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Silence, ça glande !




J’me réveille.

D’un coup, j’me lève de ma paillasse et, attrapant le couteau le plus proche, j’rajoute une encoche à côté des autres, pour m’aider à compter les jours. Un bon moment que j’suis là, et j’suis pas encore reparti, vu comme j’dois attendre que le navire de la Marine repasse me ramasser. J’soupire.

Putain.

J’ai loupé le passage précédent, et le mec m’avait prévenu, le capitaine du bateau. Quand j’suis arrivé à la surface avec mon colis soigneusement attaché trainé par une laisse, le soleil m’a d’abord ébloui. On a passé la journée en haut, à profiter du vent et de la lumière, et surtout à attendre qu’il arrive.
Et, comme il arrivait pas, j’ai commencé à avoir un gros doute. On a fait le tour du caillou inhospitalier qui compose la surface de Silence, pour trouver une capsule de la Marine. Et un joli message de quelques mots rédigé main dedans. Comme quoi ils se baladent pas avec des machines à écrire sur leurs jolis croiseurs et cuirassés.
« Revenu. Pas de signe. Repasse dans un mois. Terminé. »

Au moins, j’peux pas l’accuser de me faire perdre mon temps avec des messages inutilement longs. On était pas les meilleurs amis du monde, mais bon. Il avait aussi récupéré la barque qui m’avait servie à accoster. Le salaud, avec son histoire bidon d’Inspection Surprise de la Flotte. C’avait dû faire bicher son équipage, de pourrir un sale agent du Cipher Pol. Bah. Bah comme bas-du-front.

J’m’allume une clope, une de mes dernières. Forcé de les économiser, dans c’trou perdu. J’ai pas spécialement envie d’aller mendier du côté du vioque, celui qui m’a pas aidé, avec sa pipe à faire des formes rigolotes. En plus, j’aime pas la pipe.
Un coup d’œil autour de moi, rien n’a changé dans la masure qui me sert de piaule à Silence. Gracieusement mise à disposition par Whisper. On s’entend bien, j’crois. Enfin, on parle pas, forcément, ou peu, mais, hein.

Et y’a même une cabane au fond du jardin, une poignée de mètres carrés avec des murs pourris et un toit. Pleins de courants d’air, aussi. J’m’en fiche. C’est le problème de mon pote, pas le mien. J’ai un p’tit sourire.
Quand j’rentre à l’intérieur, j’note que rien n’a bougé. Ca va, il a l’air de se faire à son nouveau lieu de vie. Le pilier central, qui soutient la toiture, est un imposant bout de bois. Ou de champignon durci, j’sais pas bien. Et, attaché à ça, Matthias Lemure lève les yeux vers moi. Les poignets attachés, les chevilles aussi, il peut pas beaucoup remuer. Et, visiblement, la position lui convient pas trop pour dormir, vu les cernes.

Sans compter qu’il doit passer ses nuits à frotter les attaches pour espérer les user. Comme de routine, trois fois par jour, j’les vérifie. Encore neufs.
« Salut Matthias, la forme ? C’est bien que t’arrêtes d’essayer de t’enfuir, c’était un peu pénible. »
Il répond pas. Il croit que j’essaie d’établir un lien façon syndrôme du Stockholm pour lui extorquer des informations. Bon, j’avoue, c’est pas totalement faux. Mais j’suis loin d’être à fond. J’ai deux-trois outils rigolos dans la doublure de ma veste, ils servent à ouvrir des loquets, mais peuvent aussi déverrouiller un autre type de coffres, celui des pensées de gens mal intentionnés. Suffit de faire preuve d’imagination.

Si j’m’ennuie, je le ferai ptet, histoire d’occuper mes journées.

Du bruit dehors. Enfin, du bruit… Un son tellement léger que partout ailleurs qu’à Silence je l’aurais probablement pas entendu. J’sors pour voir Sybille. Ca fait un moment, elle aussi, qu’elle vient trainer dans le coin. Elle doit s’ennuyer, remarque. Moi, à leur place… Là, ma grande mission du moment, c’est tailler des bouts d’bois et de champignons pour en faire des mini-sculptures. Et c’est pas fameux. J’fais plutôt dans l’équarissage des gens que dans l’expression artistique, d’habitude.

