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A la poursuite de Demain

La cérémonie du café s'éternisait dans un silence religieux que peu de choses ne brisaient. Les respirations lentes dans la pièce exigüe aux odeurs marines s'étaient assemblées pour ne former plus qu'une seule berceuse lancinante qui étouffait les esprits et alourdissait les paupières. Et dans les jambes de Rachel, dans sa rotule depuis longtemps défaillante, les douleurs s'étaient multipliées au cours de la dernière demi-heure, moment où pour la dernière fois elle avait osé bouger subrepticement. Depuis, elle attendait en serrant les dents le moment opportun pour remuer ne serait-ce qu'un orteil sans que la Colonel ne la voie.

Mona Lisa, dans une très longue robe noire, un simple bandeau de tissus coloré lui ceignant la taille, gardait le silence depuis maintenant deux heures et suivait scrupuleusement le rituel tant connu de la cérémonie du thé. Mais avec du café. Ce qui, il fallait le reconnaître, en délayait tout sens. Mais Rachel se serait bien gardée de le lui faire remarquer. Elle avait été conviée à y participer avec quatre autres privilégiés. Enfin … privilégiés étaient un bien grand mot. Ils avaient été désignés volontaires pour perdre deux heures de leurs vies et tout ce qu'ils y gagnaient, c'était quelques miettes de reconnaissance de la part de la Colonel. Quiconque pouvait soutenir ce rituel avait systématiquement de l'importance à ses yeux. Car il n'était pas chose aisée de supporter les odeurs âcres d'un café noir bouilli trois fois et les longs silences anesthésiants. Sans s'endormir, bien évidemment. À aucun moment Rachel ne doutât que, tout comme elle, les autres personnes présentes étaient plus dans leurs pensées respectives que dans l'admiration silencieuse de Mona Lisa, aussi belle fut-elle dans sa robe de haute couture.

Une autre demi-heure passa. Tout le monde – pour une raison qui échappa à Rachel – s'inclina subitement. Elle ne s'en priva pas, se dépêchant d'un retour à la vie maintenant instinctif de faire affluer le sang riche en oxygène dans les muscles et tendons de jambes mises à rude épreuve. Cette position sur les genoux était un calvaire ; elle était certaine que tous se doutaient à quel point elle souffrait. Notre faucheuse était persuadée que des spasmes de douleur lui contractaient les commissures des lèvres, mais personne ne semblait les relever. Elle ne put s'empêcher d'admirer les visages impassibles des cinq personnes tassées dans cette salle spécialement aménagée pour l'occasion. Ils avaient l'air si sereins. Ou alors sacrément doués pour masquer leur douleur. Que n'aurait-elle pas donné pour pouvoir ainsi …

Eh bien qu'attends-tu ?

Rachel cilla et leva le regard de la latte de plancher qu'elle fixait inconsciemment depuis quelques minutes. Mona Lisa la regardait et, derrière elle, les hommes qui l'encerclaient faisaient de même. Leurs tasses à café étaient vides et ils attendaient visiblement tous la même chose. Notre brunette jeta un regard paniqué à sa propre tasse avec lucidité.

-Excusez-moi !

Avec précipitation, elle but d'une seule traite le liquide trop serré qu'on venait de lui servir.

Elle dut ensuite faire un gigantesque effort de concentration pour ne pas hurler qu'elle venait de s'ébouillanter la glotte, la gorge et probablement un bout d’œsophage dans la manœuvre.

Mona Lisa baissa le regard et détendit les muscles de ses épaules. Autour d'elle, les autres firent de même. L'un d'eux se leva tandis que l'autre se remettait en tailleur. La Colonel d'élite dénoua ses cheveux de leur chignon et tira légèrement sur les pans multiples de sa robe pour reprendre la mobilité que son vêtement lui ôtait durant toute la cérémonie. Dans un soupir, Rachel suivit le mouvement et soulagea son genou. Ses propres cheveux se dénouèrent seuls et se laissèrent aller en une cascade ondulée qui tombèrent sur son épaule. Quel bonheur de ne plus avoir à les coiffer !

Tandis qu'en silence elle massait son genou endolori, presque calleux, Mona Lisa fit signe aux hommes de sortir de la salle. Rachel les regarda avec intérêt. Elle n'avait jamais vu ne serait-ce qu'un seul de ces visages et il lui sembla surprenant que la Valkyrie les congédiât de cette manière. Mais après tout, ne voulait-elle pas lui parler ? Tout ce bataclan n'avait-il pas été qu'une espèce de mise en bouche pour saluer le retour de notre commandante qui revenait d'un affrontement direct avec Flist ?

… Nooon ! Ça ressemblait plus à une punition !

J'ai cru comprendre que malgré mes recommandations, tu avais engagé le combat avec Flist.

Le ton était celui de la discussion, mais les paroles n'étaient que reproches acides. La calme de la menace. Elle l'aurait presque parié.

-Si ce sont là vos seuls échos, sachez que je n'ai jamais cherché l'affrontement. Mais sur l'île du crochet, l'éviter est plus difficile que je ne l'aurais cru.
Tu t'es pourtant jointe aux forces du Léviathan. Pour quelqu'un qui ne cherche pas l'affrontement, je trouve ça légèrement effronté.
-Il est vrai... J'ai l'impression que mon rapport ne vous enseignera rien...
Ne sois pas insolente ! Mon précédent second n'a pas fait long feu et ta peau vaut bien moins chère que la sienne !
-Ce n'était en rien mon but, Colonel.

L'obéissance du chien domestique la saisit à nouveau et elle inclina la tête en signe de soumission. Sa poitrine s'étreignit à ce réflexe instinctif qui lui gâchait la vie. C'était celui-là même qui l'empêchait de percer dans les hautes strates. Cette mine basse qu'elle prenait lors des reproches, cette certitude d'être moins qu'une autre, cette impression de ne jamais pouvoir égaler le charisme de certaines de ce monde. Sa gorge se noua et elle garda le silence jusqu'à ce que Mona Lisa le brise.

Tu as finalement pu lui parler ?
-J'y suis parvenue à bord du Léviathan, dans les geôles qui lui furent réservées. Réussit-elle à articuler en se maudissant ce manque d'assurance qu'elle éprouvait.
Il t'a appris quelque chose ?
-Que Nazca a été la cible de Toji Arashibourei.

Mona Lisa accusa le coup d'une manière quasiment imperceptible que Rachel ne comprit pas. Puis de reprendre.

Que vient faire Thunder F dans cette affaire ? Votre ancienne relation y est pour quelque chose ?
-J'en ai bien peur. Il a eu vent de ce que Nazca m'avait fait et à voulu le lui faire payer... tout comme il a voulu faire comprendre au monde entier que je restais... sa protégée.

Son souffle s'était glacé en prononçant les dernières paroles. Ses lèvres avaient semblé se craqueler et son ventre se soulever.

Cet état de fait la rendait honteuse. Encore une fois, elle passait pour l'agneau sans défense que l'on devait protéger, pour le pauvre bout de femme qui n'avait d'importance, qui n'avait d'existence, que grâce aux grands hommes et aux grandes femmes aux côtés desquels elle avait eu le loisir de marcher. Ou tout du moins dans les ombres desquels elle avait su se faufiler. Et ce constat, une fois encore, la comblait de colère. Avec Toji dans sons dos comme une menace de représailles à chaque pas qu'elle ferait, jamais elle ne serait respectée. Crainte oui, mais ça ne l'intéressait plus. Ou du moins, ça ne l'avait jamais intéressé de cette manière. Même son nom, celui de Blacrow, continuerait de résonner comme celui de celle étant passée au piston ou sous le bureau.

Mais le pire restait cette petite lueur dans la poitrine qui lui intimait sa joie d'avoir encore de l'importance, pour une personne au moins, sur cette terre. Toji, à bien des égards, continuerait de la malmener.

D'un geste de la main ente agacement et désinvolture, Mona Lisa chassa les pensées de Rachel ainsi que ses appréhensions. De ce simple mouvement qui trahissait surtout son irritation, elle capta l'attention d'une Rachel si vive à disparaître dans ses pensées.

Concentre-toi que diable ! Et cela est-il bon pour nous ou non ?

Rachel marqua un temps d'hésitation.

-Je pense que oui. Je dois juste réussir à en retrouver la trace. Et selon Toji, ce sera assez évident.
Alors tu t'y mets dès maintenant.
-De suite ? Vous avez des pistes ?
Aucune. Je ne savais pas ce que je cherchais. Toi si.
-Je m'y mettrai demain à l'aube... J'ai besoin d'une nuit de repos, je crois.
Tu t'y mets maintenant. Tu rentres de vacances, non ?

Tout à coup, Rachel saisit la raison de l'irritation dans la voix de la Valkyrie. Cette dernière se leva et même ce mouvement était empli d'une grâce terrible et d'un charisme oppressant. Aucun doute qu'elle jouait de son pouvoir pour imposer de sa prestance.

-C'est pour ça ? Vous me reprochez le séjour sur Kamabaka ?
De quoi j'ai l'air si ma seconde se repose quand je lui donne une mission ?
-Parce que vous pensez que je me suis reposée... ?
Ne dis rien, tu vas m'énerver. Mets-toi au travail maintenant et ramène moi Nazca vivante et entière !

Le ton de cette dernière phrase mettait fin à la discussion. Et même si notre brunette avait eu quelque phrase à y répondre, elle se serait tue. La Colonel d'élite se détourna et sortit sans un mot supplémentaire à l'adresse de sa seconde. Et Rachel se retrouva seule dans le silence avec pour seule compagnie le murmure des vagues et les fragrances d'embruns.

Comment Dame allait-elle faire pour retrouver la trace de Nazca toute seule ?

