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La face cachée d'Inari


1626 est une année sombre pour Inari…

Boru Bodur n’est plus, l’ile flottante sacrée, lieu de pèlerinage pour des milliers de croyants a disparu,  et avec elle le haut prêtre Hubert ainsi que tout attraits relatifs à Inari. Ce qui reste de l’ile n’est plus que l’ombre d’elle-même et ne doit sa survie qu’aux quelques temples encore intactes, une population locale fanatique et un groupuscule de plus en plus puissant, la Cabale…

La Marine joue également un rôle important, avec à la tête de la 74eme division le dénommé colonel Boris Kojevic, vieux mais talentueux guerrier et stratégiste qui comptait couler des jours heureux à Inari. La disparition de Boru Bodur sous sa protection fut un coup dur pour son unité et sa carrière,  qui n’a de cesse depuis que de trouver les responsables et mettre un terme aux agissements de la Cabale de manière à redorer son blason…

En ce jour l’espoir renaît, la population se permet de sourire à nouveau, les cœurs se libèrent et les prières reviennent. Leur foi avait eu raison du mal, le terrible Ernesto venait d’être appréhendé, et son exécution serait au lever du soleil. Aube et symbole d’une nouvelle ère…

Ce fut dans ce contexte que le dénommé Olek s’amarrait au port, en cette fin d’après-midi, douze heures avant la dite exécution…

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Le dieu grec posait pied sur le quai, quittant ainsi sa petite barque de fortune misérable pour la première fois depuis des jours. Le port était vide, les quelques bateaux en mouillage tanguaient silencieusement et un doux vent frais d’automne venait balayer détritus,  feuilles de journaux et poussière en un léger tourbillon. L’endroit était en piteux état et semblait vivre ses heures les plus sombres. La seule présence d’une vie humaine était un jeune homme avachi sur des caisses de pêches, habillé de haillons crasseux, la mine chaotique, le nez rouge et les yeux fixés dans le vide. Olek traversa le port sans s’arrêter,  le Punk lui fit un signe de tête reconnaissant, ces hommes-là n’aimaient pas être dérangeaient et le jeune forban ne connaissait que trop bien ce sentiment. Il arracha d’une main une affiche qui manquait de s’envoler, accrochée sur un tableau d’annonces à moitié bouffé par les termites et se mit à la lire en remontant le chemin vers la ville.

Il n’y avait pas grand-chose d’intéressant sur le bout de papier, mis à part qu’une fête était organisée au centre en l’honneur de la glorieuse victoire de la Marine sur un groupe de fanatique il y a quelques jours. N’ayant le besoin d’en savoir plus, il jeta la feuille au vent sans même remarquer les écritures au dos qui annonçait l’exécution au petit matin du criminel le plus recherché de l’ile… Un léger sourire vint élargir ses lèvres, n’étant pas le plus prospère ni le plus compétent des pirates, le bonhomme n’avait rien mangé depuis des jours et se remplir la panse aux frais du gouvernement était une de ses activités favorites…

Alors que le soleil commençait à disparaître à l’horizon il passait les portes d’une ville bondée, s’enfonçant dans une marée humaine et chaleureuse. Le but de sa soirée était clair, se défoncer le bide, trouver un bar et se bourrer la gueule jusqu’au lever du jour en digne pirate. Il se mêla ainsi aux festivités de bon cœur sans se rendre compte que le petit homme loufoque du port le suivait à bonne distance, le visage dissimulé dans l’ombre de sa capuche. Les seuls aspects visibles de sa personne étaient un sourire dément et une croix religieuse retournée autour du cou…



Dernière édition par Olek le Lun 07 Déc 2015, 08:17, édité 2 fois
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Il est tard, les Etoiles brillent de mille feux dans un ciel dégagé, l’heure n’a que peu d’importance, il s’agit du moment le plus calme de la nuit, l’instant ou la nature reprend ses droits, ou les êtres humains se cachent sous leur toit et leur couette pour attendre l’arrivée d’un soleil aimé. Olek était là, seul, accoudé à l’estrade qui ferait office de lieu d’exécution. La fête était finie et la ville dormait, la lune était en pleine lutte pour rester visible dans les cieux, avec comme seul spectateur un jeune pirate bercé par la nostalgie de l’alcool. Une bouteille à moitié vide dans une main l’homme a la tête tourné vers les cieux. Le ventre repu, l’esprit embrumé et le corps soulagé, il était heureux.

Il n’était pas du genre à se poser des questions sur son futur et sur sa raison de vivre, il vivait au présent et en partie pour vivre des moments simples et inoubliables comme celui-ci… Personne pour le déranger, aucun crane à défoncer, une quiétude chaleureuse qui lui faisait du bien pour une fois… C’est ainsi qu’Olek s’endormit, debout, le dos et la tête soutenus par un pilier de bois, au-dessus duquel se balançait un nœud de pendu en un rythme étrangement régulier…

Il fut réveillé au petit matin par des cris et une drôle de sensation, comme si quelqu’un essayait de le pousser. Olek ouvrit les yeux, le soleil se levait à peine et la place était déjà remplie de monde, l’atmosphère était lourde et beaucoup moins joyeuse que la veille, le pirate y reconnut l’attente du sang et l’apogée de la haine. Il baissa les yeux pour voir deux hommes en uniforme de la Marine essayer de le pousser sur le coter, quelque chose ayant à voir avec une pendaison retardée à cause de sa présence sur l’estrade. Le jeune homme n’aimait pas être réveillé, encore moins par des Mouettes alors qu’il se tapait une gueule de bois impitoyable. En conclusion Olek poussa les deux insectes et se redressa la mine peu commode.  Des hoquets et petits cris de surprise se firent entendre dans la foule, qui se transforma en tumulte et en clameur de plus en plus assourdissante.

Olek qui comptait partir sans faire d’histoire au début, se sentit l’âme beaucoup moins généreuse, les soldats alentours commençaient à s’agiter, incertain de la conduite à suivre face à ce géant immobile à l’allure bestial. Un vieil homme en uniforme de gradé apparut alors soudainement devant lui, une tête d’alcolo mais les yeux brillant d’une vive intelligence et d’un conformisme à toute épreuve.


- Je ne veux pas de scandale avant l’exécution mon grand, je te serais reconnaissant si tu descendais. Vois ce qui arrive aux trouble-fêtes par ici.

Le colonel Boris Kojevic lui fit un signe de tête en direction du condamné enchainé un peu plus loin, comme pour essayer de lui faire comprendre la situation dans laquelle il se trouvait et ce qui ne manquerait pas de lui arriver s’il jouait au rabat-joie. Olek plissa les yeux devant cette menace non dissimulée, le vieil homme était dangereux, un gradé d’expérience, promu par ses capacités et non pas par la largeur de son portefeuille …

Le pirate tourna la tête pour observer le criminel entre les mains de ses bourreaux, grand, fière allure, un corps musculeux et un visage charismatique dont les yeux étaient semblables à deux brasiers de volonté pure. Le gars lui rappelait son oncle Red…

Il n’était même pas question de faire un choix, son front vint percuter le crane du colonel…
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Le nez du gars se brise sous l’impact tandis qu’il est propulsé contre une rangée de soldats qui s’effondrent telles des quilles. Il n’y avait rien de plus jouissif que les attaques surprises, jamais personne ne s’y attendait, d’où leur appellation… Olek enchaine rapidement, fracasse le crane d’un Marine d’une gifle, décapite un des gardiens du prisonnier du tranchant de sa main et écrase le corps du deuxième avec son pied. Il se saisit du criminel, le fourre sur son épaule et saute dans la foule en délire. Le sang gicle de partout, les gens prennent leurs jambes à leur cou, les marines font feu sous les ordres effrénés d’un colonel au pif défoncé. C’est l’anarchie, les tirs blessent la populace, le pirate piétine les civils sur son chemin qui gueulent comme des déments et le mec sur son épaule éclate d’un rire sincère. Olek disparait au tournant d’une rue et s’enfonce dans des quartiers inconnus, ses jambes gigantesques et puissantes ont vite fait de laisser les bruits de poursuites loin derrière lui.

- Prends à gauche ! dit-il en riant.

Olek écoute son passager qui commence à lui donner des indications, ils sortent du centre-ville en quelques minutes et pénètrent dans les bas-quartiers, rentrent dans un des temples gigantesques et se dirigent vers l’autel au fond de la pièce. Le prisonnier lui montre une trappe dissimulée derrière un tapis et ils s’enfoncent tous deux dans les ténèbres de passages souterrains disproportionnés, pour le plus grand bonheur du dos enorme d’Olek.

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Ils étaient assis à une table, dans une salle commune six pieds sous terre, les catacombes de la ville d’Inari étaient gigantesques et faisaient office de quartier général pour la cabale. Réseaux interminables de tunnels et de tombes, véritable labyrinthe sous-terrain dont la Marine ignorait même l’existence. L’homme qu’Olek avait sauvé s’appelait Astral Ernesto, surnom « Le Guide », il était le leader de la Cabale, un groupuscule dangereux qui voulait prendre le control de l’ile. Le pirate s’en tamponnait un peu de son histoire et somnolait à moitié pendant le long discours d'introduction du type.  

- En tout cas mec, tu m’as sauvé la vie ! Si je peux faire quelque chose pour toi n’hésite pas !

Le mec était sympathique, c’était un roublard et un menteur mais un bon gars, dans son genre… Olek connaissait ce genre personnage et Ernesto attendait quelque chose de lui, cela se voyait dans son regard insistant et se sentait dans son attitude beaucoup trop aimable. Il l’avait sauvé sur un coup de tête, une impulsion, le pirate ne comprenait pas vraiment pourquoi mais il avait ressenti le besoin de tirer le type des griffes de la marine. Comme si une petite voix dans son esprit lui murmurait qu’il obtiendrait ce qu’il voulait en sauvant Ernesto. Dévorant un repas apporté par les laqués  de la cabale Olek lui répondit la bouche pleine, sans tact ni sympathie particulière.

- Le gouvernement et moi c’est une grande histoire d’amour. Si tu me disais ce que tu attends de moi ?

Pas le moins du monde surpris par l’attitude d’Olek, Astral affichait à présent un sourire malicieux et ses yeux pétillèrent d’une lueur conspiratrice. Le pirate eut la soudaine impression d’être manipulé, de n’être qu’un pion entre les mains du leader de la cabale. Puis il se rendit compte que cela n’avait aucune importance, cela n'en avait jamais eu et décida d’écouter la proposition d’Ernesto en continuant de bouffer comme un sauvage.

- La raison pour laquelle je me suis fait prendre est que j’ai pris contact avec le second du colonel, un dénommé Baresta.  Ça fait longtemps qu’on est en collaboration lui et moi, ce gars est un serpent de la pire espèce mais nos intérêts convergent dans le même sens. Malheureusement j’ai été aperçu en sa compagnie par une patrouille de la Marine et j’ai dû faire passer notre petit rendez-vous secret pour une tentative d’assassinat. Seul moyen de protéger la liaison entre la cabale et le commandant Yoshi. Ce…


- Et moi dans l’histoire ?


La patience n’était pas le fort d’Olek et les longs discours avaient tendance à l’énervé. Surtout quand ceux-ci parlaient de conspirations et de plans ridicules, son interlocuteur était en train de descendre dangereusement dans l’estime  du pirate. Ernesto sentit que le poisson ne mordait plus, que l’hameçon commençait à se détacher, il avait surestimé l’intérêt du nouveau venu quant à l’histoire de l'ile et des différentes forces en jeu. Il était temps d’entrer dans le vif du sujet, de jouer l'unique carte qui rallierait Olek à sa cause...


- Un coup d’état est prévu pour dans quelques jours, on va prendre control de l’ile, en faire un bastion de la piraterie et de la contrebande.  J’ai vu ce dont tu es capable, je veux que tu t’occupes du Colonel Kojevic.
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Olek avait accepté, il n’avait rien de mieux à faire et l’appel du sang était plus fort que lui, non pas qu’il luttait vraiment pour y résister... Son père le trouverait bien pathétique s’il le voyait aujourd’hui… Ou peut-être pas… Son défunt géniteur était de ceux à l’âme compréhensive et miséricordieuse, qui voyaient le bien en tout être humain, même parmi les plus corrompus… Une chose était certaine cependant, il ne se rendrait jamais compte de la dévastation que son fils causerait sur les mers, une mort bienveillante l’ayant emporté avant que cette vision de carnage ne puisse lui briser son vieux cœur déjà fatigué….

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Il fallut quelques jours pour que les préparations soient complètes, Ernesto s’occupant de la logistique et du bon déroulement des différentes étapes du plan avec l’aide de ses dizaines de pions tandis qu’Olek restait enfermé, son physique peu discret ne lui permettant pas de se balader à la surface. Il avait passé ce temps à guérir de ses blessures, à s’entrainer et regagner l’intégralité ses forces.  Des patrouilles circulaient à sa recherche et son portrait tout comme celui du chef de la cabale était affiché dans chaque rue. Il semblerait même que sa tête était mise à prix,  une nouvelle qui en toute autre circonstance aurait mérité une bonne cuite dans les règles de l’art mais qui ne déclencha qu’un haussement de sourcils agréablement surpris du colosse. A ce moment, à  bout de nerf, fatigué de se cacher et énerver du temps que prenait le commencement de l’opération, Olek était plus d’humeur à fracasser des cranes qu’à festoyer.

A tel point qu’il manqua de tout foutre en l’air. La patience n’était pas son genre, et la stratégie ne signifiait à ses yeux que l’art de défoncer son adversaire  par une puissance supérieure ou par un duel de volonté, semblable aux clashs entre les êtres légendaires qui sculptèrent ce terrain de jeu qu’était devenu le monde. C’est ainsi qu’il tomba nez à nez avec Ernesto sur le chemin vers la surface, au milieu de centaines de cranes et d’ossements, au cœur des catacombes  d’Inari, logement secret de la secte.

