Ma première sensation fut la chaleur douce et tendre qui baignait mon dos qui, à la manière d'un iceberg, me permettait de goûter de façon abrupte la différence de température avec mon ventre immergé. Tel un copeau de bois à la dérive, j'avais fini par m'échouer lamentablement sur l'une des plages de l'île ; stoïque, c'était limite si je ne m'étais pas plantée comme un clou dans le sable fin mais néanmoins vaseux de la côte.
Non contente d'avoir le nez profondément enterré et immergé dans une petite flaque de dix centimètres carrés tapissant le fond boueux de la marée basse, je goutais l'eau et le sable à la façon d'un poisson ridicule échoué sur la rive, bullant pathétiquement du nez dans la surface grisâtre. Les yeux entrouverts, j'étais emprisonnée dans une paralysie mentale, comme si je cherchais à compter chaque grain composant la masse gluante qui me rentrait par la bouche et venait crisser sous mes dents, pour peu que je donnasse l'effort de forcer sur ma mâchoire, avant de ressortir par mes naseaux.
- Gbnnblelelh... Fis-je alors, décidée à finalement faire un effort pour prouver que j'étais en vie autrement qu'en respirant.
A la simple prononciation de cette suite d'onomatopées dignes de n'importe quel attardé mental sous morphine, je sentis des picotements dans le dos comme si on était en train de vérifier mon degré d'appartenance à la famille des mollusques en me triturant la colonne vertébrale avec un bâton. Un éclair de génie traversa alors le peu de neurones actives qu'il me restait pour me rappeler que j'avais un animal de compagnie qui, même après un naufrage en mer, arrivait toujours à me suivre. Je ne sais alors si ce furent les trente secondes qui suivirent ou le fait que l'animal se planta devant mes yeux ensablés qui me rappela qu'il s'agissait d'un écureuil, plus spécialement d'un écureuil lubrique.
- Ma dame, si vous ne vous levez pas, comment voulez-vous que je puisse prendre place auprès de votre... poitrine... pour que nous puissions continuer le chemin ? Entendis-je alors "parler" l'animal dans ma tête.
Tss. Et puis ce fut alors que, par un incroyable miracle et je ne compris trop comment, je réussis à poser ma main droite à plat juste à côté de mon visage, puis je fis de même avec la gauche. Voilà que désormais j'étais à quatre pattes, prête pour continuer ma route, prête pour... me ramasser de façon minable pour rencontrer à nouveau la flaque d'eau qui avait accueilli mon visage une minute auparavant.
- Gbnnblelelh...
Je m'affalai dans le sable sec, manquant de compresser la bestiole en m'étalant de tout mon long avec la grâce d'un lamantin sur le sol de petit grains jaunes et chauds. Il m'avait fallu un peu moins d'une heure et un sacré bon paquet de gamelles pour réussir à tenir le cap jusqu'à la terre ferme, mais bon sang j'y étais arrivée. Après toutes ces mésaventures, difficile à croire que la tâche qui me posait le plus problème, c'était de marcher.
Lors de l'accident, j'avais tout perdu. Mes vêtements étaient en lambeaux, mes cheveux de plus en plus parsemés de mèches blanches étaient collés en paquets blancs et ma peau était froide et granuleuse sous l'effet de la chair de poule. Même mon œil balafré était à nu, le cache œil avait lui aussi coulé avec le bateau. Et même si mon corps ne me répondait pas encore totalement, je reprenais petit à petit des forces sous l'effet de la chaleur et des rayons du soleil. J'avais même réussi à me remettre debout. Tandis que mon quotient intellectuel remontait, j'étais désormais apte à me poser des questions élémentaires comme :
- Où... je suis... bordel ?
Et aussi vite que la raison me rattrapait, la folie revenait, elle, deux fois plus vite. Une douleur sourde, aigüe, m'interrompit dans mon flot d'interrogations, comme si une lame métallique avait traversé mon crâne, s'était fichée dans une zone de mon cerveau et se contorsionnait lentement sous l'effet d'un quelconque démon maléfique. Mon fantôme. Je passai ma main sur mon visage, combattant mes troubles visuels et auditifs, crachant pour me débarrasser du gout métallique que j'avais dans la bouche. Soudain, mes yeux s'écarquillèrent de surprise, les forces me quittèrent brusquement, mes bras se ramollirent comme deux membres inertes, puis mes jambes suivirent et tout mon corps bascula.
- Oh Anna, c'était terrible, quel horrible cauchemar...
