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L'oeuvre entière est un must, mais ce morceau doux ambiant est assez peu intrusif pour pouvoir être entendu tout en lisant. Enjoy...

Et bienvenue à Lynbrook.


***

Assise, j’attendais. La fin du monde ou la fin de la journée, je ne connais toujours pas aujourd’hui la réponse à cette énigme. Toujours est-il que mon postérieur posé sur la chaise de mon bureau miteux, mitoyen à des cases où seuls les plus pauvres des plus pauvres des diables accepteraient de vivre à l’intérieur fréquentaient. Une petite pancarte pour se distinguer des autres. Kassandros, détective chez Pink’s.C’était le nom de famille que j’ai hérité de mes parents. Le seul truc que j’ai hérité, d’ailleurs, et que j’hériterais jamais, au vu de la conjoncture actuelle. Chassée par tout le monde, emmerdée par tous... Ouais. Si la fin du monde arrivait demain, je n’aurais pas de grands problèmes avec.

La fumée de ma dernière cigarette enfumait le bureau, les volutes dansant comme une sulfureuse danseuse des nuits alabastiennes. Dernière cigarette de la journée. Dernière minute de service avant d’annoncer à Pink que je mettais mon manteau pour me tirer. Mais bien sûr, c’était toujours pendant cette dernière minute que le Destin décide de jouer à la femme fatale... Sous la forme d’une femme, au regard sombre alourdi par le fard des jours et des nuits de chagrin. Avez-vous vu ma fille, qu’elle a dit. S’il vous plaît, aidez-moi. J’ai pas assez d’argent pour vous payer tout de suite, mais je peux vous avancer en partie. Ni la première à raconter ça, et sûrement pas la dernière. Le genre de discours qui fait toujours poindre une once d’humanité dans un coeur de pierre... Mais à Lynbrook, le granite marin était plus de mise. Votre fille est probablement morte, est la seule consolation que je pouvais lui donner. L’autre hypothèse était peut-être plus envisageable, mais il y avait des choses qu’on ne pouvait pas raconter à une vieille dame, même endurcie par la réalité de cette île miteuse. Au revoir, et ne revenez pas sans argent.

Pink, je suis bonne pour aujourd’hui. Je disais bonne nuit avec mes lèvres, mais crève cette nuit, sale enfoiré d’avare avec mon coeur. J’ai pris mon manteau, mon pistolet. Mais lorsque j’ai posé ma main sur la poignée de la porte, quelqu’un a posé la sienne sur la mienne. C’était toujours pareil. Madame vient de terminer le boulot, madame a un problème, madame pense que son taf passe avant le mien. Mais après l’heure, c’est pas l’heure, chérie. Mais je me suis retournée, et je me suis rendu compte de ma connerie. Un gars avait un jour dit que l’amour était aveugle (ce gars a fini mort noyé parce qu’il couchait avec la mauvaise femme), ce type n’avait jamais vu la beauté insolente de cette femme à l’air corrosif. Une chevelure de feu vénitien descendant jusqu’à une chute de reins digne de la plus décadente succube des enfers, des yeux parmes dont chacune des prunelles semblaient être capable de transpercer le coeur jusqu’à l’âme. Quant à l’interminable paire de jambe, seul un Buster Call aurait un effet plus dévastateur... Mais le sourire engageant qu’elle m’affichait aurait été probablement suffisant pour en affronter quelques uns.

« Vous êtes absolument sûre, susurra-t-elle, que vous n’avez pas cinq minutes ? »

J’ai remercié le Ciel de ne pas avoir doté cette femme de canines pointues, car son pouvoir de séduction aurait bien fait de moi la victime de cette quasi-vampiresse.

« Ce que je ne ferais pas pour la paix et la sécurité de Lynbrook, soupirai-je, faussement blasée. Cinq minutes ce sera, alors. »


Dernière édition par Kassandros D. Johanna le Dim 11 Oct 2015 - 1:06, édité 2 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t15679-qui-est-johanna#179419
La paix et la sécurité, pour beaucoup, ne sont souvent qu’un rêve flou, une promesse de Justice dispensée par les puissants, en échange de leur libertés individuelles. Que ce soit dans les bars, dans les ports et dans les rues, les gens s’auto-congratulent de vivre dans un pays libre. Mais où est la liberté d’une femme condamnée à vendre son corps dans la plus abjecte des villes pour les plus abjects des hommes. Assise sur la chaise à moitié rembourrée, sans un mot de plus, Ma mystérieuse cliente releva un pan de son manteau de fourrure, révélant une série d’hématomes. Lynbrook était une ville où le moyen de communication le plus sûr était le silence. Observation et déduction étaient la grammaire, et les questions à voix haute des fautes à ne surtout pas faire. Une phrase qui aurait trop de sens, une question qui cachait une information un peu trop précise... Il fallait juste espérer que les murs avaient l’oreille dure.

De toute façon, j’avais l’œil et la tête pour ces choses-là. Seule une prostituée oserait sortir habillée ainsi sans craindre une agression. Parce qu’en agresser une, c’était provoquer son maque, et probablement finir dans une poubelle. Surtout si le maque en question avait le haki de l’armement. Dans ce cas là, ça serait plutôt deux poubelles. En conclusion, mademoiselle vendait son corps et Mademoiselle avait des bleus, et ç’aurait été le travail de son patron que de s’occuper du bonhomme qui avait fait ça... Sauf si le bonhomme en question n’était autre que le patron lui-même. Il n’y avait pas de marine, sur Lynbrook. Pas de marine. Aucun service de sécurité publique. Il y avait des tueurs à gages et des chasseurs de primes en transit, des pseudos-justiciers qui finissait violemment assassinés par une congrégation qu’ils auraient trop ennuyés. Mon boulot à moi, n’était pas de redresser des torts, mais de savoir si tort il y a eu. S’il y a eu kidnapping, d’utiliser mes connaissances du coin pour faire pression sur les kidnappeurs. S’il y a eu vol de marchandise, de rediriger les propriétaires vers les voleurs. En somme, aider des parasites à vaincre d’autres parasites. Mais sûrement pas la porte-parole des prud’hommes du proxénétisme, Pink était particulièrement clair là-dessus. S’il voulait alléger le quotidien des pauvres gens à Lynbrook, il ne voulait pas pour autant poser des problèmes que ce soit aux grosses guildes, ou aux mafieux bien établis, et le proxénétisme était souvent aux ordres d’une mafia comme le rémora sous le requin.

