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Le retour de l'ex-futur Saigneur et de ses Hyènes


- Allez les Hyènes, tous à la manœuvre, on approche de Reverse ! Navigo, c’est toi qui donne les ordres !

Tout l’monde est tendu à bord. Même Xia et son p’tit singe qui sont jamais venus ici et qui ont jamais vu Reverse et ses cascades d’leurs propres yeux. Donc ils savent pas combien traverser cette montagne est difficile et dangereux. Mais ils angoissent tout aussi facilement que nous j’imagine.

Dans quelques minutes, nous s’rons pris dans les rapides et le moindre petit mouvement peu nous envoyer nous éclater dans la roche rouge et s’en s’rait fini de nous. Assommés, ballottés, tuméfiés, et noyés. Si c’est pas pire, genre empalés, ou broyés.
Donc pour le moment, on peut juste stresser -même si ça sert à rien- et essayer d’prendre le canal qui mène au sommet dans les meilleures conditions possibles, dans la meilleure position qui soit, c’est à dire, pile en face.

Waxx s’accroche déjà au garde-corps comme à son habitude, il s’fait copieusement insulter de tous les noms par sa soeur, comme toujours héhé.

- Hoy ! Waxx ! T’es con ou quoi ? Si on percute RedLine à ta hauteur, tu peux dire au revoir à la viande hachée et à tes miettes d’os qui te servent pour le moment de doigt !

Il me regarde, paniqué, les yeux ronds comme un cul de pelle et s’enferme dans ma cabine. C’est tout aussi con, mes meubles vont bouger de place, et il risque de se faire plaquer contre une des parois ... Boarf, il verra bien ...
Paris qui a compris ça a un rictus moqueur qui lui fend la gueule en deux. Et il redouble de méchanceté quand elle voit son frère paniquer autant que Waxx.

- Ouais allez, vas y. Vas le rejoindre et allez bien vous faire castrer par la table qui glissera contre le mur de la cabine, bwahaha !

Je crois qu’il n’a pas pris le temps d’écouter la fin d’la phrase de sa charpentière de soeur. Putain, faudrait les abandonner en pleine nature ces lâches !

Le truc, c’est qu’on s’retrouve plus qu’à treize pour gérer le rafiot et éviter qu’il fasse plus qu’un avec la chaîne de montagne. Même les larbins aiment pas trop c’passage, mais ils ont au moins les couilles de rester, même si j’en vois bien un ou deux qui auraient préféré aller chialer dans sa piaule. M’enfin ...

Bon, du coup ... Paris et Joh’, ça va. Dae et moi, on a pas l’droit d’nous défiler, Dae pour piloter le rafiot, et moi pour encourager ceux qui manœuvrent. Reste plus que Xia, et son avis m’intéresse. Du coup, un petit sourire vicieux tord mes lèvres.

- Hoy ? Doc’ ? Alors ? Tu l’vis comment ? Impressionnant hein ? Tu crois qu’un jour t’aurais eu la chance de voir ça d’tes propres yeux si t’avais pas été des nôtres ?

J’la laisse prendre la mesure de ce que je viens d’lui dire, pis j’continue :

- T’inquiètes pas, quand j’suis passé ici pour la première fois, y’avait qu’une gamine et huit guignols avec moi et j’suis passé ! Aujourd’hui, j’ai un meilleur navigo et une bonne famille, pas moyen qu’on s’rate !

Mon sourire vicieux est devenu complice à ces mots. Mais j’fais toujours gaffe à la route.

- Courage les gars ! On va rentrer dans les rapides ! Ce sera intense mais très rapide !
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Un grand sourire me fend la gueule, est à deux doigts de rentrer dans les rapides, je suis plutôt détendu, ce qui désespère certains de l’équipage. Le temps est parfait pour naviguer encore, une fois sur Grand Line ce sera plus galère car là-bas le temps est assez aléatoire.

N’empêche que même si ça fait la deuxième fois que j’emprunte Reverse Mountain c’est toujours assez impressionnant mais pas le temps de se chier dessus ou de stresser. Avant de pénétrer dans les rapides je donne mes instructions et comme à mon habitude je booste l’équipage mais avant ça je prends une grosse bouffée d'air afin de parler clairement et assez fort. Les bruits des rapides commencent à s'élever.

