Achilia Rik
Pseudonyme : Rik Achilia ( prononcé Akilia ) Age: 36 ans Sexe : Homme Race : Humain Rang : Métier : Joueur professionnel Groupe : Civil Déjà un équipage : aucun But :aucun de bien précis Fruit du démon ou Aptitude pour la suite : rien de prévu. Équipements : Un jeu de cartes, des dés, certains pipés, deux pistolets. Codes du règlement (2) : Parrain : aucun, c'est un DC |
>> Physique et Psychologie Atchaa. ... Merde. D'où il vient ce courant d'air ? Pas facile à deviner, dans la pénombre de la chambre. Mais pas grave, j'ai des yeux de chat, moi. Noirs, vifs, aiguisés comme les leurs. Sauf que les miens sont en amande. Je jette un regard sur ma gauche. La porte est close; cela ne laisse qu'une autre alternative. Coup d'oeil sur la droite. Jackpot. Rideaux à peine rabattus, fenêtres presque grandes ouvertes. Voilà, il est entré par là. Ai-je cependant suffisamment de volonté pour aller la refermer ? Voyons... Cela suppose, rejeter cette couverture trop rèche, soulever ma grande carcasse encore endormie, me hisser hors de ce matelas trop moelleux et emprunter nus pieds ce plancher craquant sur les trois mètres me séparant de mon objectif. Vaste programme pour un bête vent frais. Et puis, quel intérêt ? De toute façon, le loquet est bousillé, c'est à peine si j'aurais le temps de me rendormir avant qu'elle ne se rouvre. J'le sais qu'il est pété, c'est moi qui l'est amoché comme ça. Enfin, j'ai dû accélérer le processus de vieillissement du pauvre mécanisme, dirons-nous. Satanée picole, elle a encore gagné la partie hier soir. Elle gagne souvent, très souvent. Toujours à vrai dire. Avec une vision rendue trouble par la boisson et un pas trébuchant, pas évident de rester sur ses appuis. Alors, quand on tombe, on se rattrape à ce qu'on peut, même à une malheureuse poignée. Faut croire que j'pèse mon poids. Soixante-dix huit kilos pourtant aux dernières nouvelles, rien d'exceptionnel. Mais toujours est-il qu'elle l'a mal vécu, ce petit épisode. Donc non, j'irais pas la fermer. De toute façon, dans trois heures à peine, il fera jour. On se lèvera bien assez tôt, rien ne sert de se presser. Feignant ? Non, sans plus, mais je n'ai rien de prévu. À chaque jour suffit sa peine. Et là, il fait pas jour, il fait nuit. Brr, n'empêche, jme gèle les arpions moi. En fait, ce pti coup de froid, il vient peut-être pas de dehors, mais bien de mes pieds. Les pauvres bougres, ils dépassent du lit, sans un bout de couverture pour les couvrir. Et c'est pas mes chaussettes trouées qui vont leur épargner le froid boréal. Mais pourquoi ils dépassent, aussi ? On a pas idée de faire des sommiers si petits. Un mètre quatre vingts dix, c'est pas la mer à boire, si ? Atchaaa. Yare, yare...D'accord, jme lève, t'as gagné. On s'étire un brin et on cherche l'interrupteur dans le mouvement. Hop, trouvé. Le lustre au plafond éclaire la chambre d'hôtel. En quelques secondes, la sensation d'agression s'évapore, mes prunelles se réhabituent à toute cette lumière. On y voit quand même mieux comme ça, y'a pas de regard perçant qui tienne. Pour la peine, puisque je suis debout, je referme aussi la fenêtre. Un petit signe de main au ciel clairsemé d'étoiles. Surpris de me voir debout ? Moi aussi, je le suis mon gars. Mais c'est la vie... Je finis de m'étirer de manière plus approfondie et j'remets mes pieds dans leurs chausses. De belles bottes à la base, noires, bien cirées, confortables. Pointure quarante-sept si vous tenez à le savoir. Avec de beaux éperons brillants qui tintaient distraitement à chaque pas. Maintenant, elles ne sont plus que l'ombre d'elles-même. Des épaves, presque. Pas grave, la semelle est résistante, je peux m'en contenter. Elles ont de la chance que je sois pas du genre sophistiqué, je serais même plutôt le contraire, sinon ça ferait longtemps qu'elles auraient fini leur office celles-là. Mais de toute façon, je m'y suis habitué, attaché. Alors je les garde. Bon, lumière ok. Fenêtre ok. Pieds ok. La suite, par ordre de priorité. Où sont mes clopes ? Ah, là,sur la table de chevet, à côté du briquet. ...'fff... Hmm, s'en griller une au réveil, un petit plaisir dont je ne me lasse pas. La saveur n'en est que plus intense. Oui, fumer, boire, c'est mal il parait, mais bon... Qu'est ce donc que le bien, qu'est ce donc que le mal ? De biens jolis mots, de biens jolies valeurs dont la perception varie du tout au tout d'un individu lambda à un autre. On ne sait plus vraiment que croire, en ce bas monde. Moi, je crois simplement en le Hasard. Normal pour un joueur invétéré de cartes, dés et autres paris crapuleux, me direz-vous. Pas tout à fait. La plupart des joueurs croient en leur chance, en leur bonne étoile. Moi, pas exactement. J'essaie de rester lucide. Sans vantardise, je suis pas le dernier des couillons. Je suis conscient qu'il y a des jours avec et des jours sans. Des jours où je ratisse les riches et dépouille les pauvres et d'autres où j'ai plus que les barrettes de mes lunettes de soleil à bouffer tellement mes poches sont vides. Mais c'est comme ça, faut relativiser. Y'a bien pire dans la vie, du moins je crois... Tchok. Merde, j'ai perdu un autre bouton de chemise. La pauvre, il ne lui en reste plus que quatre. Dommage, il fut un temps où elle aussi était belle. Blanche, immaculée, brillante. Neuve. Maintenant, elle est terne, un peu rapiécée aux manches, sans saveur. Heureusement, j'ai une veste par dessus pour assurer les apparences. Elle, par contre, elle vaut encore le détour. D'un bleu marine sobre, mais élégant. Tout comme mon pantalon. Un bel ensemble. Du sur-mesure. J'ai pas pris un kilo depuis l'époque où jme le suis offert, alors, inutile de dire que je le porte toujours avec classe. Et puis, il va bien avec mon teint halé d'aventurier, si j'en crois ce que m'avait dit la vendeuse à l'époque, alors c'est tout bénef. Viendra sans doute un jour où cet ensemble aussi ploiera sous l'âge, la poussière ou les mites. Mais en attendant il est là, fidèle au poste. Et de toute façon, pas dit