D’un côté un homme qui se fondait dans l’ombre, le visage et le corps dissimulés derrière capuche et cape noir,  qui semblait ne faire qu’un avec son environnement, dont les desseins et pensées étaient impénétrables. Tandis que de l’autre côté  se trouvait une force de la nature qui semblait repousser les ténèbres par son unique présence, par sa  volonté aussi vive et brulante qu’un soleil de midi sur Alabasta. Ils ne pouvaient pas être plus différents, et pourtant tous deux se comprenaient s’il s’agissait des cotes d’une même pièce. Ils se jaugèrent durant plusieurs secondes, immobile, certains pourraient penser qu’ils étaient incertains de la conduite à tenir, mais la vérité était toute autre, leurs regards en cet instant parlaient plus que tout discours et avaient plus de significations que n’importe quelles paroles. Ernesto comprenait qu’il ne pourrait garder Olek plus longtemps, essayer de le contrôler était similaire à vouloir apprivoiser le climat de Grand Line, il était temps de laisser la nature reprendre ses droits, d’ouvrir les portes de l’enfer sur Inari. Et même si tout n’était pas encore prêt, cela valait mieux que de prendre le risque de laisser le colosse réduire à néant des mois de préparations.  Ernesto enleva sa capuche, dévoilant un sourire complice et princier à son acolyte, ils échangèrent alors une poigne de guerrier alors qu’il lui donnait les indications pour l’attaque qui aurait lieu ce soir…

Olek quand à lui commençait à se méfier de la sincérité du bonhomme mais n’avait ni l’envie ni le temps de s’en inquiéter.  Il gèrerait ce problème en temps voulu, sans se douter une seule seconde de la merde dans laquelle cette façon de penser allait le foutre d’ici quelques heures...

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Un sourire bienheureux vint adoucir ses traits dissimulés dans la pénombre alors qu’il portait un toast à la mémoire son père. Silhouette ténébreuse faiblement éclairée par les rayons d’une pleine lune perçant à travers une fenêtre ouverte. Le pirate se trouvait à l’étage d’un manoir finement meublé, dans une large pièce qui semblait être le cabinet privé d’un homme de bon gout et d’âge mur. Un cigare allumé en bouche trouvé dans une boite sur le bureau, ainsi qu’un verre de cristal rempli de whisky à la main, Olek était affaissé paisiblement dans un fauteuil de cuir qui n’était pas le sien, les pieds crasseux sur un bois sculpté qui méritait un meilleur sort. L’heure fatidique approchait et tout était en place… Ne manquait plus que l’entrée en scène du personnage principal…
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Quelques jours auparavant.

Je m’aventurais sur North Blue tel le vagabond que j’étais. Comme à mon habitude, j’allais passer ma journée à composer, gratter quelques notes sur du papier et flemmarder dans ma chambre d’hôtel ; une journée standard pour un musicien. Dans ces moments-là, je ne me préoccupais de rien, pas de problèmes avec la Marine ou avec d’autres types qui auraient éventuellement pu me chercher des noises. Evidemment, il fallait toujours que quelque chose passe de travers. Mon mini-escargophone sonne, peu de gens possédaient l’accès à ma ligne ou en connaissaient l’existence. Devais-je décrocher ou bien laisser l’appareil donner de la voix de sa façon si caractéristique. Je prenais l’appel, trop de questions sans réponses ; bien mal m’en pris lorsque je reconnus la voix au bout du fil.

« Oy Oy Oy Klaus, la forme ? »
« Picrate… »
« Eeeeeeet oui, ton vieux pote Picrate qui se rappelle à ton bon souvenir ! »
« Qu’est-ce que tu m’veux ? »
« Moi ? Rien, juste l’envie de te parler »
« Arrêtes ton char et dis-moi ce que tu veux, tu veux toujours quelque chose ! »
« Okay, t’es toujours aussi perspicace, j’ai un boulot pour toi à Inari »
« Pas perspicace Picrate, juste que je te connais bien trop, malheureusement… C’est quoi le job ? »
« Oh trois fois rien, il te faudra juste arrêter l’exécution d’un gars sur une place publique »
« Et j’y gagne quoi ? »
« Mon respect et ma gratitude Klaus, mon respect et ma gratitude »
« Tu t’fous d’ma gueule ? »
« Est-ce que je dois te rappeler qui t’as sorti des griffes de ta demi-sœur ? Qui t’as fourni un moyen de fuite ? Et qui essaie de faire en sorte de brouiller les pistes hmmm ? »
« Pfff…D’accord, d’accord, mais j’aurais besoin de plus de détails »
« Les détails sont devant ta porte »
« Quoi ? Mais comment t’as su… »
« C’est mon métier, tu l’aurais aussi oublié ? »

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Je débarquais sur Inari après plusieurs jours de voyage. Paraîtrait-il que c’est un bel endroit où il fait spirituellement bon vive. Du moins, c’était avant la chute d’une île volante…J’avais bien du mal à imaginer un machin volant au-dessus de la ville. Ça devait être quelque chose d’immense visible depuis la mer ; une chouette vue en somme. Mais je n’étais pas là pour faire du tourisme, un contretemps en mer m’avait retardé d’une demi-journée sur l’horaire de l’exécution. Picrate n’allait pas être content, mais je n’en avais strictement rien à foutre, si ce type est mort, ce n’était certainement pas de ma faute. Par quiétude de conscience, j’allais m’informer sur les événements passés en ville récemment. Et quoi de mieux qu’un rade pour trouver foule d’informateurs zélés ? Je m’installais à une table où une partie endiablée de cartes avait lieu. J’avais quelques berrys à dépenser, autant poser des questions utilement ou bien écouter les ragots qui circuleraient. Je glanais des informations assez rapidement, facilement, on ne parlait que de ça au bar. Un type avait arrêté l’exécution, un coup de tête entre les deux yeux du superviseur, je l’aimais déjà ce gars. Le leader de la cabale était donc en vie, quelqu’un avait fait le job à ma place…Picrate avait peut-être envoyé un autre type en renfort…Le bonhomme en serait capable. La partie allait bon train, les potins aussi d’ailleurs. C’est fou le nombre d’informations inutiles que l’on peut trouver dans une conversation.

Je sortais du troquet les poches pleines, l’expérience et quelques tours de mains avaient contribués à ma nouvelle richesse. Qu’est-ce que je pouvais bien faire à présent ? Le travail avait été rempli, plus besoin de sauver Ernesto ; je pouvais partir l’esprit tranquille… Si seulement… L’escargophone retentit dans mon Trench Coat, fait chier…Picrate encore. Jamais je ne comprendrais comment cet homme pouvait posséder autant d’informations, je savais que le renseignement était son domaine mais tout de même. Bien évidemment, il m’interpella sur le fait qu’un autre gars avait bossé à ma place, le savon habituel. Ma mission à Inari n’était apparemment pas finit, loin de là, il fallait que j’aide Ernesto à s’emparer de l’île toute entière. Je pestais puis rétorquais que ce n’était pas ce qui était convenu…Le fait que j’arrive à la bourre aussi qu’il ironisa. Picrate savait taper là où c’était nécessaire. Mon code de conduite lui donnait raison, je me devais de remplir le contrat même si cela impliquait de faire des choses peu recommandables. Mon commanditaire me suggéra de chercher Ernesto dans les catacombes, Picrate était à peu près sûr que je le trouverais là-bas. Une virée dans les égouts, quoi de plus rafraichissant ?

Je pénétrais dans les bas-fonds de la ville par une bouche située non loin de là. L’odeur y était répugnante, mais j’avançais tout de même ; je n’allais pas reculer pour si peu. Un véritable dédale m’entourait, belle planque pour une organisation telle que la Cabale. Sans savoir où chercher, sans même savoir où aller, j’allais et venais, un coup de bol me permettrait peut-être de trouver l’emplacement de la cachette. Je ne savais pas depuis combien de temps j’errais, une heure ou deux sans doute. Je fouillais dans tous les coins et recoins sans résultats. Et puis, le jour suivant, je tombais finalement devant une porte en bois branlante, j’y entendais distinctement plusieurs voix, bonne pioche me dis-je. J’ouvrais ladite porte, les gonds couinèrent à mon entrée qui fut proprement glaciale. Cinq gaziers étaient là me fixant du regard, l’atmosphère qui auparavant semblait joyeuse était devenu lourde et silencieuse ; je brisais la glace.

« Salut les gars, je vous raconte pas le mal de chien que j’ai eu pour vous dénicher mais vous voilà, je cherche Ernesto, Picrate m’envoie p… »

Je n’eus même pas le temps de finir ma phrase que les disciples se ruèrent vers moi. Il fallait que je réfléchisse en une fraction de seconde, devais-je les mettre au sol, quelques beignes dans la tronche ? Ou bien devais-je me laisser prendre et les laisser me conduire jusqu’à leur leader ? La deuxième option semblait la plus intéressante. Sans résistance, je me laissais faire, un petit passage à tabac n’était pas grand-chose, ça piquait un peu, sans plus. J’espérais simplement qu’ils seraient assez stupides pour m’emmener jusqu’à Ernesto. Ils m’attachèrent solidement, le croyaient-il ; puis, ils me recouvrirent le visage d’une cagoule puante. Je les entendais discuter, se demandant ce qu’ils allaient faire de moi. L’un d’entre eux décida qu’Ernesto saurait quoi faire de moi. Jackpot. Tout se passait aussi bien que je l’espérais, comme du beurre qu’on étalerait sur une tartine de pain. On me fit embarquer dans ce qui semblait être un véhicule, j’ignorais de quel genre. Mon idée de départ était de compter chacun des pas que j’aurais pu faire pour connaître l’emplacement du Leader. Je n’avais pas prévu le transport.

Je ne saurais donc pas dire où ils me conduisirent. Au vu du nombre de marches que je grimpais, je pouvais être sûr que le bâtiment dans lequel je me trouvais à présent était démesuré, gigantesque. J’entendais maintenant deux battants de portes qui s’ouvraient. On m’y poussa pour que j’entre, ce que je fis sans rechigner. Un bon coup de pied derrière le genou me força à poser mes jambes au sol, je sentais que l’heure de ma rencontre avec Ernesto arrivait. Une minute passa, puis deux, et enfin trois, la porte s’ouvrit à nouveau.

« Qu’est-ce que c’est ? » dit une voix tandis qu’une autre plus formelle se fit entendre
« Un gars qui a trouvé notre planque dans les catacombes, il nous a parlé de pinard, qu’il vous cherchait, on a rien compris »

Si seulement, il m’avait laissé le temps de m’exprimer, tout aurait pu être si simple… Il était temps que j’entre en piste. En un tour de main, je me détachais, sans même prendre le temps d’enlever la cagoule qui entravait ma vue, je frappais le type de droite puis l’autre à gauche que je fauchais du pied ; j’avais l’oreille plutôt fine, je savais approximativement où se trouvait mes ravisseurs. Enfin, je retirais le capuchon, j’observais finalement la pièce et ses occupants ; Ernesto derrière moi, ses deux hommes et un autre type devant moi, le cheveu hirsute, fumait le cigare. Sans un mot, je récupérais toutes mes affaires, ils m’avaient littéralement détroussé de tous mes biens. Je récupérais mon Trench Coat que j’enfilais, mon chapeau ainsi que mes lunettes qui étaient disposé là sur un fauteuil luxueux. L’impression de nudité s’en alla une fois mes vêtements sur moi. Je tournais les talons pour faire face au Leader.

« Ah oui, c’est beaucoup mieux ! Maintenant on peut causer. J’me devais de corriger ton personnel histoire de resserrer les liens de notre future collaboration » lui dis-je en montrant le morceau de corde  au sol « Picrate m’envoie, à la base j’étais censé sauver ton p’tit cul sectaire de l’échafaud mais j’ai eu un léger contretemps, désolé pour ça. Tout est bien qui finit bien j’imagine, t’as toujours la tête sur les épaules. Il m’a demandé de te filer un coup d’main, m’demande pas comment il sait de tes petites affaires, j’en sais rien »
« Picrate ? Comment va ce vieux fouineur ? »
« Aussi bien qu’un rat qui aurait trouvé un morceau d’fromage remplit d’infos j’dirais. »
« Hahaha, type bizarre ce Picrate hein ? »
« Yep »
« En tout cas, je ne refuse pas ton aide, même si j’imagine qu’elle ne sera pas gratuite »
« Mon aide si, celle de Picrate, moins sûr »
« Je pense qu’on sera amené à prendre contact lui et moi »
« T’inquiètes pas, quand il flaire quelque chose, il lâche pas l’bout d’gras, il saura te trouver »

J’allumais une Huff&Puff, ma marque de cigarette favorite, tout en scrutant l’homme assis derrière le bureau. Il n’avait pas prononcé une seule parole, pas un mot. Pourtant, je sentais que quelque chose n’allait pas. Je l’avais observé durant toute la conversation avec Ernesto, je sentais que cet homme avait soif, non pas du whisky qu’il était en train de boire mais bien d’autre chose. J’avais vu ce regard de nombreuses fois, il trépignait d’impatience, il voulait de l’action sans tarder.

« Et lui c’est… ? »
« Oh, j’en allais oublier les présentations, je te présente Olek qui m’a sauvé la vie y a quelques jours, Olek je te présente…Euh…C’est quoi ton nom ? »
« J’tiens pas vraiment à ce qu’on me cite dans un torchon après mon départ, j’ai mes propres soucis…Mais j’imagine qu’il faut que je me mouille pour que vous ayez un peu plus confiance en moi…Klaus »
« Très bien messieurs, il est temps de s’emparer de cette île »
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Il faisait nuit, le colonel passait le portail ouvert de son domaine, une expression abattue sur le visage. Les recherches ne menaient à rien, impossible de retrouver ce satané Ernesto et son complice de géant qui l’avait sauvé de l’exécution. Apres quelques courriers et appels par Den Den Mushi il n’avait pas fallu longtemps pour mettre un nom sur ce visage de barbare. Olek, une tête mise à prix pour trente millions de berrys… Apres, la raison de sa venue était inconnue et il n’y avait aucune logique dans ses déplacements, ce sauvage était un véritable électron libre qui semait la zizanie sur son passage. Ce qui ne présageait rien de bon pour les habitants de l’ile, surtout s’il s’alliait avec ces mécréants de la cabale.

