L'eau était tiède et moussait abondamment ; venant caresser doucement mon épiderme, les vaguelettes créées par ma rapide immersion dans l'eau thermale venaient rencontrer ma peau fraiche encore émergée. Profitant de la largeur de la baignoire, j'étendais les jambes jusqu'à me retrouver avec la tête seule en dehors de l'eau, enfouie sous les nuages laiteux qui maculaient la surface aqueuse. Cela faisait plusieurs jours que je profitais de ce confort touristique douillet et je ne m'en lassais pas, notamment les bains qui manquaient bien souvent lors des missions. Je me souvenais encore du moment où j'avais mis pied à terre, poisseuse après les jours passés à bord du sloop qui m'avait emmenée jusqu'à Alabasta. A bord, la toilette se faisait dans une petite salle d'eau où l'on trouvait seulement un bac d'eau de mer froide, une éponge et un savon gras et malodorant pour devoir répondre aux besoins des passagers.
- Drôle de journée...Je me laisse couler encore un peu plus profondément avant de faire un aller-retour sous l'eau pour en sortir presque immédiatement, les cheveux collés sur mes tempes, dévoilant à l'air libre mon corps jusqu'à la taille. Découvrant sur ma droite des fioles de shampoing, je les saisis et les apporte une à une jusqu'à mes narines pour en déceler le parfum, avant de me décider pour celui à l'amande et frotter énergiquement mes cheveux pâles avec avant de replonger à nouveau pour les rincer. Quelques minutes plus tard, après m'être entièrement savonnée et nettoyée, débarrassée de ce sable entêtant qui vient se glisser sous les vêtements et coller à la peau, je m'enroule donc dans une gigantesque serviette avant de déverrouiller la porte de la salle de bain et m'aventurer dans le couloir de la gigantesque suite présidentielle.
Même si je ne comptais pas rentrer chez moi, j'avais une certaine chance dans l'idée que l'appartement possédait deux chambres et donc deux lits bien distincts. Même si finalement prendre le canapé ne m'aurait pas dérangée non plus, je ne me serais absolument pas vue devoir coucher avec l'arriviste pervers de première qui n'exprimait d'autre souhait que celui de me raffermir les miches. C'est donc en arrivant dans la pièce que je considère comme m'étant allouée que je ferme la porte derrière moi avant de laisser tomber la serviette et commencer à parcourir des yeux le contenu des armoires en espérant y trouver de quoi m'habiller. Alors que mes mains rencontrent principalement de la lingerie masculine, je me rends progressivement compte que je me suis vraisemblablement trompée de porte. Alors, figée comme une statue, je biaise doucement le regard vers le lit au centre de la pièce pour y découvrir l'énergumène, allongé, immobile, les yeux étrangement grand ouverts, un sourire pervers glacé sur les lèvres.
- Ah... merde. fais-je donc après quelques longues, très longues secondes de silence.
Il fallait bien que ça arrive, comme toujours, une nouvelle fois mais pas la dernière, plus ça allait et moins mon corps n'avait de secret pour les hommes que j'étais amenée à côtoyer. Et si de rares fois cela pouvait relever de relations intimes, la plupart du temps il s'agissait d'une étourderie qui m'amenait à dévoiler involontairement une partie de mes courbes au public masculin trop facilement conquis. Sans faire plus de cas donc, sans exprimer le regret ou la honte comme l'aurait probablement fait une donzelle normale, prude et non pas une agente du Cipher Pol habituée à la frugalité et aux pièces communes, je m'écarte de l'armoire pour saisir ma serviette à terre, la renouer et laisser derrière moi un condensé de testostérone puis prendre l'autre porte et arriver dans la seconde chambre. Là enfin, je retrouve des vêtements propres adaptés à ma féminité que j'entasse sur une chaise avant de me vautrer dans mon lit et de m'enrouler, nue, dans mes couettes pour m'endormir au bout de quelques minutes.
***
- On est plus très loin, espérons que le Sultan soit toujours dans le coin.Il était aux alentours de dix heures et pas mal de monde circulait déjà dans la rue. C'était samedi, jour de marché et l'avenue principale de Nanohana était si bondée que nous avions dû emprunter les petites rues crasseuses et malfamées adjacentes pour arriver jusqu'aux quais. De là, nous avions longé la côte jusqu'à ce que le restaurant soit à portée de vue. Et donc après avoir informé mon coéquipier du moment que nous étions à proximité du lieu où j'espérais de tout cœur retrouver le souverain et sa bande de petits copains, je me voyais obligée de claquer des doigts devant son nez pour ramener son attention sur terre.
