Dans les grands palais de Marie-Joie, tout bruisse d’un fébrilement inhabituel. Les bottes de Kenora Makuen résonnent sur le marbre rose tandis qu’elle se dirige à grands pas vers la chambre du Conseil des Cinq Etoiles. Elle a été convoquée pour le retour de l’Amiral en Chef, Sentomaru Kenpachi. L’amirale n’a pas pu glâner d’autres informations, notamment sur ce qui s’est passé dans le Nouveau Monde, en dehors des grandes lignes, connues de tous.
Sur son chemin, tous les Marines, haut-gradés ou non, de l’élite ou de la régulière, voire de la sous-marine, se mettent au garde-à-vous. Et jettent, de sous leurs cils, des regards interrogateurs, circonspects. Tous les gens un peu sensibles et censés s’en rendent compte. Il y a quelque chose dans l’air. Quelque chose qui va redescendre tout droit du Conseil.
Un gradé quelconque l’introduit dans l’antichambre de la salle d’audience des Cinq Etoiles. Dans des fauteuils confortables se trouvent déjà Shiro et Tetsuda, côte à côte mais silencieux. Un peu plus loin, Mallory Gentry et le Major discutent à voix basse. Les deux vieillards lui jettent à peine un regard et un signe de salut de la tête puis reprennent là où ils s’étaient arrêtés.
Un colonel qui n’a pas dû voir de combat depuis au moins vingt ans s’approche avec un fauteuil épais, qu’elle lui ordonne d’un geste de poser avec les deux autres amiraux. Elle les dévisage, puis les sonde. Alors que Shiro se défait de son haki d’un haussement d’épaules, Tetsuda réagit plus violemment en émettant une onde plus puissante. La bouche de la femme devient un pli mince tandis qu’il soutient son regard. Puis qu’il détourne le sien.
Bien.
Ramdam près de la porte. Celle-ci s’ouvre enfin sur la raison de cette agitation. C’est Sentomaru lui-même qui écarte le battant et les invite à entrer. La salle du Conseil est recouverte d’ors et de pierreries. Mais la magnificence des lieux déjà mille fois explorés ne lui fait ni chaud ni froid, ni jadis ni maintenant.
Les Cinq Etoiles trônent dans leurs fauteuils et ne les invitent pas à s’asseoir. Ils restent donc tous debout, en position de repos, par grade avec le Commandeur, le Major et l’Amiral en chef en bout de ligne. Placée entre ses deux collègues, elle observe leurs vis-à-vis.
Amiral en chef Sentomaru Kenpachi, nous vous laissons commencer.
Merci, Vénérable Sécurité. Bien, comme vous le savez, je me trouvais jusqu’à il y a peu dans le Nouveau Monde. J’y ai rencontré Teach le Malvoulant. Je l’y ai combattu.
D’un coup d’œil en coin, Kenora note la posture raide de Sentomaru.
Je suis parvenu à le repousser, mais tout juste, et au prix de nombreuses vies humaines. Et, alors qu’il continuait à envoyer ses troupes au combat, sans souci des pertes, j’ai fait sonner la retraite, couvert par les meilleurs éléments de ma flotte.
Toujours est-il que notre objectif avait été atteint pour cette bataille, et, si nous n’avons pas remporté le combat, la guerre est en bonne voie.
Toutes informations qu’elle connaissait déjà. Ils viendraient au point important incessament sous peu.
Toujours est-il que, suite à cet affrontement, je me suis rendu compte que je n’étais plus apte à exercer mes fonctions d’amiral en chef. C’est pourquoi j’ai officiellement demandé à être relevé de mes fonctions.
Et que le Conseil des Cinq Vénérables Etoiles a décidé d’agréer à la demande du maintenant ex-amiral en chef Sentomaru Kenpachi.
Toutes les annonces ont déjà été préparées, évidemment. Cérémonies en grande pompe, tous les honneurs, tout ça, quoi.
Kenora ne prête plus qu’une oreille distraite au babillage de Basara. Rien de bien intéressant, de toute façon. Sentomaru Kenpachi qui démissionne. Voilà pourquoi Gentry et le Major étaient là. Une information de première importance. Cela expliquait l’éclat terne dans les yeux de Kenpachi, derrière sa droiture habituelle. Comme si son cœur s’était fêlé après toutes les batailles, toutes les stratégies, tous les combats. Et, comme de bien entendu, cela ouvrait la question qui nécessitait leur venue à tous, les trois amiraux, le Commandeur des Armées, le Major.
Il lui fallait donc un remplaçant.
Puis Basara se tait enfin. Et, tous, ils ménagent leur effet, observant attentivement les trois amiraux restants, qui restent stoïques. Ils sont l’habitude des petits jeux des Vénérables Etoiles, et choisissent donc de ne pas y offrir de prise. Sentomaru, sans doute lassé de ce petit jeu et mis en branle sur un toussotement de Gentry, reprend la parole.
J’ai donc personnellement proposé que mon remplaçant, ou plutôt ma remplaçante, soit Kenora Makuen, pour ses états de service irréprochables. La candidature a effectivement été acceptée par les Cinq Vénérables Etoiles.
Vous entrez donc en service dès maintenant.
Une remise officielle de la Médaille de l’Ordre Suprême aura évidemment lieu d’ici quelques jours, le temps d’organiser l’événement.
Pendant quelques temps, Sentomaru Kenpachi restera à vos côtés pour assurer la transition, puis il ira profiter d’une retraite bien méritée à…
Au Baratie, probablement. J’en profiterai pour voyager un peu, même si avec ma jambe…
Tu peux toujours prendre une prothèse cybernétique, non ?
Je suis trop vieux pour ça, Mallory, voyons. Non, je vais profiter de mes dernières années de repos en paix.
Une pause.
Evidemment, cela veut aussi dire qu’une place est libre pour un amiral.
Bien entendu, Kenora, nous vous laissons un peu de temps pour décider quelle est la personne la plus apte à vous rempl
Mon choix est déjà arrêté, Vénérable.
Excellent. Faisons venir ce nouvel amiral immédiatement, alors, si possible.
Un commodore est averti, et part en courant, sans considération aucune pour son uniforme repassé impeccablement, sa mèche soigneusement gominée, et ses bottes parfaitement cirées. Quelques secondes passent, et Kenora se sait être la cible de tous les regards, encore que seuls les Etoiles assument réellement. Les autres se contentent de coups d’œil en coin pour déterminer la tendance des années à venir.
Quelques dizaines de minutes plus tard, l’heureuse élue, fait son entrée dans la salle du Conseil. Elle a eu le temps du trajet pour se trouver une contenance, mais reste surprise. Et décoiffée par la célérité qu’elle a mise en œuvre pour venir à cette convocation expresse du Conseil des Vénérables Etoiles.
Bonjour, Boïna. Bienvenue dans l’Amirauté.