que je le troque contre un bout de tissu neuf le jour où il sera à l'agonie. Oui, je suis attaché à mes rares possessions, moi. Cocasse, voire paradoxal dans l'univers du jeu. Ce ne sont pas les occasions de miser tous ses biens et de les perdre qui manquent, mais je ne m'y suis encore jamais résolu. Quand je suis fauché, jm'arrête. Point. Et au pire, j'passe un jour ou deux sans bouffer. D'ailleurs, je me refuse aussi toujours à accepter tout autre paiement que de bons vieux Berrys. Point de chapeau, ni plus de montre ou de collier. Ils ont sans doute une valeur inestimable aux yeux de quelqu'un, mais ne représenteraient rien de plus qu'un vulgaire trophée pour moi. Alors, je décline. Question de principe. Oui, j'en ai pas beaucoup, mais quelques-uns quand même. Tiens, voilà que je reparle de moi. Où en étais-je d'ailleurs, avant de m'attarder sur mes frusques ? Ah, oui. Le bien, le mal... Vaste question. À vrai dire, à qui la faute, à qui profite le crime, jm'en fous un peu. La guerre dans le monde, la famine ? Idem. La bonté, l'honneur, la gratitude... tant de notions abstraites qui se tiennent éloignées de moi. Tant que tu me causes pas de tort, t'es pas mon soucis. Et encore, même quand tu me cherches, ne le fais pas avec le dos de la cuillère si tu veux avoir le privilège de me voir réagir. Enfin, le privilège... certains appelleraient pas ça comme ça. Mais aussi, il faut les excuser, les excités qui croisent ma route. J'arbore continuellement un tel air blazé, sauf ivre ou dans tout autre état second bien évidemment, qu'il est impensable pour quiconque ne me connaissant pas un tant soit peu que je puisse être capable de réagir. Et d'être coriace. Ceci dit, même si les problèmes sont monnaie courante dans mon milieu, les véritables explications de textes auxquelles j'ai pris part se comptent sur les doigts d'une main. Je ne suis ni très contrariant, ni très facile à faire sortir de mes gongs, une chance dans ma branche. Dans les légions de règlement de compte, je passe donc entre toutes les gouttes ou presque. Et encore, dans les rares cas où j'interviens, ce n'est non pas pour laver mon nom de toute souillure ou autre, mais juste pour prendre la défense de la veuve et l'orphelin. Ce genre de réaction saugrenue est chez moi tellement peu prémédité que jme surprends moi-même lorsque j'agis de la sorte. J'ai pas l'âme d'un héros, mais il faut croire que la méchanceté ou la cruauté gratuite et sans fondement, ça me fait quand même tiquer. Bon, assez bavassé. Finalement, le jour se lève plus tôt que prévu. À croire que la gnôle de cette nuit a un peu brouillé mes repères. Ou noyé. Un coup d'oeil dans le miroir histoire d'admirer les dégâts. Hmm, le reflet qu'il me renvoie confirme mes soupçons, la dose d'hier a dû être un chouilla excessive. Je ne vois qu'un trentenaire usé, les yeux plissés, traits tirés, cheveux en pétard. Le temps de se recoiffer un brin et je rends la clef du logis au patron. Quelques coups de peigne-main bien ajustés et le tour est joué. Sans y mettre trop de conviction certes, dès la première rafale, ces cheveux lisses, mi-longs, perdront tout le semblant d'ordre que j'essaie de leur imposer. Mais tant qu'aucune de ces mèches de jaie ne viendra se placer au milieu de mon champ de vision, hors de question d'envisager de les couper. Inutile de se presser, vous vous souvenez ? Dernières vérifications. Mes pétoires sont bien à ma ceinture, masquées à la vue de tous par ma veste boutonnée au niveau de la taille, comme de coutume. Poche droite de mon pantalon reposent mon jeu de cartes et mes dés, clopes et briquet présents poche gauche. Lunettes de soleil sur le nez, pour masquer mon semblant de gueule de bois aux gens que je croiserai. Paré à décoller. On y va. Tchok. Merde, j'ai aussi défoncé le loquet de la porte on dirait. Jm'en souvenais plus, j'dois avouer. Ma foi, ça a vraiment dû être une bonne soirée. Tant mieux, j'ai rien contre de petites festivités et les loisirs qu'offrent l'univers du jeu. Oui, la vertu ne m'étouffe pas non plus, mais ça, c'était pas franchement difficile à deviner. Dans le couloir, personne. Tout bénef,ça me permet de prendre appui contre le mur pour marcher plus à mon aise, desfois que le sol se dérobe encore sous mes pas. Généralement, j'ai une démarche nonchalante, reposée, mais là, circonstances obligent, c'est pas trop le cas. La descente de l'escalier se fait sans plus de précipitation. Gaffe, ce serait con de se ramasser. En plus, y'a un barmen en bas, en train de nettoyer tout un fichu bazar. Des tables et chaises brisées aux tessons de bouteilles, en passant par les plats lancés, renversés ou régurgités par les clients qui retapissent les murs et font une déco originale mais peu distinguée. L'homme me voit. Jle vois aussi. Je l'avise d'un petit signe de tête en agitant la clef de la chambre. Il passe derrière le comptoir, tout en lâchant quelques mots qui m'explosent presque les tympans : -Ça vous fera 200 Berrys. J'ai bien envie de lui balancer un grand " Gueule pas imbécile, j'suis à deux mètres de toi " à la figure mais j'paye, sans faire d'histoire. -Vous étiez plus bavard hier, vous savez ? Sans blague. Ben aujourd'hui, tu m'excuseras mais j'ai la tronche comme un pot. Je décuve. Allez, adieu, mon brave. Je file sans un mot hors de l'établissement. D'ordinaire, je n'ai rien contre une petite conversation. Je suis habitué depuis mon plus jeune âge à côtoyer les foules, et je m'en suis vite accommodé. J'ai construit petit à petit un sens de la conversation aiguisé, et j'aime échanger avec mes concitoyens. Pour quelques bribes simplement, ou pour une discussion plus en profondeur si j'estime que l'interlocuteur en vaut la peine. Mais ici, ma voix habituellement grave mais plutôt mélodieuse aurait trahi mon état avéré de non sobriété. Alors je m'abstiens. Les battants du saloon poussés sans la moindre énergie, je débouche sur la rue principale du bled, accueilli par un pâle soleil matinal, embusqué derrière foison de nuages. Atchaaa. Et