Et, comme d’habitude, elle attaque avec une énigme, son regard oscillant entre la masure qui abrite Matthias et moi.
« Suis-je là ?
Tourné vers l’extérieur, qui est ce moi ?
Et je donne le la,
Que les autres suivent ma voie !

Suis-je là ?
L’intérieur résonne comme une caisse en bois.
Et je suis le la,
Quel est-il qui suit la voie ?

Suis-je là ?
Ou ne suis-je que le reflet
De ce que d’autres veulent de moi ?
Ne suis-je qu’un effet
Produit par ceux qui ont pavé la voie ?
Suis-je toujours là ? »

Putain, encore un poème-devinette. A tous les coups, ça va me travailler des plombes, sans que j’trouve aucune solution. Elle vient tous les quelques jours me lâcher une énigme avant de disparaître à nouveau. Et se repointer quand j’ai abandonné pour m’en fonner une nouvelle. C’coup-ci, j’en ai préparé une, de toute façon, en riposte !
« Lorsqu’on me nomme, je n’existe plus. Qui suis-je ? »
Elle pose un doigt sur ses lèvres, sourit, puis s’en va. Bah, vrai qu’elle était pourrie, en fait. Un ricanement vient de chez Matthias. J’vais l’voir.
« Tu as vu, chien du gouvernement ? Même des inconnues d’une île perdue savent que es un fanatique creux.
- Je t’ai déjà dit que je m’appelais Aurélio, et que j’en avais marre des petits noms insultants, que j’soupire.
- C’est ça, et…
- En plus, elle matait ta cabane en disant ça, pas moi. »
Il se fige quelques secondes.
« Tu mens !
- Comme tu veux, que j’finis en haussant les épaules puis en sortant. »
Ce qu’il sait pas, c’est que j’ai menti qu’à moitié et, si l’énigme est plus simple aujourd’hui, en tout cas du point de vue de la première interprétation, je pense qu’elle nous concerne tous les deux. D’un œil extérieur, j’ressemble bien à un type qui s’est habitué à son environnement et qui n’existe plus qu’à travers lui. Et on peut dire la même chose pour Matthias Lemure, grand révolutionnaire.
Le premier quatrain doit faire référence au fait qu’on cherche tous les deux à imposer notre conception des choses aux autres. Le deuxième, qu’on est en fait la caisse de résonnance de quelqu’un d’autre qui joue et dont nous sommes les marionnettes ? Possible. Probable. Marionnettes consentantes qui sont alors ravies d’exécuter les ordres de leur créateur ? Si c’est bien ça, elle a une sale image de nous, la Sybille.

Y’a des jours, Matthias est plus loquace que d’autres. Il doit se demander ce qu’on attend, ou plutôt pourquoi aucun bateau n’est passé dans le coin. A la fois pour nous transporter à la prison la plus proche, ou pour le libérer lui, pour peu que la nouvelle soit remontée à ses potes révolutionnaires. Pasque c’est peu probable que lui ait trouvé l’entrée vers les souterrains, ou qu’il la connaisse avant, alors que ses alliés non.

J’suis plutôt d’accord avec lui. A mon avis, il s’est passé un truc. Et il se pourrait vachement que les révolutionnaires aient rencontré les patrouilles qui arpentent le coin. Comme le bateau qui m’a amené ici, quoi. De là à savoir qui a gagné… J’dirais bien la Marine. Enfin…

J’m’éloigne d’une centaine de mètres et j’vais me jucher sur un champignon qui culmine qu’à cinq-six hommes de haut. Un nain, à côté de ses frères et cousins. Une fois en tailleur, j’repense à la première fois que j’ai vu Sybille. La vingtaine un peu avancée, loin des rondeurs qui trainent parfois un peu après l’adolescente, une belle plante élevée sans lumière du jour à Silence. Et un chapeau rigolo et foncièrement inutile dans des souterrains. Mais le style ne se préoccupe pas de choses aussi bassement terre-à-terre que la réalité, j’suppose.

