qu'il exige de nous à chaque instant.

Pourquoi pensez vous que les hommes de la 102éme d'élite portent des uniformes rouge sang Lieutenant ?

Nous avons fait notre le Ruban Rouge. J’espère que vous le porterez avec fierté.  


D'un regard alentour je stoppe net les quelques représentants qui, voyant le départ de Genji, se mettent déjà sur les rangs pour être vu au coté de la vedette du jour. Plus un pas messieurs, un autre que vous a priorité sur le Morneplume.

Et d'un geste de la main j'indique au lieutenant une porte anonyme un peu plus loin. Une porte que ne protègent que deux hommes aux galons de simple soldats d'élites.


Dans l'immédiat, on m'a demandé de vous escorter auprès d'un officier qui souhaiterait s'entretenir avec vous en privé avant que vous ne soyez livré en pâture à la foule des dirigeants du monde. Ici chaque occasion est bonne pour faire étalage de sa richesse, de son prestige...

Qui sait dans quel état vous serez ce soir...  

Venez, L'honorable Nakamura nous prête son bureau le temps qu'il faudra, n'abusons pas de se gentillesse.


Nous nous écartons des mondanités de l'hémicycle pour nous glisser jusqu'au bureau. Salut impeccable des gardes qui s'écartent de la porte dont je saisis la poignée avant de me retourner vers le lieutenant.

Inutile d’être intimidé. Souvenez vous, ce n'est qu'un homme.

Et ouvrant la porte, je m'efface pour laisser Morneplume entrer dans le bureau ou l'attend le Major.

Une entrevue privée... Inhabituel, même pour lui.
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Il entre dans le bureau, Morneplume, et se fige, un simulacre de surprise s'immisçant momentanément entre les rides de sa moue habituelle.



Le Major. Là, droit dans son large fauteuil de velours bourgogne. Il est vieux, plus que Morneplume, l'air impassible, sage et immense. Oui. Immense. Il ne bouge pas, les mains jointes et appuyées sur le massif bureau. Il ne bouge pas et pourtant Edwin pourrait dire, simplement, sans pouvoir l'expliquer, que jamais il n'aurait pu imaginer l'homme si grand.

Tant d'histoires en un seul homme. Tant de grandeur et de vérité sur le visage usé d'un simple soldat devenu légende.

De quoi terroriser n'importe qui au premier regard.

N'importe qui.

Pas Edwin.

Surpris, Lieutenant Morneplume ?
Hm. N-Non, Major. C'est un honneur, à vrai dire.

S'extirpant de sa torpeur, il s'avance et prend place à l'opposée du Major. Décidément, ce voyage a de plus en plus d'aspects satisfaisants. Le Major se racle la gorge, puis parle. Avec cette voix de vieux livre qu'on feuillette, sans trop d'intonation et toute en franchise.

Et vous savez pourquoi vous êtes ici, Morneplume ?
J'imagine que l'État Major s'est enfin intéressé à mes quelques exploits sur North Blue.
Parce que ce n'est pas tous les jours qu'un simple officier arrive à annexer une île complète au Gouvernement Mondial à lui-seul. Il fallait bien mettre un nom sur votre tête.
J'en conviens.
Le Colonel vous a parlé ?
Un peu.
Et qu'en avez-vous déduis ?
Que je ne suis pas un Corbeau, et qu'en aucun cas il ne réussira à m'amadouer dans sa division immobile.
Et si je vous disais que la 102e reprend du service. Que Jakku a besoin d'hommes fiables pour redorer le blason de ses troupes et mettre de l'ordre dans les rangs.
Hm. Intéressant.
Vous accepteriez ?
Mais ce n'est pas pour ça que je suis ici, convenons-en, Major.

Le vieillard arque un sourcil, une étincelle d'intérêt brillant dans ses yeux sombres et sages. Morneplume, lui, croise les jambes avec une certaine satisfaction. Le Colonel Jakku s'est fait étrangement avenant, chose peu commune de la part d'un officiel, à bien y repenser. Travailler pour la 102e ne serait pas chose que Morneplume rechignerait, partager son idéal de Justice dans les rangs de l'Élite se révélant être une tâche pédagogique intéressante.

Saint-Glinglin, des Caddenheads, a été tué par Tahar Tahgel. Vous saviez ?
Oui. Ça a fait le tour du monde. Le Chien Fou s'en est bien tiré, parait-il.
Il est mort. Oui, on peut dire qu'il s'en est bien tiré.