Il se frotta le front à ce souvenir, l'os encore douloureux de l’attaque sournoise du pirate, il se promit d’avoir sa vengeance et de lui faire regretter une fois qu’il lui mettrait la main dessus. Ce qui n’était qu’une question de temps, ces misérables se cachaient quelque part, et comme toutes vermines, elles sortiraient de leur trou un jour ou l’autre. Le filet était prêt, ses troupes patrouillaient jours et nuits, le commandant Baresta s’en était assuré, le piège ne manquerait pas se refermer d’ici peu…

Cette pensée, ainsi que celle de revoir et de serrer sa petite fille dans ses bras lui rendirent un peu de couleurs, elle devait déjà être rentrée de son cours de danse à cette heure-ci. Elle l’attendait probablement au coin du feu en lisant un de ses romans à l’eau de rose. Il sourit et redressa alors les épaules, refusant de se laisser abattre et ne voulant pas que sa famille soit témoin de son état lamentable. Il fit un signe de tête aux deux gardes en poste devant le portail et un geste de la main aux deux autres qui quadrillaient en permanence la résidence. Il ne les reconnut pas, il ne s’agissait pas des anciens qu’il avait l’habitude de voir, mais Boris ne s’attarda pas plus sur la question, ils étaient probablement les nouvelles recrues envoyés par Yoshi.

L’homme d’âge mur leva les yeux au ciel pour remercier sa bonne étoile de lui avoir envoyé un subordonné aussi compétent, un officier avec tant de talents et de valeurs. Depuis que Baresta était arrivé, Boris pouvait passer beaucoup plus de temps avec sa fille, lui qui en avait assez de pourchasser truands et hors la loi, assez de signer telles ou telles prérogatives inutiles et plus qu’assez de passer ses journées à juger des affaires les unes plus ridicules les autres.  Ce nouveau commandant était un joyau, un cadeau des dieux pour le vétéran fatigué, une aide dont il savait ne plus pouvoir, ni vouloir se passer. Sans oublier que c’était également grâce à Baresta qu’ils avaient réussi à mettre la main sur Ernesto en premier lieu. Oui… Tant que Baresta était là, le futur d’Inari était assuré et Boris pouvait tranquillement et sans scrupule lui déléguer de plus en plus de taches…

« Ce valeureux et aimable officier était ce qui se rapprochait le plus d’un fils » Pensait-il alors qu’il ouvrait la porte d’entrée du manoir….

Il faisait noir, pas une lampe, pas une bougie, pas une seule étincelle ni crépitement de feu. Il faisait froid et le silence qui régnait était abrutissant, menaçant. Le colonel eut un mauvais pressentiment, un soudain pincement au cœur qui manqua de le faire tomber à genoux. Son pouls s’accéléra, des gouttes de sueurs perlèrent de son front malgré la fraicheur hivernale, quelque chose n’allait pas, il en avait la conviction, ou était Esmaralda ?! Ou était sa fille ?!

Il y avait un désespoir certain dans sa voix, une peur presque tangible. Il cria son nom, encore et encore, ouvrant chacune des pièces, cherchant un signe, aussi minime fut-il, en vain… Jusqu’à voir la porte de son bureau entrouverte à l’étage, un élan d’espoir naquit alors, un misérable soupçon qui disparut aussi rapidement qu’il était arrivé lorsqu’il entra dans la pièce.

Il reconnut presque aussitôt l’homme avachi dans son fauteuil, le géant Olek, personne n’oubliait une telle force de la nature ni un regard aussi assoiffé de sang. Sa détresse se changea subitement en colère et sa peine en haine. Il cracha son dégoût autant qu’il cria sa rage, d’une voix si imposante et pleine d’émotions qu’elle fit hausser un sourire de surprise à Olek.


- OU EST MA FILLE DÉMON?!

Le jeune pirate souffla un dernier rond de fumée dans la direction du colonel et termina d’une traite son verre de bourbon. Dans un râle de contentement il se redressa de toute sa hauteur, ce qui fit craquer les lattes sous ses pieds. Sa réponse fut courte, sa voix dangereusement froide et puissante.

- Je suis simplement la pour te tuer l’ami. Essaie de me divertir un minimum.
- SOLDATS ! A MOI !!

Mais personne ne vint, la cour était vide et les gardes de Baresta avaient disparu… Le combat débuta alors qu’Olek balançait le bureau d’une main puissante sur un père désespéré, sans oublier qu'il n'y avait rien de plus dangereux qu'une proie acculée...


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Tandis qu’au même moment au centre-ville, le dénommé Klaus faisait face à une situation bien plus complexe…
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Capturer une femme hein ? Ce n’était pas vraiment ma tasse de thé, mais le boulot devait être fait. La simple idée de lui faire du mal pour qu’elle me suive me serait inacceptable, impardonnable ; il faudrait sûrement que je ruse pour que la dame daigne suivre un vaurien. La première partie de la mission était commune à mon acolyte du soir, comprenez qu’il fallait que nous investissions la demeure du ponte de la Marine. Olek, brutal, passa par l’entrée de service tandis que plus subtilement je me faufilais  discrètement sur les toits. Ma brute épaisse de partenaire faisait un sacré boucan en bas, parfaite diversion. J’entrais par une fenêtre ouverte, la sécurité laissait vraiment à désirer. J’avais l’impression d’être un agent en mission d’infiltration, faire le moins de bruit possible, ne pas se faire repérer, jouer des ombres pour avancer. Bien sûr, je ne croisais pas beaucoup d’obstacles dans ma progression vers la chambre de la demoiselle. Il ne fallait pas que l’on me croise ou que quelqu’un voit mon visage. Je savais que j’étais embarqué dans une affaire qui me dépassait, prendre une île par la force, ce n’était pas rien. Je ne voulais pas me retrouver cité dans un journal, ou pire qu’une prime tombe sur ma tête. Il faudra que j’en touche deux mots à Picrate une fois le job terminé.

D’un mouvement éclair, je me débarrassais des deux gardes qui étaient censés assurer la sécurité de la fille du colonel de Marine. J’entrais dans la pièce tout en poussant les deux portes battantes qui obstruaient l’accès. Sans mots dire, j’avançais dans le noir, il semblait que la pièce soit vide, mais d’expérience, je ne me fiais jamais aux apparences. Elle était là, je pouvais entendre une respiration saccadée, la demoiselle ne savait pas se faire discrète.

« yohohoho yohoho yohoho yohoho ho binkusu no sake wo todoke ni yuku yo…»

Je fredonnais cette mélodie vieille de plus de deux ans, pourquoi ? Aucune idée, peut-être espérais-je simplement qu’elle apaiserait la demoiselle. Sûrement se pensait-elle en sécurité sous ce lit, après tout ce comportement est un vieux réflexe de la proie face à la prédation, se cacher pour survivre, tel était l’homme au début de son histoire. Je pouvais distinguer une silhouette recroquevillée, apeurée. Sans doute avait-elle été avertie par les deux gardes que quelque chose se tramait à l’étage inférieur lui suggérant de se cacher en attendant que la tempête ne passe. Je m’arrêtais près du lit, tandis que je me penchais pour regarder en dessous, un cri strident retentit dans toute la pièce ; mes tympans en auraient presque saignés. Moi qui voulait faire ça tout en douceur, tout en finesse, c’était raté. Après tout, j’aurais pu m’attendre à cette réaction de sa part.

« Allons, allons, arrêtez de hurler comme ça, je ne vous assure qu’aucun mal ne vous sera fait »
« GYAAAAAAH ! A MOI ! AU VIOL ! AU MEURTRE ! A L’AIIIIIIIIIDE !!! »

J’entendais déjà des soldats de Marine qui montaient les escaliers quatre à quatre, il fallait agir et le plus rapidement possible serait le mieux. Je soulevais le lit tandis que la demoiselle tentait de prendre la fuite. Sans plus de cérémonie, je l’attrapais par le bras puis je la jetais sur mon épaule droite. Il était temps de prendre la poudre d’escampette, le colis était sécurisé. Je sortais de la chambre en trombe sans me soucier des gardes qui venaient de débarquer dans mon dos. J’augmentais l’allure et je prenais la direction de la fenêtre prise auparavant. Je sautais sur le toit avec la demoiselle qui hurlait de plus belle. J’allais me faire repérer d’une façon ou d’une autre, j’aurais dû prévoir un bâillon pour l’occasion…Bizarrement tout se passa sans réel encombre sur le chemin du retour. J’aurais pensé que la Marine m’aurait offert un peu plus de résistance, mais ce quasi-silence dans la nuit n’était pas là pour me déplaire. Je ne m’arrêtais pas, je ne me retournais pas, je continuais bille en tête traversant de multiples rues et ruelles. La lune au plus haut m’offrait un champ de vision impeccable, au moins, je n’avançais pas à l’aveugle.

Quelques minutes plus tard j’arrivais à l’endroit où se trouvait le Leader de la Cabale, dans cette demeure tout aussi immense que la précédente. J’étais plutôt satisfait de moi, tout s’était à peu près bien passé. J’entrais par la porte, je montais les marches que j’avais grimpé encagoulé quelques heures auparavant. À présent, j’entrais dans la pièce de séjour, personne n’était encore arrivé. Sans plus de cérémonies, je jetais la demoiselle sur le canapé situé là calé entre une bibliothèque et un fauteuil. J’entendais la demoiselle couiner, pleurer, de longs sanglots dévastant son maquillage. Je sortais mon paquet de cigarette avant de m’en griller une. J’inspirais de longues bouffées avant d’expirer fumée et nicotine vers le plafond… Je regardais la gamine, une vingtaine d’années peut-être moins, je roulais des yeux en signe de dépit ; j’allais encore une fois jouer au baby-sitter.

« Une cigarette ? » lui dis-je en tendant le paquet, pas de réponse... « Personne ne vous fera de mal, je vous le répète. C’est juste une petite opération, vous serez libre dans la matinée ; je vous en fais la promesse »

Même si j’ignorais la raison qui avait poussé Ernesto à la faire capturer. En parlant du loup, le Leader entrait dans le salon, il semblait satisfait de la tournure que prenaient les choses. Il regarda la jeune femme avant de se tourner vers moi

« Bon boulot »
« C’était pas grand-chose, elle était juste un peu bruyante sur le chemin du retour »
« haha, oui, on m’a raconté qu’Esméralda pouvait parfois être hystérique n’est-ce pas Esméralda ? »
« On en fait quoi maintenant ? »
« Maintenant ? Mais c’est très simple » me dit-il en me tendant une arme à feu de bonne facture « Je veux que tu la descendes »
« Wow wow wow ?! attends deux secondes, c’était pas ce qui était prévu ! »
« Ça te pose un problème de tuer une femme »
« Effectivement, elle est innocente, elle n’a rien à voir dans cette histoire ! »
« Innocente ? Mais qui donc est innocent dans ce monde ? Tu crois vraiment que c’est si facile ? HAHAHA tu es bien naïf. Très bien, je comprends ton choix… »

Je regardais Ernesto, je ne pouvais croire qu’il m’ait demandé une chose pareille. Mais, je ne me doutais pas de la suite des événements. Il pointa l’arme en direction d’Esméralda qui demandait la pitié du Leader, elle ne voulait pas mourir, elle était beaucoup trop jeune. Et j’étais bien d’accord avec ça, je me plaçais entre le Leader et la belle faisant mur entre eux. Il m’intima l’ordre de m’écarter. Je refusais en bloc.

« Si tu veux vraiment la tuer, il faudra que tu me passes sur le corps »
« Aucun problème »

Il tira, la balle atteignit mon épaule, une douleur monstre se fit sentir près de l’articulation, mais je n’avais pas bronché. Ce con venait bien de me tirer dessus, je repoussais l’homme de mon épaule valide avant de prendre Esméralda dans mes bras. Ernesto tira encore et encore, je sentais le plomb fuser près de moi. Les coups de feu avaient rameutés les fidèles, pas d’issue…Enfin si, mais ça risquait d’être douloureux. Je fonçais tête baissée vers la grande fenêtre que j’explosais en utilisant tout mon poids. La chute était longue, terriblement longue. Je sentais mes pieds toucher le sol, mes genoux se pliant sous l’impact. Un râle de douleur s’échappa de ma gorge, quelque chose venait de se disloquer. Pas le temps pour un système D, je devrais faire avec. Je fonçais sans savoir où aller. Je sentais qu’on me poursuivait, et pas simplement une dizaine d’hommes. La Marine et la Cabale étaient à mes trousses. Dans quel merdier m’étais-je encore fourré. Picrate, un jour faudra qu’on cause d’homme à homme, entre quatre yeux…

J’errais dans Inari à la recherche d’une planque, mais rien ne semblait être là pour deux personnes. J’aurais pu entrer dans une maison au hasard ; mais le fait que les hurlements des occupants rameutent mes poursuivants m’en dissuada. Une idée de génie me vint tout à coup. Je connaissais un endroit où il était peu probable qu’on nous cherche. Je fredonnais encore, j’essayais de rassurer Esméralda qui était solidement accroché à mon cou. Elle ne criait plus, elle ne pleurait plus. Je sentais son regard sur moi tandis que je continuais ma route et mon refrain. Cette chanson était à la base pour elle, histoire de la rassurer quelque peu ; mais aussi pour moi, j’essayais d’oublier les quelques douleurs de mon corps. J’entrais dans les catacombes par une bouche d’égout. Cette idée était du pur génie, qui aurait l’idée de venir nous chercher dans leur planque secrète ? Ils étaient bien trop occupés à s’emparer d’Inari à la surface.

Je fouillais l’endroit à la recherche d’une trousse de premiers soins, la balle n’était pas ressortie. J’en trouvais effectivement une. Je n’étais pas très doué à ce genre de jeux, mais je n’avais guère le choix. C’est alors que la demoiselle vint à mes côtés, elle prit la pince métallique avant de fouiller la plaie. Elle en extrayait le plomb, je peux dire que cette simple opération faisait assez mal. Je m’occupais moi-même de mon genou que je remboitais dans un craquement. Il fallait maintenant que l’orage passe et que la tempête se calme avant de pouvoir ressortir d’ici.