Elle m’avait balancé une énigme, aussi. De mémoire, c’était un truc genre :
« Tumulte et fracas
Es-tu encore là ?
Dans le brouhaha
Tout autour de toi.

Mystère et silence
Le son en absence
Perdu, tu te lances
Au dedans de toi.

Conscience et terreur
Le vide fait la peur
Mais là nul malheur
Il n'y a que toi.

Dedans et dehors
Le monde est fait d'ors
Qui résonnent sans mors
Et qui passent par toi.

Oeil, nez, goût, oreille
Tout à la corbeille
Nul autre pareil
Coule le monde en toi. »

Evidemment, en tant qu'agent du Cipher Pol, si y'a bien un truc qu'on aime pas, c'est ne pas comprendre quelque chose. Probablement à force de décortiquer les autres, que ça vient, ça. Et c'est tombé pile pendant que j'essayais désespérément depuis plusieurs jours de capter quelque chose au haki de l'empathie. C'est pas tout de l'avoir découvert, encore faut-il l'apprendre.
Pour ça, la sagesse populaire telle que compilée dans les archives des Bureaux disait qu'il était pas mal de passer par la méditation pour tenter de percevoir le monde qui nous entoure. Et, apparemment, Sybille était du même avis puisqu'elle me donnait, p'tet bien, la même version.

Ca s'trouve, elle maîtrise l'empathie et, voyant que j'me dirige sur cette voie, cherche à m'filer un coup d'main. De ce que j'ai compris en discutant, autant que faire se peut, à droite à gauche avec des Silencieux, elle va et vient en filant des énigmes et des poèmes à tout le monde. Encore quelqu'un de pas forcément net. Ca doit venir de l'absence de lumière du jour qui leur retourne le cerveau.

Sur mon champignon, donc, assis en tailleur avec les mains jointes dans le creux de mes jambes, j'me rappelle ce que j'ai lu et entendu. Le Mantra, comme certains l'appellent, surtout dans les îles célestes, c'est aussi avoir un genre de sixième ou de septième sens qui ressent le monde, pas les cinq sens classiques, plutôt une vibration de l'âme conjointement avec la planète. Ca, c'est ce qu'écrivent ceux qui en ont trop, à mon avis.
J'ferme les mirettes, j'tente d'oublier les sons que j'entends décuplés en compensation. J'aime pas trop l'idée de fermer mes sens normaux, même pour décupler un autre. Trop contraire à mon instinct. J'fais un métier dangereux, et compter la sûreté comme acquise n'est jamais un bon plan.

J'inspire par le nez, j'expire par la bouche. Le classique de la méditation. J'ai jamais été trop trop bon, à ça, rapport que j'ai du mal à m'arrêter de penser, et que quand ça arrive, j'm'endors aussi sec. A défaut de faire le vide, j'fais comme Sybille a semblé suggérer dans son poème.
J'efface petit à petit le monde extérieur pour me concentrer sur l'intérieur, sur moi, quoi. D'abord, ma respiration. Les battements réguliers de mon coeur. Les deux sont calmes, apaisés. Prochaine étape, les membres, d'abord les plus lointains. Mes orteils restent immobiles, pas besoin de frétiller pour savoir qu'ils sont là, les sentir.

J'remonte le long des jambes, sentant le tissu de mon pantalon contre ma peau. J'm'arrête au nombril pour repartir des doigts. Pas un tressaillement. Ma respiration se ralentit mais l'acuité de ma conscience reste totale, s'affine, même. Mon esprit semble vagabonder dans ma cage thoracique. Semble, pasque j'crois qu'à moitié à ces histoires de gourou, et si ç'avait pas été documenté par le Cipher Pol et que c'était pas de notoriété publique sur Grand Line, j'y aurais pas trop cru.
Puis ça se fige, une boule chaude au niveau de mon coeur. Je ressens encore mon corps, mais de façon lointaine. J'sais qu'il est là, quoi, à disposition si nécessaire. J'me focalise pas dessus. A la place, j'essaie de ressentir ce qui se passe en dehors de mon enveloppe charnelle. Comme chaque fois, j'fais face au même écueil.