La toux me reprit de plus belle, tandis que ma vue s'obscurcissait, tandis que de mon nez pendait un filet de morve, tandis que je mouillais le sable chaud de larmes...
Et de trois gouttes de liquide vermillon.
Non contente d'avoir le nez profondément enterré et immergé dans une petite flaque de dix centimètres carrés tapissant le fond boueux de la marée basse, je goutais l'eau et le sable à la façon d'un poisson ridicule échoué sur la rive, bullant pathétiquement du nez dans la surface grisâtre. Les yeux entrouverts, j'étais emprisonnée dans une paralysie mentale, comme si je cherchais à compter chaque grain composant la masse gluante qui me rentrait par la bouche et venait crisser sous mes dents, pour peu que je donnasse l'effort de forcer sur ma mâchoire, avant de ressortir par mes naseaux.
- Gbnnblelelh... Fis-je alors, décidée à finalement faire un effort pour prouver que j'étais en vie autrement qu'en respirant.
A la simple prononciation de cette suite d'onomatopées dignes de n'importe quel attardé mental sous morphine, je sentis des picotements dans le dos comme si on était en train de vérifier mon degré d'appartenance à la famille des mollusques en me triturant la colonne vertébrale avec un bâton. Un éclair de génie traversa alors le peu de neurones actives qu'il me restait pour me rappeler que j'avais un animal de compagnie qui, même après un naufrage en mer, arrivait toujours à me suivre. Je ne sais alors si ce furent les trente secondes qui suivirent ou le fait que l'animal se planta devant mes yeux ensablés qui me rappela qu'il s'agissait d'un écureuil, plus spécialement d'un écureuil lubrique.
- Ma dame, si vous ne vous levez pas, comment voulez-vous que je puisse prendre place auprès de votre... poitrine... pour que nous puissions continuer le chemin ? Entendis-je alors "parler" l'animal dans ma tête.
Tss. Et puis ce fut alors que, par un incroyable miracle et je ne compris trop comment, je réussis à poser ma main droite à plat juste à côté de mon visage, puis je fis de même avec la gauche. Voilà que désormais j'étais à quatre pattes, prête pour continuer ma route, prête pour... me ramasser de façon minable pour rencontrer à nouveau la flaque d'eau qui avait accueilli mon visage une minute auparavant.
- Gbnnblelelh...
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Je m'affalai dans le sable sec, manquant de compresser la bestiole en m'étalant de tout mon long avec la grâce d'un lamantin sur le sol de petit grains jaunes et chauds. Il m'avait fallu un peu moins d'une heure et un sacré bon paquet de gamelles pour réussir à tenir le cap jusqu'à la terre ferme, mais bon sang j'y étais arrivée. Après toutes ces mésaventures, difficile à croire que la tâche qui me posait le plus problème, c'était de marcher.
Lors de l'accident, j'avais tout perdu. Mes vêtements étaient en lambeaux, mes cheveux de plus en plus parsemés de mèches blanches étaient collés en paquets blancs et ma peau était froide et granuleuse sous l'effet de la chair de poule. Même mon œil balafré était à nu, le cache œil avait lui aussi coulé avec le bateau. Et même si mon corps ne me répondait pas encore totalement, je reprenais petit à petit des forces sous l'effet de la chaleur et des rayons du soleil. J'avais même réussi à me remettre debout. Tandis que mon quotient intellectuel remontait, j'étais désormais apte à me poser des questions élémentaires comme :
- Où... je suis... bordel ?
Et aussi vite que la raison me rattrapait, la folie revenait, elle, deux fois plus vite. Une douleur sourde, aigüe, m'interrompit dans mon flot d'interrogations, comme si une lame métallique avait traversé mon crâne, s'était fichée dans une zone de mon cerveau et se contorsionnait lentement sous l'effet d'un quelconque démon maléfique. Mon fantôme. Je passai ma main sur mon visage, combattant mes troubles visuels et auditifs, crachant pour me débarrasser du gout métallique que j'avais dans la bouche. Soudain, mes yeux s'écarquillèrent de surprise, les forces me quittèrent brusquement, mes bras se ramollirent comme deux membres inertes, puis mes jambes suivirent et tout mon corps bascula.
- Oh Anna, c'était terrible, quel horrible cauchemar...
La toux me reprit de plus belle, tandis que ma vue s'obscurcissait, tandis que de mon nez pendait un filet de morve, tandis que je mouillais le sable chaud de larmes...
Et de trois gouttes de liquide vermillon.
Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 15 Oct 2015 - 10:14, édité 9 fois