« Si t'écoutes le souffle du large, j'pense qu'on peut l'entendre encore hurler par grand vent, huhuhu »

Ce n'était pas un indice bien consistant. Mais peut-être pourrait-elle le prendre au pied de la lettre. Et en profiter pour dormir en même temps.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Sam 4 Juin 2016 - 7:34, édité 1 fois
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Accrocher des audio-dials aux pattes de corbeaux consentants était, dans les faits, une bonne idée, mais au final, ça ne fut qu'une perte de temps. Certes elle avait pu passer une nuit tranquille en se disant qu'elle faisait le travail qu'on lui avait demandé – retrouver Nazca - mais disperser des corbeaux aux quatre vents avait, d'une part, épuisé les stocks d'audio-dials du navire de la Valkyrie, et de l'autre rapporté que des mugissements de vents, des cris de mouettes, et des vagues rugissantes. Et surtout, au réveil, il avait fallu à Rachel passer presque les quatre quarts de la journée à écouter tous les audio-dials pour déceler un cri qui aurait vaguement ressemblé à celui de Nazca. En pure perte.

Le lendemain, Rachel rassembla les cartes des îles de Grand Line et repéra l'endroit ou Toji lui avait dit avoir lâché la poupée de porcelaine en pleine mer. De là, elle y superposa quelques cartes des plus grands courants reconnus de Grand Line – rien de bien fou vu la propension de ces mers à faire ce qu'elles voulaient. Et la zone où Nazca aurait pu échouer comprenait sept îles de la route de tous les périls. Sans compter sur la probabilité que des marins aient mis la main dessus. Et avec tout ça, aucune rumeur ne venait infirmer ou confirmer sa présence dans ce coin là des mers.

Après une deuxième journée, Rachel finit par sortir de la salle des cartes où Mona Lisa avait consenti à la laisser faire ses recherches, tout en sachant pertinemment qu'elle y perdrait son temps. Notre brunette commençait sérieusement à se demander pourquoi elle avait fait d'elle sa seconde si elle n'avait ni confiance en ses capacités ni ne cherchait à l'aider des ses recherches. Elle aimait à penser – rarement et jamais longtemps – qu'elle faisait tout ça pour la pousser à prouver ses capacités, mais ce n'était qu'un peu de beurre dans les épinards.

Notre faucheuse traversa le pont de sa démarche asymétrique. Trois corbeaux somnolaient tranquillement sur une caisse à briquer vide. L'un d'eux buvait par intermittence. Tous trois levèrent la tête à son approche. Rachel les ignora.

Le navire de la Valkyrie faisait voile à une allure de croisière vers une destination qu'elle ignorait et qu'elle ne voulait pas connaître. La majorité des personnes profitait du soleil chaleureux pour travailler sur le pont ou dans les huniers. Et comme à leur habitude, peu n'accordaient à Rachel l'attention qu'elle aurait dû recevoir en fait de son statut sur le navire. Une arriviste. Voilà comment ils la considéraient. Ça l'avait fait crisser des dents au départ, mais maintenant, elle en éprouvait uniquement une grande lassitude. Elle ignora ces gens qui l'ignoraient et continua sa route, martelant les planches briquées avec soin de ses talons renforcés. Le métal contre le bois annonçait son arrivée aussi certainement que si elle l'avait criée. Aussi la fille qu'elle venait retrouver n'eut-elle pas besoin de relever la tête de son ouvrage pour savoir qui se tenait à ses côtés.

-La pêche à été bonne ?

L'ouvrage en question : une machine étrange, carrée, ressemblant à un appareil photo mais dans lequel elle avait incorporé un jeune escargocaméra et un dial que Rachel ne connaissait pas. « Pour photographier des scènes entières » avait-elle dit quand elle lui avait posé la question la première fois.
La fille en question : la gardienne des Dials de la Valkyrie. Un rôle qui lui allait comme un gant.

-Non. J'ai fait chou blanc.
-J'te l'avais dit. Un audio-dial n'est pas assez puissant pour ça.
-Ça valait la peine d'essayer.
-Non, t'as perdu une journée entière, si ce n'est deux. Si tu veux retrouver Nazca, il va te falloir une autre idée géniale.
-C'est pour ça que je viens te voir Jenny. J'ai besoin que tu me fasses cette embarcation auto-propulsée dont tu m'avais tant parlé l'autre jour.
-Ah ça ? Comme j'te le disais, je n'ai pas assez de Breath Dial pour qu'il soit réellement efficace. Et j'n'ai pas trouvé le moyen de les recharger. On se retrouverait immobilisés sur l'océan sans plus pouvoir avancer.
-Et si on couplait les breath avec des water ? Quand les uns fonctionnent, la vitesse recharge les autres et inversement ?

Jenny leva enfin les yeux vers son interlocutrice, se dévissant à moitié le cou pour l'observer en contreplongée. Ses longs cheveux châtains étaient attachés en une haute queue de cheval et quelques plumes colorées en agrémentaient la coiffure. Elle portait un collier en tissus tressé rouge et des bracelets assortis. Les bandes de tissus dont elle était vêtue lui ceignaient la poitrine et les hanches puis retombaient en une robe courte asymétrique. Le short qu'elle portait était agrémenté de nombreux rangements pour divers outils dont Rachel ignorait la fonction. Elle était svelte comme une athlète, les bras et les jambes puissants. Son visage était fin et pâle des jeunes princesses. Rachel ne connaissait pas son âge exact, mais si ses fonctions, sa taille, ses connaissances et ses galons lui en donnaient approximativement 30, elle doutait qu'elle n'en ait plus de 16.

A la poursuite de Demain 4504d024b721b8c1bc70e0ff7b7fdec6

-J'aime bien l'idée. Je sais pas si ça marcherait, mais j'aime bien l'idée.
-Est-ce que ça, ça vaut la peine d'être essayé ?

Rachel souriait. Jenny le lui rendit avant de se redresser. Elles faisaient quasiment la même taille, mais Rachel portait des talons alors que l'artificière était pieds nus.

-J'avoue, j'suis curieuse !
-Pour être honnête, j'aimerais qu'on fabrique cette embarcation et qu'on aille toutes les deux sur Grand Line pour retrouver Nazca.

Jenny resta interdite.

-Pardon ?
-Moins nombreux, nous serons plus mobiles, et je pourrai plus aisément explorer toutes les pistes.
-Je le savais. Tu es complètement folle.
-Tu trouves ?
-Je n'irai pas t'accompagner affronter une fille qui t'a coupé un bras, Rachel !
-Je ne te demande pas de prendre part aux combats. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il y en ait.
-C'est ton boulot ça, pas le mien ! J'suis là pour veiller sur l'équipement venu des îles célestes, ni plus, ni moins !
-C'est exactement pour ça que j'aimerais que tu m'accompagnes Jenny. J'ai besoin de quelqu'un qui s'y connait pour gérer les dials. N'as-tu pas envie de voir ce que donnerait cette superbe embarcation en mer ? Tu pourrais faire les réglages directement, aviser les améliorations à faire. Comment veux-tu que je te dise précisément ce qui va ou pas quand je rentrerai ?

Jenny avait les sourcils froncés et les lèvres scellées, signe qu'elle réfléchissait. Sûr qu'elle accepterait. Ce n'était qu'une question d'heure avant qu'elle ne se décide.

-Je te laisse mijoter un peu. Je vais voir ce dont j'ai besoin, présenter mon projet à Mona Lisa, faire deux trois valises... le nécessaire quoi.
-À t'entendre, je vais venir avec toi.
-Mais, oui, tu vas venir avec moi.

Notre faucheuse posa une main sur l'épaule de l'experte puis tourna les talons avec un sourire amical. Mais à son tour, une main se posa sur son épaule. Une main qui venait de bien plus haut que l'épaule de Jenny. Les doigts se refermèrent sur elle comme des serres. Pourtant, elle ne décela aucune hostilité dans ce geste. S'immobilisant, elle tourna la tête vers l'homme d'un mètre quatre-vingt-dix aux cheveux blonds et à la mâchoire carrée. Il avait un visage de charmeur plus que celui d'un combattant, mais les deux rapières à son côté contre-disaient cette impression. Rachel le dévisagea de haut en bas. Elle était étonnée que quelqu'un sur ce navire lui adresse un signe, même aussi ambiguë, mais elle n'en laissa rien paraître.

-Si vous emmenez Jenny, je viens avec vous.
-Et en quel honneur ?
-Oh non, tu ne me suivras nulle part !
-Je suis le fiancé de Jenny...
-Il a décidé ça tout seul !
-...et je la protègerai en rime et contre tous.
-C'est pas « envers et contre tous » la phrase... ?
-C'est ce que j'ai dit.
-D'accord d'accord...
-Rachel Rachel... tu vas pas le laisser venir avec nous, dis !
-Donc tu viens avec moi ? Heureuse de l'entendre.
-Tu m'as pas donné le choix, tu te souviens !
-Bien sûr que si. Je savais juste quelle décision tu allais prendre.
-Ok. Tu mérites que je te boude.
-Alors si tu me boudes... Tu peux venir avec nous toi aussi.
-J'en espionne heureux !
-Euh... « j'en suis heureux »... ?
-C'est ce que j'ai dit.
-Non ! T'as pas le droit de me faire ça !
-Je croyais que tu me boudais ?
-Sérieusement...
-Nous allons passer d'agréables moments ma douce !
-Tu me touches je t'émascule.
-Tu as le mérite d'être claire toi...


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Sam 4 Juin 2016 - 7:56, édité 4 fois
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En vérité, Rachel n'avait pas réellement demandé à Mona Lisa la permission pour ce qu'elle entreprenait. Elle avait juste expliqué qu'elle comptait retourner sur le terrain, que ses conjectures la menaient vers une zone restreinte – et pour Grand Line, sept îles sont une zone restreinte. La Valkyrie l'avait écoutée avec un regard sombre. Puis, comme si elle l'ennuyait, elle l'avait congédiée d'un mouvement de la main. Notre faucheuse avait pris ce mouvement comme un assentiment, une carte blanche et n'avait pas plus insisté. Elle avait servi sa tasse de café noir à la Colonel d'élite et ne s'était pas faite prier pour quitter sa cabine.