J’suis quasiment sûr de sentir des trucs, autour de moi. Mais j’sais pas si c’est dû à l’imagination ou si mon haki de l’empathie s’éveille. S’entraine. S’améliore.

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J’me réveille.

J’m’étais endormi ? Ou j’étais tellement profondément dans la méditation que… ? J’ai ressenti comme un tressaillement autour, un genre de perturbation. J’ouvre les mirettes. Rien n’a changé, toujours le champignons à plusieurs mètres du sol, toujours la position en tailleur, les mains posées.
Un bruit en bas, j’jette un œil. Whisper, tiens. Elle a un panier avec elle. J’étire ma nuque sans la faire craquer, puis j’me relève tranquillement. D’un bond, j’atterris souplement à ses côtés en fléchissant les genoux.

« Bonjour Aurélio.
- Hello, Whisper. Ca va ?
- Oui. Je t’ai amené des champignons.
- Ah, merci. Viens, on va les manger. Tu veux mon jardin ? On en donnera un peu à Matthias, comme ça. Ca lui fera sûrement plaisir.
- Faisons comme ça.
- Sinon, Sybille a l’habitude de venir voir les gens ?
- Ah. Oui, encore que c’est assez aléatoire. Pourquoi ?
- J’sais pas, j’ai l’impression qu’elle vient assez souvent.
- En général, elle vient quand elle a des choses à dire.
- D’ailleurs… »

Mais v’là qu’on arrive dans mon jardin. J’file regarder dans la cabane à outils qui héberge mon copain Lemure, aussi bavard que son nom l’laisse penser. Il lève la tête pour m’adresser un regard de mépris et la laisse retomber. Bah, doit pas être dans ses pompes, le pauvre vieux, après s’être fait chopper.
J’referme un peu la porte, la laissant quand même entrouverte histoire qu’on l’entende des fois qu’il fasse quelque chose ou décide de nous raconter un truc intéressant. Whisper soulève le rabat qui protège le contenu du panier et dévoile un assortiments de plats, tous aux champignons, forcément. J’crois que le type qu’aime pas ça qui vient ici, il se suicide, direct.

J’file chercher des bols, faits par moi-même, donc irréguliers et relativement mal poncés, avec des cuillères, pareil. C’est mieux que rien, et c’est tout c’que j’ai. On m’en avait prêté d’autres, avant, j’les ai rendus le premier jour. Ca semblait bien vu, dans l’patelin, de faire ses trucs soi-même, alors j’m’y suis collé.

Quelque part, c’était reposant, de faire une activité aussi banale. Le genre de paix que doivent ressentir les paysans au coin du feu, en hiver, à se fabriquer du matos pendant que le blizzard entre par les trous des murs mal calfeutrés, ou quoi. Ou tout simplement les artisans qui bossent de leurs dix doigts, qui créent des trucs.
M’rappelle le colifichet que l’autre révolutionnaire à la retraite m’a filé. La dague en ébène. J’l’ai encore autour du cou. J’ai eu la tentation, un paquet de fois, de la balancer. J’sais pas bien pourquoi j’l’ai gardée, celle-là. Parfois, j’me dis que mes mains sont pleines de sang alors que y’en a qui font des choses belles. Ca m’déprime un peu.

Ca dure pas, en général, il en faut toujours un pour se salir les pognes pendant que les autres vivent en paix avec leurs consciences. Ou moins mal, j’suppose, on a tous nos soucis et nos errements.

J’soupire en m’laissant glisser le long du mur de la cabane jusqu’à être assis à côté de Whisper :
« Ouais, j’disais. D’ailleurs, elle parle toujours par énigmes.
- C’est vrai.
- C’est quand même pas pratique, si elle a des choses à dire, de dire des trucs incompréhensibles.
- C’est parce que pour elle, le procédé de recherche de compréhension est probablement le message.
- Ouais, j’me disais un truc du genre. Sinon, t’as fait quoi ?
- Une entrée crue aux champignons, une omelette aux champignons, et un cake aux champignons.
- Ca va que j’aime ça…
- Pardon ?
- Non, rien, merci. »

On mange. C’est bon. On discute à bâtons rompus, aussi. J’parle du reste du monde. Les trucs merveilleux que j’ai pu voir à droite à gauche, comme le Boru Bodur, le caillou flottant d’Inari. Celui dont il paraît qu’il a bougé. Sale histoire pour le tourisme local. Ou les colonnades de Mariejoie. Niveau déco, quand même, le coin vaut le coup. Probablement rapport à tous les Dragons Célestes et autres nobles qui y trainent.