- Allez les gars ! Ce n’est pas le moment de vous dégonfler ! J’vous rappelle qu’on a déjà traversé pire que Reverse ! J’dois vous rappeler la Flaque qui est 100 fois pire ! J’vous dis les gars ça cette montagne c’est du pipi de chat ou de hyène eheh ! Bon ce n’est pas non plus pour ça qu’il faut être à max détendu, restez tout de même vigilant ! C’est partie ! On va enfin arriver aux rapides ! Fermez-moi cette voile si vous ne voulez pas finir en spaghettis ou broyez ! L’aventure continue ! AHAHAHHA !!

L’équipage doté de pas mal de vétéran désormais commence à me regarder d’un air ahuri ou encore pour d’autres terrifié à l’image de psychopathe que je donne. Je décide de monter d’un ton afin de les bouger sinon si ils restent immobiles on va vraiment finir en charpie.

- Allez, fermez cette voile ! Ecoutez-moi, c’mon domaine la navigation ! Et bien sûr pensez à bien vous accrochez car ça va SWIIIIIIINNNNNNGUER !! La mer va nous inviter à danser d’ici quelques secondes !

Enfin ils se mettent à bouger, ils referment la voile et heureusement qu’ils ont bougé car nous pénétrions dans les rapides. La cadence s’accélère d’un coup, le courant de l’eau est très puissant, on sent petit à petit la pente de la montagne, on est amené à être de plus en plus à la vertical, j’étais bon, je maintenais bien la barre de sorte de filer tout droit et non dans les roches à gauche ou à droite. Il n’y a plus d’échappatoire, soit ça passe soit ça casse ! Maintenant que nous sommes bien avancé nous ne pouvons plus du tout revenir en arrière.
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Le capitaine s’amuse à tester ma réaction face à notre situation, mais il est bien le seul à bord à encore avoir un sourire en coin. La moitié de l’équipage tente de ne pas céder à la panique, et l’autre fait franchement la grimace. J’ai l’impression que le passage de Reverse n’emballe vraiment personne. Mais je peux comprendre l’exaspération de Johanna et Paris devant les fuyards. Il me semble étrange qu’ils aient accepté d’embarquer sur un navire pirate avec aussi peu de self-control, mais peu m’importe. Après tout, Zéi est lui aussi très bruyant, à se balancer frénétiquement entre les cordages en criant. Mais on l’entend à peine.

J’arrive à sentir la pression des flots qui fait trembler le bois du navire, jusque sur le bastingage où je me trouve. J’ai rarement pris la mer, et jamais alors qu’elle était aussi déchaînée. Le phénomène maritime qui nous pousse furieusement vers une montagne m’est complètement inconnu, et pourtant il m’émerveille. Je me retourne vers le capitaine, avec ce qui ressemble à un demi-sourire collé sur mon visage.

- Si on arrive à passer ça, on pourra dire que je suis impressionnée.

Mais apparemment, il n’est guère inquiet, et là encore, je m’interroge sur la confiance aveugle qu’il accorde à son équipage, même aux membres récents comme Daemon ou moi-même. Zéi, qui n’a pas trouvé de perchoir stable, finit par venir s’agripper à moi, au moment où je me lève pour aller mettre la main à la pâte.

Malgré une intégration plutôt rapide (du moins plus personne ne pose de questions sur ma présence à bord), depuis les soins je ne me suis pas vraiment faite remarquer à bord. Il faut dire que la plupart d’entre eux me regardent encore avec curiosité quand ce n’est pas de la méfiance. Cela ne me dérange pas, j’ai trouvé mes marques en restant avec les deux autres femmes de l’équipage. Lorsque je ne suis pas sur le pont à soigner quelqu’un, le plus clair de mon temps se passe avec Johanna, dans la cuisine. Malgré nos tempéraments différents, elle comme moi nous satisfaisons du silence qui règne lorsque je prépare mes plantes ou que je l’aide à cuisiner. Quant à Paris, toute animosité vers moi a disparu, et elle n’hésite pas à quérir mon aide lorsqu’elle a besoin de ma souplesse pour certaines réparations sur la coque du navire.

Mais seulement quelques jours sont passés, et même avec Mahach, nous n’avons échangé que pour parler de ses soins. Quant à Daemon, la navigation a été son principal souci depuis que nous avons quitté Orange.