J’ai secoué la tête, négativement. Tu perds ton temps autant que le mien, et j’ai encore la vaisselle d’hier à faire. Mais lorsque j’ai fait mine de me lever, elle posa deux photos. La première me fit frissonner, mais la deuxième me glaça le sang. Son sourire prit une toute autre signification.

« Je vois que vous connaissez Syphilus. »

Syphilus, ou Sysyphe dans le milieu, en plus d’être le tenancier de La Veuve Fidèle, était un gars connu pour travailler dans l’une des trois grosses Guildes de Lynbrook, celle qui avait des yeux et des oreilles partout sur Grand Line. Un petit homme à lunettes à l’aspect chétif, il avait l’air d’être un ancien employé de bureau inoffensif, mais c’était de ceux-là dont il fallait se méfier le plus, ici. De notoriété publique, il n’était pas Oeil, mais il racontait à tout le monde était prêt à n’importe quoi pour le devenir et se tirer au plus vite de ce coin paumé. Pourtant, je me répète , même si le gars avait (visiblement à raison) la réputation d’être une vraie saloperie avec ses subordonnés, Pink était clair là-dessus. Les guildes étaient hors-limites. Pilier ne l’aurait pas toléré autrement.

Mais l’autre photo -celle qui m’avait fait manqué un battement, avait l’air d’être un argument particulièrement convainquant. Un navire, à l’aube d’une nuit bruineuse, sur un quai que je ne connaissais que trop bien.

Le nom du Sans-Nom trônait au centre de la photo, express Zaun – Whiskey Peak. La première étape de mon voyage jusqu’à ce maudit endroit.

Au dessus, une jeune femme que je connaissais que trop bien, regardant l’horizon avec un air anxieux et inquiet. Kassandros D. Johanna.

Ils savaient qui j’étais.

« C’est un jeu terriblement dangereux auquel tu joues,
ai-je craché.

Elle rétorqua sans coup férir, sans se départir de son fatal air enjoué.

« Pas aussi dangereux que le votre depuis deux ans. »

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« Tu te trompes. » Le cliquetis de mon arme pointé sur elle à l’appui.

Moi debout, elle assise, parfaitement calme. Si je tournais un film, j’aurais dit à la caméra de nous prendre de profil, fixant le face à face, analysant le rapport de force. Montrant que, malgré le fait que j’étais celle avec l’arme, c’était elle qui tenait ma vie entre ses mains.

« J’ai juste la photo. Lui... Il sait pourquoi il l’a. Voilà ma proposition. Je prends sa place dans l’organisation et auprès de mes soeurs, et cette photo gênante disparaît. »


Typique. Mademoiselle pense qu’être madame rendra la chose plus plaisante pour ses pairs...La réalité des choses est souvent bien différentes, et en général l’on craint bien plus souvent la femelle de la Saumure que Dodo lui-même. Mais c'était pas grave si elle retrouvait son identité dissimulée. Après tout, peu importe le flacon...

« Pourvu qu’il y ait l’ivresse. Payable d’avance. »


« Ma faveur se suffit en paiement. »


A Lynbrook, tout se marchandait.

« Ta faveur me suffit à risquer mon poste. Le job, par contre, il vient avec la prime de risque. Et c’est pas rien. »


Un léger petit froissement de tôle se fit entendre derrière, à ma droite. Un problème dont j’allais devoir rapidement m’occuper. J’ai doucement tourné mon arme et pointée vers la source du bruit. Trois coups se firent entendre, et le bruit d’un corps qui s’effondrait. Au loin, la voix nasillarde d’un salopard familier qui me disait que le nettoyage du bousin serait retenu sur mon salaire.Et ben ça tombe bien, avec ce que je comptais faire, ce salaire, je risquais pas d’en voir la couleur. Ce petit interlude terminé, il y eut paiement puis poignée de mains. Sa main, bien trop douce pour avoir touché le moindre outil de sa vie, m’avait touchée pendant ce que j’ai bien cru être une éternité d’extase. Éternité pondérée par son regard jubilant auquel je goûtais amèrement durant toute la durée du serrage de pince.

L’un dans l’autre, je l’ai laissé partir, fixant la relique de mon passé sur ma table. J’avais presque le même âge qu’aujourd’hui à deux ans près, et la photo était légèrement floue, mais je pouvais sentir le visage moins ridé et cerné qu’aujourd’hui –même si ce jour-là, j’avais passé une nuit blanche. Zaun n’avais jamais été une ville paisible, loin de là, mais un cambriolage était toujours vécu comme une chose terrifiante. L’idée qu’une personne était venue sans autorisation violait cette idée qu’on avait de la sûreté du chez-soi, et pire encore, de l’idée d’anonymat. En prime du sentiment que quelqu’un d’inconnu m’en voulait personnellement. Et du soupçon initial que j’avais que cet inconnu pouvait provenir des deux plus grosses organisations politiques mondiales. Surtout lorsque l’on sait pourquoi il y a eu ce cambriolage en particulier, ça justifiait amplement mon envie de partir à l’autre bout du monde connu. Si j’avais pu, je serais même à Dressrosa, à l’heure qu’il est.

J’ai quitté la petite baraque en tôle qui me faisait office de bureau au milieu de la rangée d’autres baraques en tôles qui faisait office de bureaux pour les autres employés de Pink. J’ai maudit l’éternelle boue qui salissait mes bottes et qui me faisait passer la nuit à les décrotter derrière, avant d’insulter l’éternelle pluie qui, petit à petit, nuisait au traitement imperméable de mon manteau aussi sûrement que le cancer de la peur rongeait mon âme en ce moment même. Le crépuscule était le bon moment pour rejoindre un bar et croiser les gens les plus recommandables du coin. Minuit était en général le couvre-feu des dockers, des marchands et de la moyenne gens de Lynbrook, avant que les rues ne se couvrent de gens de mieux en mieux armés et de moins en moins sympathiques. J’ai levé les yeux au ciel. Sur North Blue, et je pourrais mettre ma main à couper que le reste des Blues et du monde entier fonctionnait de la même manière, le ciel crachait des reflets orangés au fur et à mesure que le soleil s’allongeait sur la mer. Mais sur Lynbrook, il n’y avait pas de soleil. Les nuages gris étouffaient tout comme un smog toxique, et un coucher de soleil n’était guère qu’un déprimant dégradé allant du gris souillé au noir bitume. Et j’ai baissé les yeux, quand je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de Ciel.