On arrive au cake. Il a un p’tit goût bizarre, mais pas désagréable. J’vais même pour reprendre une part.
« N’en prend pas trop, quand même.
- T’inquiète, j’fais attention à ma ligne.
- Les champignons sont un peu forts. Si on en mange trop, ils peuvent avoir des effets secondaires.
- Ah, t’essaies de m’empoisonner ? Que j’souris.
- Non, non, je te préviens, justement.
- Ok, merci, j’en prendrai pas trop.
- Je vais y aller, moi. Demain, il faut que j’aille au bout de la forêt.
- Bon courage, à la prochaine.
- Merci, bonne soirée.
- Toi aussi. »
Elle s’lève et s’en va, en me laissant le gateau. J’me réinstalle et, profitant de la vue, j’observe les champignons luminescents osciller doucement au rythme du vent souterrain, en laissant des spores colorés.

Etrangement, mes paupières sont pas lourdes, à la fin de la journée. C’est p’tet à cause de la sieste involontaire de tout à l’heure. Mon ventre gargouille, pendant que j’jette un regard en coin au cake. Boah, ça devrait aller, juste une part, j’ai bien digéré. J’avale ça fissa.
J’suis installé comme un coq en pâte, toujours adossé, les jambes étendues, juste à côté de la porte. J’crois que Matthias s’est endormi, depuis le temps. Et, plus encore que la méditation de tout à l’heure, j’me sens en phase avec le Monde. Une certaine acuité qui manquait avant, et qu’est bien présente maintenant.

Le frétillement des champignons prend une autre signification alors que la vie coule dedans. Beaucoup plus près, des insectes grouillent un peu partout. J’ai toujours su que y’avait des insectes partout, hein. Mais j’crois pas qu’on le réalise totalement jusqu’à ce qu’on le vive. Enfin, qu’on le vive. Qu’on le sente et ressente, quoi.
Derrière moi, Lemure s’agite. Bah, grand bien lui fasse. Les fourmis se rapprochent, attirées par les restes de nourriture. J’les contemple, mais pas d’mes yeux, plutôt de mon tout. J’me sens presque même plus dans mon corps, plutôt au-dessus, tout autour, dans le tout.

Un genre d’expérience cosmique dont j’me lasse pas…

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J’me réveille.

Mal à la nuque. J’ouvre les yeux. Mal aussi. Gonflés. Et la langue pâteuse qui m’bouffe les trois-quarts de la bouche. Lumière devant, une forme. J’fais l’point rapidement. Putain, cette cape, ces fringues, ça serait pas…

Un pied s’lève, devant moi, et va pour s’abattre droit sur ma gueule. J’décale brusquement la tête sur la gauche, un mélange de kami-E et de prescience. Et la godasse s’abat bien contre le mur de la cabane, à quelques millimètres de ma joue.
Mes bras s’agitent. J’vise Matthias, un couteau de lancer au bout des doigts. Il prend appui sur le bois et fait demi-tour. Ca lui permet de partir à toute berzingue. Mon jet est totalement de traviole, lui. Niveau coordination psychomotrice, on repassera.

Putain, il s’est échappé. Chiasserie de sale histoire !

J’me redresse. Je tangue. J’ai mal à la tête. Comme un lendemain de cuite sans l’alcool qui allait avant. Pendant que j’manque de m’casser la gueule, j’vois le gâteau aux champignons. Okay. Des trucs pas nets. Empoisonnement. Whisper. M’avait prévenu, pourtant. Parfois, j’suis con.
J’trébuche, encore. Rude réveil. Lemure court déjà, beaucoup plus loin devant. Courbatures. Mon panard s’abat rythmiquement au sol, dix fois. Ca sert aussi à virer les fourmis que j’ai dans les pattes. Fourmis, pas les bestioles d’avant que j’m’endorme. Les autres. Le Soru me permet de le rattraper mais, malgré le fait que j’aie omis un paquet de fois de lui filer à bouffer, il cavale, le salaud.