Le Major se penche un peu vers l'avant. Simplement le voir bouger surprend Edwin. C'est toujours impressionnant de voir un monument bouger. Un monument de pierre.

Glinglin mort sans héritiers, il ne reste que dix-neuf familles de dragons célestes. Et les avoirs de la vingtième n'ont plus de maitre.
Hm. C'est la guerre des rapaces, alors.
Précisément.
Un concours pour savoir qui a le sang le plus bleu.
Déja tous les plus ambitieux des jeunes dragons apparentés aux Caddenheads se mettent a murmurer dans les ombres.

Il prend une pause, inspire avant de se fracasser aux pupilles d'acier de Morneplume.

L'une d'elle a murmuré votre nom. C'est pour ça que vous êtes la.

Morneplume plisse les yeux avec une certaine appréhension. Sa Justice, enfin accueillie par les plus hautes instances du monde ? Le voilà bien choyé… mais il n'est point dupe. Le Lieutenant sait de quoi retourne une association à un dragon céleste. Toutefois, on ne refuse rien aux pères de l'Ordre établi. Il est piégé, déjà béni par leur regard. Il est déjà entravé par leurs volontés. Ça a du bon ? Sûrement. Servir l'Ordre est un luxe que peut se permettre la Justice.

Mais encore ?
Sainte Annarosa de la Ventura a décidé de descendre sur les blues. À Luvneel, pour y assister à une vente aux enchères. Et elle a spécifiquement requis votre présence pour commander la force de la marine qui l'escortera.
Une vente aux enchères ? J'ose croire que l'enjeu en vaut le déplacement.
Une relique. Et surtout la preuve qu'elle sait agir et diriger. Ce qui la démarquera nettement de la plupart de ses concurrents dans la course au trône.
Hm.
Malgré votre âge, vous êtes surtout un jeune officier. Ce qui fait de vous un homme qui n'a pas encore attiré l'œil des dragons, plus précisément, d'autres dragons qu'elle. Du point de vue des dragons elle n'est pas très influente, juste ambitieuse, très ambitieuse…

et elle cherche des gens qui lui ressemblent.

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Le Major a vu clair dans le jeu de Morneplume, a lu en lui facilement, sans problème. S'il est à la tête de la Marine d'Élite, ce n'est pas juste par ses états de service impeccables, mais aussi par sa clairvoyance indéniable.

L'asseoir sur le trône des Caddenhead, alors. Pourquoi pas.
De toute façon, ce n'est pas comme la 102e. Ce n'est pas comme si vous aviez vraiment le choix.

La voilà, cette phrase qui confirme à Morneplume qu'il ne peut plus reculer, désormais. Il est le chien de garde de Annarosa de la Ventura, petite dragon céleste pleine d'ambition qu'il ne demande plus qu'à rencontrer. Il est dans le giron des plus puissants, outil d'une Justice qui le dépasse même lui. Fabuleux. Le Major tire de sous le bureau un boîtier en bois travaillé. Dessus est gravé le symbolique sceau des dragons célestes. Clic. Le boîtier dévoile ses entrailles de velours rouge dans lesquelles se vautre la distinction de L'œil des Dragons. Sainte médaille respectueusement crainte par n'importe quel homme de l'Élite. N'importe quel ? Pas Edwin, qui tire son paquet de cigarettes de sous son veston avec un certain détachement.

Hélas. Cette médaille semble le prouver. Fausse résignation, l'idée semble l'amadouer de plus en plus. Tant de pouvoir à sa portée, tant de nouveaux moyens d'appliquer la Justice avec envergure…
Jakku vous a fait son discours sur le ruban rouge ?
Évidemment.
Cette médaille-ci représente l'éternel destin de la marine. Les deux faces auquel nous sommes toujours confrontés. La gloire ou l'oubli. La vie ou la mort. L'amirauté, ou la lame du bourreau.

Il dit ça avec les yeux qui brillent, le Major. Il a dans son regard une sorte de fierté à laquelle Edwin est tout à fait étranger. Une lumière qui brise un instant l'impression monumentale qu'avait Morneplume de lui jusqu'alors. Le Major est un soldat comme les autres, visiblement, avant d'être l'un des plus puissants hommes du monde. Puéril.