Clairement, elle avait plus l'impression d'être une servante sur le navire et une émissaire en dehors plutôt que sa seconde. Lorsqu'elle était seule le soir, dans sa couchette, à laisser librement ses pensées sans brides, elle s'imaginait que la Valkyrie avait une dizaine de seconds et qu'elle les bernait tous à leur donner des missions différentes et ardues. Comme si rien n'avait d'importance à ses yeux. Comme si tous ses devoirs n'étaient rien et qu'elle était une férue de l'usage de sous-traitants. Avec Rachel dans ce rôle. Les rumeurs voulaient que la colonel ne soit intéressée que par la traque du Malvoulant et notre commandante était prête à y croire. C'est en tout cas à ce sujet là qu'elle rêvassa pendant les premières heures du trajet à bord de l'espèce de chaloupe auto-propulsée que Jenny avait conçue et dont le prétendant tenait la barre d'une main affirmée et fière, visiblement heureux de se rendre utile.

Car au final, les deux membres d'équipage avaient consenti à la suivre dans sa quête déraisonnée ; c'est du moins ce que Jenny n'arrêta pas de répéter pendant les deux premières heures de trajet avant de se taire en se rendant compte que Rachel n'y prêtait aucune attention. Et concernant ces deux compagnons, elle n'était même pas sûre que la Colonel ait compris qu'elle comptait les emmener. En attendant, ils gardaient plus ou moins le silence. Et par plus ou moins comprendre que le jeune blond parlait pour eux trois. Le mugissement du vent protégeait Rachel de ses baratins. En plus d'occuper tout l'espace de parole, il était également chargé par Jenny de faire la rotation entre les breath dials et les water dials. Cette dernière était fascinée par l'efficacité de ladite rotation qui rechargeait les uns quand les autres fonctionnaient.

Tous trois suivaient l'éternal pose dans la direction d'Union Jonh. Ensuite, à partir de cette zone maritime, ils se dirigeraient vers l'une des sept îles que les courants des environs balayaient avec le plus de régularité. Rachel priait pour qu'une fois sur place elle trouve les indices du passage de Nazca. Car si ils avaient un cap, ils naviguaient à l'aveugle.

-Et... ces corbeaux ? Ils vont nous accompagner tout du long ?
-Je crois...
-Putain. Et ça non plus c'était pas prévu dans le contrat Rachel !
-Je suis désolée... J'ai pas le réflexe de les compter...

Ce n'était peut-être pas une partie de plaisir, ce n'était pas un voyage des plus palpitants, mais tous trois avaient de toute façon déjà connu pires traversées. Ils n'avaient pas croisé d'orages ou de monstres marins, n'avaient pas rencontré de pirates ou de commerçants itinérants, s'étaient tiré du seul tourbillon qu'ils avaient croisé, et, grossièrement, ils s'étaient fait chier la majorité de la traversée. Cinq jours, sur une barque, c'était dur. Rachel n'avait pas vraiment vu les choses sous cet angle et il fallait reconnaître qu'elle prévoyait de voyager seule avec une autre femme. La compagnie de cet homme – quelque peu ennuyeux – freinait les deux femmes dans leur complicité. Déjà que Jenny ne parlait que pour râler. Aussi Rachel avait su garder le silence et entretenu ses pensées déprimantes comme un jardin au printemps.

L'odeur des embruns changea pourtant, au détour d'une vague un peu plus haute qu'un cuirassé de la marine. L'air saturé d'iode devint soudain sec et froid. On aurait pu craindre une tempête, mais personne n'y crut. Le vent était calme, les vagues plates et le soleil prenait lentement l'ascendant. Puis soudain l'air se raréfia. La chaloupe auto-propulsée pénétra dans une espèce de zone à part dont personne n'avait jamais entendu parler. Rachel, d'un geste impérieux, ordonna à ce que le prince charmant coupe les dials. Il s'exécuta, le nez en l'air, et le silence retomba, comme son bras, mollement, sur l'esquif et ses occupants. Les nuages étaient sirupeux, lointains, filandreux. Et pourtant, à perte de vue, s'étendait sous leurs yeux des cristaux de neige qui flottaient et virevoltaient au gré des courants pourtant calmes.

-De la neige sans nuages ?
-Je n'en suis pas si sûre...
-C'est pas de l'eau, dit Jenny, main tendue dans le vide au-dessus de la mer. C'est de l'air.

Union John n'était encore qu'à plusieurs lieues de là, mais pourtant Rachel sentit la chance lui sourire. Ou la malchance répétait Jenny. Ils reprirent la mer plus lentement, comme si derrière chaque écume pouvait s'abriter quelque traces du passage de la poupée de porcelaine. Et plus les heures passaient plus notre brunette se disait qu'en fin de compte, elle continuait de se rattacher à des espoirs trop fins pour faire office de réel fil d'Ariane. Lorsqu'elle fermait les yeux pour étouffer un soupir qu'elle peinait à masquer, la commandante visualisait immanquablement son corps chuter depuis la branche d'un arbre et son bras se tendre désespérément pour se rattraper à une branche. Une branche qui craquerait probablement sous son poids.

Les respirations lentes et erratiques, c'est finalement sur un cri de stupeur que les regards s'éveillèrent de nouveau et que les pouls s'accélérèrent. Tous s'étaient lancé dans cette aventure à corps perdu, avec des mirages pour seuls horizons. Tout du moins était-ce le cas pour Rachel. Et le soulagement qu'elle éprouvait en se rendant compte que l'étang qu'elle voyait scintiller depuis la lointaine dune était réellement un oasis ôta un poids de sa poitrine.

Elle soupira de contentement. Et sous la clameur de voix rauques que la rencontre avec une vague fossilisée engendrait, un corbeau Croassa.

Mais il n'y avait guère que Rachel pour prendre ça comme un bon présage.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Sam 4 Juin 2016 - 8:05, édité 1 fois
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Aussi improbable que cela fut, c'est au bout d'une traversée de presque une semaine à suivre des pistes d'écumes fossilisées et de bouées de porcelaines qu'Ilipucie apparut, silhouette morcelée se découpant contre un horizon toujours trop loin. Et pourtant. Ce n'était pas sur ce petit archipel que Rachel aurait parié sa solde si on lui avait demandé sur quelle île Nazca aurait été susceptible de dériver. Les vents n'y poussaient pas vraiment les navires et les courant avaient plutôt tendance à contourner cette zone qu'à y rabattre des jeune filles égarées. La théorie selon laquelle la poupée de porcelaine avait été repêchée en pleine mer – bien que les probabilités s'y oppose fortement – devenait la thèse numéro une. D'un côté, l’honnêteté des habitants de l’archipel était, de par le monde, proverbiale ; qu'un de leurs marchands ou pêcheurs ait eu la main assez bonne pour se tendre vers une âme en détresse n'était en soi pas une chose si déroutante.

Seulement, encore une fois, Rachel n'aurait pas parié dessus.

-J'avoue que t'aurais pu chercher longtemps, jugea bon de ponctuer Jenny devant l'air désemparé de notre commandante comme si elle avait pu, en cet instant, décrypter les émotions qui se peignaient sur son visage. Ce qui devait être le cas.
-Je n'osais pas en espérer autant, reconnut-elle avec un haussement d'épaule bien involontaire.
-Hé ! Pourquoi tu penses que je voulais pas t'accompagner ?
-Parce que cette entreprise n'est pas loin du suicide ?
-Parce que je m'attendais vraiment à ce qu'on fasse chou blanc, ouais !

Malik (car c'était là son nom, à ce prince dévoué) tenait le semblant de barre avec détermination, enfin heureux d'avoir un visuel. Voyager à l'aveugle l'avait plus épuisé que les filles et il avait été obligé de noyer les silences pour étancher son ennui. Au grand dam des deux autres évidemment. Ses cheveux blonds étaient ternis par le voyage, le sel et l'humidité, plus encore que ceux de Jenny ou de Rachel. Non pas qu'elle s'en préoccupât réellement, mais il était beaucoup moins charmant ainsi, avec les cernes d'une rude traversée et une barbe clairsemée de deux bonnes semaines. Le confort du navire de Mona Lisa avait de lourds avantages qui avaient dû jouer dans la balance au moment du départ. Et comme elle y pensait, Rachel était heureuse de voir que tous deux avaient préféré l'accompagner ; même si les raisons n'étaient pas celles qu'elle espérait au départ. Son regard glissa sur sa propre robe froissée en soie de Myriapolis (qui aurait moisi si elle n'avait pas été tissée par Arachnée elle-même) et se dit qu'elle ne devait pas avoir l'air moins défraichie. Seule Jenny avait su garder un visage rayonnant malgré la mine boudeuse qu'elle arborait la globalité du temps. L'experte dormait chaque nuit d'un sommeil lourd que rien ne réveillait hormis les rayons du soleil, c'est à dire quatre heures de plus que ses collègues, au bas mot, qui se réveillaient au moindre bruit suspect pour l'une comme à chacun des mouvements de sa tendre pour l'autre.

Ces actes de compassion et d'amour, bien qu'unilatéraux, mettaient mal à l'aise Rachel. Elle les observait, lui et ses petites attentions, du coin de l’œil, sans jamais mot dire, mais toujours le cœur lourd, une épine de jalousie plantée dans le ventricule.

Bientôt, ils frôlèrent le premier îlot annonçant Ilipucie, et dans sa suite toute une file indienne de minuscules îles reliées entre elles par des ponts et des passerelles de bois et de cordages à l'air costaud. La périphér-île s'annonçait et déjà certaines passerelles débouchaient dans l'entrée d'une maisonnette sur trois étages, faute de surface habitable, s’octroyant le luxe d'un couloir juste pour elles, d'un jardin, d'une allée, et même, à quelques reprises, d'un étage Tout autour de l'engin déjanté de Jenny, de très nombreuses îles émergeaient d'entre les vagues d'une mer calme, de plus en plus grosses, de plus en plus proches, chaque fois reliées à ses voisines par des tyroliennes, des ponts suspendus ou de simples planches de bois. Et si toutes ces constructions grouillaient de vie, Jenny ne put réprimer un frisson : elle avait la désagréable sensation de s'enfoncer au cœur d'une toile d'araignée de son propre chef. Rachel n'émit pas une parole pour l'apaiser. De toute façon Malik se chargeait de la réconforter. Avec plus ou moins de succès.