merde. Un pas après l'autre, j'avance. Les rues sont encore presque désertes de si bon matin. Logique, il faut avoir une sacrément bonne raison pour se les geler dehors par moins quelques degrés quand on peut profiter de la douce chaleur d'un foyer à la place. Avoir une bonne raison, ou être un peu fêlé, au choix. À chaque respiration, la buée qui se forme et enveloppe mon visage me rappelle que ce froid n'a rien d'un songe. Il me pique, m'agresse presque. Pourtant, l'alcool qui brûle encore dans mes veines devrait suffire à me réchauffer. Mes muscles en plein effort doivent aussi générer une certaine chaleur, mais insuffisante. Alors je marche, mes longs doigts fins gelés au fond de mes poches, la pointe de mon nez busqué et les pommettes saillantes rougies. D'ailleurs, j'avance, mais ne sais où je vais. Encore moins pourquoi y vais-je. Je ferais mieux de me trouver un endroit au chaud pour finir ma nuit. Et tirer un trait définitif sur cette virée sur North Blue. Le bilan sera à pertes pour moi, ici. Ce tournoi ? Un lamentable insuccès. Ce rhume, comme un coup de grâce pour couronner le tout. Ou un signe du destin pour m'inciter à passer la main en attendant des horizons nouveaux. Message reçu. Il y a des jours comme ça, ça ne sert à rien d'insister. Les entêtés, les impatients sans jugeote, sont toujours les premiers à chuter de leur piédestal. Moi, non. Et même si je ne risquerais pas de tomber de bien haut, je vais prendre du recul pour un certain temps. Je respecte dans une certaine mesure le dicton selon lequel Prudence est mère de Sûreté. Un break avant de replonger tête baissée dans cet univers de risque et de plaisir qui me colle à la peau. La roue de la fortune tournera d'ici à mes prochaines retrouvailles avec les tables de jeu. Waf ! Tiens, un autre promeneur solitaire. Il me suit depuis que j'ai quitté le bar celui-là. Un Akita, ou quelque race du genre. J'aime bien les animaux. Pas contrariant généralement, affectueux et sans vice. Ça change du gratin habituel. T'as de la chance, toi, boule de poil. Ta fourrure te tient chaud. Moi ma veste, c'est pas un imper, encore moins une doudoune. Juste un tissu léger, idéal pour les températures estivales mais pas vraiment adéquat dans ce bled.... Pourquoi tu gémis, mon beau ? Ça t'intéresse pas, tu t'en moques de ce que je dis ? T'as bien raison va, je radote. Je ne fais que me plaindre et geindre sur mon sort. Un de mes défauts, parmi tant d'autres. Qui trouve sans doute racine dans mon alcoolisme. Promis, j'arrête, c'est pas poli d'ennuyer un inconnu avec ses problèmes, à fortiori un beau chien comme toi. Et dis-toi, t'as juste eu droit à la version courte, je t'épargne les détails. Waf waf ! Comment ça, waf waf ? Tu veux découvrir la partie cachée de l'iceberg ? Waf ! Ma foi, à ta guise. Viens on va se chercher un coin tranquille. Ptetre même qu'on dégotera un pti déj. Et nous voilà parti. Il a un sacré bon sens, cet animal, un petit futé. J'arpente les rues, à la recherche d'une échoppe plus matinale que les autres où je puisse nous trouver pitance, lui ne me lâche pas d'une semelle tout le long du trajet. Il flaire la bonne affaire. Enfin, une porte ouverte. J'entre, toujours suivi de ce fidèle compagnon. À l'intérieur, je croise un commerçant, petit vieux tout ce qu'il y a de plus sympathique. Il m'explique être sur le point d'ouvrir, mais ne voit pas d'inconvénient à ce que je m'asseye dans un coin. Alors je m'exécute, attendant qu'il vienne prendre ma commande. Pour tuer le temps, j'observe un peu plus attentivement l'animal. Il me rend mon regard, cou penché sur un côté, l'air aussi curieux que moi. Deux minutes plus tard, le gérant revient. En échange de quelques piécettes, il me refile un croissant pour les papilles, une miche de pain pour l'estomac et une bonne rasade de café chaud pour faire passer le tout. Mon ami à quatre pattes reçoit de son côté deux os de belle taille à rogner et une écuelle d'eau. Faim rassasiée, soif étanchée. Nous voilà fin prêt. Hmm non, dernier détail, j'allume une petite blonde avant ça. Je tire quelques taffes, le gout et l'odeur du tabac m'envahissent déjà. Voilà qui est mieux, le conteur peut commencer. Dresse bien haut tes oreilles, mon beau, voici mon histoire. >> Biographie Il y a quarante-cinq années de cela aujourd'hui, par une belle nuit d'été, le tout juste majeur Teddy Clark empruntait un chemin de campagne, rentrant du labeur des champs pour retrouver quelques-unes de ses connaissances à la fête de son village natal. Le nom du patelin n'évoquerait rien à personne mais il est bon de préciser qu'il se trouvait quelque part sur West Blue. Paysan sans envergure, dernier fils d'une longue lignée d'anonymes notoires et sans intérêt que l'histoire ensevelit bien vite dans ses profondeurs abyssales, Teddy n'aspirait pas à grand chose, aimait se contenter de choses simples et d'objectifs terre à terre. Se trouver une femme, fonder une famille, travailler jusqu'à sa mort ses modestes terres dans la paix et la tranquillité... ...'fff...Même maintenant, je ne comprends pas ce choix. Il y a tant à découvrir dehors. Tu ne crois pas mon beau ? Waf ! Oh, oui, la suite... Quand, au terme des ripailles, le brave Teddy fit la rencontre ce soir là de Anna, future madame Clark, il avait déjà fait un grand pas dans l'accomplissement de ses "rêves". L'excitation et le romantisme des premiers rendez-vous se dissipa bien vite autour des deux tourtereaux, mais ceux-ci, pressés par leurs parents de consommer leur union, firent ce que la logique paysanne imposait et se marièrent sans tarder. Huit ans plus tard, ils étaient déjà six dans le modeste foyer familial. Et le septième membre était attendu pour le début de l'année suivante. La vie était rude, les récoltes parfois difficile, pourtant la petite maisonnée subsistait, résistait aux coups du sort qui se présentaient. Du pillage des récoltes lors d'un raid pirate à une augmentation colossale des taxes par le seigneur du coin, rien ne leur était