Navarone et son plancher qui ne bouge pas, Navarone avec ses habitations solides qui tiennent chaud et enfin Navarone pleine de nourriture fraîche. Effacés, ces longs jours à affronter une mer tumultueuse et par trop humide. En règle générale, j'apprécie naviguer, mais ce dernier trajet était vraiment harassant. Je me souviens encore des hommes courant sur le quai après ces longs jours de réclusion maritime, le vent n'avait pas été en notre faveur, nous nous étions rarement traînes ainsi.
Laissant les hommes profiter d'une journée à terre, aussi profitable que puisse être une journée dans une base de la marine.Nous, on se rend au mess des officiers. Cole et Rock déploient des trésors d'imaginations pour deviner le plat du jours. Mich', plus réservé nous accompagne en silence, le vieux briscard connaissait suffisamment la magie du mess pour ne plus y être sensible. Il se contenta de marmonner un « des patates et des saucisses » quand Cole lui demanda de rejoindre leur cercle de poètes affamés. Personnellement, je reste optimiste, la tambouille ne sera jamais pire que celle préparée par Gankis, le type qui s'était intronisé chef du navire. Son talent est tel qu'il rend les rations de mers encore plus immangeable que la normale... je n'aurai jamais imaginé que cela soit possible. Une pétition circule dans le navire pour lui interdire l'accès aux cuisines, il ne manque plus que sa signature... il va falloir lui en parler.
Un cri résonne dans les airs, je frisonne. Je vérifie les alentours pour vérifier si le propriétaire de la voix me destinait son cri. Il semblerait que non, j'active le pas. Je ne veux surtout pas le croiser à nouveau. Finalement, le mess est en vue, une odeur de nourriture cuite assaille nos narines, enfin. On passe le seuil de la porte, le cri se répète.
-L'homme faible n'est pas homme !!!!!!! Seul est homme celui qui est homme !!!!!! Garde tes végétaux pour les faibles !!!!!! Un homme mange de la viande !!!!!
Wright le fier à bras pose avantageusement sur l'une des tables tandis que les serveurs se regardent, on lit aisément ce qui passe entre eux « encore lui ». Tenue moulante couverte de paillettes et de floches, le lieutenant Wrigth exhibe son imposante musculature faisant craquer les coutures de sa tenue. Il semble avoir gagné en masse depuis notre dernière entre-vue, il a probablement oublié d’entraîner le muscle qui ne brille que dans les discussions... dans son cas, l'absence de développement du-dit muscle scintille par sa minceur si pas son inconsistance. Je n'ai pas le temps d'annoncer un replis stratégique qu'il se retourne et regarde en direction de notre groupe... je suis foutu. Il saute à terre et s'élance vers moi bras grand ouvert bousculant tout ce qui se trouve sur son passage.
25 mètres.
Je regarde Rock à ma droite, il me renvoie mon regard étonné.
15 mètres.
Je le chope par une épaule et le claque entre moi et la boule d'amour.
5 mètres.
Je disparais d'un Soru dans la direction opposée et s'ensuivent de nombreux autres sorus pour mettre le plus de distance entre moi et ce phénomène de foire. Avec un peu de chance, il voudra tester Rock à moins que celui-ci ait la décence d'utiliser ses dons. Je me penche en avant et tente de reprendre mon souffle, main sur les genoux. Je ne pense jamais avoir utilisé le soru sur une telle distance, mais cela n'explique pas une respiration si rauque et cette forte odeur de transpiration qui me prend aux narines. Je tourne la tête.
Il est là.
Il pointe un pouce tremblant en ma direction, il a la bouche grande ouverte pour tenter d'ingurgiter le plus d'air possible. Ses joues et son fronts sont rouge et ses cheveux couverts de transpiration collent à son visage. Son immense carcasse se soulève avec des bruits de forge, ses jambes tremblent semblant incapable de soutenir son poids... Son survet de sport lui colle à la peau et suinte l'eau que son corps expurge pour éviter qu'il ne nous fasse une crise cardiaque. Si je me casse en courant, et qu'il claque là... ça sera pas ma faute, hein ? Il tente de dire quelque chose, après de longues minutes halètements entrecoupés de mots, si l'on oublie les épithètes viriles et d'autres inepties machos et sportocractres, il dit.
-Toujours aussi fort hein !!!! T'as vu je sais faire soru !?!
-Euh... j'ai faim ... salut...
-J'viens !