Fiancée fidèle. Terrible nom pour ce que le lobby féministe n’appellerait jamais un bar à putes. Miteux depuis l’extérieur, je ne comptais pas en visiter l’intérieur sans être sûre de ce que j’allais voir là-dedans. Il fallait que je me renseigne. Le renseignement était quelque chose qui avait atteint un statut proche de l’art, sur Lynbrook. Et son Louvre était le Savoir Lounge.

  • https://www.onepiece-requiem.net/t15679-qui-est-johanna#179419
Je n’avais rien sur Syphilus. Sachant qu’il savait qui j’étais, entrer dans son établissement de la manière la moins discrète qui soit risquait fortement de déclencher ses soupçons. Je devais trouver une combine.

Le Savoir Lounge, ses rites, ses mystères... Et ses employés. Il y avait ce petit quelque chose d’érotique à devoir marcher dans le bar, l’air de rien, tandis que tout le monde me fixait, attendant à ce que j’accroche quelqu’un du regard à mon tour. Lynbrook possède ses bons plans, ses codes, ses secrets, mais le Savoir Lounge était un nouvel univers avec ses propres règles du jeu. Et après m’être fait arnaquée plusieurs millions de berrys, j’avais fini par comprendre que l’information, c’était comme l’eau. Si on ne remplissait pas soi-même sa bouteille directement à la source à la montagne, c’était trouble, peu sûr, et il fallait payer le prix fort. Et la source en question portait une tenue élégante de barman et essuyait les verres comme on les essuyait dans un mauvais western spaghetti. C’était sur lui que je déposais mon regard fardé, tandis que paradoxalement, il m’ignorait. Je me suis assise sur un tabouret en face de lui, libre. Chauve, mais avec des rouflaquettes à faire pâlir la haute noblesse Marijeanne, il continuait son travail, imperturbable. Tout le procédé était parfaitement calculé de sa part. Même le plus mauvais des barmans engage la conversation pour servir le client – et gagner la consommation. Mais Ishmaël préfère rebuter ceux qui pourraient lui faire perdre du temps. Sa façon de séparer le grain de l’ivraie.

C’était le moment de l’engager. Deux tapes sur la tables, et une commande. Mais pas n’importe laquelle.

« Bonjour Shmaël. Un rhum gingembre comme je les aime. »


Rhum gingembre. Un aphrodisiaque, souvent servi dans les établissements qui m’intéressent en l'occurence. Dans un bar bourré de snitch, il arrivait souvent que les pigeons se retrouvent à donner plus d’informations qu’ils étaient venus en chercher. Tenir un langage abstrait était la règle.

« Bien sûr. Tu connais le prix. Tu attends quelqu’un ? »

« Quelqu’un qui a roulé sa bosse et qui continuera à la rouler jusqu’à la fin de ses jours. »


J’étais plutôt fière de ma référence au mythe de Sisyphe.

« Hein ? »


« Quelqu’un avec qui j’ai couché et qui en a fini fou. »

« ... Je ne vois pas. »

Langage codé mon cul, oui. J’ai sorti mon carnet et un stylo de ma veste, écrivant le mot « Syphilus ».Il tilta enfin, acquiesça, et sortit un gingembre confit qu’il fit grossièrement tomber dans le rhum, et continua son cocktail.

« Désolé. Ce nom ne me dit rien. »


J’ai juré, et était sur le point de gueuler la description la plus précise que j’avais du type, avant de comprendre. Il prétendait toujours. Il couvrait le gars, parce qu’il était membre de la guilde. Chose étrange, néanmoins, il m’offrit le verre. Et me souhaita cryptiquement de ‘retrouver celui que j’attendais’. Peut-être que ça voulait dire qu’il ne l’appréciait pas trop. A méditer.

Je suis ressortie alors, la nuit avait enfin manifesté sa toute puissance sur Lynbrook. A chaque coin de rue, il y avait des feux de fortune, posés ça et là, entourés de gens plus ou moins fortunés. C’était en général l’autre endroit social que les bars. Gratuit, c’était aussi un point de chauffage pour ceux qui ne pouvaient pas se doter d’une cheminée. Les gens attroupés étaient en général ceux qu’on pouvait qualifier de « relativement » honnêtes, se connaissant plus ou moins, racontant leurs tranches de vie. Assez xénophobes de nature, préférant rester entre voisins, ils se méfiaient des gens comme moi, qui avaient tendance à mettre leur nez partout en quête d’indices, et tout en restant cordiaux, préféraient plutôt écourter leurs conversations avec moi.  Après une heure et demie de tractations, j’ai décidé qu’il valait mieux que je rentre chez moi. Soudain, Un grand homme encapuchonné, pressé, avançant à toute vitesse vers l’autre côté de la rue, qui me bouscula. Un peu trop violemment pour que ce soit involontaire. Et fit tomber un petit bout de papier.

Tu as emmerdé la mauvaise personne. Prends trois rues à droite, ramasse le Den Den, suis mes instructions.

Bien sûr, quand j’avais fini de lire, l’ombre avait déjà disparu. Dans ce genre de situation, il valait mieux faire semblant d’ignorer au début. Ce coup était un classique, à Lynbrook. Parce que tout le monde devait quelque chose à quelqu’un d’autre, il était facile de prétendre avertir quelqu’un d’un mauvais coup qui se préparait, de lui donner rendez-vous dans une ruelle sombre, et d’y piéger le pauvre diable. J’ai regardé autour de moi. Rien de différent, personne qui me fixait, ou qui m’avait suivi depuis un moment. J’ai décidé de continuer jusqu’à chez moi. C’est alors que je vis le petit reflet d’un objet oblong sortant d’une fenêtre. Une lampe, qui s’allumait et s’éteignait droit dans mes yeux, à 500 mètres, sur la rue perpendiculaire. Bizarre. Je me suis avancé vers elle, avant de m’arrêter net. C’était le canon d’un fusil. De précision, sans aucun doute.

Et il était pointé en plein sur mon joli minois.

