La large et lourde grille se referme derrière moi dans un son grave, raclant l'ocre terre battue du chemin. Était-ce juste un coup d'émotions ? J'ai quand même l'impression au fond de moi de faire une bêtise, comme si je ne voulais pas me rendre à l'évidence. Me voilerai-je la face ? Non, ce n'est pas comme ça que je veux continuer. Je me rends compte que ne peux plus, que ce n'est plus une bonne chose pour moi. Un sentiment de dégoût pénètre jusque dans ma gorge, se traduisant par une horrible fadeur. Avec tout de même une sensation de honte me collant à la peau, je me suis résolu à laisser ce Myosotis partir. Oui, cette histoire sera terminée pour lui. Mon rapport sera détaillé comme il se doit et ce garçon n'aura plus de soucis à se faire pour sa réputation. Un honneur lavé, c'est beau. Est-ce une bonne action, un acte de stupidité profonde ? Laissons les choses faire. Si cela se passe comme ça, je m'efforce de croire sur le moment qu'il en est ainsi pour une bonne raison.
Je l'entends au loin, ce De Ville. Des plaintes ? Quelqu'un serait avec lui ? Vite, pas le temps de rêvasser. Ce sont clairement des bruits de pas que j'entends, relativement discrets. En m’avançant jusqu'au lieu où je le retiens, j’aperçois un homme arrivant par derrière Myo. Merde...Attends mais c'est....un des types de toute à l'heure sur les docks ?! Il est plus très loin, armé en plus de ça. Le gamin ne peut pas me voir, j'arrive le coté où il porte son cache-oeil. Et merde, je fais au plus vite....
- Alors ? Vous avez vu ce que vous vouliez voir ? Détachez moi maintenant, et faites ce que vous avez à faire...
Plus l'temps, va falloir tirer ! Je dégaine en faisant passer mon fusil sous le bras, Quasiment au moment où je réceptionne fermement l'arme entre mes mains, une balle part dans une trajectoire parfaite. Au moment de brandir son couteau, le bandit se fait charcuter l'épaule quand la balle s'y logea. Bingo, je me dépêche pour saisir le type par col pendant qu'il est encore sonné, par terre.
-T'est tout seul ?!
Il ne réponds pas et me lance un rire d'abruti. C'est bon, t'as tout gagné. Je lui claque le dos et la tête plusieurs fois au sol pour lui rafraîchir la mémoire. On va voir si Monsieur coopère.
-TOUT SEUL !?
Il me lance un regard vide et, avant de me cracher au visage, se met à siffler et m'envoie un crochet en pleine tempe, ce qui me sonne. Je me porte les mains au visage pour essuyer cette immondice et me secoues la tête rapidement en espérant reprendre mes repères assez vite. C'est la bande qu'on a rencontrée sur les docks, ces adorables gens de Cocoyashi à vrai dire. Me voilà encerclé. En face de moi se tient le gros chauve s'étant fait défoncer par Myosotis. Il s'approche un peu vers moi avant de s'arrêter, ça vaudrait mieux pour lui.
-On veut juste De Ville, c'est tout. Te mêles vraiment pas d'ça l'estropié.
Eh bien, en d'autres termes peut-être que je l'aurais livré. Mais bon, c'est mal tombé pour eux aujourd'hui.
-Bon.... Ça peut se faire après tout, ce gosse me cause trop d'ennuis de toute façon.
Vu leur niveau intellectuel, facile de leur faire gober pareil sottise. Pour ne pas me faire sauter dessus par toute la bande, mieux vaut les mettre en confiance avant de passer à l'action. Et puis, j'avais envie de faire ça bien. C'est qu'ils m'ont bien donnés envie de me défouler, les bougres !
Je me recule et commence à détacher ce De Ville. Tout en lui remettant son haut de forme sur la tête, je prépare l'équipe d'affreux à une bonne leçon d'humilité.