Et nous voilà à la fin de la traversée, à l’entrée de Reverse Mountain. Mais personne ne peut savourer le moment pour l’instant, tous sont mobilisés pour répondre aux commandes du navigateur. Les ordres tombent, et tout le monde s’exécute. Lorsqu’un groupe précis d’homme grimpe pour fermer les voiles, je n’interviens pas, guettant l’ensemble de ce qui se passe. Je réalise que le bateau prend littéralement de la hauteur, remontant la pente avec la sauvage poussée des flots qui peut l’amener à s’écraser contre les rochers à tout moment. D’abord quelques gouttes, puis peu à peu nous commençons à nous prendre de plein fouet les flots d’eau que le bateau avale. Les vagues qui passent par-dessus bord inquiètent certains, mais Paris crie que son bateau tiendra le coup. A mi-chemin, tout le monde est trempé, et le pont devient glissant en plus de l’inclinaison de

plus en plus verticale. Même moi je finis par m’agripper aux cordages, et beaucoup dans l’équipage ont arrêté de travailler pour se tenir.

Devant moi, un homme lâche subitement sa prise et je le rattrape au dernier moment. Il parvient à reprendre ses appuis, mais un échange de regard avec Johanna et je comprends que nous avons intérêt à arriver vite en haut. Après la bataille d’Orange, beaucoup n’ont pas encore toutes leurs forces. D’une impulsion, je lâche pour me retrouver deux secondes plus tard en haut du pont, où je retiens ma chute avec un de mes jiu jie bian. Cette fois, je laisse mon arme bien ancrée dans le bois pour me tenir. Me voilà à présent juste à côté de Daemon Wall, au gouvernail, à guetter la fin de cette montagne. J’ai perdu le capitaine de vue, mais je ne m’inquiète guère pour lui.
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Maintenant qu’on s’est bien foutu dans le canal, y’a plus qu’à s’accrocher et faire confiance à not’ bonne étoile, tu sais, cette vieille salope qui se fout de ma gueule. Celle dont on voit le large sourire carnassier grâce à la lumière de la lune. C’est pour ça qu’elle brille, parce que je la fais bien marrer.

Mais je l’emmerde. Ouais, j’emmerde les astres. C’est très con mais c’est très vrai. J’emmerde tous ceux qui me font chier. Et me traitez pas d’sociopathe, je traite juste les autres comme j’aimerai qu’ils me traitent : je leur cause pas.
A vrai dire, y’a qu’les miens que j’tolère. Et les Saigneurs que j’admire. Surtout Kiril. Mais être fan avec des étoiles (ouais, toujours elle) dans les yeux, c’est plus d’mon âge. Faut que je roule ma bosse sans être dans leur sillon, faut que j’creuse le mien. Ou plutôt le nôtre.

‘Fin bref. On s’est bien foutu dans le canal et y’a plus qu’à laisser aller. A la rigueur, y’a encore Daemon qui r’prendre toutes les petites déviations que font les courants balèzes de Reverse, parce que le moindre écart veut dire qu’on va finir par s’éclater contre les rochers en contre-bas, et serait ballot. Et pour être ballot, on le s’rait complètement, ballottés. Un coup à finir en viande hachée, façon poids mort pour Dae et moi.

- Accrochez que’que part et essayez d’équilibrer l’rafiot ! que j’leur gueule.

Parce que si on arrive à grimper au sommet de Reverse, la descente va être rude et la quille du bateau va frotter, ou se briser dans le pire des cas si on est pas bien positionnés.
Et d’ailleurs, on y est presque au sommet. Je choppe un bout mais j’dérape, le pont est détrempé, c’est une vraie patinoire ! Je l’attrape in extremis, je glisse un peu pour me caler dans un coin.

Secousse. Une grosse. Une forte.

Le bout claque, il s’débine d’entre mes mains sans oublier d’me brûler même s’il est tripé, je tombe à la renverse et je m’éclate le dos contre l’mur d’ma cabine en m’transformant sans l’vouloir en baies.

- Putain Navigo ! Fais gaffe !

J’gueule, mais j’sais qu’il y peut rien. J'ai pas l'temps d'm'occuper des autres, mais j'viens aux nouvelles quand même. C'est rhétorique et j'pourrais rien y faire, mais c'est l'intention qui compte :

- Tout l'monde va bien ?