« Vous pourriez me la rechanter ? »
« Quoi donc ? »
« Celle que vous fredonniez dans ma chambre et sur la route »
« Bien sûr »

Dommage que ma guitare ne soit plus en ma possession, je l’avais laissé chez Ernesto, je pensais que je la retrouverais une fois le boulot terminé. Ça manquerait un peu de charme mais un peu d’a capela ne ferait pas de mal, je m'exécutais…
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Spoiler:

Tic tic tic tic tic tic tic tic, les secondes de la trotteuse défile, je restais accroché aux aiguilles de  cette montre à gousset plaqué argent. Le temps me paraissait long, interminable même. Depuis combien de temps était-on restés ici ? Une demi-heure maximum, qui m’avait paru être une éternité. Je comptais bien attendre davantage pour être sûr de la sécurité de la demoiselle et de la mienne. Un petit frisson me parcourut le corps…J’avais oublié ce détail, le père d’Esméralda allait sûrement se faire tuer ce soir. Devais-je le lui annoncer ou allais-je jouer l’enfoiré de première qui ferait mine de rien ? Bien sûr, je connaissais déjà l’option que j’allais choisir ; mais annoncer cette nouvelle à une demoiselle perdue et un peu hystérique allait s’avérer être une autre paire de manche. Esméralda ressentit le trouble qui imprégnait mon esprit, elle me posa la question qui mit fin au silence. Sans doute mon visage avait-il transpiré mes émotions.

« Quelque chose vous tracasse ? »
« Hmm… Comment aborder ce sujet… C’est… Compliqué… »
« Et bien utilisez des mots simples »
« Ce n’est pas compliqué dans le sens que vous l’entendez Esméralda, c’est juste compliqué à vous annoncer »
« Mais dites-le moi, enfin ! »
« Votre père va probablement mourir ce soir… Voilà, c’est dit… »

Le visage de la belle se défigura, je sentais l’incompréhension dans ses yeux qui ne savaient plus où se poser. Elle resta ainsi muette pendant quelques secondes avant de placer ses yeux dans les miens. Non, pitié, Hell no, ne me demande pas ça, tout mais pas ça… Des larmes commencèrent à perler sur son faciès, quoi qu’elle dise, je ne pourrais résister à la détresse de cette jeune femme…

« S’il vous plait, aidez-le, je ne sais pas ce que je deviendrais sans lui ! »
« Je ne peux pas l’aider… Je suis désolé »
« Mais il est peut-être encore en vie là quelque part dehors, blessé ou aux portes de la mort »
« Je le sais ! Mais vous imaginez combien d’hommes je devrais affronter pour arriver jusqu’à lui ? Et quand bien même j’y arrive, il n’y a aucune preuve qu’il soit en vie ! »
« Pitié, je sais que vous êtes un homme bien, aidez-le, aidez-moi… »

Comment résister à ces pupilles larmoyantes, à son minois à croquer, et à cette attitude que la quasi-totalité des femmes prennent pour faire craquer un homme. Elle avait réussi son coup, j’étais comme charmé, mais les femmes me charment très facilement…J’enfilais trench-coat et chapeau, la nuit risquait d’être encore plus longue que je ne le pensais. J’allumais rapidement une énième cigarette dont j’inhalais profondément la fumée avant de reprendre la conversation.

« Restez ici, si quelqu’un entre cachez-vous du mieux que vous le pourrez, soyez discrète, j’essaierais de faire vite »

Elle hocha la tête tout en hoquetant. Je sortais de la planque secrète dans les catacombes puis je fermais la porte derrière moi. Je me grattais le crâne sous mon chapeau me demandant par où je pourrais bien investiguer. De ce que je savais le manoir serait ma première destination, en effet mon complice du soir devait assassiner le colonel Kojevic. Et maintenant, je devais l’empêcher de le faire… Journée de merde, vraiment…Je grimpais le long de l’échelle de la bouche d’égout dont je m’étais servi plus tôt. Je soulevais la pizza d’acier avant de jeter un coup d’œil de-ci de-là histoire de vérifier que la voie était libre. J’entendais des bruits de pas à proximité, deux hommes, deux Marines reconnaissables à leurs uniformes. Ce pourrait aussi bien être des fanatiques de la Cabale déguisé. Dans les deux cas, c’était problématique. Ainsi, j’attendais patiemment qu’ils passent leur chemin avant de m’extirper des catacombes. Encore une fois, je jouais des ombres de la nuit pour avancer, ruelles après ruelles, maisons après maisons ; je sautais comme un cabri, accélérant le rythme crescendo de mes pas. Je voulais en finir au plus vite. Mon cœur était telle une caisse claire, je pouvais entendre chaque temps des battements de mon organe vital. Pas besoin de faire un dessin, j’étais extrêmement nerveux. Je me devais de devenir tel un fantôme, invisible aux yeux du monde ; je ne voulais pas que ma présence, ici sur cette île, s’ébruite. Je pouvais enfin apercevoir le manoir, là sur la colline au nord-est de la ville.

Je m’infiltrais par l’exacte même entrée que la dernière fois, la sécurité laissait vraiment à désirer par ici, vraiment. Ou alors les différents gardes sont toujours en ville à ma recherche ou vaquant à des occupations peu recommandables, cela reste une possibilité à envisager. Le silence aurait très bien pu régner dans ce bâtiment, mais les voix et les cris au rez-de-chaussée faisaient échos à mon oreille. J’arrivais probablement à temps, deux timbres distincts se faisaient clairement entendre. Je jetais donc un coup d’œil par les barreaux de l’immense escalier en colimaçon. Mon partenaire du soir semblait en difficulté au sol tandis que le colonel Kojevic vociférait presque jusqu’à l’extinction de voix.

« OU EST MA FILLE DEMON ?! OU EST-ELLE ?! PARLE !! »

Kojevic investit par la mission de retrouver Esméralda avait puisé dans ses ressources pour mettre à mal son adversaire. Je descendais alors les escaliers, il fallait que je mette un terme à cet affrontement. Le colonel de Marine m’avait vu, il restait sur ses gardes, ce qui n’était guère surprenant ; un deuxième intrus venait de s’introduire dans sa demeure. Je pensais avoir l’ascendant sur lui dans un possible affrontement, on m’avait mâché le travail. Mais ce n’était pas dans mes intentions du soir que de mener une lutte ardue.

« Qui es-tu étranger ? Es-tu le complice de ce démon ?! »
« Mon nom et qui je suis n’ont pas vraiment d’importance, étranger me convient parfaitement. Je ne suis pas là pour lui mais pour vous dire que votre fille est saine et sauve »
« Vraiment ?! Conduis-moi à ma petite Esméralda chér… »

Soudain, une lame semblant venir de nulle part transperça le corps déjà meurtri du Colonel Kojevic, de sa bouche sortaient des gerbes de sang. Un homme derrière lui venait de lui assener un coup vraiment bas. Les yeux du Marine se posaient en coin sur son agresseur

« Ba… Baresta ?! Pour… Quoi ? Je ne c… Omprends pas. »
« Ai un peu d’imagination colonel, pense au pire des scénarios qui puissent exister et tu ne seras pas très loin de la réalité ! »
« Ne me dis pas que… »
« Mais si Colonel, bien sûr que si, depuis mon affectation à Inari ! Maintenant crève tu veux ? »

Le dénommé Baresta enfonça sa lame encore plus profondément dans les entrailles de Kojevic. Et merde tiens… Comment allais-je annoncer ça à sa fille, peut-être y avait-il encore un souffle de vie dans ce corps qui s’écroule sur le sol ; tandis que Baresta retire d’un coup sec son épée qu’il essuya à l’aide d’un tissu qu’il sortit de sa poche. L’homme aux allures androgynes fixa son regard bleu dans le mien.

« Merci de m’avoir permis de trouver une faille chez Kojevic, dès que tu lui as parlé de sa fille sauve, sa garde  est retombée »
« C’était pas mon intention, tu peux m’croire sur paroles »
« J’imagine oui, sinon tu n’aurais pas sauté de la fenêtre d’Ernesto tel un valeureux et preux chevalier… Mais je n’ai pas le temps de bavarder, dis-moi, où l’as-tu caché ? »
« Quelque part, va chercher comme le bon toutou que tu es »
« Nous sommes dans une impasse semblerait-il »
« J’crois bien, ouaip »

Je pouvais prédire à l’avance ce qui allait se passer, j’allumais rapidement une nouvelle cigarette, puis je retirais mon trench coat de mes épaules avant de le jeter en arrière. Je fis craquer ma clavicule de gauche à droite tout en essayant d’atténuer la tension de mon corps. Je chargeais…Showtime !
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Mon adversaire semblait connaître sa partition, il savait utiliser des techniques que j’avais déjà vues et endurées auparavant. Mais le niveau de maîtrise du sixième style était bien différent, ayant vécu dans une famille de Marines ; je savais de quoi je parlais. Nos armes s’entrechoquaient dans une danse mortelle, le tintement des lames résonnaient dans toute la pièce. Baresta était plutôt souple et agile dans ses mouvements que je compensais largement par ma force physique. Je sentais mon adversaire comme agacé, frustré. Il enchaina rapidement des mouvements rapides, Soru et Geppou. Ces deux techniques mêlées donnaient un effet saisissant de disparition et de réapparition. N’importe quel œil non averti se ferait prendre au piège par la supercherie. Baresta réapparu dans mon dos, vif, je m’empressais de parer une nouvelle fois cet assaut.

« Moins facile que prévu n’est-ce pas ? »
« Tais-toi insolent et meurs ! »

Mourir n’était pas dans mes projets du moment, me taire, cela pouvait se faire en revanche. Mais je n’allais pas lui faire cette faveur. Je voulais profiter de cette opportunité pour lui faire perdre ses moyens. Je devenais de plus en plus arrogant, je me permettais de lui rire au nez dans le seul but qu’il s’énerve. Cette attitude n’avait rien à voir avec mon caractère, mais je savais jouer la comédie. Jamais il ne fallait sous-estimer un homme armé. Les mouvements de Baresta qui auparavant étaient compacts, sans vraiment d’ouvertures, devenaient de plus en plus amples, je voyais la brèche se former… Je m’y engouffrais. Un nouveau coup d’épée vertical dans l’eau, une esquive à droite, je tranchais dans le vif. Une belle entaille se dessinait clairement sur le torse de Baresta qui grogna sous la douleur. J’étais légèrement déçu par la tournure que prenaient les événements, était-ce là tout ce que le numéro deux de la garnison d’Inari pouvait offrir ?

« Enfoiré ! Je…Je…Je saigne ! »
« Ah bon ? C’est pas du ketchup que t’as renversé ce midi à la cantine ? »
« Tes sarcasmes t’amuseront bientôt moins… Zikébone ! »

Hein ? Zikébone ? C’était quoi ce charabia ? Baresta avait peut-être perdu la notion du langage, la douleur lui serait-elle monté au cerveau ? Je n’allais pas tarder à la découvrir. Un rire résonna alors dans la pièce, un homme sortit de la pénombre. Je venais de comprendre que le mot prononcé plus tôt par Baresta n’était pas une injure ou que sais-je quel dialecte, mais bel et bien un individu. Le fameux Zikébone ne payait franchement pas de mine, ni à sa carrure, ni même à son allure. L’homme était particulièrement petit, le regard vide ; à mes yeux, Zikébone n’avait pas l’air d’un type dangereux. Ce qui égaya ma curiosité, pourquoi Baresta ferait-il appel à lui dans le cas contraire ? Le rire de Zikébone avait quelque chose de malsain, il arrivait presque à m’en mettre mal à l’aise ; il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond dans sa tête. J’en avais la quasi-certitude.

« Vous avez pas un troisième larron qui traîne ? » dis-je en amenant ma main droite en pare-soleil sur mon front.
« Deux hommes seront largement suffisant pour battre un gêneur tel que toi »
« Que de flatteries, t’en arriverais presque à me faire rougir… Et l’autre là, t’es sûr qu’il est fiable, il a l’air… Con ? »

Pas de réponses, ni de l’un, ni de l’autre. J’avais encore une fois joué le beau parleur, j’ignorais complètement comment j’allais me sortir de cette situation. Je devais trouver une solution, et rapidement, combien d’autres fellas* allaient encore se pointer si je m’éternisais ici. Les deux hommes formaient un duo très étrange, hétéroclite même ; il ne semblait n’y avoir aucune synergie entre eux. Je pourrais peut-être utiliser cela à mon avantage un peu plus tard. Je voulais tout d’abord apprécier la valeur de mon nouvel adversaire, son style de combat, sa gestuelle, ses éventuelles ouvertures ; tout, je voulais tout savoir. Zikébone sortit deux coutelas de ses manches, un homme qui apprécie le corps à corps et le combat à mi-distance donc, une information bonne à prendre. Baresta et son acolyte entamèrent cette danse mortelle à laquelle je prenais part à mon tour. Je me rendais compte que la petitesse de Zikébone lui conférait un certain avantage face à moi ; il apparaissait et disparaissait de mon champ de vision sans même que je puisse y réagir. Tel un électron libre autour du Marine, il tentait de percer une brèche dans mes défenses pour permettre à Baresta de m’assener un coup fatal, ou était-ce l’inverse. Cela étant dit, le gradé avait l’air de récupérer de sa blessure précédente.

Je me devais d’être plus agile et plus rapide, ou alors je serais bientôt submerger par les sauts et les assauts du duo. Je parais tant bien que mal les différents mouvements, là Zikébone sur ma droite, les coutelas en croix dans une forme de ciseaux qui souhaitait littéralement me décapiter. Un pas sur la gauche, les lames s’entrechoquèrent dans un bruit strident. Baresta sur ma droite maintenant qui jouait de sa vitesse pour m’éventrer, j’avais à présent l’exacte même blessure que lui. Un partout, balle au centre. Contrairement à lui, je ne me plaignais pas, je n’en avais même pas le temps ; cependant la souffrance était bien réelle. Zikébone était déjà sur moi tel un feu follet bondissant ici et là. D’un puissant coup de poing, je déséquilibrais Baresta qui le souffle court se pencha en avant. J’utilisais alors son dos tel un appui pour éviter Zikébone et rouler hors de sa portée. Dans le même temps, Je profitais d’avoir Baresta sous la main et lui donner un second coup de lame. Vif et rapide, je sautais à l’étage. Je voyais la fureur dans les yeux du Marine qui rugit de ce deuxième affront et me chargea une nouvelle fois. Il ne s’était pas rendu compte que Zikébone avait anticipé ma précédente attaque, et que ce dernier aurait pu me mettre hors d’état de nuire. Baresta me donna un moyen de fuite en gênant son acolyte. Je n’avais pas vraiment pu voir exactement ce qu’il s’était passé. Seul le fait que je sois en vie comptait à cet instant.