épargné. Mais Teddy, Anna, et leur quatre enfants se serraient les coudes dans l'adversité. Dignes de leur statut de paysan. En d'autres termes, résignés à mener une vie pitoyable, dans un univers bien fade. Célébrant les naissances, les mariages et les années fastes de récolte avec le reste de la communauté agricole du coin, maudissant le gel qui persistait jusqu'en mars. Sans se soucier des grands de ce monde, biens à leurs petites vies rangées. Mais le cinquième enfant, venu au monde un 29 Février, fruit d'un remarquable Hasard, n'était pas comme les autres. Un feu étrange l'animait. Ce nouveau-né, il fut nommé Rik. Hé oui, ce nouveau-né, c'était ton narrateur. Je vins au monde dans ce foyer trop étroit pour mes rêves insensés, entouré de gens trop ternes pour pouvoir comprendre ou même percevoir la fougue qui guidait chacun de mes pas. Je ne me sentais pas à ma place dans cet environnement sans saveur. Il me fallait autre chose. Aussi, dès que je fus en âge de prendre conscience de ma différence, je cherchai à repousser les limites de mon monde. Disparaissant des heures, puis bien vite des jours durant, je battais les routes environnantes à la recherche de ce qui saurait se présenter à moi comme l'alternative, l'issue de secours pour échapper à un destin joué d'avance. Or, à quelques kilomètres du village dont j'étais issu se trouvait une ville. Un paradis. Dès mes huit printemps, je m'y rendis régulièrement pour apprivoiser ce nouveau monde. ...'fff...avec le recul, elle n'était pourtant pas d'une grande originalité cette bourgade, mais pour le garçon que j'étais au moment des faits, elle recelait de merveilles dont je découvrais chaque jour un peu plus l'existence. Les tavernes tout d'abord, et cette ambiance festive que je me plaisais à retrouver aussi souvent que possible; à dire vrai, et sans chercher à jeter le tort à quiconque, il ne faut pas chercher plus loin la cause de mon accoutumance précoce à l'alcool et au monde des plaisirs. À onze ans à peine, j'étais considéré comme un habitué de l'échoppe "des Trois Ribaudes", tant mes apparitions s'y faisaient fréquentes. Les commerces en tout genre ensuite, amenant leur lot d'articles venus d'ailleurs, pour lesquels je me fascinais toujours. Et enfin, la caserne de la marine. Là-bas, je croisai pour la première fois un presque vétéran, qui tirait ses toutes dernières années de service. Le vieux soldat me contemplait grandir, moi je voyais ses tempes se teinter de gris, son crâne se découvrir. Au gré des ans, une amitié se tissa. Notre complicité se renforça, jour après jour. Auprès de lui, je m'enquis de la situation à l'extérieur. Dans le grand monde. Je pris connaissance plus en détail des notions de piraterie, de révolution, de justice. Si j'avais du mal à me sentir concerné par ses luttes de pouvoir, j'aspirais cependant à parcourir les Océans, à découvrir tout tel un pionnier, par simple et pourtant brûlante curiosité. L'idée s'encra fermement dans mon esprit d'enfant : je devais partir. Fruit du Hasard, coup du sort, ou autre badinerie du destin, deux évènements successifs permirent à mon souhait ardemment désiré de devenir réalité. Le premier, le décès du vieux Marine. J'en fus attristé, mais pas bouleversé. Pour avoir écouté, rêvé, bu littéralement les aventures qu'il m'avait contés, je savais que l'homme avait eu une belle vie. Lui abandonnait cette terre pour le ciel, je me devais de quitter ce monde, de prendre la mer. Rien ne me rattachait vraiment ici; ni ma ribambelle de frères et soeurs que j'aimais certes, mais plaignais surtout pour leur étroitesse d'esprit. Ni mes parents, qui en dépit de l'affection que je leur portais, incarnaient tout ce que je ne voulais pas me résigner à devenir d'ici quelques années. J'avais treize ans, la vie devant moi et une furieuse envie de la croquer à pleine dent. C'est par le second évènement fortuit que se présenta mon ticket vers le monde. Une caravane itinérante de saltimbanques traversa la ville du coin, un jour que je fuguais encore. Ils semblaient appréciés de tous, connus ou reconnus. Leurs costumes chatoyants apportaient une touche de couleur, de fraîcheur dans la ville; leurs contes une part de mystère. Les numéros d'équilibriste, de jongles ou de magie envoutaient tout mon être. À leur vue, ce besoin de m'émanciper me prit aux tripes, plus fort que jamais. Désormais, même cette ville ne suffirait plus à assouvir ma soif de découverte. J'en avais fait le tour. L'inconscience de la jeunesse aidant, je pris ma décision en une nuit. Quand la troupe repartit vers d'autres horizons, je me glissai à bord d'une des carrioles et me lançai dans ma première grande aventure. Affamé, prêt à tout dévorer, tout découvrir avec avidité. Atchaaa. Foutu rhume. Heureusement qu'on est au chaud ici. Bon, où en étais-je ? Ah, oui... Ma vie avait pris un tournant décisif cette nuit là. La surprise passée, les membres de la troupe m'accueillirent avec hospitalité et chaleur, absolument pas contrariés loin s'en fallait de voir un passager clandestin se joindre à eux. Mon aplomb, ma détermination juvénile les conquit sur le moment; les jours qui suivirent, ma joie de vivre pareille épopée fut si communicative qu'elle embrasa la bande entière. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, je devenais un membre du groupe à part entière. D'ailleurs, le naturel et la rapidité avec laquelle mon intégration se produisit me surprit grandement à l'époque. Désormais, je me rends compte que cet épisode particulier, au même titre que ce mode de vie nomade dans sa totalité s'expliquait par cette simplicité, sur laquelle reposait notre vie de voyage. Elle m'a sans conteste influencé, forgé, pour faire de moi celui que je suis devenu... J'étais donc comme un poisson dans l'eau en compagnie de ses gens. Qui étaient-ils exactement ? Tout le monde, personne. Des individus que le destin avait réunis sur un même chemin, et qui ne se séparaient plus depuis. Il y avait le patriarche de la troupe, Palon, à la barbe de vieux sage, dont personne ne connaissait l'âge exact. Lui s'occupait de notre itinéraire, de superviser les spectacles mais faisait aussi office de conteur auprès de notre plus jeune public. Également, les frères jongleurs Dante, Saz et Zak, lesquels endossaient aussi au besoin le costume d'acteurs pour nos pièces de théâtre. Notre contorsionniste et trésorière, Aïta, ancienne pensionnaire d'une maison de joie qui se refusait toujours à raconter son histoire. Elle se prit rapidement d'affection pour moi et joua durant mon adolescence un rôle de mère de substitution à mes côtés. Et enfin, Ayli, orpheline peut-être, éduquée depuis son plus jeune âge par Palon, de deux ans mon aînée. Chacun d'entre eux avait sa personnalité, se rendait attachant à mes yeux, occupait une place indispensable dans la vie de notre petite communauté. Dans un premier temps cantonné à un rôle de presque spectateur, je ne demandais qu'à progresser, armé de toute ma bonne volonté. Au début, je sillonnais le public pour récolter nos récompenses. Puis, bien vite, je devins l'assistant tantôt des frères Dante, tantôt de Aïta dans leurs spectacles respectifs, par de discrètes apparitions sur scène. En parallèle, je m'essayais à des exercices d'équilibriste, plutôt avec brio, dans lesquels je figurais en binôme avec Ayli. Lancer de couteaux, divers numéros d'acrobaties étaient également au programme. Mais c'est avec les jeux de hasard que je me trouvais le plus à mon aise. L'art de maîtriser le mouvement de la bille au jeu de la roulette, par exemple. Ou encore, faire rouler une balle de sous un verre à un autre, surveillé par les regards attentifs d'une dizaine de joueurs, et pourtant tromper continuellement leur vigilance. Ma dextérité contre leur vivacité. Dans un autre registre, sortir des doubles aux dés, surpasser les adversaire aux cartes, au Black Jack ou au Poker en particulier. Parfois, les suspicions de tricherie forçaient la troupe à quitter prématurément l'endroit, parfois, ces mêmes talents permettaient d'apporter quelques monnaies trébuchantes à notre trésorerie pendant les périodes les plus ingrates. Arrivé à l'âge de dix-sept ans, je gagnai définitivement une place à part entière dans les spectacles, dans mon domaine de prédilection. J'étais enfin un membre du groupe, un vrai, pour ma plus grande fierté. En ces temps-là, aucune contrainte ne nous arrêtait, nous voyagions au gré de nos envies. Par terre, par mer. Ce fut avec eux que je connus ma première traversée en bateau. L'immensité de l'océan me frappa ce jour-là. Un sentiment si fort, si intense. À l'époque j'étais persuadé que cette vie durerait pour toujours. Et pendant près de dix ans, j'allais le rester. Durant cette période, nous ne connûmes qu'un enchaînement de succès et d'échecs dont nous savions nous satisfaire, libres comme le vent, loin de toute contrainte. Et notre statut nous évitait en outre de nombreux problèmes. Pirates et criminels en tout genre ne nous considérant pas comme de véritables rivaux, Marine ou Gouvernement nous qualifiant plus de rebuts de la société que de dangers potentiels. Nous jouissions donc d'une quasi-immunité dont aucun de nous n'osait se plaindre. Hé oui, c'était la belle époque... ah, dernière cigarette. J'vais devoir aller me dénicher un autre paquet. Waf ! Oui, oui, avant ça j'en finis avec ma vie, promis...une belle époque oui... Pourtant, ce n'était pas suffisant aux yeux de tous. C'est ce qui causa notre perte. À moins que ce ne soit un surplus d'humanité. Aujourd'hui encore, je ne saurais trancher la question. Certains jours, je la maudis, elle qui a précipité notre chute pour n'avoir su profiter du bonheur qu'était le nôtre. D'autres, au contraire, je reconnais qu'elle avait raison, peut-être. Qu'elle aurait mérité que je lui vienne en aide, que je ne l'abandonne pas... Ayli. Plus d'une fois, je la surpris en vive conversation avec Palon, abordant les sujets d'esclavagisme ou de Révolution. Elle voulait plus que cette aventure incessante, faite de rencontres plaisantes et de découvertes continuellement renouvelées. Elle trouvait son quotidien vide de sens, ses actions inutiles. Elle voulait trouver un sens à sa vie. Alors, un soir d'hiver, Ayli réunit notre joyeuse bande à l'exception de Palon pour nous faire part de son point de vue. Cherchant les mots juste pour éveiller en nous ce sentiment de révolte qui l'animait. Par le passé, chacun d'entre nous avait eu l'occasion d'éprouver à maintes reprises les liens qui nous unissaient, de demander soutien auprès des autres pour une affaire qui n'était pas la leur. Et chaque fois, tous avaient répondu présents, nous étions une famille. Mais là, c'était totalement différent. C'était dire adieu à notre vie actuelle, agir tout en étant désapprouvés par Palon, véritable mentor du groupe. La question nous divisa. Sa cause semblait juste, mais étions-nous prêts à franchir le pas ? Toute la nuit, nous ne sûmes nous ranger tous d'un seul et unique avis. Du haut de mes vingt-deux ans, toujours persuadé que le plus beau serait à venir, je fus le plus ferme opposant à Ayli. Je vivais mon rêve éveillé depuis mon premier jour en leur compagnie, rien ne devait l'interrompre, encore moins si brutalement. Je ne me sentais pas envahi d'une quelconque conviction, d'un besoin de répandre le bien autour de moi, ni à l'époque ni guère plus aujourd'hui à dire vrai. Plusieurs fois, je défendis avec fougue notre vie, notre famille. Elle ne pouvait imploser ainsi. Je ne pouvais laisser cela arriver. Au final, Ayli abandonna son projet, le pire fut évité. Provisoirement. Provisoirement seulement, car six mois plus tard, Palon décéda. Le poids des ans l'avait enfin rattrapé, le viel homme nous abandonnait pour aller conter ses récits sous d'autres cieux. Personne n'avait l'étoffe pour reprendre son flambeau. Notre groupe, déboussolé, était au bord de l'implosion. Dans ce contexte, la proposition de Ayli de rejoindre le groupe révolutionnaire en faction sur South Blue, où nous étions