Il se ressaisit, puis désigne la porte du nez, là où le Colonel Jakku avait laissé Morneplume quelques minutes plus tôt.  

…Le choix vous est proposé plus tôt qu'a d'autre. Rien de plus.
C'est une façon bien humble de le voir. avance Morneplume, insondable.
C'est la bonne façon. tranche le Major.
Hm. Bien sûr. Une cigarette ?
Non. Mais fumez donc en une. Ou plutôt non, attendez. Vous allez en avoir besoin dans un instant.

Un nouveau coffre est déposé sur la table, plus lourd, sombre et occulte, cette fois. Du genre de caisse qu'on a longuement gardé sous clé, dans des endroits inaccessibles et infréquentables, afin que personne ne pose l'œil ou la main sur son contenu. Morneplume arque un sourcil, alors qu'un frisson le traverse. Chose impensable pour Edwin, à moins que le Lieutenant ne devine par lui-même l'étendue colossale de pouvoir que l'on lui offre à travers la prune irisée qui sommeille au fond du coffre. Un fruit du démon.

On dit que ça a un gout horrible.
…Un cadeau de ma nouvelle bienfaitrice ?
Oui. Un cadeau. Un cadeau couteux, même pour elle. Un des paramecias les plus puissants du monde.

Il n'attend pas. La Justice en lui gronde, elle est affamée. Elle a soif du jus maléfique qui irrigue la chair immonde de ce mets diabolique. Elle enfle et se voit décuplée, forte de cette acquisition qui la place déjà au sommet. Morneplume déglutit, manque vomir, mais jubile de sentir en lui sa maîtresse épouser cette nouvelle force. Il est monstrueux. Surpuissant. Colossal. Amoureux de celle qui lui murmure de nouveaux rêves et objectifs. L'ivresse de la puissance l'enveloppe, le regard du Major le fait se ressaisir.

... Et il est aussi peu ragoûtant que puissant, semble-t-il... Eurg...

Il s'allume une cigarette. Le tabac dans sa bouche noie assez rapidement le goût de purin du fruit. Hm.

Bien. Dans les jours qui vont suivre, vous allez devoir jongler avec énormément de balles. Vos récompenses, les festivités qui les accompagnent… les rencontre, votre nouvelle mission, vos hommes, votre escorte, l'enquête du cp7 sur votre compte…
Soit.
Il y a une dernière raison pour laquelle je voulais vous voir avant que vous ne soyez happé par tout ça.
Plait-il ?
Je ne suis pas Sentomaru, ou Mallory. Je suis le Major, le commandant de la Marine d'Élite, la plus formidable unité de combat du monde et le garant de la sécurité du Gouvernement Mondial. On parle beaucoup de trahison ces temps ci, les hommes de la marine disparaissent de toutes parts… Arashibourei, Rossignol, Clotho Tas'Natak , Lilou B. Jacob... Décevez moi et je vous fais la promesse que ce n'est pas sur une affiche que vous trouverez votre nom, mais sur une pierre tombale que je poserai moi même.

Il y a cette inébranlable conviction dans ces mots qui fait fléchir Morneplume, l'espace d'un instant. Une menace tellement sentie, une promesse si bien tenue, qu'Edwin en vient à se sentir lui-même coupable de quelque chose. Immense. Le Major est immense.

N-N'ayez crainte, Major… La dernière fois que j'ai déçu quelqu'un, il m'en a coûté suffisamment pour ne pas commettre une telle erreur à nouveau.
Elsa.

Nous verrons. Rompez lieutenant. Vos médailles vous attendent.

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Manoir cossu de Marie-Joie. Par les grandes fenêtres qui parsèment les murs du couloir, on peut apercevoir les jardins marbrés et bien entretenus qu'éclairent les lampadaires. Haies de cèdre bien taillées, fontaines aux figures mythologiques, pléthore de fleurs aux couleurs toutes différentes. Les pas du majordome résonnent dans la couloir au plafond haut, la silhouette de l'homme se reflétant quasiment dans le carrelage reluisant. Devant lui s'élève deux énormes portes s'élevant jusqu'à la voûte du couloir, à laquelle sont suspendus une demi-douzaine de lustres hors de prix. Il cogne à la porte, d'une main gantée, l'autre transportant une scintillante cloche de repas.

Mademoiselle. C'est le souper.
Entre !