Moi, au réveil, d’habitude, j’suis pas soupe-au-lait. Mais aujourd’hui, sale ambiance. Déjà pasqu’il s’est échappé. Ensuite pasque j’me sens pas top. Enfin pasque j’ai dû mal à avancer aussi vite que j’devrais. Le sport au réveil, ç’a jamais été conseillé, et j’sais pourquoi. On peut s’mettre en condition pour être direct dispo en s’levant, mais j’ai pas fait tout ça. La machine va caler, si j’le choppe pas rapidement.

J’vois l’bout de sa cape moche enfiler les couloir, devant moi. J’cours à sa poursuite, le souffle déjà effréné, ahanant en quête d’un peu d’air pour mes poumons. Les gateaux magiques, c’pas le top. On arrive dans un espace plus grand, plus les couloirs tordus. J’vais pouvoir ressortir du Rokushiki pour réduire la distance.
J’suis quasiment sur le point de lancer mon Soru quand il fait une pirouette en l’air et m’envoie deux lames d’air en croix, produites avec ses chaussures de ville à bout pointu. Saloperie de révolutionnaire bourgeois, ça. Et chiasserie de simili-Rankyaku.

J’saute avec le Geppou, finalement, laissant tomber mon Soru qui ne contribuerait qu’à me faire découper à grande vitesse par ce qu’il vient de lâcher. Alors que j’suis deux mètres au-dessus des lames, elles s’intersectent, le seconde rattrapant la première, et explosent. Le souffle de l’impact m’éjecte de mon promontoire aérien et j’atterris au sol d’un roulade.

Une autre lame d’air m’atteint à mon point de chute, que j’esquive avec un Kami-E de ma fabrication pendant que Matthias Lemure continue à courir. J’me remets à sa poursuite, et un Soru étroitement négocié dans un virage m’permet de me rapprocher à nouveau à quelques mètres de lui. Il jette un regard paniqué en arrière. Et trébuche. Ca lui apprendra.

J’bondis sur lui, mains tendues. Lui se retourne en tombant et tente d’utiliser ses pognes pour écarter les miennes. Dans le feu d’l’action, elles paraissent bizarres. Trop faibles pour m’écarter. Mon Shigan lui troue le bide et le doigt ressort, propre, suivi d’une gerbe de sang. Il s’écrase par terre, moi par-dessus.
J’traine pas et j’me mets en position classique de blocage, les genoux coinçant ses bras et mes poings s’abattent rythmiquement sur sa face. Au début, il résiste un peu, tente de me déloger en utilisant ses jambes et le poids de son corps. Une série de Tekkaï Kenpo l’en empêche en me rigidifiant au point que j’sois innamovible.

Puis il arrête de bouger.

J’lui colle quelques gnons de plus pour la forme, pour me défouler.

J’me relève et j’l’inspecte. C’est vrai que ses mains sont bizarres. Elles sont toutes tordues et écrasées au niveau des doigts. En matant plus en détail, j’me rends compte qu’il s’est broyé les os métacarpiens. C’est comme ça qu’il a dû pouvoir se détacher. Et ça devait faire un mal de chien. Qu’est-ce qu’on ferait pas pour la Cause, hein ? J’lui arrache ses fringues pour reboucher sommairement le trou de balle qu’il a dans le ventre.

J’le charge sur mon épaule comme le vulgaire sac à merde qu’il est et j’retourne à ma maison.

Une vingtaine de minutes plus tard, c’est qu’on a couru loin et longtemps, j’le jette par terre à côté du piquet auquel il était censé être attaché. Il s’est défoncé les os de la main pour pouvoir s’enfuir ? J’ai été trop tendre avec lui, et ç’a failli s’finir en eau de boudin pour ma pomme. J’mangerais bien du boudin aux pommes, tiens.
Laissant de côté ces considérations oiseuses, j’le rattache aux poignets, en serrant bien. Le sang va pas circuler très bien, mais tant pis pour lui. Puis j’lui flanque deux-trois baffes pour le réveiller. Ce qu’il fait sans trop tarder.