Ce qui suivit me laissa quelque peu perplexe, et le mot est encore bien trop faible. Zikébone ne se préoccupait maintenant plus de moi, il était afféré à s’en prendre à Baresta. Je lui avais pourtant demandé si ce type était fiable ; de mon point de vue, pas vraiment. Le petit homme baragouinait des propos fanatiques, il insultait le gradé de suppôt du démon, qu’il agissait contre la volonté du grand maître… Peut-être parlait-il d’Ernesto… Je ne savais absolument pas comment réagir à cette situation. Devais-je les laisser s’entretuer ou bien devais-je y mettre mon grain de sel. Baresta tentait de résonner son complice qui n’entendait rien, n’écoutait rien. Acculé, le Marine se fit défenestrer. Décidément j’avais vu beaucoup de verre brisé ce soir. J’avais prévu de monter mes adversaires l’un contre l’autre, mais je n’avais eu absolument rien à faire. Cela me facilitait grandement la tâche.

« SATAN ! SATAN ! DEMON ! BRULE ! BRULE ! BRUUUUUUUUUULE DANS LES FLAMMES DE L’ENFER ! AAAAAAH ! AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! »

Ce type avait un grain, c’était clair, sûr et certain. Animé par sa folie fanatique, il se focalisa sur moi. Je rangeais ma lame dans son fourreau pour adopter un style au corps à corps qui seyait davantage à la situation. L’allonge de mon arme blanche, ici, n’était plus un avantage mais un inconvénient contre un adversaire de cette taille. Un combat féroce s’engagea dans tout le manoir, une véritable visite guidée de la bâtisse. Je n’arrivais pas à toucher cette pile électrique, ses mouvements étaient bien trop inconstant et hasardeux. Cela dit, il ne m’avait pas blessé lui non plus. Cet affrontement se transformait alors en un défi d’endurance, ça tombait bien, je n’en manquais pas. J’estimais Zikébone pour sa force, il me tenait tête, bien plus que Baresta. Nous étions de force équivalente, dans le cas contraire l’un de nous deux aurait touché au but. Depuis combien de temps avions-nous commencé cette danse de parades et d’esquives ? Je ne saurais le dire. J’étais bien trop concentré sur les mouvements de Zikébone qui tentait de profiter de mes blessures. Il fallait que je trouve autre chose, quelque chose qui tromperait le fanatique. Mais quoi ? Qu’est-ce qui était supposé déconcentrer cet homme ? Je ne le connaissais pas assez pour cela… A moins que…

Je tirais parti d’une accalmie pour mettre mon plan à exécution. J’allais voir si mes talents de comédien étaient aussi bons que mes talents de musicien. Je pris l’air le plus grave que je puisse prendre, j’essayais de lui faire percevoir de la peur dans mes yeux. L’image mentale que je me fis était celle de ma demi-sœur qui semait chaos et destruction autour de moi, qui me prit tout ce que j’avais de plus cher avant d’en attenter à ma propre vie. Je pense que mon faciès était criant de vérité.

« Ernesto ?! Ici ?! »
« Grand Maître ? » demanda Zikébone en tournant la tête sur la droite.

Il était tombé dans le panneau ? Comment était-il tombé dans le panneau ? Peu importe, dès que les yeux du fanatique se détournèrent de moi je me projetais sur lui telle une lance sur sa cible. Enfin, je l’avais touché ; je le plaquais au sol de tout mon poids. Tellement que je sentis divers objets dans la pièce trembler sous l’impact. Je pilonnais alors le visage de Zikébone de gauches et de droites sans discontinuer. Je voyais le bras gauche du fanatique qui cherchait en tâtonnant l’un de ses coutelas tombés au sol ; l’autre bras tentait tant bien que mal de protéger mon adversaire. Je ne me préoccupais rien d’autre que du visage, j’essayais de lui faire perdre conscience sous mes coups. Une douleur cuisante se fit sentir dans mes côtes. Il venait de me poignarder de son coutelas qu’il ne lâchait plus, pire, la lame tentait de se frayer un chemin vers le cœur. Je stoppais cette avancée en retenant le bras gauche de Zikébone qui cherchait sa deuxième arme. A présent mes deux bras étaient indisponibles, je retenais l’homme qui voulait m’éviscérer. Qu’à cela ne tienne, je possédais un autre outil pour me battre… Mon propre crâne. Un coup, puis un second et enfin un troisième. Je sentais le corps décroitre en résistance, il s’était évanoui, enfin.

Je pus reprendre mon souffle, j’inspectais alors la blessure et le coutelas toujours enfoncé en moi. Une énième cicatrice presque comme un trophée, se formerait si je restais en vie. J’avais perdu énormément de sang, j’hésitais à retirer cette lame de peur de me vider de toute mon hémoglobine. Ce n’est qu’en entendant un cri derrière moi et un Zikébone bondissant sur moi que je pris ma décision. Un rugissement de douleur s’arracha de ma gorge, ma vue devint trouble, mon corps entier tremblait mais je devais rester conscient, Zikébone fondait sur moi. Le coutelas en opposition devant moi, le fanatique s’embrocha sur sa propre arme. C’était terminé.

« Chihuaha… » dit-il dans un souffle avant de perdre connaissance.

Quant à moi, je n’étais pas loin d’en faire de même. Je descendais les escaliers qui menaient à l’étage inférieur. Je pris mes affaires qui traînaient au sol. Si je m’en sortais, j’allais me détester mais je devais prendre mon trench coat et m’en servir comme gigantesque pansement. Ce n’était pas la meilleure idée du siècle, le textile allait sans doute coller à la peau, ça ferait tout aussi mal plus tard. Mais il fallait que j’arrête ce saignement où j’en aurais plus pour longtemps. Je sortais du manoir en titubant, je sentais déjà la fièvre me gagner ; mon système immunitaire tentait de me protéger. Il fallait que je retourne aux catacombes, je me devais de m’assurer de la sécurité d’Esméralda, je me mis en route.
Spoiler:
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Ma vision se trouble encore, j’ai du mal à rester debout sur mes appuis, mes jambes me lâchaient petit à petit. Je ne sais pas exactement depuis combien de temps j’erre dans cette saleté de ville. Mes pensées étaient tournées vers ce commanditaire foireux qu’était Picrate. Je jurais qu’un jour je mettrais la main sur ce type pour lui réarranger le portrait à la sauce Makuen. Je ne sais pas pourquoi, je venais de penser à ceux qui me répugnaient le plus ; peut-être un soupçon d’affection qui traînait encore en moi, imperceptible, les échos d’un passé très lointain. Ma main droite essayait tant bien que mal de retenir les fluides de mon corps de s’échapper par mes plaies malgré mon manteau, bien que la tâche soit particulièrement difficile. J’avais l’impression d’être le petit poucet semant ses cailloux sur le chemin, à la seule différence que mon sang jonchait la route. J’essayais de respirer le moins souvent possible, la douleur m’était ainsi plus supportable. Ainsi je jouais le moins de ma cage thoracique histoire de ne pas m’évanouir en chemin. Je trébuchais, je titubais encore et encore. Merde, des bruits de pas. Je me posais alors contre le mur d’une petite bâtisse espérant ainsi échapper aux regards. A l’oreille, je pouvais discerner deux rythmes de pas complètement différent, l’un plus léger que l’autre, lui donnant une sonorité moins grave, plus fine.

J’attendais au moins deux minutes avant de m’aventurer de nouveau dans la rue que je traversais. Même grièvement blessé, je ne pouvais me permettre de relâcher mon attention. Un effort supplémentaire à fournir qui pesait lourdement dans la balance. La froide nuit n’arrangeait pas non plus ma situation si bien que je commençais à greloter et frissonner malgré moi. Je m’accrochais pour avancer, je me devais d’avancer. Elle était là-bas à m’attendre, je ne pouvais m’empêcher de penser que quelque chose aurait pu lui arriver. Ces catacombes n’étaient peut-être pas aussi sûres que je le soupçonne. Après tout, certains membres de la secte pouvaient repasser par-là, prendre du matériel, des armes ou que savais-je encore. Enfin, je retrouvais la bouche d’égout qui me conduirait à elle. Descendre cette échelle était devenu un véritable défi ; si je tombais dans cette eau noirâtre et malodorante m’inquiéter d’une infection ne serait plus utile. Aucuns mouvements, ni bruits ne se faisaient entendre, plutôt rassurant. Je me traînais vers cette porte qui allait m’apporter la délivrance de ma conscience. Ma main tremblante tourna la poignée, j’entrais. Personne en vue… Merde.

« Esmé… ralda ? C’est… Moi » dis-je douloureusement.

Un meuble s’ouvrit, une tête puis un corps en sortirent apeuré. Elle semblait soulagée que ce ne soit que moi et pourtant ce regard qu’elle jeta derrière moi paraissait résigné. Et que dire de mon propre soulagement ? Je pouvais tranquillement tomber dans les pommes quelques minutes, je crois que je l’ai mérité. Mon corps tomba en avant, je n’étais plus conscient de mon corps, impossible de me rattraper seul ; ce fut ensuite le tour de mon esprit de me lâcher. Mes yeux ne voyaient qu’un artifice de couleur, des lignes qui se déformaient et puis le noir complet. Quelque chose me retint de tomber tête la première. Puis on tenta de me secouer et ensuite de me soulever. Je sentis alors autre chose me frapper au visage. Mes paupières se soulevèrent alors, je n’étais plus maître de mon corps qui commença à se mouvoir. Difficilement mes muscles bougèrent, mon bras passa autour de quelque chose et j’avançais.

A mon réveil, je n’étais plus dans les catacombes, ni même à Inari. Je pris une inspiration profonde, je n’avais absolument plus mal. Mes yeux s’ouvrirent sur une petite chambre aux couleurs sobres. Je soulevais les draps recouvrant le lit dans lequel je dormais. Je touchais les différentes blessures et les différents bandages sur mon corps. Quelqu’un avait fait un boulot particulièrement efficace. Mes affaires étaient toutes là, à l’exception de ma guitare manquante, soigneusement rangées et placées à l’autre extrémité du lit. Rapidement, je m’habillais, montais chapeau et lunettes avant de sortir de la pièce. Quelle ne fut pas ma surprise de voir Esméralda, seul hic, cette dernière venait de braquer un fusil en ma direction.

« Pourquoi ?... Pourquoi avoir fait ça ?! » Dit-elle sur le ton de la colère
« Qu’est-ce que j’ai fait ? Je viens de me réveiller, expliquez-moi ! » Dis-je à mon tour stupéfait et totalement déboussolé.
« Vous savez très bien ce que vous avez fait, tous les détails sont dans le journal » Dit-elle me jetant la feuille de chou au sol.

Je m’empressais de ramasser le canard que je feuilletais, il ne me fallut pas longtemps pour comprendre. La description qu’on faisait du meurtrier du colonel Kojevic me correspondait assez. Pas d’avis de recherche pourtant, encore un coup de Picrate ? Plausible oui. Les circonstances et les informations étaient complètement erronées. Il fallait bien un bouc émissaire, mais pourquoi moi ? Il aurait été si simple de tout rejeter sur mon acolyte du soir, sans doute avait-il pu s’échapper. Je pliais le journal que je jetais au loin tel un vulgaire torchon.

« Vous croyez vraiment que c’est moi ? Vous croyez vraiment que j’aurais fait ça ? »
« Je reconnais l’homme qu’on décrit dans ce journal ! »
« Sérieusement ? C’est tout ce qu’il vous faut pour accuser quelqu’un ? Vous ne vous êtes pas dit que c’était une désinformation d’Ernesto ? Il a le bras extrêmement long dans cette ville. Qu’est-ce que j’aurais eu à gagner en tuant votre père ?! Pourquoi aurais-je accepté de céder à votre caprice et d’y risquer ma peau ?! Et surtout, surtout… Pourquoi serais-je retourné auprès de vous après cela ? Si j’avais réellement tué votre père, je n’aurais pas eu la stupidité de me présenter à vous dans les catacombes ! Mais si vous êtes si sûr de votre fait, allez-y, faites-vous justice » dis-je en déchaussant mes lunettes avant d’appuyer mon front contre le canon de l’arme.

Je risquais gros, mais c’était un pari que j’étais prêt à prendre, si elle avait souhaité me descendre, elle n’aurait pas attendu et l’aurait sans doute fait dans mon sommeil. Je la regardais droit dans les yeux, je la fixais constamment du regard. Je voulais qu’elle y lise mon innocence et mon regret de ne pas avoir pu sauver son paternel. Elle lâcha l’arme quelques secondes après, avant de s’écrouler sur une chaise et de fondre en larmes. Intérieurement, je soufflais. Je n’avais pas prêté attention à la pièce dans laquelle je me trouvais, une sorte de salon plutôt spacieux, assez lambda dans sa décoration. Je m’installais à présent sur une chaise près de la table, là au beau milieu de la pièce. J’essayais tant bien que mal de réconforter la jeune femme qui ne pouvait plus s’arrêter de sangloter. Je lui assurais que son père s’était battu vaillamment, qu’il aurait été en vie sans l’intervention de Baresta le véritable assassin. Il fallait qu’elle garde en elle l’image de l’homme, qu’elle se souvienne des moments passés avec lui en sa compagnie. Qu’elle se remémore donc ces liens qui unissent une famille. Tout ce que moi je n’avais pas eu.

Je continuais de parler et au fil des minutes, j’arrivais à la calmer, à présent elle ne pleurait plus. Pourtant, je n’arrêtais pas là mon monologue. Je la rassurais encore, je sentais que la demoiselle fragile avait besoin davantage d’attention. Je crois que j’ai raté ma vocation, j’aurais dû être psychologue, ou peut-être l’étais-je dans une autre vie. La langue de la demoiselle se déliait peu à peu. Elle me parlait ainsi de ses souvenirs, de son enfance, de la place prépondérante qu’occupait son père dans sa vie. Je crois qu’à la fin de la matinée, je connaissais tout ou presque d’elle. Ce n’était pas déplaisant. Un homme entra dans le salon, sur le qui-vive, je me relevais.