Il se laisse tomber sur moi autant pour aller bras dessus bras dessous avec son meilleur pote autant que pour se faire porter et me couvrir de sueur. Je traîne mon poids mort jusqu'au mess avant de le laisser tomber comme le déchet qu'il est. Les autres étaient déjà attablés, ils ne semblent même pas s’être inquiétés de mon sort. D'après l'expression des rivaux, je devine que Rock s'était fait renverser comme une bougie sur un gâteau trop mou attaqué par un gosse asthmatique. Je décide de prendre cela comme une vengeance pour sa trahison. Après m’être servi, je les rejoints à table prêt à leur passer un savon.
-Alors ça a été avec ton pote ?
-C'est pas mon pote...
-Sérieux ? J'peux lui faire cracher ses dents alors ?
-Amuse toi Rock...
L'intéressé ne se le fait pas dire deux fois, d'un bond impressionnant, il s'élance à la rencontre du sportif qui semblait avoir repris un peu de poil de la bête. S'ensuit alors une série de figures prenant appuis sur tout ce qui était un tant soit peu stable pour finir dans l'étreinte d'ours de l'inutile lieutenant.
-Ah ah un autre homme fort !!!!!! Viens allons soulevez de la fonte !!!!!!
On se concentre sur nos assiette sans prêter attention aux cris de protestations de notre camarade tombé au combat. Les deux nouveaux amis quittent la salle sous le regard habitué des mangeurs. Nous on se contente de se ruer sur nos assiettes avec plus d'assiduité qu'un cambrioleur devant un coffre. Mich finit par briser le silence religieux qu’imposant ce repas enfin comestible.
-C'est plus calme tout à coup... j'aime bien ... deux gêneurs d'un coup...
-Pas faux.
-Avec un peu de chance, ils vont se marier et déserter pour ouvrir un dojo de sportifs retardés.
-Sauf qu'on a besoin du retardé pour entraîner l'équipage a démonter le menu fretin.
-Ah oaui... merde alors
Notre conversation fut interrompue par la rumeur de deux hommes se disputant près de l'entrée. Je mets quelques secondes à reconnaître Phil'. Je fis un signe à l'intendant pour lui indiquer qu'il doit faire passer mon subordonné. Celui-ci arrive avec un air de mauvaises nouvelles, traits tirés et clairement l'expression du type qui se dit « putain, pourquoi moi ? ». Faudra peut-être lui expliquer un jour que la « carpe » était signe d'abandon et pas de puissance divine au jeu de pierre-papier-ciseaux... mais bon, s'il assez con pour ne pas l'avoir déjà compris... on ne peut rien faire pour lui.
-Yama, j'ai une mauvaise nouvelle... le radoub est foutu et faudra caréner le calfeutrage pour assurer que les œuvres vives le reste... ou un truc du genre.
Les termes nautiques n'étaient peut-être pas mon fort, mais j'ai comme l'impression qu'il n'a pas la moindre idée de la signification de ce qu'il vient de dire, ce y compris les déterminants, les verbes et toutes les constitutions de sons en fait...
-T'as pas un papelard ?
-Ah si !
Qu'on me rappelle pourquoi on le garde celui-la ! Ah oui, il nettoie super bien les latrines. Ce type est irremplaçable en fait...
Il se décide enfin à me transmettre le document. Je le parcoure rapidement, en gros, la carène du navire est endommagée et faudra le mettre à sec pour la réparer. Pas étonnant que l'on se traînait...
Je signe le formulaire, je préfère éviter d'affronter reverse ou calm avec un navire dans cet état, j'imagine qu'il faudra avertir de mon retard... Attends... cela signifie que je vais devoir rester sur ce caillou... avec ce type. Oaui en fait non, je rentre à la nage...
-Les gars, va falloir rester ici un peu moins d'un mois...
-Merde, avec l'autre allumé ?
-Oaui...
-Un p'tit accident genre, mort écrasé durant une séance de muscu... ça peut aider, non ?
-Oui mais non, mais oui, mais en fait... non...voila...
Laissant en suspens cette phrase d'une clarté digne d'une mare de boue en plein brouillard par une nuit sans lune, je tente de trouver une solution à ce problème de loin terrifiant. On termine notre auge et sortons du mess, toujours silencieux.
-Excusez moi ?
Je tourne la tête et finit par reconnaître Mathilda, la nièce du désastre ambulant.
