- Par où commencer, lieutenant ?
- Pas trop le choix, sauf si tu veux tout débroussailler avec la force de tes bras, mais tu ne m’as pas l’air d’en être capable.
- C’pas cool, lieutenant, dit un soldat en pleurant.
- Suivons ce sentier, messieurs, s’il est tracé c’est qu’il doit bien mener quelque part.
- Pas bête, ça tient la route.
- Vous êtes vraiment perspicace, lieutenant.
- Vraiment pas des malins dans la Marine, je comprend presque quand les pirates prennent le dessus sur nous, malgré que certains ne soient vraiment que des brutes sans cerveau. Sinon, une île assez étrange, puisque la végétation est vraiment dense - à tel point que la luminosité ne passe pas - et que la circulation des chemins de terre est vraiment délicate. En d’autres termes, si l’on veut faire au plus vite, nous sommes obligés de suivre un chemin qu’on ne connaît pas, vers un lieu qui sera peut-être celui de notre mort. À choisir, je serais bien resté sur le navire, mais bon.
Cette situation ne me plaît pas du tout, pensais-je à cet instant. Inutile d’effrayer davantage les soldats, je pense que le lieu en lui-même doit suffisamment solliciter leur imagination. Le gouvernement n’a pas la main mise sur cette île, aucune garnison n’y est jusqu’à présent, ça nous aurait été d’une grande aide. J’appréhende beaucoup le contact avec les types du coin, ils savent se défendre tout seul et je ne suis pas certain qu’ils apprécient la venue d’étrangers, surtout la marine. En effet, c’est rarement bon signe quand on arrive, je me dois de l’avouer.
Oh ? Sympathiques ces petits éclairages. Des petites lumières autour de nous, je pense que ce sont des yeux d’animaux qui ont dû s’adapter à ce milieu sombre. D’autres passent devant nous, s’arrêtent quelques instants, pis repartent dans la broussailles. Des battements de hache se font entendre au fil de notre marche, ça résonne un peu partout, on ne peut vraiment localiser la source du bruit. On continue d’avancer avec prudence sur ce long et interminable sentier. Je ne sais pas trop combien d’heures et de minutes se sont écoulées depuis le début notre marche, notre perception du temps est troublée par le manque de lumière, on ne ressent que la fatigue comme indicateur.
Tenez bon, messieurs. Vous entendez ? On approche du but.
- Fait chier ! Je déteste mentir, et là, je crois que c’est pour une bonne raison, le moral des troupes est presque au plus bas, à cause de cet effort éprouvant. Mais à ma plus grande surprise, quelques minutes plus tard, il semblerait que nous arrivons à l’entrée d’un village. On aperçoit des personnes qui portent des rondelles de bois, d’autres qui trainent à plusieurs des arbres coupés, grâce à un système à roues. Lorsqu’ils remarquent notre présence, ils se figent, certains visages se décomposent, c’est très mauvais signe. Des discussions s’entament entre les villageois, d’autres commencent à courir, des cris, des pleurs, les soldats commencent à perdre patience et à tenir leurs armes, j’ordonne immédiatement de les abaisser.
- LA MARIIIIIIIINE !!!
- DU SANG VA ENCORE COULER !
- PROTÉGEZ VOS FEMMES ET ENFANTS, PRÉVENEZ LE MAIRE !
- Hein ? Mais… Mais qu’est-ce qu’ils racontent ?
Je crois un peu mieux saisir la situation.
- Hm. Endaur, n’est-ce pas ? Vice-lieutenant, dites-moi si je me trompe, mais cette île a été le lieu d’un véritable bain de sang il y a de ça quelques mois ?
- Tout juste. Il semblerait que le pirate Izumi a pu s’en tirer sans sans que l’on sache comment.
- Soldats, reculez et soyez attentifs aux ordres du vice-lieutenant, aucun bain de sang n’est prévu à ce jour. Je préfère attendre leur « maire ».