Il pousse l'une des portes aux allures de rempart, puis pénètre dans une luxueuse chambre. Des tapisseries bleutées serties de fleurdelisés violets recouvrent les murs , où des peintures d'ancêtres vénérables casqués de bulles reposent,  moustaches cirées et coiffures absurdes. Deux fauteuils centenaires, recouverts de velours auburn, font face à un âtre dans lequel se consument quelques braises, restes d'un feu allumé en fin d'après-midi. La soirée s'est fait longue, mais mademoiselle Annarosa de la Ventura ne dîne pas avant minuit. Oiseau de nuit, miss de la Ventura a complètement adapté son style de vie afin de planifier minutieusement sa fulgurante ascension hiérarchique pendant que ses laxistes et paresseux adversaires, eux, sommeillent. À vrai dire, dormir n'est plus qu'un état futile à laquelle la frêle et menue demoiselle, aux cheveux hirsutes mais colorés, ne se résout que deux heures par jour.



Sans scaphandre, lovée dans son énorme fauteuil à la manière d'un félin, elle a les yeux perdus dans les braises.
L'anonyme majordome s'avance craintivement, puis dépose le plat sur une table de chevet. D'une main tremblante mais habile, il découpe un rosbif de qualité qui dégage d'alléchantes fragrances. Il en pique un morceau et, comme à son habitude, le dirige à la manière d'un avion vers la bouche de sa maîtresse.

Stop.
M-Madame ?
Mange-le.
C-Comment ?
Goûtes-y avant moi.
Mais, mais pourquoi ?
C'est peut-être empoisonné.

Le ton glacial de sa maîtresse et ses yeux sombres ne laissent pas place à la réflexion chez le majordome. Il déglutit, puis goûte la chair rouge avec appréhension. Il mâche, mâche et mâche… puis avale. Rien.

C'est comment ?
Hum ?
C'est comment ? Comment ça goûte ?
C-C'est d-délicieux mademoiselle !
Eh bien va me chercher une nouvelle fourchette et reviens !
Sans vouloir vous offenser je pourrais simplement nettoyer celle-ci avec ce linge et…
HORS DE QUESTION ! CE LINGE EST PEUT-ÊTRE BADIGEONNÉ DE SPORES TOXIQUES !

Il se raidit devant la voix haute-perchée de sa maîtresse qui, d'un coup, vient d'enfoncer ses longs ongles aiguisés dans la peau de son cou. Un peu de sang s'écoule des griffures laissée par sa maîtresse lorsqu'il file en sanglotant, à la course, hors de la chambre de mademoiselle Ventura.

Hm.

Dans le fauteuil voisin de celui de la dragonne céleste, Morneplume reste de glace. Ses doigts jouent pensivement avec la médaille de la Reconnaissance des nations, qu'on lui a remis plutôt, mais aussi avec le Ruban Rouge, que lui a significativement remis le Colonel Jakku. Apparemment, le chef de la 102e cherchait à tout pris à lui taper dans l'œil. Il a réussit. Depuis, les festivités et les nombreuses rencontres se sont déroulées sans surprises ni anicroches notables.

Et c'est chez sa nouvelle protégée que Morneplume se retrouve, à quelques jours déjà de sa prochaine opération à Luvneel.
Le processus nécessaire pour que vous mangiez semble, ma foi, fortement compliqué, mademoiselle. Vos repas sont cuisinés par des larbins qui craignent plus votre colère que la mienne, si bien que je vois difficilement comment ils oseraient vous tuer.
J'ai trop d'adversaires à Marie-Joie pour être en sécurité, Morneplume !

Jamais le Lieutenant ne se serait attendu à devoir accomplir le gardiennage d'une adolescente gâtée. Déception certaine, doit-il s'avouer. Toutefois, aussi puérile et excessive peut être Annarosa, il n'en reste pas qu'elle est ô combien ambitieuse. Chose qu'Edwin apprend, petit à petit, à apprécier un peu plus. Il la comprend et veille sur elle depuis déjà une semaine, caprice de garde du corps qu'il a lui-même fait valoir à sa nouvelle mécène. Aussi bien connaître et comprendre celle pour qui l'on travaille à défaut de simplement la protéger. Ainsi, il sera certain de pouvoir la hisser jusqu'au trône qu'elle convoite.