- Tu me reçois ? On y est presque, il va falloir réfléchir à comment on va s'organiser. C'est plus le moment de rêv...Mais avant que j'aie terminé ma phrase, rebelote, le voilà encore avec le regard perdu dans le vague. L'espace d'une seconde, je crains de soupçonner la destination de ses pensées, mais au lieu de piquer un far, je décide de réfléchir en solo à un moyen de poursuivre l'enquête chacun de notre côté. Car il allait de soi que je ne pouvais me présenter dans le rôle de l'humble concubine que je me devais de jouer au devant du Sultan avec le peloteur de miches à mes côtés, ça n'était tout bonnement pas possible, quand bien même le type pouvait être naïf. Il me fallait aussi trouver une excuse pour justifier le baiser de hier après-midi dans la rue : probablement jouer sur la réputation probable du gros pervers et l'accuser de m'avoir emmenée sans mon consentement et tutti-quanti ? Peu importait pour le moment, ce n'était pas ça le plus important, mais l'instant présent, la séparation.
- J'ai cru comprendre que le Sultan logeait au palais royal à Alubarna, si tout se passe bien donc c'est là-bas que j'irai lorsque je serai en sa compagnie. Je suppose que de ton côté tu peux aller fouiller du côté de la famille royale et essayer d'apprendre des trucs ?Ouais, pas terrible comme plan, entre se jeter dans la gueule du loup et aller faire du rien avec la famille royale, fallait pas être un génie pour voir que j'étais pas très inspirée. Néanmoins, avec le peu d'éléments qui rendaient cette affaire véritablement suspecte, on ne pouvait pas aller bien loin pour l'instant. Et si réellement tout était en règles, je ne perdais rien à faire la court à l'autre gusse puis à me casser subitement en prenant le premier navire venu. Mais mon instinct me trompait rarement et l'aura que j'avais pressentie lorsque les hommes de main du sultan s'étaient mêlés à la foule lors de mon show de danse du ventre me confortait sur cette piste. Ces gens là n'étaient pas des diplomates.
- Bon allez, voilà mes coordonnées si tu as besoin de me contacter. Je vais voir du côté du restaurant et essayer de retrouver le gusse. A plus.Et à ces mots, me voilà déjà partie, entrainée par la foule qui s'élance et qui danse dans le chahut total du marché qui me sépare de la terrasse.
C'est finalement au bout d'une vingtaine de minutes après le dispatching que je rencontre finalement mon destin. Manœuvrant pour essayer de faire quelques mètres devant les étals remplis à craquer de marchandises juteuses, farineuses, fruitées, je piétine malgré tout comme une idiote entre une mule qui me colle au dos et une petite bonne femme qui n'a pas la force de s'imposer devant moi. Immobile au bout d'un moment, c'est avec surprise qu'une main vient me saisir instantanément l'épaule.
- Toi... grogne une voix anonyme que je discerne rapidement comme celle d'une femme d'âge mur au visage en lame de couteau et aux cheveux blonds coupés en carré plongeant.
Accompagnant le geste à la parole, l'horrible bonne femme me reluque de façon malsaine et semble sur le point de m'égorger vivante avant que le sultan n'arrive dans son apanage blanc et que la nana se rétracte presque aussitôt pour se camoufler dans l'ombre de son souverain. A nouveau, la scène se répète alors que le torrent de la foule s'ouvre précipitamment en deux pour laisser de l'espace au spectacle et que les riverains s'immobilisent autour de nous dans un silence inquiétant.
- Oh, mais si ce n'est pas la magnifique miss aux cheveux immaculés d'y hier ! Votre départ m'a véritablement troublée mais voici que je vous retrouve, c'est le destin. Avez-vous reconsidéré ma proposition ? chantonne-t-il donc en me prenant la main et en la baisant fugacement.
Erk, tactile. Mais la chance me souriait et j'avais bien de la chance que l'homme soit aussi entêté et naïf que romantique. Et à mon tour, j'écarte les lèvres pour dévoiler mes quenottes blanches tout en effectuant une légère révérence, feintant la joie la plus totale. Et alors que je commence à manifester ma réponse, je vois soudain le visage de l'horrible guenon cachée dans les plis de la robe du roi devenir blafard, puis rouge, puis jaune, dans cet ordre précis.
- Oui mon prin... mon sultan. J'accepte avec joie.