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« Les snipers n’étaient pas nécessaires. »

« Pas de quoi s'inquiéter, fit une voix d'homme grave et assurée, juste des cylindres en métal et des torches bricolées. Excuse moi du stratagème, mais j’étais plus ou moins sûr que tu allais rentrer chez toi. »

« T’es qui ? »

Je n’avais aucune envie de continuer à causer avec un blagueur, surtout s’il n’avait aucune raison de me contacter. Droit au but, dans le vif du sujet. Les bavardages étaient un luxe que seuls les grands pouvaient s’autoriser.

« Un ami qui te veut du bien. Ou plutôt, qui veut du mal à Syphilus. Inutile de discuter plus longtemps, mais on veut te niquer. Ta cliente a fait une connerie en pensant pouvoir doubler un membre de la guilde des voleurs, et en paie actuellement le prix. »

Tant pis, alors. J’étais payé d’avance, et je n’ai rien fait de grave. Je m’en tirais à bon compte si je fermais le dossier... Il fallait néanmoins que je règle cette histoire de photo compromettante.

« Le problème, c’est que je ne sais pas ce que vous vous êtes dit dans le bureau. Personne ne le sait. Et ça pose un petit paquet de problème dans la guilde, pour elle, et dans pas longtemps, pour toi. Parce qu’il semblerait que tu sois en possession de quelque chose lui appartenant. Et je suppose que c’est quelque chose qui te servirait pour faire pression sur lui. »


La photo ? C’était plutôt sur moi, la pression. La seule personne suffisamment compromise pour se dresser contre un membre d’une guilde. Mais ça... Aucun moyen de le savoir.

« Du coup, j’ai deux questions. La première, c’est : qu’est-ce que c’est qu’cet objet, et la deuxième, t’as toujours l’intention de t’occuper de Syphilus ? Parce que du coup, ton premier objet aurait pas vraiment d’utilité, donc tu pourrais me dire ce que c'est sans problème. »

« Si ma cliente est en danger... Je pense que je n’ai pas le choix. Pour ta première question, par contre, je préfère garder ça pour moi. »

La voix au téléphone soupira.

« Au pire, on s’en fout. Si tu veux couler Sysiphe, t’auras aucune info sur le Lounge, parce qu’ils sont tous de mèche. Et même si Shmaël n’était pas vraiment en bons termes avec lui, ça serait une très, très mauvaise idée de trahir son frère de guilde. Mainant... Moi, j’ai pas ces scrupules. Mais pour que je t’aide, va falloir que tu m’aides à me faire un peu un paysage de la situation, si tu vois ce que je veux dire. Tu vas marcher vers la Grande Allée. On va dire que t’as... 30 minutes à tout casser avant que Dulcinée ne crache ses dernières dents. »

Beaucoup trop d’informations en si peu de temps. Et il fallait que je compose avec ce que j’avais déjà. A l’époque, j’aurais été plutôt contente d’avoir une mission aussi palpitante, mais là...

« Hé, j’ai pas nourri les escargots, alors va falloir vite te décider. »

Je n’étais pas convaincue par les intentions et la finalité de la mission confiée. Et maintenant que j’avais la certitude que cette photo était le seul reste de preuve qu’on avait contre moi, j’étais tranquille. Mais pourtant... Merde. Chierie. Je savais que si j’éteignais ce Den Den, je ne pourrais plus me regarder dans un miroir. Déjà que je n’arrive plus à supporter les photos de moi...

« Elle veut que je mette Sysiphe hors course, et qu’elle prenne sa place à la Fiancée Fidèle. »

Il resta silencieux à son tour, avant de jurer. J’ai continué vers l’Allée, qui

« Quel plan foireux... Et Pink t’as laissé faire ça ? Je le pensais pas aussi naïf. »

« ... »

« Je vois. Donc il va te virer, j’espère que tu t’en rends bien compte. Écoute, je sais pas pourquoi tu fais ça, par amour ou par tendance suicidaire, mais il paraît que t’es pas la seule à vouloir la mort de Syph. Donc je vais faire court. La guilde veut bien fermer les yeux cette fois, si quelqu’un remplace Syphilus. Mais pour que ce soit crédible, il faut que vous soyez crédible. Et pour être crédible... Il faut passer l’épreuve de l’Allée. Tu retrouveras ton amour dans la baraque juste à droite. Je donne rendez-vous aux survivants chez le repère du type.»

L'Allée? Le repère du type ? Tout ces termes étaient d'assez mauvaise augure pour un pauvre citadin de lynbrook comme moi.


« Qu’est ce que... »


« Kratcha. » fit l’escargophone pour toute réponse.

Je me suis arrêtée net, regardant autour de moi. C’était une plutôt grande rue, pas trop déserte. Pas encore. Un immeuble miteux se dressait à ma droite. Sans une seconde de plus de réflexion, j’ai sorti mon pistolet, et tourné la poignée.

J'allais sauver cette demoiselle en détresse. Plus que ma vie, c'était mon âme qui était en jeu.

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J’avais doucement ouvert la porte, et monté les escaliers, jusqu’à entendre ce que je voulais entendre. Des cris, des pleurs, des insultes... Les trois en même temps. L’arme à la main gauche, je savais que j’allais surtout utiliser mes poings, mais une balle en pleine tête diminuait la difficulté d’autant.

J’ai frappé à la porte. Coucou, c’est le livreur de pizza. Les bruits se sont brusquement estompés. Je pouvais presque imaginer le cliché des films d’actions, avec l’un des criminels posant un doigt sur la bouche, et l’autre tournant doucement la poignée avec son pistolet pointé sur la porte. Mais j’avais pas le temps pour ces conneries.

Au moment ou j’ai entendu la serrure bouger, j’ai planté ma main au travers de la porte et défoncé le bois de mes mains nues. Par le trou que j’ai fait, je pouvais voir le gars en face de la porte se débattre, alors que j’avais accroché son cou et que je l’étranglais. J’ai poussé pour ouvrir la porte, et de ma main libre j’ai tiré une balle sur le deuxième gorille, entre les deux yeux. C’était des canailles de bas étages, les hommes de main d’un type qui était lui-même un homme de main. Je l’ai reconnu à la seconde où il est sorti de la chambre, hurlant de sa voix geignarde, demandant ce qu’il se passait. Les lunettes aux verres carrés parlaient pour lui. La chemise, le pantalon qu’il essayait tant bien que mal de rajuster. Quelque chose en moi à commencé à bouillir lorsque je l’ai vu rajuster sa ceinture. Elle était dans l’autre chambre, et ce geste ne signifiait rien de bon pour elle.