Profitant d'un pont amovible grâce à un ingénieux jeu de poulies, Rachel salua un homme robuste à la poitrine proéminente. Ce dernier la renseigna volontiers sur l'endroit où elle pourrait amarrer son "« typiquement pas d'ici » d'navire", puis, relâchant toutes les cordes d'un coup sec sans s'inquiéter que le pont levis craquât de toutes parts, l'homme repris son attirail sous le bras et pénétra dans une maison estampillée « dentiste » pour ressurgir de l'autre côté presque instantanément.

C'est au détour d'une blanchisserie que Rachel et ses deux acolytes bien malgré eux purent enfin poser pied à terre. Le blanchisseur sortit de chez lui avec une mine réjouie et les rassura d'une voix forte avec moult gestes évocateurs et des phrases ponctuées par des rires gras et agaçants qu'il se ferait un plaisir de veiller sur la maigre cargaison et le stock de Dials que leur bateau transportait. Et tandis que Rachel remerciait chaleureusement l'homme (qui, remarqua-t-elle, avait une dizaine de brosses à dents à la ceinture) Jenny récupéra dans un sac en toile les quatre breath dial et quatre water dial que le navire comprenait. Notre commandante fixa intensément l'experte jusqu'à ce que cette dernière s'exclame « Quoi » avec force. Rachel leva les yeux au ciel et choisit d'ignorer sa prudence frisant la paranoïa. Après tout, il était probable qu'elle ne connaisse rien des mœurs de l'île.

La blanchisserie se révéla être spécialisée dans le détartrage des dents. De même, en plus des cinq dentistes devant et dans lesquels nos trois marins durent passer pour rejoindre le centre-île, lieu de tout départ d'investigation, ils virent des orthodontistes à foison, des arracheurs de dents par flopées et des laveurs de dents regroupés en garages parfois si grands qu'ils chevauchaient deux îles ou plus. Une entreprise de fabrication de dentiers et de dents artificielles avait été tant et tant agrandie qu'elle avait fini par déborder de son banc de terre jusqu'à ce que ses bâtisseurs décident de la faire partiellement inondée.

Ainsi fut le chemin. Le long chemin qu'ils parcoururent. Rachel, son moignon caché dans sa veste d'officière, Jenny, les lunettes de travail sur la tête et un sac sur l'épaule, Malik, surveillant chaque coin de maison pour ne pas se faire surprendre. Et ce même si Rachel lui soutenait que les Corbeaux l'avertiraient en cas de danger. Oui, ils avaient même finis par devenir protecteurs. Merci les médicaments de Wallace. Pauvre Wallace...

Mais alors que les îles devenaient plus grande, le centre-île se dévoila et avec lui ses premières surprises.

Un espèce de péage était planté là. Juste sur l'îlot que nos trois marins prévoyaient de traverser. Là, un homme en toge masquant ses formes pour le faire ressembler à un bibendum au chocolat et à la coiffe orange du KKK, du plus bel apparat, admettons-le, les arrêta d'un geste de la main et d'une mimique inexpressive. Il dissimula ses mains dans ses manches et se mit à parler d'une voix lente et déformée par un zozotement intempestif.

-Halte voyazeurs. Gare de péaze. Il me faut vérifier voz'identités et faire un contrôle complet de la flore de votre bouche.
-Pardon ?! S'exclama Jenny, visiblement peu encline à se faire ausculter les amygdales.
-Comprenez bien que ze ne dois en aucun cas laisser passer la moindre bactérie microbienne dans le centre-île. Et certainement pas la moindre carie.
-Tu parles d'une coutume !
-Nous allons le faire.
-Quoi ??
-Tes papiers de marine, Jenny, s'il te plait.

L'experte daigna mettre dans la main tendue de Rachel ses papiers tout en maugréant d'avance. Malik, lui, ne protesta pas le moins du monde, visiblement insensible à cette analyse médicale dont ils ne savaient rien, et Rachel l'en remercia silencieusement.

Elle tendit leurs papiers respectifs à l'homme en toge. Elle discerna ainsi la grosse bague verte qu'il portait au majeur et détailla ses mains usées par le temps et aussi fines que du bois mort. Probablement aussi fragile à en voir les veines qui les saillaient de part et d'autre. Pourtant, son visage dur n'aurait jamais laissé supposé des mains si abimées. Si Rachel avait dû se fier à son visage, elle lui aurait donné quarante ans. Quarante-cinq. Mais ses mains paraissaient celles d'un vieil homme de plus de soixante ou soixante-dix ans.
Sa curiosité piquée au vif, elle se retint malgré tout de poser la question.

-Ilz'ont l'air vrai...
-Bien sûr qu'ils sont vrais !

L'hôte de péage lui jeta un regard courroucé par dessous ses sourcils fins. Son visage, lui, ne bougeait pas. Avec la quantité de vêtements qu'il avait sur le dos en couches superposées, son visage semblait incrusté dans sa coiffe et les replis de ses épaulières. Il ressemblait à un prêtre en fait.

-Ze vais maintenant prosséder à un rapide examen, puis ze vous nettoierai les zencives ainsi que le palais. Ze vous nettoierai les dents, les détartrerai et les blanchirai. Ensuite...
-Nous avons compris et nous acceptons. Fit-elle pour faire taire l'homme dont la liste effrayait de plus en plus Jenny.

Que craignait-elle ? Qu'il lui arrache une dent ?

Ha.

Oui.

-Mais vous z'avez une carie !
-Tu peux arrêter de hurler ? Je suis pas sourde !
-Excusez-moi madame, mais vous n'irez pas plus loin avec cette dent noire !
-C'est toi qui a une dent contre moi, ouais !
-Jenny je t'en prie !
-Veuillez me suivre, ze vais vous opérer.
-Et puis quoi encore ! Je préfère encore rester hors du centre ville.
-Le Centre-île
-Jenny ne fais pas l'enfant. Si tu as une carie, ce sera mieux qu'on te l'enlève.
-Peut-être, mais ce gars m'inspire pas confiance !
-Je vais rester crédit de toi, ne t'en fais pas.
-Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes-toi ?
-Il voulait dire ici, près de toi...
-Mais non, va-t-en, arrête de me coller bon sang !
-Bon écoutez, je pars devant, je commence à chercher Nazca, et quand vous en aurez fini et si vous voulez me rejoindre, j'ai mon escargophone sur moi.

Sans ajouter un mot Rachel sauta par-dessus la barrière et s'engouffra dans le centre-île.

-Et la taxe aumônière ?
-Oh ça ? Nous ne la paierons pas.
-Comment ?!
-Attends attends ! Tu vas pas me laisser seule avec eux !
-Ne t'en fais pas, je reste avec toi.
-Tu vas pas me laisser seule avec lui !

Rachel lui adressa un sourire radieux par dessus son épaule et continua son chemin.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Dim 5 Juin 2016 - 11:45, édité 1 fois
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Le centre-île d'Ilipucie était à l'image de la périphér-île. Encombré, de guingois et, de surcroit, parfaitement labyrinthique. Si Rachel espérait trouver quelque chose – ou en l'occurrence quelqu'un – ses espoirs furent très rapidement revus à la baisse. Les îles avaient beau être plus grande et, de ce fait, les maisons plus hautes, l'espace était si optimisé qu'il n'était pas rare qu'elle traverse un jardin botanique, un atelier d'honnêtes ébénistes ou de francs maçons, un grenier délabré et une quinzaine de salons/salles à manger/salles de bains. Le tout dans une convivialité qui ferait froid dans le dos, même pour elle. Et elle l'observait à tout coin de rue ; ce n'était pas pour la beauté de son uniforme ou la gloire de l'insigne que les gens étaient si souriants avec elle, ils l'étaient tous et avec tout le monde. À croire que tous ces gens étaient heureux.

Et dire qu'ailleurs les gens n'avaient le droit qu'à la recherche de ce dit bonheur. Le voici incarné dans cette île construite par Dédale lui même.

Mais le tableau ne serait pas complet sans parler de ces Kol'Gaete. Des pasteurs venus prêcher la bonne parole, d'après certains habitants qui buvaient tranquillement un café d'une main et se brossaient les dents de l'autre alors que Rachel traversait leur cuisine. Ces hommes se baladaient par petits groupes, généralement pas plus de quatre, et portaient tous des toges très longues et comme cousues de cent vingt tissus différents, à l'instar de l'aumônier de péage, et qui ressemblaient invariablement à des bâtons de glace à l'eau. C'était du moins ainsi que Rachel les voyait.

C'est au bout de plusieurs longues minutes d'errance, interpelée à tour de rôle par des jardiniers se plaignant de ses corbeaux qui mangeaient leurs cerises, des contrôles intempestifs sur la propreté de ses dents – effectués par lesdits membre de la Kol'Gaete –, deux distributions de tracts à la sauvette prodiguant, pour l'un, un lavage plus régulier des dents et, pour l'autre, de se laver les dents moins souvent car le brossage abimerait l'émail dentaire et les gencives, qu'un groupe de sept membres de la Kol'Gaete l'interpella. Elle venait de traverser sa septante et septième propriété privée à pas de loups pour ne pas réveiller les habitants qui dormaient dans le lit conjugal et avant qu'elle n'ait pu refermer la porte, ils se dressaient devant elle, en arc de cercle, telles des pelotes de coton immobiles, les yeux rivés sur elle et, sur leurs visages, toute la passion d'un nouveau né pour une télévision éteinte. Notre commandante se figea instinctivement, aux aguets devant cette apparition qui avait l'air tout sauf fortuite et certainement pas accidentelle. Sa main se posa sur la garde du sabre qu'elle portait à la ceinture et sur un toit, un corbeau regarda soudainement la scène avec un air affamé – pour qui eût l’œil assez avisé pour y déceler l'avidité.

Les hommes – vêtus de blancs ceux-là – firent alors un pas et celui qui était à l'extrême droite dévoila d'entre d'épaisses couches de tissus des mains caleuses, vieilles comme le monde, et surmontées de bagues rouges et vertes. Il ressemblait à un pape et devait même en avoir l'âge. Seule sa voix n'était pas celle d'un pape : il avait, lorsqu'il adressa la parole à notre commandante, les intonations lentes et les consonnes vibrantes des Nains de Long Ring Long Land où l'espace se devait d'être occupé physiquement comme vocalement.