-Pourquoi à t'il fallu qu'il apprenne Soru ?
Elle sourit compatissante.
-Il est donc bien venu vous importuner...
-Il a même enlevé l'un de mes subordonné pour un concours de muscle...
-Ah...
Et comme le dit ce satané dicton qui ne devrait pas exister si le monde était parfait. « Quand on parle du loup on en voit la queue » , bien sûr je ne parle pas du sens littéral, cela aurait été trop beau. Le bras cassé court dans notre direction à la mode des retrouvailles d'amis intimes sur un champ de cerisier. Néanmoins, l'absence de cerisier et la présence d'un Rock éploré brinquebalant derrière le lieutenant en retire tout charme, romantisme ou bromance. Seuls quelques mots, prononcés dans le vide parviennent à trépasser les barrières de mes lèvres.
-Bordel, aidez moi...
-D'accord.
-Uh ?
Mathilda venait de me renverser en m'attrapant par les genoux et les épaules pour me porter en mode princesse. Une seconde onomatopée syllabique pas plus articulé et tout aussi étonnée survint dés que mon cerveau parvient à analyser la situation. Enfin, un cri de saisissement et d'étonnement, pas d'effroi car je n'ai jamais peur, ne sortit jamais de ma bouche... jamais. D'un mouvement puissant, la demoiselle venait de s'élever du sol et s'en éloignait de plus en plus en, disons, lattant le vide. Attends, elle vole là ? Comme le Plud avait fait à Banaro ?
On atterrit sur le toit d'un bâtiment voisin tandis que le sportif crie à la mort. Sa nièce me dépose au sol avant de s'éponger le front en soupirant.
-Dans combien de temps partez vous ?
-Moins d'un mois...on a une avarie.
-Ah...
-Oui, un mois à le supporter...
-Aie... et je ne pourrai plus vous sauver à chaque fois...
-A la limite apprenez moi votre machin...
-Geppou... oui, ça pourrait marcher...en fait, c'est assez similaire à Soru. Il s'agit de frapper l'air jusqu'à le durcir et ensuite prendre appui dessus pour prendre de la hauteur.
-Je vois...
-Vous voyez vraiment ou c'est un façon de parler ?
-Peut-être qu'en montrant je verrai mieux...
Elle lève une jambe dans une posture des plus élégante et fait aller sa jambes. Elle accompagne la gestuelle d'un discours technique totalement inutile. Il suffit juste de taper vite et fort du pied, pas besoin d'avoir un doctorat... si Plud savait le faire, n'importe qui en est capable.
*
* *
-T'as des fourmis dans le pied Yama ? Tu veux un massage ?
Merde !
Je me retourne, depuis combien de temps elle était là ? Ana, une de me subordonnées au regard trop insistant me fixe avec de grands yeux. Cela faisait quoi ? Dix minutes, que j'agitais un jambe comme un glandu dans l'espoir d'enfin parvenir à exécuter le fameux geppou. Et pourtant elle le savait ! Elle en a pas marre de se foutre de moi ?
-Euh...non...
-Y'a le grand musclé qui demande à te voir.
Nous avions élu domicile dans un baraquement pour élite de passage. Une battisse quelque peu isolée avec vue sur la mer. Un marin ironique avait même eut l'idée d'accrocher une pancarte à l'entrée « Attention, la plage est réservée aux élites ». Bien entendu, la légende ne disait pas si les élites de passage étaient perçu comme des parias ou trop supérieur aux réguliers et autres élites pour stationner à leur cotés. A moins que cela soit en lien avec ma demande... dur à dire.
J'avais pris comme salle d’entraînement la salle commune du bâtiment, je n'étais pas vraiment motivé par l'idée d'avoir une horde de fans assister à mon manège pathétique...
-Euh... je ne suis pas la... envoie lui Rock.
-Rock m'a demandé de lui dire qu'il venait de décéder...
-Ah... mais ça change rien au fait que je suis pas la...
-Il t'a entendu gueuler « Putain de Geppou de merde ! ».
-Ah oui...et t'es sure pour Rock ?
-Oui...
-Je m'attendais à ce que deux sportifs stupide s'apprécient... ou alors, ils n'arrivent pas à se mettre d'accord sur qui à la plus grosse...
-C'est toi !
-heu... je vais la-bas... voir ce qu'il veut... loin.