Lorsque j’ai senti que le gars qui se faisait étrangler s’était complétement détendu et s’affaissait dans la mort, je l’ai laissé tombé comme la vulgaire déjection qu’il était, pour m’occuper du dernier. Il souriait, probablement encore tout euphorique de son ‘interrogatoire’, mais assurance aucune. Ses deux potes étaient mort, et je le regardai comme la Faucheuse avait du le dévisager en même temps. J’ai retiré ma main de la porte et jeté mon pistolet. Il devait faire deux fois ma taille, mais j’ai appris à ne pas me fier aux apparences intimidantes. Il m’a chargé, me lançant un coup de poing de toutes ses forces. Brusquement, il tourna son visage vers la droite, surpris de m’y trouver pour y loger un coup de poing dans sa face. Et lorsque mes os claquèrent sur sa machoîre, un léger mais dégoûtant craquement s’entedit. J’étais plus rapide que le tas de muscle, et dommage pour lui, bien plus forte. Je tenais tête à des soldats d’élite à l’époque. Lui, c’était du petit jeu, même si ses saloperies de poings packaient du punch. Je pourrais raconter comment il s’est relevé, grognant comme un buffle et tentant de me lancer plusieurs crochets et autres uppercuts. Je pourrais aussi parler de comment je lui cassait un os à chaque fois qu’il tentait quelque chose, et la pulpe sanguinolente qui est devenue son visage lorsque j’en avais fini avec lui. Mais pour être modeste, j’aurais aussi du parler de toutes les parties du corps qu’il m’avait éclaté et de l’estomac qu’il m’avait fait recracher. Le type était terriblement endurant, et même si j’avais plus d’endurance et une plus grande tolérance à la douleur que ceux qui étaient nés dans les choux, je manquais sacrément d’entraînement. Parce qu’ironiquement, j’avais moins combattu à Lynbrook que lorsque j’étais détective privée sur les Blues. Une ironie qui n’en était pas une pourtant, parce que contrairement aux blues, les combats se soldaient souvent en mort violentes mutuelles (par le biais de vengeances) que ni l’un ni l’autre parti ne souhaitait, au fond. Toujours est-il qu’il avait frappé mon estomac trop fort pour que je puisse me redresser, et à genoux, il n’avait plus qu’à me tordre le cou pour terminer l’histoire.

Sauf qu’à la place, il tomba lourdement à la renverse, après qu’une balle lui ait explosé le cerveau. La prostituée. Ma cliente. Elle avait ramassée mon arme et avait terminé le boulot. Les genoux chancelants, elle se retrouva vite fait dans la même position que la mienne.

« Merci, j’ai murmuré.

« Merci à vous. Une seconde de plus et je... Et je...


Elle n’a pas pu terminer sa phrase, sanglotant doucement. Je me suis rapprochée, et je l’ai serrée dans mes bras. J’avais envie de lui dire que le cauchemar était terminé, mais c’était mentir. Il nous fallait continuer cette histoire et terminer cette saloperie. J’ai alors senti ses lèvres sur mon cou. C’était dans des moments pareils que le meilleur de soi-même ressurgissait, pour faire face au pire que l’on avait en soi. Le doute, la raison, ma conscience s’insurgeait contre ce qui était en train de se passer. Mais ils n’étaient pas de taille face à la peur de mourir et ma rage de vivre. La guerre dura un bref instant, avant que je lui rende un baiser et une autre étreinte qui n’était pas faite pour rassurer.

Une trentaine de minutes plus tard, on était partis. Silencieux. Arrivés à la porte, elle fit mine d’aller dans une autre direction ; je lui ai pris le bras et entraîné vers la mienne. Elle voulait partir, se cacher, prier qu’on ne la retrouve plus. Faire l’amour à un capitaine moyennant le trajet vers une autre île. Mais c’était un doux rêve que de quitter cette maudite ville. Syphilus ne l’aurait jamais monter un bateau sans qu’il soit au courant. Je lui ai dit qu’elle était piégée, et que maintenant que le vin était tiré... Il fallait le boire. Il devait mourir, ou alors c’était nous qui mourrions.

« Pulu Pulu ! »


C’était l’escargot de tout à l’heure, que j’avais laissé tomber. J’ai décroché.

« Bordel, vous en avez mis du temps pour sortir, qu’est ce qui s’est passé ? »


« Un contre-temps. Le repère du type, c’est ça ? »

« Sûrement pas, ma grande. Dès que le premier coup de feu à retenti, Sysiphe a envoyé ses gars là-bas. J’aurais préféré vous voir de vive voix et vous briefer, mais visiblement vous allez devoir improviser. L’Allée est à cinq minutes d’ici en courant. Si vous tournez à droite vous pourrez éviter les hommes de Syph qu’il a envoyé pour s’occuper de vous. »

« Mais pourquoi vous voulez nous aider ? »
Ai-je demandé. Qu’est ce qu’il avait à gagner ? Et comment savait-il nos moindres foutus mouvements ?

« Franchement ? Si j’étais à votre place, je me poserais des questions moins existentielles comme : ‘How the fuck am I supposed to go through the Great Alley without having my head blown off ?’ »

« Pardon ? »

« Désolé, erreur de traduction. Toujours est-il qu’en temps voulu, j’expliquerai tout. Marchez (ou plutôt trottinez) maintenant,perdez pas de temps, on discutera en route. »


Ni une ni deux, nous nous mîmes à courir.

« Déjà, j’me présente. Lukas. J’avais un Den Den caméra planqué dans un autre bâtiment, ce qui explique pourquoi j’avais un oeil sur vous. Maintenant, j’en ai strictement rien à foutre de qui vous êtes, mais une chose est sûre, vous rendrez une faveur à beaucoup de gens –dont moi- sur Lynbrook si vous tuiez cette enfoiré. Le problème, c’est que ces gens ne peuvent pas vous aider ouvertement, et moi-même je joue à un jeu sacrément dangereux en vous filant un coup de main depuis les ombres. Maintenant tournez à gauche. Est-ce que tout le monde sait ici ce que c’est que la Grande Allée ? »


On opina du chef. La Grande Allée était un coin vide, et un tabou pour le reste de Lynbrook. Le peu qui était passé par là en y survivant n’en parlait pas.