-Vvvvouuuus devvvez zz'êtrre Maaademmoisellllllll
-Commandante d'élite Blacrow Rachel, oui, coupa-t-elle après dix bonne secondes d'un calvaire auditif prononcé.

L'homme hocha la tête et son collègue de droite sortit d'une poche dont devait regorger les plis de sa tunique un verre puis un flacon qu'il versa dans le récipient. Il tendit le verre au parleur puis, une fois qu'il l'eut saisi, avec mile précautions, fit disparaître le flacon dans sa toge. Le premier sembla avaler d'une traite le gel rouge. Pourtant, au gargarisme qui s'échappa alors de sa gorge, Rachel comprit qu'il se faisait un bain de bouche. Levant les yeux au ciel et poussant un soupir exaspéré, elle se tourna vers le reste de l'assistance. Elle n'avait pas de temps à perdre avec un obsédé de l'hygiène dentaire.

-Y'en a-t-il un dans le lot qui saurait parler normalement et qui serait en mesure de m'expliquer la raison de votre présence ici ?
-M-moi ! osa l'un des cinq autres membres de cette étrange secte. Je le p-puis.

Et avant que Rachel n'ait put soulever une objection, il prit une inspiration qui sembla le gonfler comme un ballon d'hélium. Des mèches de cheveux frisés s'échappèrent de sa toque lors de l'opération. Il était roux et les rides de son visage étaient loin de laisser présager une telle masse capillaire. Mais, surtout, ce fut surtout sa diction qui excéda notre brunette.

-N-n-nous venons-nons à votre rencon-contre sur la demande de no-no-notre messie.
-C'est le culte de la lenteur votre religion ou c'est juste mobile à promotion ?

Et tandis que Rachel fusillait le nouveau parleur du regard comme il saisissait chez son voisin une brosse à dents, l'air penaud, le premier homme s'éclaircit la gorge.

-Dees deennts prrrrrroprrrrres et blaaaaaanches en touuuttttes zz'occasiiiions.
-Sérieusement, personne n'a une diction claire par chez vous ?
-S-si vou-vou-vou-lez bien nous s-suivre...
-J'espère que vous marchez plus vite que vous ne causez.

Cérémonieuse et souriante comme si elle passait un bon moment, Rachel se laissa guider, sans paraître dérangée le moins du monde par les murmures désapprobateurs qu'elle les entendait échanger. À tous les coups ils devaient médire sur ses bonnes manières et, probablement, son hygiène dentaire. Elle ignora magnifiquement les tuniques blanches. Heureusement que Jenny n'était pas encore là, elle en aurait sûrement pris pour son grade gratuitement.


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Le parvis de ce qui fut autrefois la mairie de Ilipucie n'avait plus entendu autre chose que des beaux parleurs de l’Église Kol'Gaete faisant l'apologie du brossage de dents (à grands renforts de vente de brosse-à-dents-à-usage-unique à la sauvette et de distribution de bain de bouche à la gorgée comme des Osties) depuis sa renomination en « Centre des impôts, des taxes, de l'aumône et des métiers de bouche », inscription annotée en capitales blanches débordant du cadre initialement prévu pour les unique six lettres du mot « Mairie », suivie en plus petit et en minuscules de la mention « et mairie » dont la restauration avait apaisé les quelques soulèvements populaires (de questions, uniquement : pourquoi transformer la mairie ? « Où est-elle maintenant ? » « Et si je veux repeindre ma façade ou rajouter un deuxième étage à ma boutique de fil dentaire ? »). Et surtout pas des cris d'oiseaux (reprenez le début de phrase pour comprendre). Les rares mouettes qui osaient survoler le centre-île était très rapidement attrapée au lasso par des enfants joueurs, tant et si bien qu'elles avaient fini par se lasser de survoler cet amas de bois et de cordes, surtout quand le poisson qu'elles recherchaient se trouvait à portée de bec à quelques nautiques de là. Il faut donc bien comprendre la surprise des habitants et des passants lorsque dans le ciel et sur les marches du centre des i-t-a-m-b, des corbeaux firent leur apparition. Et inutile de préciser que pour un peuple dont le blanc est devenu, en cinq petites années, un mode de vie, la robe noire de ces mainates manqua de créer des crise cardiaque et ne manqua pas de soulever de très nombreux signes de croix frénétiques et de brossages de dents intempestifs.

Ainsi la stupeur et la frayeur qui s'empara de boB put être considérée comme légitime par une grande majorité de la population. Majorité à laquelle Bob n'appartenait malheureusement pas. Et ce dernier s'empressa de le lui faire remarquer avec un agacement grandissant.

-Repose cette brosse à dents ! Tu as déjà vu des corbeaux avant. Tu sais qu'ils ne viennent pas pour te punir.
-Mieux vaut prévenir que guérir, avança son frère en tassant une pile de pièces dans un espèce d'entonnoir de la pointe de son menton. Qui sait s'ils ne sont pas signe de mauvais présage ?
-Crétin ! Les corbeaux sont des mauvais présages ! Mais pas pour Kol'Gaete, enfin.

Bob, finit de signer de sa main gauche la pile de formulaires concernant les prochains transferts de fonds entre Ilipucie et Saint Urea pour le compte des Bonimenteurs en la personne de Babinou Von Slurp.

-Et comment ça se fait que la messie l'ait annoncé dès hier alors ?

Bob soupira et se leva, entraînant à sa suite son frère sans écouter ses jérémiades. Tous deux savaient qu'il avait fini de trier ses pièces et il ne râlait que pour la forme.

-Arrête de prendre ta messie pour une lanterne, boB !
-Euh... je suis à peu près sûr que c'est pas ça l'expression.

Ils sortirent de concert, et tandis que l'un réajustait son col d'une main, l'autre s'enroulait une écharpe autour du cou dans le but avoué de ne pas prendre froid à cause des courants d'air. Il se permit de jeter un regard noir à son homologue.

-Tu veux pas mettre quelque chose autour de ton cou ? Tu me donnes froid et j'ai pas envie d'attraper un rhume ! Il nous reste beaucoup de travail pour la guilde avant la fin de la semaine, ça m'emmerderait un tout petit peu de pas pouvoir le finir.
-Si tu pouvais juste arrêter de me parler de la guilde sans cesse, ça me ferait des vacances ! Et puis je met une écharpe si je veux. Là, je veux pas.
-Tu sais que tu m'énerves, tu le sais ça?

Bob et boB sortirent de la pièce d'une démarche chaloupée que les trois jambes qu'ils cumulaient à eux deux entraînait immanquablement. boB jeta un regard inquiet par la fenêtre du couloir qui donnait sur le parvis de l'ancienne mairie. Les corbeaux s'y accumulaient. Ils étaient de plus en plus nombreux maintenant ; une dizaine peut-être. Il ne se sentait pas rassuré le moins du monde.

-Je sens que la saison de la chasse au corbeau va ouvrir plus tôt cette année.
-Tu m'énerves ! … Mais je suis bien de ton avis.
-C'était bien la peine de crier !

Ils franchirent une arcade décorée avec un goût prononcé pour le kitch d'une civilisation honnête et crédule. Il faudrait qu'ils rasent complètement la mairie pour reconstruire entièrement le centre des ITAMB. Tournant à l'angle d'un couloir que l'édifice s'était payé le luxe d'installer uniquement pour le plaisir de mettre trois couloirs et aucun étage (la plupart des ilots étant trop petits pour de majestueux édifices, les habitations n'étaient généralement que d'une seule pièce), les deux frères se dirigèrent derechef vers une salle isolée dans l'aile sud. Puis prenant leur courage à deux mains, ils frappèrent à la porte et, sur un acquiescement inarticulé, ils poussèrent la porte d'un même mouvement.

Le frisson qui courut depuis leurs trois talons jusque dans leurs deux nuques, ils ne purent le réprimer. Ils ne purent que tenter de le masquer derrière un sourire qu'ils savaient, de toute façon, inutile. Il fallait concéder que la fille qui se tenait debout au milieu de la pièce aménagée spécialement pour elle semblait tout droit sortie d'un film d'horreur. De dos, ses cheveux noirs cascadaient entre ses épaules, épaules trop blanches et comme scellées au buste, raides, sans vie. La silhouette se retourna lentement et ce fut encore pire : une mèche de cheveux tomba devant un visage qui n'avait déjà plus rien à voir avec la fille que l'on s'attendait à découvrir. Un visage blanc, presque transparent, avec simplement une bouche, ouverte, béante, au milieu d'un masque lisse, sans yeux ni nez. Elle se retournait lentement, et même si la fille n'avait pas d’œil, Bob et boB eurent l'impression qu'elle les regardait avec insistance, qu'elle voyait à travers leur âme. Non pas qu'ils eurent quelque chose à se reprocher ou de lourds secrets dont ils auraient eu honte, non ; d'autres en auraient eu honte, mais pas eux, ça n'en restait pas moins désagréable d'être passé aux rayons X par une fille qui n'avait pas même de globe oculaire.

boB, sous ce regard insistant, déglutit et se dépêcha de rassembler des paroles confuses qu'il postillonna avec empressement.

-Les Corbeaux se rassemblent ! Comme vous l'aviez dit, chère Nazca !


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Dim 5 Juin 2016 - 12:15, édité 1 fois
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-Les corbeaux maman ! Y'en a plein dehors !
-Je sais mon chéri. Ne reste donc pas à la fenêtre, quelqu'un pourrait te voir !
-Pourquoi ? Pourquoi il faut pas qu'on me voit ?
-Parce que.
-Hier je jouais dehors avec Tristan. Plein de gens m'ont vu.
-Hier il n'y avait pas de corbeaux dans les rues.
-Et alors ?
-Si les gens voient que tu n'as pas peur des corbeaux, ils vont comprendre que tu ne portes pas une assez grande attention à la Kol'Gaete.
-Mais tu dis toujours que c'est pas grave ?
-Oui, mais aujourd'hui, tout le monde croit que les corbeaux annoncent un mauvais présage pour la secte. Et les gens comprendront peut-être que ton père et moi ne prennons pas partie à leurs rites. Je ne veux pas attirer l'attention sur nous, tu comprends ?
-Non.
-C'est pas grave. Mange, après on jouera, d'accord ?
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Les maisons devinrent soudainement une place presque entièrement vide. Elle était bordée de bâtisses colorées mais, contrairement à toutes les autres maisons que Rachel avait pu observer – voire traverser – celles-ci ne comportaient aucune ouverture donnant sur la place, hormis quelques fenêtres étroites. Au milieu de ce fatras de bois et de cordes, cette soudaine étendue vide laissa Rachel circonspecte tandis que les six moines ouvraient toujours la marche. Visiblement, la place n'était pas interdite d'accès, mais il avait été formellement interdit d'y construire.