J'essaie d'voir mais c'est vraiment l'bordel. Dans tous les sens du terme.

Du coup, je rebondis où je peux pour m’foutre sur l’avant du navire.
Maintenant qu’on est au sommet de Reverse, j’vois qu’on y a construit deux tours ... qu’on d’jà été pétées. C’a bien changé d’puis l’temps !

Et là, moment magique. Tout Grand Line s’offre à nous d’vant nos mirettes !

- Hoy ! Prenez l’temps d’profiter du spectacle ! D’not’ nouveau chez nous, bwéhéhé !

Sauf que non. pas mal des miens préfèrent anticiper la chute qui s’ra rude. Et pas loupé ! J’ai mes bourses qui r’montent jusque dans mes tripes que j’suis à deux doigts d’vomir même si en fait, c’est une grande inspiration que j’prends.

Ouais, j’aime l’adrénaline ! Surtout quand elle arrive en grandes pompes sans crier gare ! Quand elle m’hérisse le poil comme ça !

- Yeeeeeeeha ! Wouuuuhou !

Ah putain ouais ! Qu’est ce que j’aime cette sensation de vitesse et de liberté ! Sauf bien sûr, la gravité, cette rabat-joie, nous rappelle à elle et on s’écrase lourdement dans les flots d’une force hors du commun !

FOUCH !

On est éclaboussé de partout ! Et genre pas des petites gouttes, une petite brume pépère, nan nan nan, des bonnes grosses vagues des familles ! Pendant un instant, j’sens les forces me lâcher.

Et pendant qu’on dévale Reverse, je regarde le Cap.

...

Putain ... Les jumeaux ont été détruits eux aussi ... Bande de connards ! Laisser notre drapeau ici, c’était une institution ! Même moi j’l’ai respectée bordel ! Quel genre de mec est prêt à faire ça sérieusement ?

Ca m’décoeure !
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Quelque part sur le navire, j’entends le capitaine ordonner à tout le monde de se cramponner. Evidemment, c’est déjà fait pour la plupart d’entre nous. Mais les secousses sont franchement intenables, et certains sont proches d’êtres malades. Sans parler des vagues qui nous inondent à un rythme imprévisible. Même en étant à côté de lui, je suis incapable d’entendre les ordres que Daemon hurle à travers le déluge. Du coin de l’œil, je crois voir le capitaine dispersé en baies nous dépasser pour se diriger vers l’avant du navire, mais je ne suis sûre de rien à ce moment.

Soudain, dans un bref éclair incroyablement limpide, je vois le sommet qui se présente à nous, une rupture du chemin à quelques mètres du navire. La montée bien considérée, j’attrape  un cordage en prévision de la descente qui s’annonce brutale.
Et elle l’est.
Cette sensation incompréhensible qu’un boulet de glace remonte entre mes entrailles me prend alors que nous entrevoyons enfin Grand Line, et que le navire flotte l’espace d’une seconde dans les airs. Puis, c’est la chute presque libre de l’autre côté. Alors que je suis en position solide sur mes appuis, je suis brutalement poussée contre un mur ou je ne sais quoi, et je subis un violent choc à la tête et l’épaule. A moitié sonnée, je comprends pourtant que nous redescendons vers Grand Line à vive allure. Le bateau est plus stable et descend, rapide mais discipliné par Daemon, rejoindre la mer.
Je vois le visage de Johanna penché sur moi, puis un bras m’aide à me relever tant bien que mal. Je mets un moment à comprendre qu’elle me parle.

- …va doc ? Tu t’es mangé violemment le bastingage.  Un crétin t’a emportée dans sa chute, mais j’crois que lui a eu plus de chance, on l’a rattrapé plus loin. Tu tiens sur tes jambes ?

Je me relève en tanguant, mais c’est à cause du navire encore secoué par à-coups. J’inspecte rapidement mon état, pour découvrir mon épaule démise. Johanna fait une grimace en voyant l’angle bizarre formé par ma luxation, mais j’ai un autre objet de préoccupation : Zéi n’est plus accroché à moi, et je ne le vois nulle part.

- Zéi ? Zéi !

