- Avril 1625,
Une période assez spéciale sur Saint-Uréa, car c’est en effet le carnaval de la ville, mondialement connu pour sa splendeur et sa grandeur. Sociologiquement parlant, cet évènement est exceptionnel, puisqu’il n’existe plus aucune barrière entre les classes sociales, c’est un pas énorme vers l’égalité pour tous. Imaginez qu’un jour on puisse faire tomber les masques et s’amuser tous ensemble, mais gardons quand même les pieds sur terre, de grandes sont à faire pour en arriver là.
Quant à moi, on pourrait croire que je ne suis qu’un simple spectateur, mais non, je travail même en ce jour. Mais pas d’inquiétude, c’est le cas pour tout le QG, car si tout le peuple s’amuse, ça fait du monde à protéger, donc tout l’effectif disponible se tue à la tâche. Deux groupes sont formés :
les soldats vêtus de l’uniforme de la Marine, entourant la foule, et les quelques soldats déguisés, dans la foule, qui écoutent les ragots et qui tentent de voir ce que les autres marins ne peuvent voir de l’extérieur. Pour ma part, je suis parmi les déguisés, ne connaissant absolument pas le position de mes semblables, qui m’ont lâchement pris de vitesse et laissé derrière.
Au coeur du carnaval, en plein centre de la ville, je ne crois qu’il puisse y avoir grand chose, excepté quelques vols, mais les volés sont tellement riches, que je m’en tape un peu, surtout que la haute-bourgeoisie ne prend rien de valeur sur elle à cette occasion. Non, ce qui m’intéresse davantage, ce sont les actes de violences qui se produisent dans les petites ruelles étroites. La richesse naît des pauvres, mais les pauvres en ont marre d’être pauvre, du coup c’est la guerre des classes sociales. Ils ne peuvent pourtant pas les reconnaître, me diriez-vous, sauf que les manières et le langage de la bourgeoisie ne trompent pas.
Tenez, là, observez quelques instants. Deux personnes s’éloignent de la foule, main dans la main, rien d’anormal jusqu’à maintenant, excepté quand l’un est trainé vers une ruelle complètement vide. En effet, je comprend le choix du malfrat, puisque la ruelle est complètement dépourvue de surveillance, plutôt cool quand l’envie de défoncer quelqu’un vous démange. J’empresse donc de les rattraper, in extremis, étant le poing déjà armé d’une des personnes.
Fùfùfù…
Il s’arrête aussitôt.
T’es qui toi ?
Pourquoi ne pas venir me le demander d’un peu plus près ?
Il ne s’attarde pas très longtemps, il vient à la charge assez rapidement, armant une nouvelle fois son poing droit. Lancé comme un buffle, plutôt que de l’arrêter, je me contente d’esquiver en pivotant vers la droite. Une série de coups s’enchainent, je continue d’esquiver, constatant le manque de condition et d’expérience de mon adversaire, il m’est donc peu utile de riposter. Ce dernier perd patience et sort un flingue, là, je ne suis pas bien. Entre deux inspirations, j’effectue une grosse impulsion vers l’avant, abaissant mon centre de gravité au cas où il tire - ce qu’il fait, mais la balle passe au-dessus de moi -, j’arme en même temps mon poing, qui s’enfonce profondément dans le plexus du vilain garnement. Il valse quelques mètres plus loin, à côté de la victime, complètement tétanisée. Effectivement, cet individu vient de la bourgeoisie, l’autre est très certainement un voyou qui voulait frapper du richou. Je quitte la ruelle avec l’agressé, pis je fais signe à deux collègues, qui passent dans le coin, de récupérer le colis inconscient.
Dites-moi, mon brave, quelle idée de vous engouffrer dans un lieu pareil, accompagné d’un type que vous ne connaissez qu’à peine.
Vous savez, quand on me parle d’alcool, je suis toujours partant, qu’importe le milieu de la personne.
C’est grâce à des gens comme vous que je garde espoir en l’avenir. Pis je me retourne vers le malfrat trainé au QG. Tandis que le monde s’éteint à cause de mecs comme lui.
Je raccompagne le gentil monsieur au coeur du carnaval, là où il recommence à s’amuser sans penser à ce qu’il venait de se passer, j’en reste assez étonné. Grâce à ce genre de types, que ce soit chez les riches ou les pauvres, je continue finalement de me dire que ce carnaval n’est pas une si mauvaise chose.