« Bien, je crois que notre jeune ami à retrouver tous ses réflexes »
« Détendez-vous, je vous présente mon oncle Hans, il est médecin, il vous a soigné »
« Je vous remercie Doc’ » dis-je en m’inclinant vers l’avant en signe de respect.
« Pas de quoi, mais vous êtes sacrément robuste, je me demande comment vous êtes parvenu tous les deux jusqu’ici dans votre état. Seulement, vous m’avez extrêmement compliqué la tâche avec votre vêtement »

Je ne pus m’empêcher de m’esclaffer, oui je m’en doutais bien, mais c’était la seule solution que j’avais trouvé cette nuit-là. Je sortis une cigarette, avant de l’allumer, je demandais le consentement de mes hôtes qui ne voyait aucune raison de m’en empêcher. La première clope du matin est toujours la meilleure, celle qu’on apprécie le plus, j’imagine que la nicotine y aidait pas mal. Je demandais alors comment Esméralda avait pu me traîner jusqu’ici. Elle m’expliqua qu’elle ne m’avait absolument pas trainé, elle m’avait juste donné son épaule comme appui pour que je puisse avancer sans chuter. Elle fut même stupéfaite de la distance que j’avais pu parcourir, et quand son oncle lui annonça que j’étais inconscient, sans doute de bout en bout du chemin, elle n’en crut pas ses oreilles. J’avais tenu pendant cette marche des propos sensés, je n’avais pas arrêté de m’excuser de la mort de son père, que je n’avais pas pu le sauver.

Je comprenais mieux maintenant, moi-même, j’étais surpris en apprenant la distance que nous avions parcourue dans mon état. Environ dix kilomètres d’après eux. Hans m’apporta un cendrier pendant que nous continuions notre conversation. Trois jours, c’était le temps qu’il m’avait fallu pour récupérer. Mais Hans m’imposa un régime strict sans aucun exercice physique pendant quelques temps. Je ne pouvais lui promettre que je ferais attention, tout ne dépendrait pas forcément de moi. Avant de m’en aller, nous partagions un repas simple, sans fioritures, je m’empressais de manger. Tel un mort de faim, j’attaquais tout ce qu’on me présentait. Hans ria de mon appétit, Esméralda en fit de même. Une fois l’estomac plein, je décidais de prendre congé de mes hôtes.

« Je vous remercie de votre hospitalité à tous les deux, je n’aurais sûrement pas non plus survécu sans vous. Merci. »
« Faites attention à vous, et n’oubliez pas, interdiction de vous battre ou de soulever de la fonte pendant au moins une semaine »
« J’essaierais Doc’, j’essaierais… Esméralda, vous êtes une femme comme on en voit rarement, prenez soin de vous aussi, d’accord ? Je vous conseillerais même de quitter cet endroit, cette île même. Tant qu’Ernesto et Baresta seront dans le coin du moins. »
« Nous y réfléchirons, bonne route » dit-elle en m’enlaçant.

Sur le pas de la porte, je m’apprêtais à refermer derrière moi quand soudain la voix d’Esméralda se fit entendre.

« Vous ne nous avez même pas donné votre nom ! »

Je jetais un œil derrière moi, hésitant, puis je soupirais.
« Klaus, tel est mon nom » dis-je dans un sourire, la porte se referma, j’étais parti pour d’autres terres et d’autres péripéties.
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Retour arrière, lors du combat d’Olek contre le colonel Boris. Avant l’arrivée de Klaus Makuen.

La table lancée de toute force par le pirate alla se fracasser contre le mur, à l’endroit même où se trouvait le marine quinquagénaire une fraction de seconde plus tôt. Le vieil homme avait de bons réflexes, et se mouvait même peut-être un peu trop vite pour un Olek à moitié bourré. Il se demanda du coup si le colonel avait bel et bien disparu de son champ de vision ou si c’est lui qui avait visé comme un forcené en louchant à moitié. Il n’eut pas le temps de s’appesantir sur la question qu’un magnifique crochet au flanc lui fit dégobiller le litre de whisky qu’il s’était sifflé quelques minutes plus tôt. Plié en deux, vomissant et parlant en même temps, le colosse de trois mètres était à présent à la taille idéale pour subir le prochain assaut du colonel. Sans se penser en danger plus que ça, Olek se permit une petite boutade.

- Merci le vieux, grâce à toi j’y vois plu…

Vlan, un uppercut au menton, un râle d’agonie, un coup pied frontal à la rotule suivi d’un craquement sourd et d’un autre hurlement de douleur. Le pirate s’effondra de tout son long, tête la première, qui fit un trou dans le parquet et trembler les murs du manoir.  

- OÙ EST MA FILLE ?!!!

Dément, le colonel ne cessait de répéter cette phrase en boucle, martelant de ses pieds bottés et renforcés de métal le pauvre crâne du pirate, qui baignait à présent dans une mare visqueuse de sang et de vomit. Dans un état second, Olek hésitait entre se réveiller à cause du fracas que faisait le vieux ou sombrer complètement dans l’inconscience tellement la douleur était vive. Il pencha finalement pour la première option, réticent à l’idée que sa tête continue à faire office de tambour plus longtemps. Le colosse aurait tout le loisir de dormir plus tard, de se blottir entre les seins d’une dizaine de catins, gracieusement payés par son commanditaire, lorsqu’il aurait rempli sa part du marché. Un contrat qui consistait à désosser ce vieux bougre de papa poule.

Ni une ni deux le pirate usa de ses dernières forces, du regain d’énergie généré par la colère de l’humiliation et se saisit de la cheville du colonel d’une poigne de fer et tira d’un coup sec, le geste lui brisa l’articulation et le fit tomber au sol dans un cri de surprise. Sans lâcher son emprise, Olek pivota sur le dos pour un meilleur appui et envoyer valdinguer à bout de bras le vieux schnock contre l’armoire à glace de la pièce. Dans le mille, une explosion de verre, de glace, de bouteilles en cristal et d’alcool, les relents d’éthanol étaient tels que l’on devait pouvoir s’enivrer simplement en respirant ce mélange de Grands crus. Cette pensée fit éclater de rire le pirate, un rire rauque et abimé, qui lui lança le crâne et se termina en un petit couinement ridicule.

Il se redressa tant bien que mal, sa jambe gauche pendouillait dans un sens clairement pas esthétique, impossible à utiliser, il haussa les épaules et se mit en garde haute, poings serrés, sautillant sur une seule jambe. Chaque petit bond faisait trembler toute la baraque et le colosse n’était pas à l’abri de faire s’effondrer le plancher, mais cela en valait la peine. Le colonel peinait à se redresser et à garder son équilibre à cause des secousses et de sa cheville fraichement brisée. Ils avaient toutes deux une jambe inutilisable, *un partout du coup* , pensa Olek avec grande satisfaction mais manque de discernement, incapable de voir l’état de sa tronche, méconnaissable et boursouflée.

Le colonel Boris Kojevic récupéra au sol son sabre de cérémonie qui reposait précédemment sur l’étagère maintenant en morceaux. Et même si elle n’était pas aussi aiguisée que son arme de fonction, elle ferait amplement l’affaire pour perforer ce criminel. Ils foncèrent l’un sur l’autre et s’engagèrent dans une danse mortelle. L’un faisait pleuvoir des coups d’estoc presque trop rapide pour être visible à l’œil nu, tandis que l’autre, se protégeant tant bien que mal de la lame meurtrière, balançait ses poings et coudes dans l’espoir de parvenir à toucher sa cible. Similaire à une guêpe ou un moustique qui zigzaguait, le vieil homme pénétrait ses défenses, le tailladait et reculait en sécurité sans que le pirate ne puisse faire quoi que ce soit. Olek s’impatientait, des dizaines d’entailles de par le corps, quelques-unes dangereusement profondes, il se sentait faiblir et sa vue s’assombrir. Il devait miser le tout pour le tout.

Il baisa légèrement sa garde et feinta de glisser sur le sol, tellement bien (ou mal) qu’il s’effondra complètement à genoux. Boris ne manqua pas l’occasion et plongea, sa lame s’enfonçant jusqu’à la taille dans l’abdomen d’Olek, dont le hurlement de douleur fit vibrer les fondations. Avec l’énergie du désespoir, le colosse attrapa de ses puissants bras le corps frêle du colonel avant qu'il ne s'échappe et serra, encore et encore, aussi fort qu’il pouvait, entre deux gerbes de sang. Ce qui n’était pas grand-chose, il sentit néanmoins quelques côtes se briser avant de finalement relâcher son emprise et de sombrer dans une inconscience attendue et ô combien méritée…

Olek ne verrait rien des évènements et combats prochains qui se dérouleraient pourtant sous nez. Qu’il s’agisse de l’arrivée de son complice ou de l’assassinat du colonel par le commandant Baresta...
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Alors que le combat faisait rage ente Klaus Makuen et Zikébone.

Le commandant Baresta Yoshi se releva tant bien que mal, une main dans le bas du dos et l'autre à l'arrière du crâne pour se masser. C'était la première fois de sa vie qu'on le défenestrait, et même s'il n'avait rien de casser, cette humiliation ne resterait pas impuni. Il bouillonnait de rage et d'en découdre, mais se savait incapable de continuer le combat contre le taré de Zikébone, censé être de son côté et l'autre mercenaire qui avait tenté de sauver le colonel. Un ramassis d'abrutis incapables de rester fidèles ou de respecter les clauses d'un contrat. *Où allait le monde ?!* pensait-il en crachant une glaire de sang. Il s'éloignait en clopinant du manoir et hurlant à l'aide, à la recherche de la première patrouille qui répondrait. Il reviendrait en force pour leur régler leur compte, ils ne perdaient rien pour attendre, non, il ne les tuerait pas tout dessuite, il les mettrait en cage et s'amuserait avec eux, aussi longtemps qu'il pourrait et que leurs corps résisteraient. Une pensée qui lui réchauffa le cœur et le motiva à gueuler un peu plus fort.

*Mais bon sang ! où étaient ces moins que rien de soldats quand on avait besoin d'eux ?!* Sans se souvenir une seule seconde que c'est lui qui avait ordonné aux Marines de se tenir loin de la demeure du Colonel ce soir, pour éviter tout risque à son plan de foirer.

Lorsqu'il revint enfin, déboulant dans la pièce dans un hurlement de triomphe colérique, l'arme au clair et toute une garnison de Marines au cul pour le protéger, il ne fut accueillit que par un silence de plomb et des corps inertes. Il faillit sortir de ses gonds et se mettre à taillader les cadavres au sol jusqu'à l'épuisement pour soulager ses nerfs, mais se rappela qu'il n'était pas seul et qu'il restait aux yeux du monde, le digne commandant Yoshi, l'incarnation de la Marine et de l'ordre. Il rangea son arme au fourreau et toussota  avant de parler à ses gars.

-        Le colonel vient d’être assassiné, ils étaient trois. Toi, va sonner l’alarme, un d’entre eux a réussi à s’échapper, il ne doit pas être loin ! Vous, ramassez les corps et jetez-les dans la fausse commune de la ville. Sauf celui du colonel Kojevic, évidemment !

Sans se retourner alors que ses marines exécutaient les ordres, il marchait entre les débris, sa bonne humeur revenue, il jubilait intérieurement et devait lutter pour ne pas sourire. Le colonel était mort, enfin ! Baresta serait le plus haut gradé d’Inari le temps que le QG envoie son remplacement et avec un peu chance il serait peut-être lui-même promu Colonel. La deuxième phase du plan pouvait être amorcée, il devait reprendre contact avec Astral Ernesto au plus vite…

-        Chef ! Chef ! Y’en à un qui respire !!

Il se retourna d’un bond, son cœur venait de sauter un cycle complet et ses yeux manquèrent de sortir de leur orbite pensant que le colonel avait réussi à survivre. C’était impossible ! Il lui avait personnellement percé le cœur de son arme, et Baresta était suffisamment fin escrimeur pour ne pas manquer une cible immobile.

Il ne put s’empêcher de souffler de soulagement en voyant que l’idiot de soldat pointait du doigt le colosse que le colonel avait réussi à vaincre. Encore un incapable, son seul rôle était d'assassiner le colonel et il s’était pris une branlée, et maintenant au lieu de crever tranquillement pour ne pas laisser de témoins, il osait respirer encore.  Bon sang, qu’allait-il faire de lui ? Une idée germa immédiatement dans son esprit tordu et calculateur. Oui, ce pirate pouvait encore être utile. Très utile même.

-        Enfermez-le dans les oubliettes ! Et pas dans les cachots, jetez-le dans la fausse de l'ancien puit au dernier niveau, c’est le seul trou assez grand pour le contenir. Effectuez les premiers soins et rien de plus, qu’il souffre un peu pour ses crimes. Je l’interrogerai plus tard.

Tous les dieux d’Inari étaient de son côté, semblait-il, alors qu’une nouvelle pièce bonus venait de s’ajouter à son échiquier.
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Plusieurs jours plus tard...


Olek ouvrait enfin les yeux, tout juste de moitié, ses paupières étaient lourdes, humides et boursouflées, probablement gorgées de sang. Il se rendit compte que le reste de son corps n'était pas en meilleur état alors qu'il essayait de se relever. Chaque parcelle de son corps était un brasier de douleur, il décida de ne pas bouger, de rester là, allongé sur le dos, où qu'il fût. Ses options étaient de toute façon très limitées. Le pirate ne voyait rien, les ténèbres étaient omniprésentes et même ses pupilles à présent habituées à la pénombre ne lui laissaient discerner que quelques formes rocailleuses. Cependant, l'odeur nauséabonde de merde et de décomposition était si lourde autour de lui qu'elle lui donnait plus d'un indice. Il était enfermé, en sous-sol très probablement, et assez profond pour que l'air frais de l'extérieur ne s'y soit aventuré depuis des années. Il devait également y avoir des cadavres pas trop loin, tous à différents stades de putréfaction. Olek arrêta là son examen olfactif et se mit à respirer par la bouche avant de se concentrer sur les bruits alentour. Quelques froissements d'air, très légers, des chauves-souris pensa-t-il immédiatement, un léger ruisseau d'eau également s'écoulait presque au goute à goute sur sa droite, et de minuscules bruits de pattes, des grattements de griffes sur de la roche humide venaient d'un peu partout s'il se concentrait suffisamment, des rats, sans aucun doute. Le pirate resta ainsi, silencieux, plusieurs minutes si ce n'était des heures, dans l'espoir de percevoir autre chose, n'importe quoi, une quinte de toux, un souffle roque, des bruits de pas ou de mastications, mais rien ne vint, pas un son ne trahissait une présence humaine, qu'elle fût proche ou éloignée. Sans se laisser envahir par la panique, il se força à faire le point malgré un esprit encore trop embrumé pour être vraiment rationnel. Il se savait au moins hors de danger immédiat grâce aux quelques informations qu'il venait de récolter, et dans l'incapacité totale de se mouvoir suite aux éclairs de douleurs périodiques et incessants qui foudroyaient son corps.  Inutile de réfléchir plus longtemps, il se blottit aussi confortablement que possible dans son lit de boue et de merde pour se rendormir. L'heure était au repos et à la guérison, il se devait d'économiser ses forces.