« Votre silence dit tout. Bien. Le truc assez bizarre, que j’ai pu observer, c’est que ce qui se passe là-bas est très... Différent du reste de Lynbrook. Lynbrook est une ville de voleurs et de bandits, plutôt vivante, mal famée, mais on peut s'en sortir si on a les bons arguments et les bons potes. La Grande Allée est une route vide, et le peu de gens qui passent par là y vont souvent lourdement armés –mais dans tout les cas, sûrement pas avec des possessions précieuses. Ce qui veut dire qu’il y a quelque chose d’autre qui se planque là-dedans. »


« N’avez-vous jamais parcouru cette route vous-même ? »
fit la jeune femme.

« Quelqu’un (ou quelque chose)s’assure qu’aucune personne n’arrive à l’autre côté,
fit Lukas en ignorant sa question. Alors ne faites pas comme tout les cons qui prennent la route en courant ou vous n’y survivrez pas. Trouvez ce qui vous traque et faites en sorte qu’il ne vous nuise pas. Evitez toute confrontation directe, vous n’y survivrez pas. Oh, et une dernière chose... »

Il resta silencieux un moment.

« Deanna, à la prochaine fourche, tu prends à gauche et tu vas au numéro 15. Il y a une valise avec des habits, un revolver, 10 millions de berries et un faux passeport et un masque d’assez bonne facture pour donner le change jusqu’à arriver au port. Habille toi, dors la nuit, et demain, tu rejoins le quai N°4. Ne loupe pas le départ de huit heures pour Doscar, et pointe le revolver sur le capitaine si jamais il ne largue pas les amarres immédiatement après ton arrivée... Si tu veux vivre. Et la prochaine fois, engage un tueur à gages pour ce genre de boulot, pas une fouine de chez Pink. »


On était arrivé à l’intersection. J’ai souri.

« Alors, Deanna, c’est ton petit nom ? »

Elle se fit tendue.
« Scarlet, c’est mon petit nom. Deanna, c’est le vrai. Qui est ce Lukas ? »

« Je ne sais pas. Mais c’est lui qui m’a dirigé vers toi. Donc je suppose que je peux lui faire confiance... De toute façon, il ne m’a pas laissé le choix. »


« Méfiez-vous de lui, Teryl. Les faveurs ne se font jamais gratuitement.»

J’ai soupiré, avec un sourire en coin.

« J’ai l’habitude. »

Elle sourit, le même sourire que lorsqu’elle était entrée dans le bureau... Et m’embrassa. Sans un autre mot, elle courut vers le bâtiment indiqué.[color=#666633]

« Putain. Tu t’es vraiment fait la pute tout à l’heure. Bon. Ben l’allée est à une cinquantaine de...»

« Tu veux quoi, au juste ? »

« Moi ? Juste la mort de Syph. »


J’étais en colère, et je voulais des réponses. La situation m’échappait très vite, trop vite.

« Alors pose une bombe dans son bureau. Ou engage un tueur à gages, pas une fouine de chez Pink. Pourquoi me faire passer dans l’Allée ? »

« La guilde des Espions ne recrute pas le premier péquenaud venu. Ils ont certains critères de sélection. Hélàs, tu n’en respectes aucun. Mais, dans la conjoncture actuelle, personne ne t’en tiendras rigueur si tu t’appropries la carte d’adhérent de Sysiphe. Faire l’épreuve de l’Allée ne sera juste qu’une preuve supplémentaire de légitimité. »


« Et pourquoi me faire entrer dans la guilde ? »

« Pour ne pas te prendre le contrecoup d’une éventuelle vengeance ? »

« Ca, c’est ce que j’y gagne. Mais toi, qu’est ce que t’y gagnes ? »

On était arrivé. Tant devant l’entrée de la Grande Allée que devant le coeur du problème avec Lukas.

« J’y gagne beaucoup de choses. A tes dépends, mais aussi aux dépends d’autres. Toi, t’y gagnes que tu vis, ce qui je pense est un assez bon prix, donc je pense qu'on va s'arrêter là parce que tu es juste en face. »

En effet, il marquait un petit point, sur ce coup-là.

« Sinon, je n’ai qu’un seul conseil pratique de la part des guildeux sur comment survivre la Grande Allée, et qui m’a d’ailleurs coûté une sacrée blinde en plus... »


« Et qui est ? »

J’ai posé mon premier pas dans l’Allée.

« Ne te retourne surtout pas. »

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J'ai marché comme si la Mort en personne était sur mes pas, en sachant qu'il y avait probablement bien pire. Couru comme si Sentomaru Kenpachi lui-même m'avait envoyé les trois Amiraux sur le dos. Les yeux fermés, je courrais comme une malade jusqu'au bout, attendant l'instant fatidique où une force irrésistible me traînerait vers les profondeurs de cette maudite rue et me réduirait en charpie, ou pire encore.Pendant un instant, j'ai ouvert les yeux, par curiosité. Des torches étaient là, indiquant la fin de l'allée, à une centaine de pas... Mais je me suis arrêtée net.

En face de moi, un gars à lunette trônait. Il avait l'air chétif. Habillé comme un comptable. Ou comme on dirait dans le coin, "sapé comme un connard."

"Te voilà. Tu pensais vraiment pouvoir me niquer, moi, un membre de la guilde des Espions? Pauvre conne."

"Syphilus. Je ne m'y attendais plus."


Il me gifla. Pas une gifle normale, non, une gifle qui a fait tourné ma tête de 90 degrés, piles. Une gifle qui donnait le torticolis tout d'un coup. Un degré de plus et c'était la nuque qui cédait. Face à la violence du coup, je suis tombée à genoux.

"Pour les salopes comme toi, c'est Sysiphe."


Même dans sa violence, il avait l'air frêle. Il pointa son arme sur moi.