alors, trouva écho dans les avis favorables de la majorité. Elle ajouta avoir déjà participé à plusieurs missions secrètes en compagnie d'autres partisans de la doctrine de Dragon, confortant les autres dans leur décision, dissipant les derniers doutes de tous...sauf les miens. Toujours sceptique, je demandai un temps de réflexion aux autres, tandis que ceux-ci se rendaient à un premier rendez-vous de la Révolution. De mon côté, en proie au doute, je passai trois nuits à chercher la solution au fond de diverses bouteilles de rhum et autre whisky, sans rien récolter d'autre qu'un affreux mal de crâne. Au terme de mon dernier verre de mauvais alcool, une silhouette connue mais déformée se présenta à moi. C'était elle, Ayli. Revenait-elle me chercher ? Loin de là. Pourtant, à ce moment précis, j'aurais sans doute hoché la tête sans réfléchir, et l'affaire aurait été entendue. Mais non, ce n'était plus possible. Encore trop saoul pour réagir autrement qu'en vomissant, j'écoutais sa voix brisée me narrer le nouveau drame qui venait de nous frapper. La marine avait organisé un coup de filet sur le lieu de la réunion supposée secrète. Ce qui devait être une arrestation contrôlée avait dégénéré. Soldats et rebelles avaient alors croisés le fer, pour la victoire ensanglanté des défenseurs officiels de la Justice. Et la mort de nos trois compagnons. Elle était perdue, atterrée. Venait me retrouver, repentante, en quête de réconfort. Mais mon cœur fut de pierre pour elle. L'alcool délia ma langue, Je la tins coupable de tous nos malheurs, la chassant de ma vie à jamais en proférant à son encontre une litanie de menaces qui dépassaient ma pensée même. En sanglots, elle me vit lui tourner le dos, un pâle matin d'hiver. Nos chemins se séparèrent. J'étais seul. Où se trouve t-elle sur le globe aujourd'hui ? Est-elle seulement en vie ? Je l'ignore. Ai-je bien agis ? Difficile à dire. Plus les années passent, et plus mes certitudes s'envolent. Le doute me ronge. Qu'est ce que tu en penses, toi ? Waf Waf ! Hin, je suppose que tu as raison. Et après ça, que faire ? À vingt-trois ans, j'avais tout perdu. Ma vie cherchait son second souffle. Ce monde en guerre m'avait volé ma deuxième famille, inutile de dire le dégoût profond que je ressentais pour lui. Et que je lui porte sans doute encore un peu aujourd'hui. Alors, quoi ? Retourner jouer les paysans ? Non, je n'allais pas me résigner aussi facilement. Alors, j'ai persévéré dans ce que je savais faire. Le jeu. Cet univers, j'en fais parti et il est une partie de mon être. Je multiplie les voyages, les rencontres d'un soir ou d'un mois. Jamais je ne me pose. Je suis un trentenaire aguerri, joueur dépendant qui noie ses cicatrices dans l'alcool et la luxure, sans but ni rêve d'aucune sorte. Voilà, tu sais tout, mon brave. Pas fameux hein ? C'est sûrement ce que pensent tous ceux qui croisent ma route, en même temps. Et tu veux que je te dise une dernière chose ? Jm'en fous complètement. Allez, viens, on s'en va. Le soleil a fini par sortir sa jolie frimousse de derrière les nuages, autant en profiter. Atchaaa. >> Test RP Quatre heures du mat'. Nuit noire, sans lune. La ville entière dort du sommeil du juste. Toute ? Pas exactement. D'une ruelle crasseuse des faubourgs émane une certaine animation. À y porter un regard plus attentif, l'affluence y est étrangement élevée pour heure si tardive. Si l'on remonte à contre-courant des poivrots, ignorant l'odeur nauséabonde, déclinant toute invitation des filles de joie et passant au travers des bagarres d'ivrognes, on arrive à une taverne mal-famée qui ferme ses portes. Le genre d'endroit qui n'inspire pas confiance, de part son nom même : la Gorge du Diable. Les derniers clients à moitié saouls sont jetés dehors sans ménagement par deux mastodontes hyper-testostéronés. Certains s'étalent de tout leur long sur le sol boueux, mais la mine pour le moins dissuasive des videurs coupe court à toute forme de représailles ou de simples protestations. Même ivre-mort, un homme garde un semblant d'instinct de survie dans certaines circonstances. À l'intérieur de l'établissement, un barmen s'active à nettoyer ce qui doit l'être. Le comptoir du bar, d'abord, ainsi que les verres éparpillés un peu partout dans la pièce. Puis les tables, après quoi il relève les chaises et les pose en appui sur celles-ci. Enfin, il renverse de pleines bassines d'eau au sol, et commence à balayer avec vivacité. Ce n'est pas le travail qui manque, les débris de verre se font légions, et le carrelage probablement blanc à la base a pris une sombre teinte de crasse. Nul ne saurait dire combien de pichets, verres et autres bouteilles d'alcool y ont été renversé cette nuit. Ni combien de chausses chargées de fange de fange l'ont foulé, y ont trépigné. Dans la pénombre de l'arrière salle, simplement éclairés d'un modeste abat-jour, deux hommes discutent. À voix basse. Un cinquantenaire, calvitie naissante mais qui représente l'autorité ici, et un plus jeune, bien sapé, clope au bec. Ce ni trop vieux, ni trop jeune, c'est moi. Je serre avec fermeté la main qui m'est tendue – avoir de la poigne c'est toujours mieux face à ce genre de brigand – et lâche un simple " Au plaisir messieurs " à l'ensemble des employés avant de quitter l'endroit. Cette soirée à été très lucrative. La boutique a affiché complet dès ving-deux heures, la clientèle a consommé plus que de raison. L'ambiance a si bien battu son plein que tout le voisinage porterait plainte dès les premières lueurs de l'aube au poste marine le plus proche s'il n'y avait aucun risque de représailles derrière. Oui, le patron a de l'influence dans le secteur. Pour ne rien gâcher, les générales déclenchées se sont toutes réglées à l'extérieur de l'enceinte de l'échoppe après que les molosses aient fait le ménage et épargné au mobilier de souffrir de ses explications musclées. Vraiment une bonne soirée. En fait, elle a même été excellente. Pourquoi donc ? Pour l'expliquer, il convient de replacer les éléments dans