« Ah, si seulement j'étais riche. »
Voilà ce que l'on pense ici, dans les couloirs. On est mal installé et on doit se recroqueviller pour les laisser passer. Ah, si seulement on était riche, ce serait eux qui feraient place et nous qui auront des sièges. Mais on ne l'est pas, alors on est assis seul dans le couloir.
Oui, nous sommes des dizaines dans ce couloir, mais on ne se calcule pas, c'est un peu l'art d'être seul ensemble. Peut être qu'on se parle pas car on ne veut pas s'assimiler au voisin, ou peut être qu'on a juste à rien se dire et qu'on peut même pas parler de la météo vu qu'on a même pas un hublot pour voir ce qui se passe dehors. Je pense quand même que ma première hypothèse est la bonne car on ne se regarde même pas. Bref, nous recroquevillons encore nos jambes pour laisser passer un des autres.
Ah, en fait, c'est pas un des autres, c'est le chariot à repas. On le regarde tous avec envie ce chariot, des sandwich au magret, des boissons fraiches et j'en passe. Lui, en revanche, il nous ignore et continue son chemin.
Ça m'a donné faim. Je me décolle du mur, chope mon sac qui servait de dossier, l'ouvre et cherche mon casse-dalle. Un bon sandwich avec tout ce qu'il faut dedans : du gras et du pain. J'enlève l'alu. Mmh... Il a pas trop apprécié le voyage, moi non plus d'ailleurs, mais c'est bientôt fini, enfin j'espère. J'en croque un bout et je mastique cette chose à la consistance caoutchouteuse. J'entends sur les cotés que ça fait pareil. Vu les bruits, on a tous le même sandwich.
« Mesdames, messieurs, en raison d'un problème d'ordre technique, le navire aura un retard d'environ une heure, toutes l'équipe de la Translinéene vous prie de bien vouloir excuser ce retard merci. »
Là, ils se mettent à râler, alors que nous, on est plus à ça près : on savait déjà que le trajet serait affreux. On se remets à manger nos sandwichs jambon imaginaire-beurre premier prix.