-Encore désolé pour tout ce dérangement petit. Comme tu peux le voir, je ne suis pas venu seul. Donc, avant de partir d'ici avec moi sans soucis car oui, tu est innocenté, je te demande juste d'attendre tranquillement juste ici le temps que ceux-ci bénéficient pour une fois d'une BONNE correction ? Je conçois quand même que oui, évidemment. Un peu étrange pour annoncer la chose, dans d'autres situations on aurait penser que je suis ivre ou autre mais...depuis le temps que j'avais envie de frapper fort, une petite entrée en scène fait toujours plaisir à l'égo. Je retire mes bras des manches de la tunique afin de rester les bras nus, non encombrés. Sur le moment, je n'ai plus que mon plastron noir, faisant office d'une légère défense contre les lames. C'est très pratique en combat de rues.
-Bon, bah c'était prévisible... CHOPPEZ LE !
J'effectue une rapide roulade sur la gauche pour me retrouver près de celui qui est arrivé en premier. En position accroupie et le devançant sur le plan de la vitesse, il n'a pas le temps de m'attaquer que je l'ai déjà plaqué au sol. D'un coup de poing envoyé avec pas mal de force, celui-ci finit droit écrasé dans le visage de Monsieur. Je refait une roulade en avant, me relève vite tout en faisant volt-face. J'ai une vue d'ensemble de la bande, bonne chose. Le même duo que sur le port m'attaque de la même manière que la dernière fois mais cette fois ci avec des lames. Mieux vaut faire gaffe, ça ne rigole plus. J'esquive de justesse un coup porté quasiment au visage, je suis déjà assez amoché comme ça. L'un est démarqué,et c'est trop tard pour lui. Un rapide crochet dans le ventre suivi d'un sacré uppercut pile sous le menton. Après un tel coup, l'homme est légèrement propulsé du sol en lâchant un beau filet de sang dans sa chute. Celui sur la gauche me porte un coup horizontale que j'esquive en penchant le haut du corps en arrière. Le chef se rue vers moi, lui aussi équipé d'une lame, pour me porter un second coup qui m'est impossible d'esquiver. A part si je me saisis du type sur la gauche pour m'en faire un bouclier de secours qui se retrouve rapidement avec le dos entaillé par son propre « boss ». Le chauve tire une sacrée tête. Il pense que son homme est mort dirait-on ? En tout cas sur le coup il ne réagit pas d'un poil. C'est parfait, j'ai juste à me décaler pour le frapper sévèrement sur le côté du genou. Outch, c'est vraiment pas beau à voir comment sa jambe s'est pliée vers l'intérieur. Le tas de bière lâche une bonne gueulante que j'abrège immédiatement par un direct en plein dans la tempe, étant donné qu'au moment du coup dans le genou, l'abruti s'est penché par réflexe. Il en reste un, il a encore l'air d'attaque pour m'affronter. Nous nous tournons autour, à pas lent. C'est qu'il est motivé, une telle folie est honorable. D'un pas chacun, nous nous avançons l'un vers l'autre, dans un court silence qui m'a paru sur le coup durer un bon moment, mon adversaire fonce vers moi dans un cri désespéré. Trop pressé et trop peu précis, une bonne petite frappe des bas quartiers comme j'aime les nommer. J'ai juste à effectuer un petit pas chassé bien vif pour ensuite lui porter un coup que j'affectionne tant. Ce fameux coup avec la pointe de la main directement dans la gorge. Pour finir le combat en beauté, le dernier de la bande se prends un beau coup de pied retourné en pivotant tout mon corps et en décortiquant un joli mouvement. Dans la foulée, je me tourne vers le jeune spectateur, tout en relevant mes binocles.
-Tu viens avec moi ? Si l'endroit où tu veux aller est sur ma route, je t'y emmènerais. Décides toi vite, je pars d'ici.