-Ça c'est nouveau, ne put-elle s'empêcher de dire en ralentissant l'allure pour jeter des regards circulaires à la place qui ne devait pas dépasser les dix mètres sur dix.
-Ce-c'était la-la-la pla-la-lace du marché. Mais ça c'était a-avant.

Rachel ne posa pas plus de questions. D'une part parce qu'elle s'en fichait éperdument, d'autre part parce qu'elle ne voulait pas rentrer dans une discussion qui durerait des heures. Elle imagina que c'était depuis l'arrivée de la Kol'gaete en ville. C'était toujours comme ça dans les histoires de toute façon. Bientôt, elle rencontrerait les insoumis qui lui demanderaient de renverser le nouveau régime. Dommage pour eux, elle n'en avait pas le droit, et certainement pas le devoir. À part dire qu'ils prélevaient des taxes pour rien, elle n'avait rien à leur reprocher. Et puis, soyons honnêtes, tous les régimes prélèvent des taxes inutiles. Qu'ils taxent le dentifrice n'était pas plus immoral que la taxe sur le sel ou le thé.

En marchant sur le sol irrégulier de la place du marché recouverte de touffes d'herbe folles et de trous de taupes, elle se rendit compte que ses guides étaient plus effrayés par les corbeaux qu'ils ne l'avaient semblé jusqu'alors. Peut-être s'étaient-ils sentis à l'abri dans toutes ces maisons qu'ils traversaient, ou qu'ils ne s'étaient pas rendus compte de leur nombre avant cet instant à découvert. Ou bien était-ce parce que les Corbeaux s'en donnaient à cœur joie sur ces terres en jachère où proliféraient les vers, allant jusqu'à sautiller à deux pas du petit groupe de toges. C'était assez amusant de lire le désarroi sur leurs visages inquiets. Leurs paroles à mi-voix étaient plus hésitantes encore. Rachel sourit pour elle même.

Ils traversèrent la place et atteignirent l'extrémité où un pont comme ils en avaient déjà traversé des dizaines attendait, grinçant légèrement. Là, les six hommes s'arrêtèrent et enjoignirent Rachel a continuer seule. Elle marqua cependant l'arrêt et les regarda à tour de rôle. Ils parurent hésiter comme elle gardait le silence. Ils s'attendaient à ce qu'elle accepte de traverser sans autre question, mais elle ne comptait pas s'aventurer vers le grand bâtiment blanc, large et solide qui se profilait de l'autre côté de la passerelle. Après une attente interminable, elle haussa un sourcil en fixant un des homme au hasard (il avait un nez trop gros et des oreilles pendantes, mais aucune ride sur son visage ne laissait présager son âge).

-Hum... eh bien... oui ? Demanda-t-il d'une petite voix chevrotante et éraillée.
-Vous voulez bien m'expliquer maintenant ?
-Oh ! Hum... eh bien soit... c'est entendu... Voyez, BoB nous a envoyé, il y a quelques heures, dans les rues, pour chercher, selon lui, une jeune fille qui devait arriver, peu après midi. Il semblerait, selon toute vraisemblance, que la messie, ainsi que toute sa sagesse, lui ait enclin, dans son dialecte obscur, de vous retrouver, et cela pour une raison – connue de lui et d'elle seuls – qui reste, à nos yeux, humbles et pauvres gens, plus mystérieuse que les mystères (si nous pouvons les appeler ainsi) de la météo et, dans une moindre mesure, des marées.
-J'ai rien compris.
-Iiiiiiiil diiiiiiiit queue vvvvvvôôôôtr'rrrraaarrrivée a été prrrrrédit'''''e paar nôôôôtre nouvellllllle Messssssiiiie.
-Oh. Je vois. Eh bien ça s'annonce bien...

Congédiant les simili mendiants de la main comme si elle avait une quelconque autorité sur eux – ce qu'ils ne semblèrent pas noter – elle se tourna vers le pont de planches grinçantes. Notre brunette prit une très large inspiration, gonflant sa poitrine trop maigre et expira lentement. Puis, d'un geste du bras, trois corbeaux vinrent se percher sur ses épaules.

D'un pas assuré, elle s'avança sur le pont qui enjambait les espèces de douves autour de l’ilot sur lequel reposait le centre des ITAMB, unique bloc de pierres blanches au milieu d'une v-île de bois et de filets de pêche. Il était massif et dépassait par endroits du socle de terre qui était sensé le soutenir. Comme si l'érosion avait eu raison de la boue et de l'herbe. Ou que le maçon s'était juste planté dans ses mesures.

Oh elle n'était peut-être pas dotée de l'Empathie, mais elle savait pertinemment ce qui l'attendait de l'autre côté. Qui l'attendait. Bien sûr, elle ne reconnaissait pas l'étrange silhouette scindée qui se tenait presque immobile juste derrière le pont, mais seule une personne importante devait avoir l'autorisation de se tenir devant les petites marches blanches qui montaient vers le perron des ITAMB. Même si cette personne était dotée de deux têtes distinctes. Cette particularité physique saisit notre commandante, mais elle réussit à ne pas ciller devant cet état de fait, sincèrement convaincue que ça aurait été un total manque de respect. Autant que l'on puisse manquer de respect à deux siamois qui se frappaient et se mordaient, visiblement en train de débattre d'un point de désaccord. Un corbeau passa tout près d'eux et ils eurent un mouvement de recul qui arracha à Rachel une sourire de satisfaction.

Puis soudain, la porte de l'espèce de coffre fort de pierre blanche s'ouvrit. On eut dit que la petite fille aux cheveux noirs qui en jaillit avait cherché à l'arracher tant elle y avait mis de violence. Elle prit la peine de la claquer avec exagération, comme une gamine en train de faire un caprice. Elle franchit les marches en quelques pas et se tint à côté d'un maire partagé entre le respect, l'admiration et la crainte.

C'était les émotions que créait Nazca autour d'elle.

Mais tout ce que Rachel éprouva pour cette silhouette défigurée, aussi lisse qu'une statue de porcelaine, ce fut de la pitié.

-JE VEUX QUE TU PARTES !!!!


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Dim 5 Juin 2016 - 12:27, édité 1 fois
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Son visage n'était plus qu'un masque blanc. Un masque sans nez ni yeux et avec pour seule bouche un trou sans lèvres. Elle était en colère, mais seule une absence de sourcils froncés permettait de s'en rendre compte. Ses muscles étaient contractés ; ceux de sa mâchoire tout particulièrement. Mais sinon, elle n'avait plus rien d'humain. Ses cheveux noirs qui lui tombaient déjà devant le visage quand elle en avait encore un lui donnaient dorénavant l'impression d'être un fantôme quand elle paraissait juste être une petite fille effrayante. Son sourire autrefois dérangeant à cause de son regard fou n'était plus qu'une grimace tordue dénuée de toute émotion.

-JE VEUX QUE TU T'EN AILLES !!!

Son corps tressautait comme elle parlait. Ses épaules et ses bras se mouvaient d'une manière qu'elle n'avait pas avant. Ses pieds bougeaient sans cesse et son cou était agité de tics nerveux. Son corps montrait pour elle les sentiments et les émotions que son visage ne pouvait dorénavant plus exprimer. Et par ailleurs, son corps donnait à voir une silhouette effrayée, constamment sur le qui-vive, comme si elle était perpétuellement menacée. Comme si derrière chaque ombre risquait de surgir Le monstre qu'elle craignait dorénavant plus que tout. Elle n'avait plus ni Dieu ni Maître et son esprit sans peur était maintenant hanté par une présence qui l'avait détruite – brisée – puis rebâtie de guingois.

-SON EMPREINTE EST SUR TOI ! VA-T-EN !!!

Elle qui n'avait connu et adoré que le Malvoulant, qui n'avait jamais éprouvé la solitude car façonnée par lui et pour lui, se retrouvait aujourd'hui privée de tous ses repères. Rachel comprenait que sa voix avait disparu, Rachel comprenait que la présence de l'Empereur à ses côtés, voire dans sa tête, avait été un élément indispensable à une sanité plus fragile que n'importe quelle autre. Rachel savait maintenant qu'elle évoluait dans un monde qu'elle n'arrivait plus à appréhender. Teach s'était évaporé de sa conscience et n'était pas revenu pour elle. Le monde qui l'éprouvait lui échappait comme elle était maintenant privée de sa vue. Pire encore, elle était hantée par la conscience de Toji qui avait violé son esprit et effrayé chaque parcelle de son être.

Rachel comprenait ce qu'elle était devenue.

-VA-T-EN !!! PRENDS TES DEUX AMIS ET LAISSE-MOI !
-Uh ? Saint'émail, elle est seule, crut bon de préciser Bob que tout le monde ignora – pour son propre bien.
-Je suis désolée, Nazca, de...
-TOUT EST DE TA FAUTE RACHEL, TOUT ! JE VOULAIS JUSTE QU'ON SOIT AMIES !
-Tu voulais aussi donner une armée au Malvoulant.
-ET ALORS ? ON AURAIT ÉTÉ BIEN !

Sa voix était vibrante de sanglots. Si elle avait eu des yeux, il aurait été certain qu'elle serait en train de pleurer. Et c'était compréhensible. Du jour au lendemain elle avait effectivement tout perdu. Rachel serra les dents mais fit face sans frémir. Elle la comprenait que trop bien.