Quelques jours plus tard...


Olek pouvait bouger à présent, très légèrement, il rampait principalement, ou marchait à quatre pattes dans ses meilleurs jours. Non pas qu'il pouvait aller bien loin dans tous les cas. Puis le terme de jour n'était pas adéquat à vrai dire, aucune lumière n'était venue percer les ténèbres depuis qu'il les habitait. Il pouvait être là depuis des jours et des mois qu'il n'avait aucune possibilité de le savoir. Sa seule manière de garder un lien avec une quelconque temporalité était sa faim de plus en plus grandissante et la guérison de ses blessures. Dans les meilleures conditions, Olek guérissait une fracture en une semaine, et pouvait tenir près de deux semaines sans manger. Aujourd'hui son corps était encore bien loin d'être guéri, mais il n'avait jamais été aussi mal en point et le manque de nourriture ralentissait grandement son rétablissement. Sa notion du temps était donc faussée. Il était parvenu à attraper deux ou trois rats un peu trop courageux et gourmands qui, pendant que le pirate roupillait, lui bouffaient les croutes, reste de peaux mortes et morceaux de chairs séchés. Alors qu'il ne faisait qu'une bouchée de ces vermines, il se posait chaque fois la question si ce qu'il faisait été considéré comme du cannibalisme, vu que ce rat venait de le bouffer et que lui le bouffer en retour. Olek se promit d'approfondir la question auprès d'une personne qualifiée une fois sortie de ce trou à rats, littéralement.


Encore plus tard, mais pas plus de quelques jours...


Le prisonnier crevait de faim et n'était plus que l'ombre de lui-même, ces biceps qui faisaient il y a quelques mois la taille d'un mât de navire de classe Destroyer, ne devait être aujourd'hui pas plus épais qu'une bite de cheval. Olek en aurait versé une larme s'il n'avait eu d'autres soucis plus urgents. Une lumière insupportable venait d'envahir son champ de vision, à plusieurs mètres au-dessus de lui, il ne s'agissait en réalité que d'une simple torche, mais ses yeux étaient devenus si sensible qu'il avait l'impression de regarder de pleins phares un soleil de midi. Il tenta de se protéger tant bien que mal avec ses mains et bras devant lui et d'essayer de voir la personne qui venait d'entrer, le responsable de sa captivité et de tous ses maux. Malheureusement il fut impossible pour Olek de discerner autre chose qu'une silhouette sombre et élancée. Sans un bruit, la personne sur son promontoire semblait regarder le pirate avec dédain et dégout. Olek, à défaut de le voir, pouvait sentir son regard haineux se poser sur lui comme une fiente de pigeon. Ce fut à ce moment que son geôlier, comme s'il pouvait lire les pensées du prisonnier, lui balança avec mépris un sac de tissu en pleine gueule avant de s'éloigner. La lumière s'affaiblit de plus en plus jusqu'à disparaitre complètement, mais non sans laisser le temps au prisonnier d'étudier les environs. Il se trouvait dans un trou, une crevasse circulaire faite à même la roche qui devait tout au plus faire quelques mètres de diamètre et bien une dizaine en profondeur. Il était donc pris au piège dans l'un des vieux puits abandonnés des catacombes, à la merci d'un type qu'il n'avait pas encore identifié. En temps normal, Olek aurait aisément sauté et escaladé la dizaine de mètres, avant de s'échapper dans les couloirs sinueux, défonçant tout sur son passage, gardes, grilles et portes blindées, dans l'espoir de retrouver le responsable de son malheur et lui tordre le cou, lui sauter dessus à pieds joints, l'écorcher vivant et lui faire tout un tas d'autres trucs très chouettes. Malheureusement, son état physique actuel était plus que critique, ses blessures récentes, l'absence de nourriture, de soleil, d'air frais et tout simplement d'hygiène commençait à peser lourdement sur son organisme. N'importe qui d'autre qu'Olek aurait déjà crevé dans ces conditions et son ravisseur devait le savoir, ce qui ne manquait pas de rendre les raisons de son emprisonnement de plus en plus énigmatiques. Une exécution dans les formes de l'art sur la place du village, ça au moins, aurait été logique. Enfin, tout cela étant, il avait à présent de quoi se remplir l'estomac, pensa-t-il la bave aux lèvres, en fourrant sa main dans le sac en toile que le connard lui avait jeté.
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Un an plus tard... Hein ?


Olek avait quasiment tout d'un cadavre, sauf qu'il respirait encore, difficilement et entre deux quintes de toux, mais cela suffisait pour le considérer comme vivant d'après le dictionnaire. Il devait faire peur à voir puisque même son geôlier n'osait plus venir avec sa torche allumée. Il se contentait de balancer le sac de tissu dans les profondeurs et disparaissait aussi vite qu'il était arrivé lorsqu'il entendait des bruits de mastications commencer. L'ex-pirate était un mort-vivant, une bête sauvage, un être dénué de raisons, il ne connaissait même plus son nom et cela ne l'inquiétait pas. Son cerveau était constamment embrumé d'un voile de frénésie, envahi par des pulsions et émotions incontrôlables, il délirait en permanence, incapable de discerner rêve et réalité, il ne vivait pas dans un autre monde, mais bien dans des dizaines d'univers différents à la fois. Son père, son ancien compagnon de voyage, le gros Gura et Red étaient là avec lui, ils changeaient de place de temps en temps, de couleurs également, mais ils ne le laissaient jamais seul... Non pas qu'Olek en avait envie, il aimait bien leur compagnie, ils s'amusaient tellement bien tous ensemble! Ils chassaient le dragon, forniquaient avec des licornes, jouaient au poker dans les étoiles et bouffaient des steaks d'hommes poissons sur les fesses de sirènes en ne citant que ça. Il vivait sa meilleure vie, les ténèbres avaient disparu depuis bien longtemps, depuis que les sacs de tissu avaient commencé à arriver à vrai dire, qu'y avait-il dedans ? Une question qu'il ne se poserait que beaucoup plus tard, puisque celle-ci nécessitait une clarté d'esprit, un discernement qu'Olek avait perdu à son insu depuis des mois...


À qui la faute ?

Bon, sa petite expérience avait dégénéré, dans tous les sens du terme. Le commandant Baresta Yoshi claquait la porte blindée derrière lui avant de la fermer à double tour, de cacher la clef sous son uniforme et de remonter les interminables marches vers la prison d'Inari, pour enfin retrouver la surface.  Depuis quelques mois, il ressortait avec des sueurs froides chaque fois qu'il revenait de la fosse, le monstre qu'il avait créé lui donnait des cauchemars même en plein jour maintenant. Il fallait qu'il parle à Astral, peut-être aurait-il une solution. Même s'il détestait le leader de la cabale, tous deux se remplissaient les poches depuis près d'un an maintenant, et la drogue qu'ils avaient créée régnait en maître incontesté dans les cérémonies religieuses, l'encens était si bien dosé que ces fanatiques en étaient accros sans même le savoir. Le plan avait mis près de deux ans à se mettre en place et n'aurait jamais pu aboutir sans les innombrables tests et dosages qu'ils avaient effectués sur Olek. La quantité de drogue que le tolar avait injecté cette dernière année aurait buté tout un régiment, sans comptait qu'il ne se nourrissait que de ça.

Comment avait-il pu survivre? Baresta s'imagina à sa place quelques instants, enfermé des les ténèbres les plus pures et complètement camé de la tête au pied depuis plus d'un an, des frissons d'effroi lui parcoururent tout le corps. Non il ne s'agissait pas de pitié, mais plus de dégout, le commandant Yoshi était pragmatique, le prisonnier n'avait été qu'un outil parmi tant d'autres pour parvenir à ses fins. Mais cet outil n'était plus d'aucune utilité à présent, il allait falloir s'en débarrasser. Il fut presque pris de nostalgie à cette idée, Olek avait été un parfait cobaye et c'en avait été même amusant, plaisant au départ, de voir les différents effets que la drogue qu'ils testaient pouvait avoir à différentes doses et mélanges. Le principe était simple, Astral ou l'un de ses sbires lui fournissait chaque semaine les nouvelles doses de champignons à essayer et lui s'occuper de les refourguer dans la gueule du géant et d'en étudier les effets. Une expérience connue de très peu, pas même de leur allié au sein du conseil de l'île, mais qui s'était averée des plus fructueuses...

Agissant dans l'ombre, ils avaient aujourd'hui la main mise sur toutes les sectes d'Inari, les différentes messes avaient triplé en effectifs, les rixes réduites de moitié, et les touristes religieux affluaient par centaines, désireux de connaitre cette "osmose" divine à leur tour. Une connexion spirituelle unique qui commençait à faire la réputation de l'île,  un véritable lieu saint. Cette bénédiction divine n'était évidemment que le fruit de la dur labeur du Commandant Yoshi et du leader de la cabale Astral Ernesto. La qualité et la douceur de leur drogue était-elle que personne n'en ressentait l'effet immédiat, une sorte d'infime extase limpide dès les premiers effluves d'encens, un bien-être intérieur que l'on pense être dû aux discours religieux et galvanisant des prêtres. Là se trouvait toute la beauté de la chose...

En pleine réunion, entre le commandant Baresta Yoshi et le leader de la cabale Astral Ernesto.

Dans les catacombes, loin des yeux et des oreilles du monde extérieur, comme à chaque fois qu'ils se retrouvaient, les deux saligauds sirotaient un whisky on the rock d'une trentaine d'années. Astral peinait à garder son calme devant ce que venait de lui apprendre le gradé de la Marine. Son visage restait impassible, mais tout son corps se crispait de colère. Il siffla son verre d'une traite et réussit à parler de sa belle voix fluette et charismatique, ne laissant rien transparaitre de son désarroi. Un désarroi soudain et grandissant chaque seconde devant l'énormité de la connerie de Baresta.

- Tu peux me répéter tout ça?

- C'est simple l'ami, tu sais les cobayes que j'utilise pour tester "nos produits" ? Et bien en vérité il ne s'agit que d'une seule personne depuis tout ce temps. Il eut un petit rire sadique. Si le terme "personne" convient encore évidemment ! Il s'agit du pirate immense que tu avais embauché à l'époque pour déglinguer le colonel Boris Kojevic, et bien, il n’était pas mort ce jour-là et au lieu de gâcher un spécimen pareil je l'ai enfermé six pieds sous terre. Tu verrais son état ! C'est bien pour ça que je fais appel à toi aujourd'hui, il faut s'en débarrasser, on n'a plus besoin de lui, notre drogue est parfaite! Il est hors de question que je laisse trois mètres et plus de deux cents kilos de viande pourrir dans les sous-sols de la prison. Puis surtout qu'il est complètement taré maintenant, s'il ne reçoit pas sa dose il pourrait tout défoncer avant de crever.  Tu peux gérer ça ? Sans oublier que j'ai reçu une lettre du QG, il y a un nouveau commandant qui va se pointer officiellement pour m'aider à m'occuper de la Cabale. Il s'esclaffa à cette nouvelle qui ne fit rire que lui.  En tant que nouveau Colonel de l'île, je ne pourrais plus m'éclipser aussi facilement. Nos rendez-vous seront moins fréquents.

Baresta se tut, porta son verre aux lèvres et fixa intensément le leader de la Cabale, son complice depuis plus de deux ans. Astral devait lutter pour ne pas hurler sur le Marine et lui foutre son poing dans la gueule. Tout ce qu'il avait œuvré pour construire ses dernières années reposait sur un fil extrêmement fin. Et ce fil venait de s'effilocher en deux endroits, le premier étant qu'Olek était en vie et cela faisait plus d'un an qu'il participait, sans le savoir, à sa captivité en fournissant les drogues.  Que devait-il faire ? Le tuer ? L'homme qui lui avait sauvé la vie ? Une question directement liée à la deuxième usure du fil, l'arrivée prochaine d'un commandant, probablement incorruptible et venu se faire un nom. Il retournerait l'île entière, sans aucun doute. Comment allait-il gérer ça? D'une pierre deux coups, un plan germait déjà dans son esprit d'illuminé par les astres.

- Ok, on va creuser un accès horizontal par les catacombes, doit pas y avoir plus d'un mètre ou deux de roches d'épaisseur jusqu'au vieux puits. Avant que tu repartes, je vais te laisser un sac de champignons, aux propriétés sédatives ceux-là, y'a de quoi faire roupiller la moitié de la ville, tu lui files ça dès qu'il commence à montrer des signes de nervosité et de manque, je dirais début de semaine prochaine maximum. Ça me laissera le temps à moi et mes gars de le sortir de là, de le couper en morceau et de le jeter à la flotte. Pour le nouveau commandant, on verra ça le moment venu.

Il était impossible pour ces deux énergumènes de se faire confiance, tous deux étaient de la pire espèce et le savaient. Ils étaient faits du même bois, un bois noirci par l'avarice, rongé par les termites de la corruption et moisi par l'obsession de luxure. Ils pouvaient cependant facilement croire en leurs intérêts mutuels qui, même si pour le moment étaient alignés, risqueraient un jour de diverger. Et tout marin qui se respectait savait qu'un changement de bord, ça se préparait...
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Plusieurs mois plus tard...

