Il fut un temps où les vagues étaient douces et câlines mais terriblement irréelles. C'étaient les conséquences d'un rêve que j'avais éparpillé ici et là en espérant pouvoir le récolter la saison suivante. Se baigner dans l'imaginaire est un poison, quand le Dieu de la Cécité et Morphée en ont eu fini de se jouer de moi, je suis retombé dans le monde des vivants et j'ai constaté cela :
Crasse et désespoir, ivresse des torrents, violence des flots.
Brume épaisse, mer d'épaves, cadavres de matelots.
Parfum de la Mort et de l'Envie celle qui ronge le cœur d'ébène
des hommes et que les eaux ramènent
sur les terres dévastées d'Alvel.
Instinctivement, je me pinçais le nez.
Le phare brillait d'un seul feu, ou ne brillait pas. On ne voyait sa lueur qu'à cinq mètres, et tout de suite elle expliquait le taux probablement très élevé de morts aux alentours. Les restes de planches de bois pourris (qui jadis faisaient la fierté d'un immense bateau) s'éclataient sur la coque droite de l'Attrape-Rêve et se brisaient complètement tellement ils étaient vieux.
Yarost s'était caché dans une de mes chaussettes afin de ne pas sentir l'odeur putride de la mer marécageuse qui s'alliait parfaitement avec les couches de sombres du portail de la ville pirate. Nounours, quant à lui, avait caché l'intégralité de son visage avec le chapeau de capitaine de Hood qui était dans les vapes depuis un sacré moment. Nous étions prêts du phare où deux gros tas nous regardaient, interloqués certainement par la forme peu commune du bateau.
On voit queud, j'suppose que pour une indication faudra débourser ?
Le moins con, au pif, lève son pouce et compte combien on est. Il s'arrête à Hood en levant le sourcil.
Kesci fout dans votre rafiot à moitié mort, le vioc ?
Sais pas, il est pt'êt mort à moins qu'il se soit découvert une passion pour le léchage de couverte, à défaut de pouvoir lécher autre chose, tu m'diras. C'est dur la vie de pirate, nan ? Trois millions c'est ça ?
La réalité était un endroit sans lumière et sans femmes. Une espèce de tas de cailloux qu'on avait fait exprès de placer à l'endroit où le sadisme et l'argent se rencontre. Ici, on avait perdu espoir en tout, et on ne prêtait allégeance qu'au rhum et aux putains. Et pour ça, il fallait de l'argent.
Le temps avait donné sa couleur aux vêtements, aux murs, aux maisons, tout était gris y compris les yeux de certains. Ceux là n'étaient plus que des fantômes qui acceptaient volontiers que leur horizon ait une limite, pire, qu'ils puissent le toucher. Il suffisait de s'y rendre et de tendre le doigt, on tomberait sur un squelette, un roi des mers ou la brume elle même.
En regardant l'état des âmes, je regrettais ceux de Dead End. L'esclavagisme n'était pas aussi pratiqué là-bas, et c'est quelque chose que je n'avais jamais compris. Quel genre d'homme pouvait se satisfaire qu'un autre lui tienne la cuillère pour sa soupe ? C'est comme si ceux-là ne pouvaient pas pisser tout seul. Vouloir posséder quelqu'un était quelque chose d'effrayant. Qui me donnait envie d'aller boire.
Yarost et moi (et Aimé) nous dirigions vers le premier rade d'une longue série et je me souvenais bien, le nectar psychédélique et la minute qui suit l'ivresse. Je fermais les yeux pour quitter cet endroit glacé par le matériel. Il n'y avait aucun rêve à attraper ici, on se moquerait de moi si je donnais le nom de mon bateau. N'est-ce pas ?
Crasse et désespoir, ivresse des torrents, violence des flots.
Brume épaisse, mer d'épaves, cadavres de matelots.
Parfum de la Mort et de l'Envie celle qui ronge le cœur d'ébène
des hommes et que les eaux ramènent
sur les terres dévastées d'Alvel.
Instinctivement, je me pinçais le nez.
Le phare brillait d'un seul feu, ou ne brillait pas. On ne voyait sa lueur qu'à cinq mètres, et tout de suite elle expliquait le taux probablement très élevé de morts aux alentours. Les restes de planches de bois pourris (qui jadis faisaient la fierté d'un immense bateau) s'éclataient sur la coque droite de l'Attrape-Rêve et se brisaient complètement tellement ils étaient vieux.
Yarost s'était caché dans une de mes chaussettes afin de ne pas sentir l'odeur putride de la mer marécageuse qui s'alliait parfaitement avec les couches de sombres du portail de la ville pirate. Nounours, quant à lui, avait caché l'intégralité de son visage avec le chapeau de capitaine de Hood qui était dans les vapes depuis un sacré moment. Nous étions prêts du phare où deux gros tas nous regardaient, interloqués certainement par la forme peu commune du bateau.
On voit queud, j'suppose que pour une indication faudra débourser ?
Le moins con, au pif, lève son pouce et compte combien on est. Il s'arrête à Hood en levant le sourcil.
Kesci fout dans votre rafiot à moitié mort, le vioc ?
Sais pas, il est pt'êt mort à moins qu'il se soit découvert une passion pour le léchage de couverte, à défaut de pouvoir lécher autre chose, tu m'diras. C'est dur la vie de pirate, nan ? Trois millions c'est ça ?
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La réalité était un endroit sans lumière et sans femmes. Une espèce de tas de cailloux qu'on avait fait exprès de placer à l'endroit où le sadisme et l'argent se rencontre. Ici, on avait perdu espoir en tout, et on ne prêtait allégeance qu'au rhum et aux putains. Et pour ça, il fallait de l'argent.
Le temps avait donné sa couleur aux vêtements, aux murs, aux maisons, tout était gris y compris les yeux de certains. Ceux là n'étaient plus que des fantômes qui acceptaient volontiers que leur horizon ait une limite, pire, qu'ils puissent le toucher. Il suffisait de s'y rendre et de tendre le doigt, on tomberait sur un squelette, un roi des mers ou la brume elle même.
En regardant l'état des âmes, je regrettais ceux de Dead End. L'esclavagisme n'était pas aussi pratiqué là-bas, et c'est quelque chose que je n'avais jamais compris. Quel genre d'homme pouvait se satisfaire qu'un autre lui tienne la cuillère pour sa soupe ? C'est comme si ceux-là ne pouvaient pas pisser tout seul. Vouloir posséder quelqu'un était quelque chose d'effrayant. Qui me donnait envie d'aller boire.
Yarost et moi (et Aimé) nous dirigions vers le premier rade d'une longue série et je me souvenais bien, le nectar psychédélique et la minute qui suit l'ivresse. Je fermais les yeux pour quitter cet endroit glacé par le matériel. Il n'y avait aucun rêve à attraper ici, on se moquerait de moi si je donnais le nom de mon bateau. N'est-ce pas ?
Dernière édition par Kiril Jeliev le Jeu 25 Fév 2021, 04:52, édité 2 fois