-Tout est de ta faute, ajouta-t-elle plus doucement. Et de la sienne aussi. REPARS ! EMPORTE-LE AUSSI. Je le vois dans ton ombre...

Toji.

-IL L'A FAIT PARTIR PARCE QUE TU LUI AS DEMANDE ! Hurla-t-elle encore, sa bouche lisse tremblant de plus belle. IL EST VENU ET IL A ENLEVÉ TEACH !

Il était étrange de voir comment notre commandante voyait Nazca et comment elle la voyait avant. Et qu'importe d'ailleurs. Aujourd'hui, ce n'était que tristesse et compassion. Elle-même était passée par là au cours de l'année écoulée. Nazca, elle, n'avait comme seule faute d'être née avec l'étincelle de la folie dans son regard et d'avoir croisé la route de Teach. Il avait soufflé dessus, attisé cette braise, puis l'avait enflammée avec un fruit du démon destructeur. Rachel puis Toji avaient juste éteint ce brasier.

Ne restait à présent que cendres et désolation.

-IL M'A ABANDONNÉE !!!
-Si tu le veux, moi je ne le ferai plus.


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Dim 5 Juin 2016 - 12:34, édité 1 fois
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Tourner sept fois sa langue dans sa bouche.

Toujours se souvenir de tourner sept fois sa langue dans sa bouche.

Peut-être que Nazca prit cette phrase comme un mensonge éhonté pour l'amadouer. Peut-être qu'elle n'était juste plus capable d'éprouver le moindre espoir. Ou peut-être simplement que le son de cette phrase et sa signification l'effraya d'une quelconque manière. Ce fut ainsi un cri hystérique qui jaillit de la fente lisse qu'était maintenant sa bouche. BoB se recroquevilla comme s'il venait de voir une banshee, les mains plaquées de douleur sur les oreilles.

-TU MENS !

Elle s'élança vers Rachel à une vitesse hors norme. Rachel bondit en arrière dans un juron étouffé, battant en retraite sur le pont qui se mit à osciller dangereusement à cause des deux filles qui y courraient. Cette stratégie ne paya pas ; Nazca avait déjà prévu son mouvement et ne s'était même pas formalisée de son déplacement, prévoyant déjà la nouvelle position de Rachel. Le Haki. Notre commandante l'avait presque oublié. Elle n'avait aucune chance de l'emporter sur elle dans un affrontement direct. C'était la raison pour laquelle elle ne voulait pas – et avait espéré ne pas – avoir à se battre. C'était maintenant inévitable et Nazca gagnait rapidement du terrain puisque Rachel, refusant de lui tourner le dos, courrait en arrière. Pourtant, c'était à cause de ce même haki que Mona Lisa l'avait poussé à apprendre Soru ; pour que sa vitesse dépasse celle de prédiction de Nazca. Malheureusement, ce n'était pas encore le point fort de Rachel, et de toute façon, frapper sept ou douze fois les planches de ce pont du pied le détruirait presque instantanément.

Le pont. Voilà une idée.

Rachel, soudain, bondit dans les airs. Nazca s'était arrêtée un instant auparavant, s'attendant à la manœuvre. Pourtant, elle resta plantée sur place à attendre de savoir ce que la brunette avait prévu. Elle ne pouvait plus y voir, elle ne se fiait dorénavant qu'à son haki. Malheureusement pour elle, Rachel avait appris auprès de Red comment battre le haki.

La mettre échec et mat en un coup.

Décrivant une courbe parfait, Rachel attendit d'être très précisément au-dessus de Nazca pour attaquer. Cette dernière saisit à ce moment et fut prise de panique. Elle chercha à s'enfuir alors que la commandante armait son coup et tranchait l'air d'un puissant Ran Kyaku qu'elle avait appris à maîtriser. La lame d'air fondit sur Nazca, contrainte de l'esquiver – et sans le moindre problème. Cela dit, le pont, lui, n'eut pas la même chance. Il fut tranché net, envoyant dans toutes les directions des échardes. L'onde se répercuta tout son long, jusqu'à la poupée toujours en train de courir. La vague l'atteignit. Dans un sursaut d'espoir, elle posa la paume de sa main sur le pont. Il se changea instantanément en porcelaine. Il s'immobilisa un temps dans les airs, les forces tirant dessus s'annulant subitement, puis il s'affaissa et tomba simplement dans la mer, d'un seul bloc. Il octroya pourtant à la jeune fille le temps nécessaire pour se réfugier sur la rive. De l'autre côté, Rachel amortit sa chute d'une roulade sur son bras droit et se releva dans un dérapage aux côtés de BoB, toujours prostré.

-Elle m'a congelé les tympans ! Hurla-t-il, un trémolo de douleur dans la voix.

Le regard de Rachel glissa de l'homme à la fillette, effondrée de l'autre côté. La mer les séparait. Elle n'était pas infranchissable pour Rachel dont les corbeaux pouvait la transporter, mais elle représentait une limite qui la mettait à l'abri de Nazca pour l'instant. Peut-être pouvait-elle tenter à nouveau la manière diplomatique ? Elle n'y croyait guère. Et puis, elle devait la ramener à Mona Lisa, pas s'en faire une amie ou sa protégée comme l'avait fait Serena sur le Léviathan. Rachel soupira et ouvrit la bouche pour interpeller la poupée puis se ravisa : cette dernier lui tournait le dos et semblait regarder fixement dans une direction précise. Ce n'est qu'alors qu'elle reconnut la procession des six moines très très lents. Suivis – ou précédés – par Jenny, un sac de glace sur la joue et parlant avec de grands gestes. Tous étaient pendus à ses lèvres. En voici une qui n'avait pas de difficultés avec les hommes, même les sans âge.

Nazca saisit sa chance et s'élança, trébuchant plusieurs fois dans sa course sur des cailloux et des mottes d'herbe. Sa rancœur la poussait visiblement à attaquer les deux amis de Rachel. La fillette avait perdu toute notion de logique et de retenue.

Mais les avait-elles déjà éprouvées ?

Se précipitant à sa poursuite, Rachel saisit au col Bob et le jeta sans ménagement dans l'eau. Il poussa un hurlement aigu mais parvint à maintenir la tête hors de l'eau. Il savait nager après tout. Il alla cependant dire bonjour aux poissons lorsqu'un talon renforcé de plaques de métal s'écrasa sur son crâne, offrant à Rachel un appui incertain mais suffisant pour qu'elle puisse atteindre l'autre rive en deux bonds. Et c'est sans se préoccuper de l'homme probablement en train de se noyer, qu'elle toucha le sol de la pointe du pied. D'une impulsion renforcée par le Soru, elle poursuivit Nazca. Elle arriva près du groupe juste après elle. Pourtant, elle se figea en admirant le bandeau rouge qui ceignait la taille de Jenny virevolter dans les courants d'air. Pour un œil profane, on eut dit qu'elle venait elle aussi de s'élancer d'un Soru, mais le trou qu'il y avait sur le sol à la place qu'elle occupait semblait dire le contraire. Et avant même que Rachel ou Nazca n'aient eu le temps de réagir, l'experte en dial brandissait dans la direction de cette dernière sa paume ouverte, dial en avant.

-Non ! S'écria Rachel accompagné d'un mouvement brusque.

Mais il était trop tard. La fillette au visage lisse avait anticipé le coup, et non seulement elle avait transformé le coquillage en simple objet d'apparat en porcelaine, mais sa seconde main était sur le point se transformer Jenny en la même statue fragile qu'elle-même était. Pourtant, Nazca dut s'éloigner d'un bond pour éviter une lame d'air qui fendit cinq bâtiments dans sa course avant d'atteindre la mer. Le blond se tenait avec le groupe, sabre au clair, le regard noir.

-Tu la touches, je te découpe. Tu t'approches, je te découpe. Tu y penses seulement, je te...
-Toooouuuusssss ssssssur lui !!!

L'homme mit peut-être sept seconde à dire sa phrase en entier. Mais les six corps enroulés dans leurs tissus réussirent à tomber sur Malik sans qu'il n'ait esquissé le moindre geste. Il s'était contenté de les regarder intensément, à la fois surpris et incrédule. Et Rachel de regarder la scène, une énorme goutte de sueur à l'arrière du crâne. Jenny, elle, éclata de rire et encouragea même les prêtres.

-De quel côté tu es toi ?
-Pas du sien.
-Tu es irrécupérable.
-En parlant d'irrécupérable, je crois que mon sac de glace est au milieu de la bagarre.
-Et en parlant de bagarre...

Rachel se tourna vers Nazca. Elle se tenait debout, ferme, et pourtant son visage était tourné dans la direction approximative de Rachel. Elle ne la voyait pas – se contentait de l'entendre et de « l'entendre » - mais cette vision n'en était pas moins dérangeante. Elle était déjà effrayante à en battre des records, mais maintenant, elle remportait haut la main toutes les palmes. D'or.

-Écoute Nazca...
-Tais-toi.
-Laisse-m...
-Pas question que je t'écoute ! Toji est dans ta voix, dans tes paroles ! Et puis tout est de ta faute !
-Tout ça est dû au Malvoulant, Nazca.
-Tu mens ! Lui m'aimait !
-Ce sont des mensonges, Nazca.

L'air crépita. Et pour la première fois de sa vie, Rachel vit un son. Tout autour de Nazca, l'atmosphère se brisait, se scindait. Comme si elle se trouvait derrière une vitre qui se lézardait. Un frisson gagna Rachel. La dernière fois qu'une chose pareille s'était produite, qu'elle avait senti un son, elle y avait laissé son bras. L'air continuait de se briser dans la bulle autour de la fillette. Et cette bulle grossissait.

-Jenny ! On recule !

L'hystérie consumait Nazca. Rachel s'était trompé. La diplomatie ne pourrait plus rien pour elle. La folie était tout ce qui lui restait. Et on ne pouvait guère raisonner un esprit vide. Seulement y résonner.

-Elle est en train de cristalliser l'air ?!
-Pas de le cristalliser, elle le transforme en porcelaine.
-Des flocons de porcelaine ? C'est absurde !
-Et trop dangereux pour s'approcher.