La situation à Inari était critique depuis l'arrivée du commandant Vassili Joukov, envoyé par le QG, il s'était mis en chasse de la Cabale et l'ex-commandant Yoshi, promu colonel depuis peu, n'avait que très peu de lestes pour agir et protéger ses intérêts. Il devait à présent faire confiance à Astral pour gérer seul leur petite entreprise illégale. Il ne le voyait plus que très rarement, leurs rencontres autrefois quotidiennes étaient devenues trop risquées. Il devenait compliqué de faire circuler les informations et si Astral était attrapé il ne tomberait pas seul, il l'emmènerait au bucher avec lui, le colonel en était persuadé. Protéger Ernesto revenait donc à se protéger lui même et Yoshi faisait tout ce qui lui était possible de faire pour aider son complice sans se mettre lui-même en danger. Il y avait cependant deux petits rais de lumière qui subsistaient malgré la tempête qui se tramait. Le premier était que le commandant Joukov considérait la Cabale comme une simple secte de meurtriers et non pas comme la mafia organisée quelle était. Le nouvel arrivé n'avait aucune idée du véritable commerce dissimulé derrière les contrats d'assassinats... Le deuxième rayon de soleil qui persistait, était que le dernier témoin qui le liait à toute cette histoire de drogue et à la mort de l'ancien colonel, autre que Astral et le membre du conseil, était mort depuis des mois. Le leader de la Cabale s'en était chargé personnellement et celui-ci n'avait pas de raison de mentir sur le sujet. Il n'y avait aucun intérêt à garder en vie une bête droguée, enragée et à moitié morte, surtout s'il s'agissait du dernier lien vivant qui pouvait tous les incriminer.

Ah bon ? Plait-il ?

Olek ouvrait les yeux, autrefois injectés de sang et globuleux, ses iris étaient à présent clairs et limpides. Depuis plusieurs semaines maintenant il se rappelait très bien qui il était: une belle et grosse merde. Un pirate de seconde zone, qui à peine ses aventures commencées, s'était pris une branlée et retrouvé à faire la pute pour des champignons bourrés d'amphètes. Sa détox avait probablement été le pire moment de sa vie, une bonne chose qu'il ne s'en souvenait plus que par bribes et flashs désagréables. Astral l'avait sorti de l'enfer des ténèbres et de ses délires psychédéliques pour lui faire vivre quelque chose d'encore pire en l'obligeant à lutter contre cette addiction, qui avait été son unique raison de vivre aussi longtemps. On l'avait enchainé avec plusieurs dizaines de mètres d'anneaux en fer et abandonné dans une grotte dans le creux d'une falaise au-dessus de la mer.

Une nette amélioration comparée à ses précédents quartiers, direz-vous, surtout que le leader de la Cabale passait une fois par semaine papoter avec lui et lui laissait près d'une demi-tonne de nourriture. Pour être franc, leurs discussions les premières semaines n'avaient pas été fameuses, Olek ne parvenait qu'à hurler, insulter et menacer jusqu'à l'épuisement pour qu'on lui redonne des champignons. Son quotidien durant ces longs mois fut rempli de sueurs froides, de tremblements, de crises de panique, de vomissements et d'envies de suicide, d'en finir en se jetant par-dessus cette maudite falaise... Mais chaque jour, sans qu'il s'en rende compte, il mangeait un peu plus, reprenez du poids, la peau sur ses os commençait à reprendre une teinte dorée grâce au soleil, tandis que ses quintes de toux guérissaient timidement à l'aide de l'air marin.

Il eut une discussion un soir avec Astral, sa première depuis plus d'un an avec un être humain, un vrai. Leurs yeux plongés dans les flammes d'un feu de camp éphémère et les étoiles en seul témoin. Olek n'avait réussi à sortir que deux mots de sa gorge abîmée par les drogues. "Qui" et "Pourquoi".  Le leader de la Cabale s'était alors lancé dans un long monologue, ou il raconta tout ce qu'il savait, omettant certaines choses pour se protéger, il ne mentit cependant pas. En fin calculateur, il préféra miser sur la carte de la sincérité, sachant qu'il s'agissait de sa meilleure chance pour parvenir à ses fins: manipuler Olek à rejoindre son camp. Le colonel Yoshi commençait à prendre ses distances et le futur de la Cabale était en danger, le pirate serait sa vengeance, son arme secrète, une épée de Damoclès qu'il placerait au-dessus des têtes de traitre.

Astral lui raconta donc, avec une pointe de remords feinte dans la voix, qu'il était en partie fautif de sa condition, qu'il le croyait mort et qu'il n'avait aucune idée que les champignons qu'il fournissait au colonel lui étaient enfaite destiné. Qu'il serait venu bien plus tôt s'il n'en avait eu ne serait-ce que le doute. Olek lui aurait bien arraché la tête du tronc s'il en avait eu les moyens ce soir-là, mais épuisé et attaché comme il l'était, la seule chose qu'il put faire fut un bon gros molard entre les deux yeux d'Astral. Le pirate ne resta cependant pas longtemps énervé après son pseudo sauveur, toute sa haine était tournée vers un seul et unique objectif, le colonel Yoshi. Il se savait incapable d'agir ou de prendre sa vengeance pour le moment, il prit donc son mal en patience pendant les longs mois que prit sa guérison, se servant d'Astral comme lui se servirait de lui dans un futur proche, sans aucun doute. Olek était un homme simple quand il s'agissait de savoir qui devait vivre ou mourir, il avait décidé de laisser la vie sauve au leader de la Cabale, puisque dans sa balance imaginaire qui lui servait à prendre des décisions, l'aide qu'Astral lui avait fourni pesait bien plus que sa responsabilité dans toute l'affaire. Il s'agissait d'un mauvais concours de circonstances et ses raisons de l'avoir sauvé, aussi égoïstes et calculatrices qu'elles pussent être, n'importaient peu, seul l'acte comptait.

Ses chaines lui furent enlevées bien trop tard selon ses gouts, mais il devait admettre que ses pulsions et besoins venaient tout juste de disparaitre et qu'il aurait aisément pu replonger dans les méandres de l'addiction s'il avait été libre plus tôt. Même s'il y avait toujours dans le fond de son crâne cette folie, ce désir inhumain de ressentir à nouveau cette euphorie chimique, il la contrôlait à présent. Comme par hasard, ce fut lorsqu'Astral le libéra de ses chaines qu'il lui glissa de manière bénigne une information capitale.

- Le Colonel Yoshi va faire un discours ce soir, sur la place centrale, sa première apparition publique depuis longtemps.

Il s'octroya un temps de pause alors qu'il ouvrait le dernier cadenas qui retenait les chaines du colosse, celles-ci s'effondrèrent avec fracas. Il devait y avoir près d'une tonne de ferraille qu'Olek avait porté ces derniers jours comme s'il ne s'agissait que de simples cordes de mouillage. Le leader haussa un sourcil de surprise avant de reprendre d'une voix bien trop fraternelle et protectrice.

-  Evidemment, je te déconseille de faire quoi que ce soit, attends un peu, reprends des forces, entraine-toi quelques mois, puis si tu dois frapper, frappe un grand coup pour ne laisser que des cendres sur ton passage.

Putain de psychologie inversée, le bougre était vraiment bon, pensa Olek. Mais il n'avait pas besoin de le manipuler plus longtemps, le pirate n'attendrait pas une seconde de plus. Il se mit en marche vers le centre de l'île alors que le fracas des chaines résonnait encore contre les parois de la grotte et qu'Atlas Ernesto, dans l'ombre, se permettait un léger sourire en coin qui en disait long.
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Spoiler:

Olek, dissimulé dans le clocher de l'église qui surplombait la place centrale, écoutait le discours du colonel Yoshi en contrebas. Son visage n'était plus qu'une boule de nerfs à vif, sa haine venait défigurer un peu plus son visage déjà fatigué et boursouflé par sa captivité prolongée. Le pirate était méconnaissable, autrefois effrayant par sa simple taille et musculature de géant, il dégageait aujourd'hui une aura bien plus sombre, imprévisible, similaire à celle d'un chien errant acculé par une meute du loup, celle d'un homme qui n'avait plus rien à perdre et qui lutterait jusqu'à la mort. Tout son corps tremblait, de colère, pensait-il, mais la réalité était un peu plus péjorative, son physique était dans un état aussi pitoyable que l'odeur nauséabonde qu'il dégageait était puissante. Le moindre courant d'air lui donnait des frissons et chaque mouvement était un supplice, ses articulations craquaient et ses muscles à moitié atrophiés par le manque de mouvement ne répondaient correctement qu'une fois sur deux. Malgré les quelques mois au calme qui l'avaient requinqué, il aurait besoin de bien plus que du soleil et de l'air frais pour récupérer l'intégralité de ses capacités. Olek s'en branlait, il ne comptait pas survivre à la nuit. Ce fut sur ces belles paroles qu'il sauta de son perchoir.

Deux cents kilos de barbaques jetés d'une dizaine de mètres de haut, les pauvres marines et civils qui le réceptionnèrent de plein fouet ne pouvaient qu'attester de l'efficacité d'une telle attaque. Le bruit qu'il fit, en fracassant l'estrade et les gens tranquillement assis autour, fut aussi impressionnant pour les victimes en première ligne qu'un Buster Call. Des hurlements stridents commencèrent, un nuage de poussière naquit de l'hypocentre pour se déverser telle une vague dans les ruelles de la ville. Des morceaux de pierres et des planches de bois propulsés dans les airs par le choc retombèrent dangereusement sur un public encore abasourdi.  Ce fut le chaos immédiat, des dizaines de personnes se mirent à courir dans tous les sens, des foules entières piétinèrent femmes, enfants et ainés trop lents pour réagir et s'écarter à temps. La garnison sur place tentait tant bien que mal de remettre un semblant d'ordre, mais le nuage de poussière couplé avec les hurlements des blessés rendait leur tâche quasiment impossible, sans compter les quelques torches renversées qui prirent un malin plaisir à embrasser draps et toiles dressées pour l'occasion. Olek était au centre de tout ce merdier, piétinant et écartant les gens sur son passage comme s'il ne s'agissait que de vulgaires pantins de paille. Il n'avait d'yeux que pour une seule personne, et d'après ses calculs elle ne devait pas être bien loin, il lui avait quasiment sauté dessus. L'ancien prisonnier était persuadé que le colonel l'avait reconnu, leurs regards s'étaient définitivement croisés, le temps d'une fraction de seconde, juste avant qu'il ne s'écrase sur sa gueule.

Son corps n'était qu'un brasier de douleur et de rage, il s'était probablement fracturé le tibia gauche et une dizaine de côtes, son bras droit pendait également, insensible tandis qu'un bout de sa clavicule ressortait vers l'avant tel la proue d'un navire. Mais rien ni personne ne pourrait l'arrêter ce soir.  Il le trouva facilement, les deux jambes bloquées sous une poutre, tentant de toutes ses forces de s'en extirper et gueulant à ses subordonnés de le sortir de ce merdier. Le colonel Yoshi ferma sa gueule à la seconde où il le vit approcher, Olek était là, en face de lui, une image de cauchemar qui hanterait Baresta jusqu'à la fin de ses jours, lui qui le croyait mort depuis des mois. N'ayant d'humain que le nom, immense, horrible et bestial, il était recouvert de sang et de crasse, seuls ses yeux luisaient de mille feu, injectés de sang non plus à cause de la drogue, mais par la haine intarissable qui l'animait. Une sensation presque aussi agréable que la plus douce des drogues, Olek se rendit compte qu'il prenait du plaisir en cet instant et fit abstraction de tout pour ne se focaliser que sur la naissance de cette émotion. Le fruit de l'union entre sa douleur, sa haine, sa rage et de la peur palpable de sa proie recroquevillée face à lui, misérable. Le pirate se mit à sourire timidement, puis à pleines dents, avant de finalement partir dans un éclat de rire qui aurait fait trembler même le pus vaillant des hommes.

Le colonel Yoshi venait de se pisser dessus, des larmes coulaient sur son visage déformé par l'effroi. Il était à la merci du pirate, il était fichu, ruiné, brisé, tant de travail et d'efforts pour mourir avant d'avoir vraiment pu profiter de sa vie et de sa fortune si difficilement acquise. Il voulut crier aux nombreux Dieux toute l'étendue de sa tristesse face à cette injustice, face à cette chienne de vie, mais ne réussit qu'à cacher son visage dans ses mains et se mettre à sangloter. Il ne voulait pas voir le dernier coup arriver, en lâche qui se respectait, il refusait de regarder la mort dans les yeux.

Olek s'accroupit à ses côtés, des marines qui l'entouraient, aucun de ne bougea, aussi effrayés et désemparés que leur colonel, ils le tenaient en joue, mais ne tiraient pas. Le pirate, à la surprise de tous, souleva la poutre et la jeta au loin, libérant les jambes du colonel et aussi tendrement que possible, il prit les petites mains de Baresta dans les siennes, comme s'il s'apprêtait à consoler un enfant en détresse. Il s'adressa alors à son ancien geôlier, de sa voix rauque et cassée, aussi grave et profonde que la taille du puits dans lequel il avait survécu si longtemps.

- Je ne vais pas te tuer, ce serait bien trop facile, non... Tu vas vivre, grâce à moi, et je te hanterai jusqu'à la fin de tes jours, je ne te quitterai plus jamais mon grand.

Sur ces paroles qui glacèrent le cœur de tous les hommes présents, Olek réduit en bouillie les mains du colonel qu'il tenait en les serrant de toutes ses forces. Dans une étreinte dérangeante, ils tombèrent ensemble dans l'inconscience...

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Le colonel revint à lui dans un hurlement d'effroi, sur son lit d’hôpital il tremblait de tout son long, incapable de se contrôler. Baresta ne serait plus jamais le même, il le savait, quelque chose en lui s'était brisé ce soir-là. Le moindre bruit le mettait mal à l'aise et ne serait-ce qu'un mouvement un peu trop brusque l'effrayait. Il convoqua ses subalternes dans l'après-midi, s'enquit du sort d'Olek et prit une décision, la seule qui lui semblait plausible. Il avait une peur irrationnelle du Pirate et était à présent persuadé qu'Olek viendrait le hanter même dans la mort. Il n'y avait qu'une seule solution pour se débarrasser de cette engeance du démon, l'envoyer le plus loin et le plus profond possible d'Inari. Il n'existait qu'un seul endroit à sa connaissance qui remplissait ces conditions: Mile High Purgatory. Oui, c'était la seule solution pour retrouver un semblant de paix.

- Appelez le QG immédiatement, je veux que le prochain navire-prison en direction de Grand Line fasse une escale ici, dites-leur que nous avons un criminel à faire escorter dans les plus brefs délais. Passez le message en urgence !

Ce fut ainsi qu'Olek quitta Inari et reprit ses aventures, enchainé, blessé et dans le coma, au fin fond d'une cale de bateau.
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