Pendant quelques secondes, je subis ma propre inquiétude en cherchant mon singe du regard partout sur le navire. Finalement, je lâche un soupir de soulagement en le voyant agrippé sur l’épaule Daemon un peu plus loin. J’ignore comment mon saïmiri en est venu à faire confiance au navigateur, mais à ce moment, je m’en moque complètement.
Johanna me pousse du coude pour que je voie un peu la scène. Bon, le capitaine a gagné, c’était impressionnant. Mais lorsque je le retrouve du regard, il semble… contrarié. Il regarde le cap vers lequel nous nous avançons, où des vestiges de piliers détruis bornent l’arrivée, ou plutôt le départ de Grand Line.
Laissant Johanna aller chercher ceux qui étaient restés cachés dans la cabine, je m’approche du capitaine.

- Je t’aurais imaginé plus joyeux pour notre arrivée sur Grand Line…

Tout en écoutant sa réponse, je grimace en remettant mon bras à sa place. Il émet de nouveau un son très désagréable, mais au moins je sens que tout est revenu à sa place.

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Teh, dans ma tête aussi c’est Reverse. Y’a une putain de montée de joie qu’est redescendue aussi sec. Et comme not’ rafiot, moi aussi j’ai plané à un moment, avant de retomber lourdement. Et je crois que moi aussi j’ai éclaboussé les autres. De déception.

- Dae, on va accoster aux Jumeaux, que je lui dis amèrement.
- Mais y’a plus rien Cap’tain ...
- Ouais, justement.


Enfin le calme plat. Une mer calme. Dans ma tête aussi c’est plat.

Putain ... Voir les ruines des phares ont ruiné mon coeur ... Pendant que je m’essuie la tronche avec ma main, ma doc’ vient me voir. Quand elle se remet l’épaule, je grimace de douleur, ça me rappelle de mauvais souvenirs.

- Ouaip, moi aussi. Mais tu vois Doc’, j’suis loin d’être un saint, j’suis pas le plus respectueux, j’suis même un connard de pirate sans foi ni loi -surtout sans foi- mais nous, les pirates, malgré tout, on a un code d’honneur. Y’a des symboles forts comme ça auxquels on toucherait pas. Ces phares, ça en f’sait partie. Parce que ouais, avant ce champ d’pierrailles, c’était deux phares, et on avait une tradition : l’équipage qui passait là devait y accrocher son drapeau ...

Je soupire et je laisse un blanc. Assez pesant et ridicule je trouve.

- Ca t’parait peut être con dit comme ça, mais putain que t’étais fier quand ton drapeau flottait vivement dans les airs ...

Je la prends par l’épaule et mes lèvres se tordent en un immense rictus fier et complice.

- Et tu vas m’aider à y remédier ! Je veux que toi aussi tu sois ressentes ça ! Je veux que toi aussi tu sois fière d’afficher nos couleurs !

Je me retourne, et je gueule aussi sec :

- Hoy, Paris ! Prépare des planches, des clous et des cordes !
- Tu veux retaper mon bébé au calme ?
- Nan, on f’ra ça plus tard. J’ai aut’ chose en tête !


Et sans lui demander son avis, je charge ma doc’ sous le bras, j’monte sur le garde-fou parce que c’est pas une barrière qui va me protéger de moi même et je saute sur la terre ferme. Je la pose enfin, un peu déboussolée, et je pars à la récolte de quelques pierres bien solides qui restent des ruines pendant que l’équipage décharge ce que je leur ai demandé.

- Waxx, va chercher de quoi fêter notre nouveau départ, on va restaurer les vieilles traditions. Les autres, sauf Xia, vous m’aidez ?

Faut bien compter une grosse demi-heure pour qu’on finisse par dresser un énorme panneau en pierre renforcé avec des planches. A gauche, les pirates peuvent laisser un message et à droite laisser leur drapeau flotter au vent. C’est un peu branlant et carrément moche, mais on fait avec ce qu’on a, c’est à dire presque rien. C’est à ce moment que j’me dis que ç’aurait bien d’avoir le logia du métal par exemple. Il aurait nous pondre une belle structure.

M’enfin, on f’ra avec, et j’emmerde ceux à qui ça plait pas.

Dae qui a compris ce que j’avais en tête me tend not’ drapeau et un pot d’peinture. D’un geste du menton je désigne Xia.

- A toi l’honneur, Doc’ !
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Nous venons enfin d’arriver dans la plus grande mer du globe… Grand Line ! Lorsque nous atterrissons lourdement je prends une grosse bouffée d’air tout en me stabilisant pour ne pas tomber comme certains sur le navire.