« Tu vois, Matthias, j’avais été réglo. J’te filais même à bouffer, presque régulièrement.
- Va crever, larbin de… »
Mon revers de la main le fait taire fissa.
« Pour le moment, c’est moi qui vais causer. »
Il m’crache du sang à la gueule. Ha. J’laisse couler sur ma joue en haussant les épaules. Puis j’appuie mes deux mains de part et d’autre de sa rotule gauche et j’donne un coup sec. Elle se déloge dans un gros craquement et un cri de douleur de Lemure. Sans m’arrêter, j’me tourne vers sa seconde jambe, qu’il essaie comme il peut de plier pour la soustraire à mon attention.
J’lui recolle un taquet, puis un autre. Rien à faire. Mon regard se vide, devient clinique, comme ma pensée. Du pouce, j’appuie sur un nerf, tout en le fixant droit dans les yeux. Les siens s’emplissent de larmes, de manière incontrôlable. Sa jambe se détend, j’l’étend, puis j’pète à nouveau la rotule.

Sans les jambes, il courra vachement moins vite, c’est sûr.

Puis j’me tourne vers les coudes. Une fois fait, j’m’occupe des épaules.

Il sanglote doucement. Ca m’rend pas particulièrement joyeux, la torture, mais on fait c’qu’on peut. Et j’veux pas qu’il disparaisse à nouveau. J’me détourne et j’sors de la cabane. Dehors, y’a encore le bout de cake aux champignons de Whisper. Tiens, tiens, j’suis sûr qu’il a un p’tit creux…

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J’me réveille.

En quelques pas j’suis de retour dans la cabane de Lemure, qui lève un regard avide vers moi. Y’a déjà quelques encoches de plus sur le mur qui me sert à compter les jours. J’suis allé voir Whisper, j’lui ai demandé où elle trouvait ses champignons et quel était le degré d’accoutumance. Elle sait pas vraiment, vu qu’elle en mange rarement.

On est en train de le découvrir, et Matthias adore chaque seconde de tout ça.

« Ca arrive, Matthias, ça arrive. J’vais t’faire une bonne popotte.
- Quand ?!
- Très bientôt. Une petite demi-heure, je dirais ?
- Long.
- Fais avec. J’reviens.
- Vite ! »

J’pense qu’on peut dire qu’il est légèrement accro. Et qu’il va bientôt être temps de passer à l’étape suivante, celle où j’brise sauvagement sa volonté pour m’assurer qu’il s’enfuira plus tellement il lui faudra son fix. Et celle où il me raconte tous ses petits secrets. D’après son dossier, il a des potes à Luvneel, donc avoir des informations supplémentaires là-dessus irait bien. C’est d’ailleurs pour ça que la mission était de le ramener plutôt vivant que mort.

Ou, en tout cas, en état de faire la causette.

Dans ma piaule qui commence à sentir le moisi, j’attrape les champignons que j’suis allé chercher hier. D’un mouvement du poignet, j’fais apparaître un poignard. Toujours l’occasion de s’entrainer. Un peu dommage, aussi, d’utiliser un surin pour faire la cuisine, mais j’ai pas mieux sous la main.
J’tranche les champis en petits morceaux, avec une agilité née de la pratique. Et j’me suis pas entrainé que sur des légumes, ha. Puis j’fous tout ça au feu avec du lard. Ca ira bien pour Matthias, moi j’mange des produits moins toxiques. Et là, j’ai encore plus forcé sur la dose. Sa dernière.

J’lui apporte sa bouffe et j’le nourris à la cuillère. Au début, il était méfiant que je me mette à lui filer trois repas par jour. Ensuite, il n’attendait plus que ça. Bientôt, il n’aura plus rien. C’est qu’on part demain, donc comme ça j’m’assure qu’il soit dans un état optimal pour qu’on discute pendant la traversée. Et ça m’évite de faire tous ces trucs salissants qui, s’ils font partie du boulot, sont pas particulièrement joyeux. Même s’ils l’ont pas volé.
Ouais, découper des petits morceaux, c’pas trop ma passion. Dans la frénésie du combat, passe encore. Mais, froidement, j’préfère laisser ça à d’autres quand j’peux, quand c’est pas nécessaire. Même si j’ai déjà largement fait ma part du travail dans ces domaines.