leur contexte. Il y a quelques jours de cela, j'arrivais dans la région en provenance d'un autre coin perdu de la carte et cherchais un moyen de me remplir les fouilles pour pouvoir me payer mon quota de verres et de clopes quotidien. Alors j'ai toqué à la porte de tous les bars miteux du coin, dans l'espoir qu'un patron un peu plus escroc et joueur que les autres soit tenté par ma proposition. Rien de bien exceptionnel en soit : faire courir le bruit que sa boite à ivrognes organiserait un tournoi de dés dans la semaine. Avec à la clef une rondelette récompense pour le vainqueur cela va de soi. Sauf que dans le lot des inscrits, il y aurait un joueur payé par la maison pour ratisser les pigeons. Et ce le loup dans la bergerie, à la solde du gérant, ce serait moi bien entendu. Alors, comme convenu, je me suis présenté commen n'importe quel autre concurrent le grand soir venu, sachant pertinemment que pendant cinq heures, je jouerai à domicile dans l'arrière-salle. Et j'ai fait un carton-plein. Manier les dés comme je le fais, c'est un art. Y'a pas cinq types sur cet océan qui puissent se vanter d'avoir un aussi remarquable doigté que le mien. Mais, à croire que mon employeur ne voulait encourir aucun risque, il a même pris le soin de me confier un jeu de dés pipés. Comme si. En plus au besoin, les miens auraient aussi fait l'affaire. Mais soit, je suis pas contrariant moi, on me dit de tricher, je triche. J'assure le résultat, peu importe la manière. La douzaine d'autres amateurs de jeu ont tous fini par tirer la grimace. Du mec en fringue velours qui aurait jamais du mettre les pieds dans un trou à rats pareil au gamin avec trois poils au menton à peine qui arrive vingt ans trop tôt pour venir me défier, quand bien même il aurait un certain talent. Tous. Un moment, un semblant de geste d'humeur a failli valoir à l'un des perdants trop rancunier une praline cadeau des cerbères de la maison, mais il s'est ravisé à temps, et sa tête est restée bien sagement fixée dans le prolongement de son cou. Au final, cette petite arnaque me procure un argent facilement extorqué, et en quantité suffisante pour me garder loin de la misère pour une bonne semaine. J'ai approximativement gagné quatre-vingt dix verres de gnôle et le triple de clopes. Convertis en Berrys, ça doit faire beaucoup. Alors un évènement pareil, ça s'arrose, c'est le cas de le dire. Mais avant ça, je dois trouver un coin où crécher pour le restant de la nuit. Je ne peux pas rester chez mon cher associé, ça risquerait d'éveiller les soupçons. Ne connaissant encore que vaguement la géographie de la cité, je déambule sur quelques ruelles sans trouver mon bonheur. La petite séance de tourisme me lasse vite. Les relents pestilentiels qui me montent aux narines depuis les culs-de-sac que je dépasse en hâtant le pas gâchent presque tout le charme de cette nuit, finalement douce et calme une fois éloigné de l'épicentre de l'agitation. J'en viens alors à me faire l'observation qu'il serait plus avisé de camper sur un toit du coin. Après tout, c'est pas difficile à trouver ça au moins. Là-haut, l'air est plus pur, et personne ne viendra m'emb... Crr. Ah, j'ai parlé trop vite. Il me semblait bien avoir senti une présence dans mon dos, au détour de la précédente ruelle. Mais n'étant pas assez suspicieux ou inquiet de nature, je n'avais pas poussé l'examen plus loin. Alors voyons, qu'avons-nous là ? Deux hommes, légèrement plus petits que moi, corpulence moyenne. L'un d'eux me pointe du doigt. Pas la peine de se retourner, il n'y a pas de méprise sur la personne possible, on est sûrement les seuls marcheurs à un bon cent mètres à la ronde. Soit ils me connaissent, ce qui serait un coup du Hasard inouï, soit ce sont des problèmes en perspective. Bah, on verra bien, ce serait beau que je les connaisse vraiment. Les deux individus s'approchent, pas vif. Ils craignent sans doute de me voir me volatiliser dans l'obscurité. Relax les gars, je compte pas m'envoler. Tiens, maintenant, je les identifie. Oui, je les ai déjà croisés, et y'a pas bien longtemps d'ailleurs, mais c'est pas forcément une bonne chose. Ce sont deux de mes victimes de jeu de cette soirée. Des mauvais perdants ? Hmm, j'aurais ptetre dû prendre la tangente en fait. Boah, s'ils me cherchent trop noise, ils me trouveront, voilà tout. -Dis donc, mon gars, tu nous prendrais pas pour des imbéciles, desfois ? La voix est ferme, un poil colérique. Je dois concéder qu'il y a de quoi se montrer contrarié. Se faire entuber ne fait jamais trop plaisir. Le collègue du parleur, lui, me dépasse sans un mot et se place dans mon dos. Un petit coup d'oeil suffit à me rassurer, il n'a encore rien en main susceptible de me trouer la panse. Bon, que faire. Bientôt cinq heures du mat ? Je suis pas totalement sûr de vouloir me fâcher; en fait, je serais plutôt persuadé du contraire. Tâchons de faire amende honorable. -Yare, yare. Désolé les gars, je... -T'as emmerdé les mauvais types, pti malin. Nous, on est des représentants de la loi ! Des agents du Gouvernement ! Ah, ça change la donne. Ça exclut notamment le numéro du je crie très fort en espérant que quelqu'un entende mon appel à l'aide. On ne se plaint pas de la marine comme cela, ça fait très mauvais genre. Mais de toute façon, je n'avais pas envisagé cette alternative... Bon, ce sont donc des gentils, ceux-là. Soit, on la met en veilleuse. Pas de fanfaronnade, ni de ton condescendant. Pas un mot plus haut que l'autre. On nie tout en bloc et on attend que ça passe. Ça serait quand même pas le coup de se faire coffrer sous je ne sais quel motif d'inculpation. -Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, messieurs. Voilà, prudemment. Sans faire de vague. -Ah tu vois pas ? Boom. Aye, en plein dans le museau, jl'avais pas prévu celle-là. La plaisanterie n'a pas plu. Boh, de toute façon, plus j'esquiverai, plus ça excitera ses messieurs, alors ça n'aurait rien changé. N'empêche, il a une belle droite, ce mec. Ils embauchent pas les plus