Rien que la présence des autres flocons transformait petit à petit l'espace autour de Nazca en un nuage qui continuait de s'opacifier. Tout autant qu'ils se détruisaient les uns les autres en se heurtant dans leur chute. D'où l'impression de miroir brisé ondulant. Puis, elle esquissa un mouvement brusque de son bras, et l'air se fissura. Rachel n'imaginait pas qu'elle pourrait attaquer à distance, pourtant l'éclat fonçait sur Jenny et elle. Elles s'écartèrent d'un bond. La commandante virevolta et chacun de ses mouvements provoqua des Ran Kyaku qui fusaient vers Nazca, arrachant des mottes de terre, de pierres et de dalles sur son passage. L'atmosphère se remplit d'un son cristallin prêt à leur vriller les oreilles tandis que les lames d'air brisaient les flocons de porcelaine, et pourtant Nazca évitait chaque attaque d'un très léger pas sur le côté. On aurait dit une danse, on aurait dit le Kami-e.

-Nazca, arrête maintenant, s'il te plait ! Tu n'es pas à ta place ici ! Tu vas finir par...
-TAIS-TOI !
-Elle a raison à la fin ! Tu vois bien que la diplomatie n'a pas fonctionné ! On l'arrête et on la ramène ! Putain, mais tu m'avais dit qu'on aurait pas à se battre !
-Je l'espérais oui.

Il semblait être temps de terminer le travail. Il n'y a pas si longtemps de ça, elle était heureuse de courir après cette gamine à qui on ne dit pas non. Car elle représentait un réel danger, elle était l'instrument d'un empereur et levait une armée pour lui. Maintenant, elle avait l'impression de n'être que la baby-sitter d'une méchante de bande dessinée, simplement parce qu'elle avait la capacité de détruire des îles entières et la psyché d'une fillette de 8 ans que l'on aurait abandonnée sur le bord de l'autoroute. Une fille perdue et effrayée, qui ne faisait plus confiance à personne. Rachel y voyait une espèce d'injustice à s'acharner ainsi sur elle. C'était pour ça que chacune des phrases hurlées par Nazca la frappait avec tant de force lui donnait l'impression de percer son cœur à chaque fois un peu plus.

Mais il fallait voir la réalité en face. Il était de son devoir de l'arrêter. Et qui sait, avec un peu de chance, ils seraient capables de la soigner. Elle plaiderait son cas pour pas qu'elle finisse en prison. Elle s'y laisserait dépérir, à n'en pas douter.

Dans un soupir, Rachel tira son sabre de son fourreau et pointa Nazca de sa pointe luisante.

-J'ai compris Jenny. On y va.
-Mais qu'est-ce que j'fous là... ?


Dernière édition par Blacrow L. Rachel le Dim 5 Juin 2016 - 12:59, édité 1 fois
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La place de dix mètres sur dix était encombrée de débris et de morceaux de terre arrachés. Les passants l'avaient désertée quand Malik, sur ordre de Rachel et après avoir mis en boule les six représentants de l'ordre de Kol'Gaete, avait exhorté les vîlageois à rester cloitrés chez eux. Les fenêtres étaient fermées, les portes scellées, et sur les murs de bois et de terre, les échos du combat prenait des allures de tonnerre. Il faut dire que l'air qui se déchire, ça fait un sacré roulement de tambour.

Les lames d'air pleuvaient autour de Nazca. Mais aucune ne la touchait. Elle dansait d'un pied sur l'autre et ses demi-pas suffisaient à la mettre hors de tout danger. Un corbeau plongea alors qu'elle était en plein mouvement, mais sa main jaillit et le mainate se brisa et tombant deux mètres plus loin. Jenny sembla se matérialiser juste derrière elle, mais poussa un cri et battit en retraite quand les tessons d'air lui écorchèrent les bras sans que Nazca n'ait eu à faire aucun mouvement pour se défendre. Rachel garda ses distances et observait attentivement, visant la poupée de porcelaine de quelques Ran kyaku à l'occasion, espérant au moins la toucher. Mais Nazca ne se laissait jamais prendre. Pire, elle ne laissait jamais d'ouvertures. C'était comme jouer aux échecs avec un maître et où chaque mouvement de pion entraînerait un mat d'un côté ou de l'autre.

Elle se devait de la pousser dans une situation où elle n'aurait plus d'alternative.

Les traces du combat maculaient les murs autour d'elles trois, les ravages dans la terre montraient avec quelle puissance Jenny se déplaçait à l'aide des jet dials de ses chaussures, et pourtant, Nazca n'attaquait toujours pas. Elle se contentait de rester immobile, son visage lisse complètement inexpressif. Pourtant, ses cheveux ondulaient sous un vent inexistant et des crissements sortaient de sa bouche. Comme une craie sur un tableau noir.

-J'aime pas ça Rachel !
-Continue Jenny. Mais ne t'épuises pas trop.
-Tsss...

Le Ran Kyaku suivant prit toute la largeur de la place. Il fusa vers Nazca comme un couperet, mais elle sauta juste au dernier moment pour l'éviter sans danger. Deux corbeaux plongèrent de nouveau comme des torpilles, mais elle les tua comme le premier, sans sourciller. Puis, jaillissant de nulle part, un jet de flammes rouges la prit pour cible, et cette fois, son visage trahit la surprise. Elle disparut à l'intérieur des flammes. Même à six mètres de distance, Rachel sentit sa peau se faner sous la chaleur. Elle scruta les flammes, curieuse que le Fire Dial de Jenny ait fonctionné.

Une ombre. Une silhouette. Nazca jaillit des flammes mourantes, courant directement vers Rachel, surprise. Par réflexe, elle prit du recul d'un Soru, laissant dans son sillage deux lames d'air que Nazca évita malgré la rapidité de la manœuvre. Un choc cueillit notre commandante au côté. Un corbeau de porcelaine. Incapable de contrôler sa propre vitesse elle alla s'encastrer dans une maison de bois. Tandis que Rachel se remettait debout, une douleur lancinante sur sa gauche, Jenny apparut dans l'embrasure de la porte.

-J'sais comment l'avoir.
-Quoi ?
-Elle peut pas savoir quel dial j'vais utiliser. Ça peut nous offrir le seul élément de surprise qui nous f'rait gagner !
-Je vois.

Mais la poupée de porcelaine était là. Mains sur les murs de la maison éventrée. Sa tête s'inclina soudain à 90° et la maison de bois crissa avec force. Comme si elle hurlait de douleur. D'un Soru, Rachel se précipita hors de la maison, Jenny au bras. La seconde d'après, la maison s'écroulait, brisée sous son propre poids, et des fragments volèrent dans leur direction à la vitesse d'une mitrailleuse. Des planches de bois blanches, des morceaux de cordes en porcelaine, des éclats de verre renforcés. Les deux marines évitèrent la première salve mais une seconde les attendait déjà. Elles durent parer les corps tranchants, écopant de multiples coupures et contusions tant les projectiles étaient précis. Et elles ne pouvaient riposter car Nazca se cachait dans la poussière que la maison de porcelaine écroulée avait créé autour d'elle. Jenny poussa un petit cri supplémentaire en essuyant une nouvelle attaque et Rachel serra les dents en parant avec difficultés les assiettes et tables en porcelaine qui visait son côté droit. Sans son bras gauche et tenant son sabre d'une main, parer les attaques qui ciblaient sa droite devenait compliqué. Et Nazca le savait bien.

Elles ne pouvaient pas rester comme ça à courir en rond autour de la place en essayant d'éviter des projectiles qui savaient toujours où elles allaient. Nazca se trouvait dans un lieu abrité avec des centaines de débris comme arme de jet, elle finirait par les descendre toutes les deux. Dans un cri rageur, Rachel fit un bond d'au moins quatre mètres. Une volée d'échardes blanches la frappa de plein fouet et lui arracha un cri de douleur. Elle tournoya, jambes écartées, et dans un ultime hurlement, une dizaines de Ran Kyaku et de lames d'air fauchèrent l'air et la fumée dans laquelle s'abritait Nazca. Une nouvelle fois, Nazca fut contrainte de jaillir du nuage comme un diable de sa boite pour éviter les lames d'air. Mais Jenny se matérialisa devant elle grâce à ses jet dial. Et cette fois, Nazca n'eut pas le temps de réaction pour esquiver les deux dials qu'elle avait aux paumes. Elle poussa une exclamation de peur et de frustration en réalisant qu'elle ne pouvait ni prédire ce qui allait sortir des dials ni éviter les deux.

L'un exhala un gaz verdâtre. Elle avait peut-être un visage de plâtre, mais Jenny put y lire l'horreur quand elle comprit. D'une torsion qui manqua de la briser en deux, Nazca s'écarta d'un bond pour s'écarter le plus possible de l'explosion qui allait suivre. Mais ce n'était pas une flamme qui jaillit du dial. Une rafale de vent la prit pour cible. le Breath Dial, rechargé grâce aux accélérations du Jet Dial, dégagea une force monstrueuse, comme un mini ouragan contenu, qui propulsa une Nazca déjà tendue à l'excès et incapable d'éviter une telle attaque d'envergure. Elle fut soufflée comme un vulgaire virevoltant, traversa une usie de fil dentaire accompagnée de mottes de terres et d'autres débris épars, puis termina sa course en ricochets entre deux îles. Elle heurta un banc de terre, mais plongée ainsi dans l'océan, elle ne put même pas se débattre et commença à couler.

-Jenny !

Cette dernière se trouvait déjà sur le ponton le plus proche, une cargaison de fil dentaire dans les bras, s'évertuant à repêcher Nazca, tout en prenant soin de ne pas la sortir de l'eau. Elle avait l'air aussi épuisée que soulagée, mais restait très précautionneuse, comme si elle redoutait que Nazca ne transforme toute la mer en porcelaine, et elle avec. Rachel atterrit enfin un peu plus loin, plus ou moins sur ses pieds. Elle se redressa difficilement à cause de ses nombreuses blessures bénignes. Derrière les bâtiments encore debout, elle pouvait entendre une plainte déchirante.

-JE TE DÉTESTE RACHEL !!!
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