La cuillère flotte dans l’air, sans s’approcher de la bouche de Matthias, qui bavouille un peu. Hm. Tu parles d’une déchéance. La gamelle est vide, tiens.
« C’est fini, Matthias. On s’revoit tout à l’heure. »

Sans écouter ce qu’il a à me répondre en attendant la prochaine descente de champignons hallucinogènes, j’taille la route. J’l’ai observé, une fois. Il part dans des paradi artificiels, la salive qui lui coule sur le menton, le regard et le sourire vagues. Et j’pars méditer.

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J’me réveille.

Ma conscience s’agite, s’tourne vers Matthias. Puis j’me cogne au sommier juste au-dessus du mien. Le roulis fait que j’ai du mal à m’lever. La cabine exigüe dans laquelle j’me trouve est éclairée légèrement par un hublot mal orienté pour profiter de la lumière de l’aube. Résultat, il fait grisâtre.
Pas de Matthias ici. Après qu’il ait commencé sa descente et sa crise de manque de champignons hallucinogènes, il est devenu bruyant, tellement que j’ai dû le baillonner pour pas me mettre à dos toute la population moisie et éparse de Silence. Des gens sympas, c’est sûr, mais un peu isolé, quand même. Et ça se ressent quand on leur cause, la plupart ont un grain qui tourne pas pareil que moi là-haut.

Ca m’a fait bizarre, d’abord de retrouver la lumière du jour, Matthias sur l’épaule. Puis de retrouver des gens qui parlent, qui crient, qui font du bruit sur un bateau. J’étais même un peu destabilisé au début. Avec l’entrainement au haki de l’empathie, j’étais totalement tourné sur moi-même, mais d’une façon qui me tournait vers le monde aussi. C’était bizarre, comme impression. Et tout était tellement silencieux, aussi, que c’était difficile de pas m’écouter, de pas me concentrer sur mon intérieur.

J’m’y suis vite refait. Là, l’As de la révolution gît dans une geôle du navire, qui va faire un arrêt rapide au port avant que j’prenne un autre transport, cette fois droit vers Mariejoie. Tous les jours, j’viens lui causer. On discute de son passé. De ses anciennes connaissances. Bizarrement, au milieu de tous ces marines qui le matent de traviole et l’ignorent, le fait de trouver en moi une oreille attentive –ô combien attentive, semble le combler, et il babille en permanence, tout en me demandant fréquemment des champis.

J’lui en donne jamais, j’en n’ai pas, t’façon.

Dans tout son blabla, la plupart est inintéressant. Mais, parfois, on ressort des perles, comme la fois où il est allé au resto avec Manuelo et la fille avec laquelle il était à la colle à l’époque. Toujours le cas maintenant ? Sait pas. C’est déjà une bonne piste. Un bon fil par lequel commencer à tirer pour rapidement dévider toute la bobine et mettre à bas la tapisserie.

Le bon point, c’est que j’ai pu taxer des clopes au capitaine. J’monte sur le pont pour en griller une en observant la manœuvre. Ils sont pas franchement plus sympas qu’à l’aller, les marines, mais c’est de bonne guerre.
J’ai gardé la dague, finalement. Quelque part, elle montre que des types se salissent les pognes pour que d’autres vivent tranquilles. Enfin, tranquilles dans leurs têtes, comme ils peuvent. C’est ce dont j’me persuade. De toute façon, ce genre de trucs, on peut bien en faire l’interprétation qu’on veut.

Vivement Mariejoie. Vivement la maison. Et vivement la prochaine mission.

Et à la tienne, Matthias, à la tienne.

Tu verras, les champignons hallucinogènes, c’était mieux que la myriade de petits objets rigolos qu’ils utilisent dans les sous-sols des Bureaux.


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