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"Voilà. On est arrivé à la fin de l'histoire. Tout ce que t'as pu te trouver comme grand méchant final, en personne. Un pauvre con, comme moi, et pourtant j'aurais pu réduire ton cou en guimauve si j'en avais envie. Nan, avant, je vais te faire souffrir, Johanna. Avant de te laisser pourrir dans la Grande Allée. J'aurais préféré passer la piste à ces salopards de révolutionnaires pour avoir la prime, mais ces chiens voulaient une preuve... Preuve que tu m'as volé. "

J'ai juré. J'ai juré parce que je ne pouvais plus rien, que j'étais si près du but, mais qu'il allait me faire passer un sale quart-d'heure avant la saloperie qui allait s'ensuivre. M'enchaînant à coup de poings dans le ventre, m'éclatant au moins quelques côtes, c'était une question de temps avant que l'une d'entre elles me déchire le poumon. J'étais plus frustrée que terrifiée, et j'avais envie que le salaud contre qui j'avais travaillé si dur ce soir crève dans la plus abjecte des morts qui soit. Plus symboliquement qu'avec un réel espoir, j'ai tourné la tête vers l'arrière, espérant appeler ce que seul le Ciel (et peut-être le type, du coup) savait qu'on avait en stock dans la Grande allée.

Sans résultat. Mais quand j'ai vu l'ombre qui se dressait derrière Syphilus, j'ose avouer avoir ressenti une certaine dose de pitié en plus de la peur qui m'avait paralysée. Il avait tenté de se débattre, mais étant pris par surprise, la poigne surnaturelle ne lui avait laissé aucune chance.Ils partirent alors, disparaissant comme une flèche, Syphilus hurlant jusqu'à ce qu'un bruit terrifiant de craquement d'os s'ensuivit.

Je ne pouvais pas marcher, juste tituber et trébucher jusqu'à arriver à une dizaine de mètres. Il était probablement deux heures du matin. Personne ne s'aventurait trop près de la Grande Allée à cette heure là, j'avais l'impression que la ruelle qui la coupait était une extension de cette avenue maudite. Mais j'y étais. Deux mètres... Un mètre... Puis une force me tira à l'opposé.

Plus frustrée que craintive, encore une fois... Avant que je vois le profil d'insanité et de mort qui me tirait dans les abysses.

La vie était trop courte pour être prise au sérieux. Une ville de fusillades et de magouilles, de femmes fatales incapables de s'assumer et de fouines privées au rabais, fuyant comme des petites filles ce qui était la véritable réalité de cette île... Qui me traînait vers une mort violente.

Et j'ai ri, perpétuant sans le savoir une vieille tradition des porteurs du D. , de la connerie humaine.

"Monde de merde."

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« Are you alive ? »

« Mmmh... Quoi ? »

C’est bon, elle s’est réveillée, que j’ai entendu dire quelqu’un, chacun de Ils se sont tournés vers moi. J’étais dans un lit, dans un endroit que je ne connaissais pas. Allongée, j’ai tenté de tourner ma tête pour me familiariser avec mon entourage.

« T’en as mis du temps. »


La voix était familière, le visage un peu moins. J’étais peut-être un peu trop verbeuse au début de mon histoire. Ou peut-être que je l’ai plus été assez vers la fin. Visage dur, rivé de cicatrices. Un guerrier, un tueur. Et certainement pas le gars avec un plan qui m’avait suivi avec le Den Den et qui avait exactement la même voix.

« Lukas ? »


« On a fini par s’rencontrer, visiblement. Par terre, crachant ton sang par tout les trous. J’avais qu’à te ramasser. Et l’autre con de Syphilus est mort, du coup. Sous le cou de la rage, il a sans doute sous-estimé les dangers de l’Allée.»


« Sysiphe ? »

« Sysiphe, en effet. Il n’avait pas rejoint la Grande Allée ? »

« Si... »


Si, il l’avait rejoint. Je sais que Sysiphe était venu à mon encontre. Le problème, c’est que si j’admets ça, la conclusion logique c’était que le truc... Le truc... Qui m’avait aggrippé...
Je n’étais pas sensée être ici. J’aurais du disparaître en même temps que lui. Mais me voilà, dans un lit de blessé. J’ai enlevé ma couverture. J’étais couverte de bandages.

« Doucement, fit-il en posant sa main large sur mon abdomen. T’as trois côtes fêlées et une en miettes. L’opération a pas été évidente. Elle m’a coûté une putain d’blinde. Alors tu bouges pas, je te ramènes un truc sur quoi t’appuyer.»

Sa force était parfaitement contrôlée, le type avait l’air dangereux, mais j’en avais ma claque. Je me sentais vide. Comme si mon temps imparti avait déjà été consommé, et que les instants que je passais encore sur Terre étaient une espèce de période de grâce. Comme la huitième bière offerte après la septième consommation. Elle était légèrement plus fade. Un peu plus pisseuse. Il m’avait passé une béquille. L’attelle d’avant-bras bloquait mes mouvements plus que je ne le souhaitais. Il me regardait me débattre avec mes nouveaux jouets, sans intention aucune de m’aider. Ça se voyait dans ses yeux, que la distance était quelque chose qu’il préférait imposer entre lui et le commun des hommes. Un ancien soldat dégoûté, un tueur à gages ou amant déçu, autant de solutions à une équation dont je ne connaitrais probablement jamais le fin mot.

« Donc. Sysiphe ? »

« Ouais, ai-je menti. J’ai tué ce fils de pute. Donc, comme prévu, j’hérite de ses possessions ? »

Après tout, ce qui était dans la Grande Allée y restait, et si je pouvais excuser ce dernier mauvais jeu de mot, Syph y était bel et bien resté.

« Comme prévu ? »

Il renifla légèrement, ravalant un léger rire, comme si j’étais une gamine qui venait de dire une connerie.

«Rien n'est prévu. Le bruit courait que Sysiphe était sur le point de découvrir qui était Oko, ce qui risquait de faire de lui un des Yeux. Le problème, et je le savais de soruce sûre, c'est que ce type était tout l'inverse du discret, gardait ses informations pour lui et ne faisait que profiter du système, ce qui était assez mauvais de sa part. Du coup, il y avait de fortes chances qu'il ne pleurerait pas sa mort si jamais il venait à disparaître. Comme j'ai pas forcément envie de te faire entrer dans mes combines pour le moment, on va juste dire que j'avais pas trop envie de broyer sa tête directement. »


« Mais pourquoi moi? »


« Deanna m'avait dit qu'elle avait un moyen de persuasion sur un des nazes de chez Pink. Du coup, le plan était de lui faire croire qu'on lui cherchait des noises en lui laissant des pistes évidentes comme quoi quelqu'un voulait sa mort. Après avoir volé quelques uns de ses trucs importants, je suppose que Deanne prenant les trucs te concernant toi à du aider à te faire porter le chapeau. »


« Et comment il a su, pour la Grande Allée ?»