maigrichons au Gouv'. -Ça peut te coûter très cher mon gars, ce genre de petites combines... Alors, tu nous files notre blé sans faire d'histoire, compris ? Mais voilà, problème. Je vais quand même pas gentiment ouvrir ma bourse et leur rendre leur part du butin, à ces messieurs, si ? Ce genre de crocodiles, ça ne te fait pas de cadeau. S'ils voient la couleur de l'or dans ma bourse, ils rafleront le jackpot. Ceci dit, si j'en crois la petite veine qui fend presque son front en deux, mon interlocuteur a le sang chaud. Il faut pas le contrarier. Et il est du bon côté de la loi. Bon, alors, je lui file son blé ? Au pire, je voudrais bien moi mais... -Hem, navré les gars mais, j'ai rien sur moi là, vous voyez... Et le pire c'est que c'est vrai. Quinze années à rouler ma bosse dans des affaires troubles m'ont doté d'un minimum de prévoyance malgré tout. J'encaisserai mon salaire demain aux premières heures du jour, pas avant. Sauf que mes histoires n'ont pas l'air du goût de mes deux plus grands fans de la soirée. -Qu'est ce que tu me sors là ? Joue pas au plus malin avec nous, mon gars ! Karni, fouille-le. L'autre s'exécute, commence à me tripoter de haut en bas sans retenue, j'croirais presque qu'il aime ça. Mes cartes se retrouvent dans la gadoue, mes dés les y rejoignent très vite. S'pas gentil ça, c'est que j'y tiens à ces bricoles. Mais tant pis. Pendant que l'autre procède avec minutie, je ne lâche pas le leader naturel du duo des yeux. Sans le toiser, juste avec nonchalance. Manière de lui faire comprendre que moi, je suis pas un mec chiant, mais que là, je peux rien pour lui. Désolé mon pote, j'ai été un peu plus malin que toi sur ce coup.Black Day for you. -Il a rien, chef. -Alors comme ça t'as rien... Un poing en béton vient s'écraser contre mon nez. Ah ben ok, j'aurais toujours celle-là maintenant, c'est sûr. Ça réveille. Une petite moue embarrassée s'empare de mon visage, mais je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche qu'un deuxième parpaing s'abat sur ma trogne. Là ça fait même mal. Je lâche un cri de surprise étouffé, marmonne une insulte. Jme tiens le visage entre les mains, ça pisse le sang. Mais le petit entretien est pas fini. L'un des deux m'immobilise les bras dans le dos, ça sent la séance de passage à tabac dans les règles. Hmm, tabac... et j'ai même plus de clopes bordel... Quatre phalanges en plein abdomen me ramènent les pieds sur terre. Et me coupent le souffle par la même occasion. Hé merde, ils mériteraient presque que jme venge tiens. Mais c'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. J'peux ramasser, ça en vaut la peine. Alors j'encaisse. Un, deux, trois poings viennent successivement me percuter. Tête corps tête. Il a une bonne technique avec ça. Tellement il frappe bien le monsieur, j'commencerais presque à tourner de l'oeil. Allez, on y met du sien pour le bouquet final. Le poing arrive en gros plan contre ma figure, côté droit. Moi, j'incline la tête vers la gauche, légèrement penchée vers l'avant. Si mes prévisions sont bonnes, ça va me percuter en pleine tempe. Je vais voir trente-six chandelles et me prendre un Knock Out net et sans bavure. Avec un peu de chance, j'ai la tête vraiment dure et il se foulera un... Boom. Zzz. [...] -Monsieur... Gnéé ? Tiens, quelqu'un me parle. Essayons de répondre. -Nééhem... Hmm, pas fameux. -Hé, monsieur ! Ahé, ahé du calme. Laisse moi le temps de me réveiller. -Aouch. Je suis où bordel ? Ah oui, la ruelle, les agents. Même lieu, de jour. Deux gamines de huit ou dix ans me regardent de leurs grands yeux noisettes. Elles se ressemblent, des jumelles sûrement. Tiens, il se passe un truc bizarre, les deux fillettes se superposent. Ah, non, c'est ma vision qui se remet. Elles sont qu'une en fait. Et elle a beau être seule, elle parle pour dix. Elle sort tout un monologue que je ne prends pas la peine d''écouter. Je me remets les idées en place, pendant ce temps. Et puis, elle se tait enfin. Une petite main me tend un truc. Oh, mon jeu de cartes. Oh, mes dés. Brave gosse. -Merci, petite. Péniblement, je me redresse. Buste penché vers l'avant, mains en appui au dessus des genoux, je finis de récupérer de cette fin de nuit mouvementée. Puis, quand les miettes de mon esprit sont à peu près recollées en un seul morceau, je me retourne vers l'enfant qui ne m'a pas quitté des yeux. -Regarde bien attentivement. Je lui montre les paumes de mes mains, vides. Puis, ma main gauche refermée en poing passe derrière ma droite, remonte presque dans ma manche, pour réapparaitre aux yeux de mon charmant réveil la seconde suivante. Exhibant une pièce, entre le pouce et l'index, que je tends à la petite. Elle s'en empare, émerveillée. Un service pour un tour, nous sommes quittes. Un dernier signe de main et j'abandonne la fille à sa vie. Moi, je remonte à la Gorge du Diable, chercher mon salaire. Sur la distance m'en séparant, quelques civils me dévisagent à la dérobée. J'ai sérieusement dû me faire arranger le portrait. Je passe une main sur mon visage, pour évaluer les dégâts. En effet, y'a eu du vilain, j'ai le visage boursouflé, je peux le figurer au toucher. Boah, pas grave, je flaire déjà l'envoutante odeur des Berrys qui m'appelle. Le meilleur remède qui soit. J'arrive à bon port, enfin. J'entre sans peine, les videurs me reconnaissent malgré les contusions. Le barmen m'explique que leur patron s'est absenté, mais l'a chargé de me remettre "ceci". Une petite valise, dont le contenu me tire un sourire de satisfaction. Je sors un billet parmi les liasses. -Garçon, whisky. Glaçons. Les premiers, c'est pour le verre, les autres, c'est pour la gueule. Manière de bien commencer la journée. |
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Informations IRL
cf Yakutsuki Rei.
Ohayo les gens. J'ai demandé autorisation auprès de GM pour jumeler les deux descriptions. La fiche est terminée, test RP aussi. Bonne lecture aux courageux qui s'y lanceront.
Dernière édition par Rik Achilia le Ven 6 Mai 2011 - 21:43, édité 6 fois