Effaçant de mes pensées cette autre méchante moquerie, je m'en vais affronter mon destin. Me lancer dans un sempiternel affrontement désuet pour prouver que je suis plus puissant que l'autre tanche. Je ne trouve pas de comparaison ni de métaphore pour justifier son attitude. J'ai hésité entre le clebs qui courre après le vélo d'intérieur et le gamin qui refuse de comprendre qu'il n'est qu'un gosse inutile... mais j'ai finis par me rendre compte que je donnais trop dans l'euphémisme.
L'autre benêt m'attends la, grand sourire au lèvre et je n'ai toujours pas réussi à maîtriser geppou pour me mettre hors d'atteinte de ses frasques le temps que l'on finisse les réparations...
-AH ! Un homme fort ! Ma nièce t'as montré geppou ?!? T'y arrives pas ?!?
Jusqu'ici mon entraînement s'était limité a frapper dans le vide avec une jambe. Ensuite, les résultats ne venant pas, l'exercice s'est complexifié. J'ai attaché des poids à mes jambes pour les muscler, je me suis improvisé un harnais et j'ai martyrisé l'air de mes deux jambes jusqu'à ce que la corde lâche et j'en passe d'autres méthodes plus stérile les unes que les autres. Par contre, une fois on s'est bien marré... Cole me portait au dessus de sa tête en courant tandis que j'exécutais un soru dans le vide... ça n'a servit à rien mais c'était marrant.. jusqu'à ce que le cow-boy trébuche et que je soit projeté sur mes groupies...
-Elle m'a dit que ce qui marchait bien pour prendre le coup de main, c'était de prendre de l'élan. ALORS VIENS ALLONS NOUS ENTRAINER !!!!!!!
Naaan, il est repartit en mode gueulard... mais il venait de soulever un point intéressant. Je n'avais jamais tenté d'arriver à ce méthode en courant. Il ne me laisse pas le temps de me plaindre qu'il est déjà partit en sprint en hurlant mon nom. Il ne me reste plus qu'à le suivre et le supporter jusqu'à maîtriser le machin. Je m'élance à sa poursuite. Mes pieds cognent le pavé, j'accélère, toujours plus vite, toujours plus loin. Mes jambes musclée me projettent vers l'avant, vers l'accomplissement. Courir, courir, courir, courir pour enfin y arriver.
*
* *
Mes pieds volent, mes pas se succèdent,la plante de mes pieds caresse l'immensité. Je n'entends plus que le doux frottement de mes vêtements, le chant du vent qui joue avec mes cheveux et le col de ma chemise. Un cri de joie et d’encouragement se fait entendre, mais je suis déjà loin. Chaque pas m’amène plus vite, plus loin plus fort vers l'azur bordé de nuage. Ma raison finit par ordonner à mon corps de redescendre sur terre et ce à tout les sens du terme. Mais il est si bon de voler, de surplomber l'immensité, de n’être plus qu'un point à l'horizon et partager l'univers des mouettes. Libre, voila probablement le terme le plus proche de ce sentiment. J'ouvre grands les bras et profite de l'embrun s’immisçant sous mes vêtements et filer entre mes doigts écartés. Il ne me reste plus qu'à descendre de mon nuage blanc tout la haut dans le ciel bleu.Ignorer l'horizon, la-bas qui scintille, de milles feux, il brille. Le ciel ne connaît plus de limites, je tends ma main vers l'éther, elle se referme sur un espace qui ne m'est plus interdit.
J'ai toujours au fond de moi jalousé les oiseaux avant d'écarter ce rêve d'enfant et le sceller au plus profond de moi. Je ne voulais plus être déçu, je ne voulais plus rêver pour ne rien recevoir, je m'étais borné à ne voir plus qu'une méthode et non plus un résultat, mais j'ai réussis.
J'avais toujours eu peur de respirer profondément, me contentant du vent qui apaisait.
Le « si seulement je pouvais vivre comme si je disparaissait dans ce bleu pur, sans tache,loin de ce sol fangeux. Si je pouvais vivre dans ce ciel sans fin, sans hiérarchie, pas de pauvreté, pas de mépris, pas de crime, juste le ciel et la liberté de poser le pied où je le désir.Je n'aurai plus besoin d'autre chose dans le monde. » est a présent à ma portée. Mes pieds se détendent une dernière fois pour me faire monter légèrement et retomber plus ou moins en douceur sur la terre ferme.
-OUAH !!!!!! Génial !!!! T'as réussis à monter à 4 mètres !!!!!