« Quand je te parlais, j'avais l'air plutôt au courant de ta position, non? C'était parce que je te suivais, banane. Disons que c'est compliqué à expliquer, mais ma tête me permet de repérer des gens sans les voir. Le type appellait ça Haki, j'crois. Peu importe. Lorsque t'es partie vers l'Allée, j'ai obligé un des gars que t'as foutu K.O à tout balancer. Syph était con, mais ça a pas du être difficile pour lui de recoller les morceaux : Tu voles des dossiers compromettants à son sujet, tu enquêtes sur sa gueule, tu passes l'épreuve de la Grande Allée... Si en plus le type avait du avoir vent du fait qu'il n'était pas forcément favori, il avait préféré te confronter là-bas avant que tu ne prennes sa place. De là, l'Allée a fait son boulot. »

« Du coup, j'ai servi d'appât.»

Il eut une imperceptible hésitation. Mais si j'en parle, c'est que je l'ai ressentie.

« Oui. »


Je l'ai dévisagé pendant quelques secondes. Si j'étais un pigeon, je pense que je me serais mise en colère et serait partie. Mais j'ai préféré laisser aller.

« Je veux bien prendre sa place pour payer ma dette. J’irais au Savoir Lounge postuler à sa place, on verra bien. De là, je m’occuperai de la Fiancée Fidèle. »


Il sourit en coin. Ou fit un rictus. Avec une telle tronche, difficile de faire la différence. Il fouilla dans sa poche et trouva un petit papier froissé. J’en ai eu mal à en pleurer à cause de mes saloperies de bouts d’os coincés et pétés, mais j’en ai quand même ri. L’acte de propriété, rien que ça... Et le carnet personnel de Sysiphe.

« Cadeau de Deanna. Ou Scarlet, si tu préfères... Difficle de l’appeler ‘Scarlet’ quand je me rappelle d’elle encore gamine, courant dans les rues de Lynbrook à chaparder tout ce qui était laissé abandonné. »


Un petit sourire. « Merci de l’avertissement. Je sais pas si tu as encore des contacts avec elle, mais tu peux lui dire que j’enverrais ses amies sur le bateau d’après quand j’aurais vendu l’endroit. »

Lukas secoua la tête. Tant pis. La surprise n’en sera que plus agréable. Je me suis avancée vers la fenêtre. On était probablement au troisième étage. Le soleil venait de se lever derrière la barrière infranchissable des nuages, et la pluie tombait comme des cartouches sans poudre. J'avais dit un peu plus haut que si j'étais un pigeon, j'aurais pu juste me contenter de son histoire à lui, qui faisait de lui un horrible salaud qui avait tenté de me tuer moi pour tuer un autre gars... Mais il était évident qu'il me cachait quelque chose. Il savait dès le départ que j'allais m'en sortir. Mais j'ai préféré jouer le jeu, voir un peu où il me menait... De toute façon, il était sans doute dangereux de dévoiler le bluff d'un gars aussi mastoque. J'ai boité jusqu'à la porte et suis sortie. Quand je me suis retournée pour dire au revoir, Lukas s'était déplacé comme par magie jusqu'au seuil de la porte, sa carrure massive à quelques centimètres de moi. Je pouvais facilement imaginer que ce type avait le Haki... Il respirait la puissance.

« Une dernière chose, Teryl. Un petite question à t’demander avant que je te laisse partir. C’est important pour moi. »


« Bien sûr. » Ça y est, on y était.

« T’es sûre qu’il y a rien eu d’autre, ce soir-là ? Après qu’il ait disparu, t’aurais pu aussi te faire agresser, sur cette allée. Il était plus fort que toi. Pourquoi lui, et pas toi ? Pourquoi je t’ai trouvée dans un état ou t’étais clairement incapable de bouger vu tes blessures, et trois avenues plus loin que la Grande Allée ? »


C'est là que j'avais compris. Peu importe Sysiphe, Deanna ou Oko. J'avais visé juste; c'était ma survie dans la Grande Allée qui lui avait importé. Tout son plan tournait autour de moi parcourant cette satanée avenue. J'aurais du dire quelque chose, raconter des craques, mais au moment ou j'ai ouvert la bouche, le fond de mes tripes m'a hurlé de ne surtout pas mentir à ce type. J'aurais pu aussi dire la vérité... Mais la vérité était que je n'arrivais absolument pas à me rappeler de ce qui s'était passé, et ça me terrorisait. Ça c'est peut-être vu sur mon visage, et c'est pour ça qu'il secoua la tête, d'un air déçu à peine dissimulé, une haleine alcoolisée dévastant mes narines.

« Laisse tomber. T’étais probablement en état de choc. Ça arrive. Mais tu dois comprendre que j’aurais besoin de toi, un de ces quatre. Et ce jour-là, ça serait cool si tu pouvais être un peu moins en état de choc, si tu vois ce que je veux dire. Sinon, disons que je pourrais me souvenir que j'ai des amis révolutionnaires qui seraient vachement intéressés par le fait qu'une certaine Johanna joue aux détectives privés sur Lynbrook. Maintenant que Syph est mort, et Deanna hors course, je suis le seul qui peut te mettre dans la merde, et ça même si tu te planques derrière le One Piece. Et le Ciel sait que je le ferais si jamais j'apprends que tu me doubles... Parce que je sais pas ce que t'avais fait là-bas, mais de ce que je sais, c'est que le gars à tes trousses... Ouais, j'pense que même Pilier réfléchirait à deux fois avant de sortir de chez lui s'il l'avait sur son cul. C'est dire. »


Il m’a fermé la porte au nez, et m'a laissé. J'ai réfléchi à l'intérêt de me tirer de l'île en allant vers le Savoir Lounge, mais j'ai vite abandonné l'idée. Prendre un bateau et il aurait des chances qu'il l'apprenne aussi vite. Il fallait absolument que je me rappelle. Posée devant le seuil du Savoir Lounge, je massais mes tempes, tenant de passer au-delà de la migraine. Mais rien n'y fait.

C'est alors que je me suis souvenue. Trois mots, venus du fond de mon cerveau, mais c'était un bon début.

Aide moi, pitié.


Et j'ai prié les dieux de tout bord de venir me tirer de la merde dans laquelle je me suis mise, quand je me suis rendu compte que les mots étaient en Ponéglyphes.
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