Mon Capitaine me donne l’ordre d’accoster au Cap des Jumeaux je m’y attèle même si ça ne m’enchante guère. Je suis pressé de partir, de revivre des nouvelles aventures ! Et surtout… de devenir plus puissant !

Ces temps-ci je ne fais que penser aux événements d’Orange et à mon combat contre la mégère et son bougre d’homme. Plus j’y repense et plus je me persuade d’être faible.

Je dois cesser d’y penser. Je dois faire le vide en moi… . Le passé est le passé… je dois surmonter cette épreuve comme celle de la perte de mon village et de ma famille. Toujours aller de l’avant !
Hm… tournons-nous vers le futur, c’est ce qui a de mieux à faire, je dois me concentrer sur moment présent pour pouvoir améliorer le futur de l’équipage et pour ça il faut que je devienne plus fort. Je dois devenir pour ça « Sans rival » je m’imagine déjà « Daemon Wall, le pirate sans rival ! », ça sonne bien. Mais cela ne reste qu’un rêve. Il est temps d’ailleurs que je m’attarde dessus pour non seulement mes intérêts mes ceux de l’équipage. Il faut que je revienne dans la voie du sabre, il faut… que je tue sans hésiter tous ceux qui nous gêne qu’ils soient de simple civils ou autres, il faut que j’arrête de toujours prendre la défense de ceux que je crois innocent car lors de la dernière bataille nous avons failli y passer.

Pendant ce petit dialogue interne je m’allume une clope et passe à Mahach les instruments pour pratiquer l’art hyèniques afin de montrer au monde que les hyènes arrivent dans Grand Line et qu’il faut vite nous fuir comme la peste.

Je sens comme un nouveau souffle en moi en observant Xia exécuté cet art qui lui va à merveille. D’ailleurs il est bizarre aussi… car en moi je sens que j’ai changé, je me sens… plus serein maintenant que j’ai fait ce vide et d’avoir des nouvelles convictions remet un coup de booste aussi.

L’équipage et moi observons Xia comme si il s’agissait-là d’un rituel. Nous formons un cercle demi-cercle. Je suis assis sur un rocher, évitant de trop encore appuyer sur ma jambe fraîchement remise.
Je trifouille dans mon kimono bouffant, recherchant une poche se situant à l’intérieur. Une fois la main dessus je prends ce qu’elle contient, une fiole de saké et attention pas de la merde ! Un bon petit saké comme je les aime ! Le « rituel fini » je lève cette gourde et je dis doucement.

- Aux hyènes ! Et à nos gloires futures !


Je finis par prendre plusieurs gorgées de ce fameux saké et avant de la passer au Capitaine.

- Tiens, remettons-nous d’aplomb pour la suite du voyage eheh !

J’arbore un petit sourire car une petite fête s’annonce pour notre entrée dans Grand Line.
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Je crois que pour la première fois, le capitaine me laisse entrevoir une autre facette de sa personnalité. Le regard sombre, il semble franchement écœuré par ce qu’il voit. Clairement, nous n’aurions pas le départ triomphal qu’il aurait souhaité. Lorsqu’il  déclare que nous allons accoster tout de même, je comprends qu’il a une idée en tête.

Mais à peine ai-je le temps de penser cela que tous mes instincts se mettent en alerte. Même s’il s’agit de Mahach, je dois lutter contre tous mes instincts pour ne pas me défendre lorsqu’il me hisse comme un sac sur son épaule. Je ne comprends même pas ce qu’il entend faire, ni comment je suis censée réagir. J’ai beau commencer à le cerner, j’ai du mal à avaler le fait d’être transportée comme un poids mort sur son épaule sans explication préalable. La dernière fois où j’ai été portée remonte à loin, et ce n’était certainement pas un geste d’affection de la part de mon géniteur. Je venais d’être étranglée presque à mort (c’était bien l’intention de Heng), et mon état nécessitait des soins en urgence.
Or, aujourd’hui, mes jambes auraient très bien pu me porter toutes seules. Mais je savais que m’engager dans ce genre de débat avec le capitaine ne mènerait à rien. J’abandonnai plus ou moins toute tentative de protestation en le laissant me transporter jusqu’au cap, où il me déposa.  
Comme Paris, j’avais d’abord cru qu’il voulait réparer notre navire avant notre première vraie aventure, mais il ordonna tout un tas de choses pour construire un édifice, et m’ordonna de ne pas prendre part aux préparatifs. Alors, pendant un  long moment j’ai regardé le reste de l’équipage travailler à la construction d’un pittoresque panneau en restant les bras croisés. Le résultat final était franchement sommaire, mais cela semblait correspondre à ce que le capitaine avait visualisé. Un immense panneau attendait à présent les nouveaux arrivants sur Grand Line. A côté de moi, Paris lâcha des grommèlements, visiblement peu satisfaite du résultat, auquel elle trouva quelques qualificatifs peu flatteurs.  