Il ne réfléchi même pas, je sais très bien que le fait de rester ici lui est impossible. Nous reprenons donc le chemin jusqu'au port. Le rythme de la marche est très soutenue, tant qu'il est sur l'île, il n'est toujours pas à l'abri d'un éventuel danger. Une dizaine de minutes et tout ça sera de l'histoire ancienne. Comme à tout les trajets, je me laisse guider et reste confiant ; Je reconnais le chemin emprunté pour aller jusqu'au manoir. Alors que nous arrivons dans seulement quelques instants, les ennuis pointent le bout de leur nez. Effectivement, c'est une troupe de Marines que l'ont entends nous crier de nous arrêter au loin.
-Continue d'avancer, presse le pas.
Ça devrait aller, ils sont relativement loin et ma barque est...toujours là. Le seul soucis est que deux Bleus sont devant en train de la garder. Pas grave, ils finiront à l'eau.
-Myo, quoiqu'il arrive tu montes dans la barque et ne fait pas attention aux soldats.
Les soldats nous voient, j'avance rapidement vers eux tout en marchant avec un regard très en colère. De Ville suit mes ordres et monte directement dans la barque sans faire d'histoires.
-Hey ! Arrêtez !
Je saisis les soldats par la gorge tout en « accrochant » mes doigts sur leurs mentons pour les surprendre et les pousser à l'eau. D'un saut de chat, j'atterris dans la barque et me mets à ramer comme un sauvage sans oublier de retirer la petite ancre. Avec surprise, je me rends compte que Myosotis se saisit d'une rame pour m'aider à nous éloigner du rivage. Par chance, le vent nous aide et le jour commence à tranquillement tomber. La troupe arrive avec trop de tard, nous sommes déjà loin.
-Et bien, je dirais qu'il est temps de souffler un bon coup.
Je prends les deux rames pour avancer tranquillement tout en prenant de plus en plus d'avance. Vu l’effectif de navires réduit dû à cette histoire, ils ont sûrement lâché l'affaire. A mon avis, des bruits vont courir à notre sujet. Myosotis est connu et moi, je suis allé au manoir et son père m'a vu. En bon citoyen et sans doute en guise de vengeance, Sir De Ville n'hésitera pas à casser du sucre sur mon dos. Je m'en fiche totalement en faite, pourquoi je me tracasses la tête avec ça ? J'arrête de toute manière, je préfère vivre ma vie comme je l'entends. Peut-être incarner aussi ma propre « vision » de la justice ? A voir...
-Je te déposes quelque part en particulier ? Ah, au faite. Prends mon Den Den, je m'en procurerais un nouveau. Je t'appellerais pour que tu puisses toi aussi me joindre par la suite au cas où tu aurais éventuellement un problème ? Vois ça comme une forme de remerciement.
D'ailleurs, je sais déjà ce qu'il y aura dans mon rapport.
Ce jour s'est déroulé mon enquête sur l'affaire De Ville.
A mon arrivée, j'ai trouvé le jeune Myosotis De Ville par chance. En effet, alors que je m'installais sur le port de Cocoyashi, une bande de malfrats s'en est pris à mon suspect. J'ai donc directement appréhendé les malfaiteurs pour ensuite directement discuter avec cette personne. Nous sommes ensuite allés dans une petite taverne dans le but d'écouter clairement le témoignage du suspect. Suite à une description détaillé des actes de Myosotis, je me suis rendu avec celui-ci jusqu'au manoir afin d'analyser la scène de crime et me faire un propre avis sur le déroulement des événements. Suite à cela, j'ai pu écarter Monsieur De Ville, par manque de preuves et de témoins. En sortant du manoir, la même bande que sur les docks s'en sont violemment pris à nous, situation que j'ai du réprimer d'une main de fer. Mes actes dans cette histoire étaient légitimes étant donné de l'agression jugée plus que brutale par ces individus. En reprenant le chemin vers les docks jugeant l'enquête bouclée, une troupe de Marine nous a accosté de loin sûrement dû à l'altercation qui venait d'avoir lieu. Mais trop tard pour nous, nous étions loin du rivage et le vent nous tirait déjà bien vers le large.
Lawrence Gargalen