PREMIÈRE DANSE
Acte Insensé
Acte Insensé
[D'ICI] « Tout semble s’être bien remis, évite tout de même de forcer trop dessus pendant deux ou trois jours. - Merci Docteur ! ... Je vous dois combien ? - Service offert … pour cette fois-ci. Tu as eu de la chance de t’en sortir juste avec un bras déboité et quelques blues … Je sais que ce ne sont pas mes affaires mais je suis curieux de savoir pourquoi tu as provoqué ce monstre ? Les gens sensés évitent même de croiser son regard alors que toi, tu as tenté de l’affronter si j’ai bien compris ? » Combien de personnes allaient donc encore lui poser cette question ? C’était comme si elle avait commis la bêtise du siècle en voulant s’en prendre à ce « rasoir », rang assigné aux plus fidèles et les plus redoutables agents de la Bounty National Agency, qui l’avait traité telle une catin sans la moindre valeur humaine. Parce qu’elle souhaitait faire de lui son "sensei", elle s’était retrouvé à servir Frau, surnommé l’Ange de la mort, qui, croyant tout se permettre, avait alors commencé à la toucher. Chose que la jeune femme n’avait pas acceptée malgré sa détermination à se plier à tous ses caprices dans l’espoir qu’il accède à sa requête. Un refus qui s'était soldé par un combat qu’elle avait perdu pitoyablement. Elle n’avait même pas tenu dix secondes face au « rasoir » qui, grâce à l’intervention de ses collègues, s’était contenté de lui déboiter un bras alors qu’il aurait pu très bien l’achever facilement. « J’ai juste perdu mon sang-froid. Son arrogance m’a fait sortir de mes gonds, c’est tout ! - C’est tout ? As-tu conscience que ton comportement aurait pu te rendre handicapée jeune fille ? Tu ne sembles pas réaliser à quel point les « rasoirs » sont différents de vous autres petits agents de la guilde. Eux sont des véritables tueurs. Des montres qui traquent même leurs camarades et les tuent avec placidité si on leur en donne l’ordre. Il existe quelques-uns qui ont su préserver une once d’humanité mais Frau ne semble pas faire partie de cette minorité. Il honore bien son surnom d’Ange de la mort … Est-il vrai qu’il a accepté de te prendre comme élève ? - Oui, grâce à Monsieur Suzukawa. - Si le Chevalier blanc en personne a poussé Frau à accepter ta requête insensée c’est qu’il t'a jugée capable de suivre ses entrainements. Je te conseille tout de même d’économiser pour tes futurs frais de soins et d’hôpitaux qui risquent d’être exorbitants. Frau n’est pas fait pour enseigner mais pour tuer. Il ne va pas te ménager même si tu fais partie de la boîte ! » Le ton du docteur était de plus sérieux, démontrant qu’il n’était pas en train de plaisanter. La jeune borgne avait beau avoir compris que Frau était un être dangereux, elle n’arrivait pas cependant à saisir pourquoi tous le considéraient comme une vile créature qui ne vit que pour tuer. Malgré ce qu’il lui avait fait subir, elle avait le pressentiment qu’il n’était pas si mauvais comme tout le monde le prétendait. Était-ce son admiration pour ce rasoir qui l’aveuglait donc à ce point ? « Je sais mais je suis décidée. J’assumerais les conséquences de mon acte … Merci pour la consultation Docteur. » Après une courbette de bienséance, la chasseuse de primes quitta l’infirmerie pour se diriger au dernier niveau du quartier général de la B.N.A. Tout en prenant la direction du toit, endroit accessible à tous et assez prisé, elle se demanda où pouvait bien être Frau présentement. Il avait quitté la ville la veille tel un voleur. Il n'avait même pas jugé nécessaire de dire au revoir à elle, sa disciple. Comportement qui faisait douter la jeune femme sur la réussite de son futur enseignement. Frau lui avait donné un escargot-phone sur lequel il la contacterait afin de lui communiquer un lieu et une date pour débuter son apprentissage mais elle avait osé espérer qu’il l’amènerait avec lui. Un espoir plutôt démesuré quand on sait que les « rasoirs » œuvraient généralement seuls ou en collaborant qu’avec ceux de leurs rangs. Ils n’avaient cure des petits agents de niveau III qu’ils considéraient plutôt comme des entraves à l’accomplissement de leur mission. Mais un véritable maître devrait transmettre ses savoirs quotidiennement à son disciple pour que ce dernier puisse espérer un jour arriver à son niveau mais l'Ange de la mort ne semblait pas penser ainsi. Comment pouvait-elle donc s'attendre à progresser alors qu’elle ne savait même pas où se trouvait celui qui était supposé l’entraîner ? Comme souvent, le toit n’était pas désert. Un petit groupe d’agents de la plus grande guilde des chasseurs de primes était en train de discuter dans un coin, certains une clope au bec. Ils se contentèrent de suivre des yeux la nouvelle arrivante qui se dirigea vers la partie frontale de la bâtisse sans leur accorder la moindre attention. Les mains sur la balustrade, la chasseuse de primes aux cheveux blancs admira un moment la vue imprenable vers la petite ville côtière et la mer qui s’étendait à l’horizon. Puis, en deux trois mouvements elle se retrouva debout sur la rambarde avant de se laisser tomber dans le vide après s’être retournée de sorte à avoir le dos vers le sol. « Putin ! Lâcha un des hommes qui squattaient le toit, laissant tomber la cigarette qu’il coinçait entre ses lèvres. - Mon Dieu ! Laissa échapper un autre. » Tous se précipitèrent à l’endroit d’où avait sauté la jeune borgne …
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