Le capitaine m’appela. Lorsque je compris vaguement ce qu’il me demandait, la première chose qui me vint à l’esprit est que j’étais probablement la personne la moins qualifiée pour cela. Marquer notre départ pour Grand Line…
L’équipage attendait quelque chose de ma part, et j’étais là, bête devant ce panneau avec un pinceau et un drapeau dans les mains. Zéi, toujours perché sur l’épaule de Daemon, lâcha un cri, probablement  agacé par l’inactivité  générale.
Bon. Je n’avais aucun talent artistique de toute façon. D’une impulsion, Je me hissais à bonne hauteur. Le regard du reste de l’équipage rivé sur ce que je faisais, j’entrepris de clouer rapidement notre drapeau afin qu’il flotte au vent. Le crâne à l’hyène semblait rire macabrement à chaque agitation du drapeau, mais cela ne suffisait pas.

J’hésitais quelques secondes, puis d’un geste, je me coupais la main sur la pointe d’un de mes Jiu Jie Bian. Aussitôt, je laissais tomber le pot de peinture pour marquer de mon sang le panneau. En bas, Johanna protesta, mais elle se tût vite en voyant que mon sang était non seulement noir comme l’encre, mais qu’il attaquait légèrement le bois. Là où je passait ma main, la trace noire asséchait légèrement le bois, devenant indélébile. Lorsque j'eus terminé de marquer et graver mon message, je redescendis à côté de la cuisinière, qui me tendit un linge propre pour ma main, un sourire en coin.

- T'en fais pas un peu des caisses des fois?

Je haussais les épaules.

- Le capitaine voulait que ce soit marquant. Avec ça, personne ne pourra supplanter notre message.

Sur le panneau, j'avais choisi des mots simples mais forts, à l'image de notre équipage. Du moins le pensais-je. "Fear the Laugh", écrit avec du sang.

- Ça vous va, Capitaine?


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J’regarde le panneau un moment, sans bouger, comme un con, les yeux écarquillés.
Silence complet.

- Capitaine ?

Ouais, j’t’entends ma doc’, j’t’entends. Mais j’essaie d’estimer dans ma tête à quel point t’es cinglée. Pis des étoiles brillent dans mes yeux aussi lentement d’un rictus satisfait commence à tordre mes lèvres pour me fendre la gueule en deux en final.

Aussitôt, je la serre un peu sauvagement dans mes bras. Ouais, chez moi, même les sentiments sont explosifs, ils te pètent et me pètent à la gueule comme ça, sans prévenir.

- Un peu que ça m’va !

J’regarde fièrement les autres. Eux aussi sont satisfait d’cette p’tite prouesse, ils affichent le même sourire. Elle a tout compris, l’assassine !

- Hoy ! Sortez la gnole qu’on fête ça dignement, que j’gueule aux larbins.

Je tourne en sautillant comme un fou autour du panneau rafistolé et branlant. Ouais, comme un gosse qui vient d’déballer son cadeau d’Nöel. Le cadeau qu’il voulait. Comme un clébard trop content d’avoir un bon gros os des familles d’vant lui.

L’équipage au complet a posé le pied sur l’plancher des vaches. On prend tous un verre dans l’euphorie générale, j’débouche la boutanche avec ce p’tit bruit si particulier et que j’aime entendre. Et j’sers tout le monde.

J’lève mon verre, aux anges.