Sachez que ces adversaires ne partagent clairement pas votre ambition, mademoiselle, et qu'ils préfèrent certainement faire ratifier leurs arbres généalogiques à prix fort pour y trouver le plus de traces des Caddenhead plutôt que de tenter de vous éliminer. Vous n'êtes pas une menace de plus que n'importe lequel des autres prétendants.
Et le fantôme du Chien Fou ?
Plaît-il ?
Le fantôme du Chien Fou ! J'ai lu ça dans le Mondial ! Des rumeurs que depuis que Tahgel s'est jeté dans les eaux du Nouveau Monde, il y écumerait les mers ! S'il revenait ici, hein ? Tu imagines ? S'il revenait ici pour tuer tous les descendants de Saint-Glinglin ? Tu ferais quoi, toi ?
Je lui mettrais une balle dans la tête, bien évidemment, mademoiselle.
NON ! NON TU NE LUI METTRAIS RIEN DANS LA TÊTE PARCE QU'IL TE TUERAIT !
Mademoiselle. Du calme… Sauf votre respect, il ne sert à rien de s'échauffer de la sorte pour de simples ragots de pirates…

Le visage crispé, Morneplume constate que le repas de la dragonne s'en est allé raviver les braises dans un tintement sonore. Annarosa, elle, tremble et respire rapidement, les ongles enfoncés dans le velours de son vénérable fauteuil. Fascinant à quel point la défection d'un ancêtre tel que Saint-Glinglin, sauvagement assassiné par le pirate le plus redouté de cette génération, pouvait mener une si frêle jeune fille à se consumer sous une si grande dose de paranoïa. Paranoïa envers ses serviteurs, envers ses adversaires, envers le paranormal.

Mais pas envers lui. Pas envers Edwin.

Ça, c'est parce qu'il s'est affiché à elle comme loyal, indéfectible, incorruptible, et que sa réputation à travers la Marine l'a encensé de la même manière. Veillant sur elle jour comme nuit, il est son ombre, son gardien, le gage d'un sanctuaire de sécurité.

Il est désormais la longue patte griffue avec laquelle tue le dragon.

Et il adore ça.

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Il peut la sentir, la goûter, la comprendre.

Dès qu'il y touche, qu'il est en contact avec elle, c'est un monde qui lui ouvre ses portes. Comme s'il lui poussait des milliers d'oreilles, d'yeux et de bouches supplémentaires. Il sent qu'il la rejoint, qu'elle l'accueille dans un univers nouveau, différent, vrai. Car c'est la vérité qui pulse à travers les veines solides et rugueux qui se tortillent sous ses pieds ou ses paumes. L'immuable et rude sentiment que tout est figé, que tout est connu et vrai. Et ça il y goûte à chaque instant, à ce sentiment d'omniscience, il y goûte comme cette impression de durcissement qui l'envahit, qui fige ses muscles et dilate son esprit.

Il est la pierre. La roche. La terre.

Il fait parti du Monolithe.

Et il sait qu'il en est le maître. Qu'il peut s'y mouvoir comme le lion dans la savane, en seigneur incontesté. Il peut la modeler, la diriger. Il peut la faire gronder, la faire gémir, la faire rugir et la faire pleurer. Elle est son arme, la pierre. Elle est cette main suprême de la Justice, cet incroyable moyen de répression qui peut broyer avec l'implacable brutalité du roc.

Et tout ça grâce à cette damnée prune qu'il a dévoré. Cet impensable péché qu'il a commis pour intégrer en lui les maléfices du pouvoir et de l'ambition. Il a l'ardeur pour appliquer la Justice comme jamais. Il a l'ambition pour grimper toujours plus haut. Et un jour il sait qu'il trônera au sommet du monde, la Justice dans une main et l'Ordre dans l'autre, et qu'il écrasera sans vergogne ceux qui oseront se dresser face à sa Juste hégémonie.

Il est Edwin Morneplume, le Roc. La Montagne. Le plus formidable combattant de l'Élite, et désormais le feu que soufflent les Dragons.

Décidément, ce séjour à Marie-Joie s'est véritablement avéré intéressant.


Morneplume ?!
Hm ? Oui. Oui.
Alors je vous disais que nous partions demain, et que voilà le dossier des différents éléments triés sur le volet qu'on vous a réservé. Pour mon escorte.
Hm. Et il y a des photos, apparemment. Les dossiers ont été fournis selon les nombreuses conditions que j'ai imposé ? … visiblement oui… Hm ? Qu'est-ce que…
Quoi ?
Oh non…


Trône de pierre 2526-40
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