- A nous ! Aux Pirates de la Hyène ! Que notre règne soit long !
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Je regarde l’équipage joyeux, trinquant tous ensemble. Certains s’envoie des regards complices… non ce n’est pas moi et Paris ! Bon d’accord… j’avoue avoir un faible pour la belle brune mais je laisse mes sentiments de côté, coureur de jupon comme je suis, je ne souhaite pas avoir des relations avec des femmes de l’équipage qui font partie de ma nouvelle famille surtout si c’est pour les faire souffrir à la fin… et même si une relation sérieuse un jour me traverse la tête c’est pareil, pendant que je serai sur la mer la femme que j’aurai choisis elle se fera bien chié toute seule. Du coup je lève mon verre en même temps que les autres et je bois ce verre de gnôle en cul-sec, mon but n’était pas de me bourrer la gueule mais surtout j’avais soif !

Oui cette traversée m’a donné soif ! Enfin plus maintenant que j’ai bu le verre qui d’ailleurs m’a arraché une petite grimace que je cache tant bien que mal dû au fort volume d’alcool à l’intérieur. Je regardais ensuite de nouveau le message qu’a fait Xia et franchement, il en jette ! Je ne peux m’empêcher de sourire en le voyant.

Je farfouille dans ma petite besace et je trouve mon paquet clope, je m’en mets une au bec et je finis par l’allumer grâce à des allumettes. Je tire dessus avant de tout ranger dans ma sacoche.

J’y pense encore, je ne peux pas m’empêcher de penser que je suis fier d’avoir rejoint cet équipage. Chacun on est différent et c’est bien ça qui fait notre force. Il est temps pour l’équipage des Hyènes d’aller vers des nouveaux horizons plus ambitieux, plus grandes. Bientôt le monde entier parlera des Hyènes, je pense… non, j’en suis convaincu. Je tire de nouveau une taffe sur ma clope et je souris au ciel en disant dans ma tête « Installe-toi confortablement Eizekiel et regarde bien l’équipage dans lequel tu as vu le jour atteindre son apogée. »

Je finis par me retourner vers tout le monde qui continue de fêter ça, je commence à ressentir la chaleur de l’alcool me parcourir, je prends Xia et le Capitaine par les épaules et je cris de tout mon cœur.

- Que la véritable aventure commence !!!!!
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Je crois que je n’arriverais jamais à me faire aux sautes d’humeur du Capitaine. Lorsqu’il laisse éclater sa joie, je peux au moins être satisfaite de moi, puisqu’il a abandonné son air morose de notre arrivée au Cap.

Visiblement, mon idée semblait ravir tout l’équipage, bien plus que ce que j’avais pensé, et surtout le message. Ca nous ressemblait bien, je crois. Une bande de dingues capables de rire à gorge déployée et de commettre le meilleur comme le pire en s’amusant. Sans prévenir, l’équipage commence à faire la fête, dans ce lieu complètement incongru pour l’occasion. Daemon semble remonté à bloc, lui aussi, malgré son état. Je me demande si mes soins servent vraiment à quelque chose en les regardant boire de grandes gorgées d’alcool…

Mais après ce que nous avons traversé à Orange, je concède que l’équipage a peut-être bien besoin de ça. Ce truc à propos des hauts et des bas. Comme d’habitude, je refuse poliment ce qu’on me propose à boire (l’alcool ne me fait aucun effet de toutes façons), mais voir Johanna malmener son frère ou encore le Capitaine et Daemon qui rigolent à pleine dents me suffit largement. Les gars s’amusent autour du présentoir que nous avons érigé, et l’alcool passe entre les mains sans faire de distinctions. Johanna a même fait griller quelques crevettes pour accompagner la boisson, pour le plus grand plaisir des morfales.

La petite fête ne dure pas très longtemps, juste ce qu’il faut pour que tout le monde soit remonté à bloc lorsque nous faisons nos adieux au Cap et à notre drapeau.
A présent, l’équipage n’a qu’une hâte : découvrir les îles de Grand Line et faire parler de lui. Je commence à ressentir ce sentiment dont le Capitaine parlait. J’ai un frisson qui me chatouille les épaules, quelque chose qui me réchauffe le sang et me donne envie, à moi aussi, d’aller plus loin, même si nous ne savons rien de ce qui nous attend. J’en oublie presque mon sombre objectif pour partager la jubilation, l’impatience des autres hyènes. Un peu plus loin, le Capitaine a un sourire carnassier pointé vers l’horizon et Daemon dirige la barre malgré son état.  Je me rends compte que, moi aussi je souris pour de bon, contaminée par les autres.

Grand Line, nous voilà.

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