-Bonjour! Chuis désolé, mais c'est pour mon train de vie. Depuis qu'ils ont refait un peu tout le système de dividendes et qu'on se fait violer niveau impôts, c'est devenu un truc de dingue, faut que je me batte tous les mois pour finalement avoir moins qu'avant. Limite ils veulent flinguer les honnêtes gens et les forcer à devenir chasseurs de primes et déserter complètement le tissu économique utile. Encore que les chasseurs feraient pas beaucoup de trucs si la marine faisait bien son boulot... comme quoi même équipée par le GM qui se goinfre d'impôts, c'est pas franchement la fête, hein?
Vendredi, milieu de journée. Douze heures. L'heure du déjeuner pour des milliers de travailleurs comme Dogaku. Même en étant passé chasseur de primes, même depuis la réforme des boutiques, il n'avait rien cessé de son activité professionnelle. Et faisait le reste sur son temps libre, quitte à s'en dégager plus : c'était l'avantage d'être à la tête de son affaire.
Mais même les pirates avaient leurs habitudes et leurs besoins alimentaires, et aujourd'hui, il venait de repérer un grand groupe qui avait visiblement prit possession de toutes les tables d'une taverne du port. Il y avait des signes qui ne trompaient pas, et une lourdeur dans l'atmosphère qui en criait autant. Alors, naturellement, il les avait regardés de loin pour confirmer la chose. Ils étaient tellement peu discrets qu'il y en avait certainement des primés, assez sûrs d'eux pour se permettre de déborder. Et leur comportement, leur dégaine, leur allure indiquait entièrement qu'il s'agissait de pirates. Ce qu'il se fit bien vite confirmer en consultant l'annuaire des primes, ainsi qu'en appelant le poste de la milice chargé de cette zone du port. Dans les symboles qu'il distinguait, on retrouvait des choses.
Il ne restait donc plus qu'une seule chose à faire: leur rentrer dedans pour en finir. Ce qu'il venait tout juste de faire en se présentant à eux.
-Bon, on va faire simple, je suis chasseur de primes, déclara-t-il. Du coup... j'ai besoin de sept millions et un quart pour maintenir mon train de vie pour ce mois, et j'adorerai mettre un demi million dans une de mes boutiques pour avoir un chiffre rond à la fin du mois. Il totalise combien de berries, votre équipage?
-Putain. Mais regardez moi ça. Tu veux vraiment te faire tuer, connard?
-Allez, ramène toi là pour voir.
Sigurd n'avait absolument pas peur. Il avait beau se tenir seul face à plus de vingt individus, tout allait bien. Il savait d'expérience que sur les innombrables personnes qui se faisaient menaçantes, injuriaient et tendaient leurs armes, rares étaient celles qui allaient jusqu'à s'en servir. En second lieu, il n'était pas du tout seul.
-Eh mais... t'es très bien habillé. Et ta copine aussi. Vous voulez pas vous rapprocher, qu'on puisse mieux vous voir, tous les deux?
-Vous voir ou plus si affinités. J'aime beaucoup ce collier. Vous en avez d'autres, des comme ça?
Située un peu en retrait, mais tout aussi confiante si ce n'est plus, son éternelle partenaire caressait machinalement ses chaînes du bout des doigts. Enroulées contre ses bras, en sommeil sous sa robe et dans ses manches, les appendices d'acier n'allaient pour l'instant pas plus loin que les paumes de ses mains.
-Booon. Haylor, à vous l'honneur. J'me charge de tout ce qui aura l'air de faire la gueule, et...
-Je ne sais pas pourquoi vous prenez toujours la peine de parler, Sigurd. Nous pourrions aller tellement plus vite si j'agissais sans prévenir.
-Bah, j'aime faire les choses proprement. Et puis, c'est quand même plus sympa que...
Sans surprise, Haylor et Dogaku avaient maintenant éveillé l'attention des pirates. La redingote de premier plan de Sigurd, sa montre ornementée, la robe de haute couture d'Evangeline et les bijoux qui la paraient, tout indiquait leur richesse assumée. Et pour une bande de pirates, ces deux personnes n'étaient rien d'autre qu'un butin sur pattes. C'est pour cette raison, et parce qu'ils étaient venus les chercher, que sept membres de la bande se levèrent pour eux. Deux allèrent encadrer la porte de la taverne, trois autres vinrent à leur rencontre, tendant déjà les bras pour agripper le jeune homme. Deux autres, enfin, passèrent la main à leurs ceintures pour prendre des pistolets.
Avant qu'ils ne les sortent, Sigurd avait déjà pointé son revolver dans leur direction. Les deux autres réagirent au quart de tour, et tirèrent les premiers. Dans la précipitation. Sans prendre le temps de viser. Ce que le chasseur avait anticipé et provoqué. Et au lieu de se soucier d'eux et de leurs tirs ratés, Dogaku tira sur un troisième pirate, lui aussi porteur d'un pistolet, qui prenait le temps d'aligner son tir. Les deux hommes firent feu au même moment. Leurs balles se rencontrèrent en l'air dans un concert de gerbes d'étincelles, pour ricocher et se perdre dans les rangs pirates. Sigurd défourailla alors sur deux autres brigands, d'une seule balle qui bifurqua d'un torse à un autre, les envoyant à terre avant qu'ils ne puissent se mettre en position de tir.
Et avant que les autres, ceux qui préféraient user de leurs poings ou d'armes blanches, n'aient eu le temps d'approcher, Evangeline avait déjà fini de tisser sa toile. Un large assemblage de chaînes d'acier qui glissèrent toutes ensembles sur la bande de pirates. Tous se retrouvèrent férocement cadenassés par les rets de métal. Ceux qui tentèrent de résister furent méthodiquement momifiés. Les câbles pourchassèrent tous ceux qui furent trop lents pour s'échapper. Un autre, qui parvenait à lutter contre les tentacules, reçu un tir de Dogaku et se calma sur l'instant. Bien vite, tout le monde fut enlacé. Elle était implacable: personne dans la bande de pirates ne pouvait s'en tirer.
De sorte qu'au final...
-Bon bah... il en reste un? Quelque part? Non?
Ils avaient une très bonne dynamique. Même si c'était récent. Même si c'était accidentel. Haylor, avec ses artifices, s'était toujours démarquée dans le contrôle de masse. Il était très difficile de réussir à maîtriser autant de personnes qu'elle en allant aussi vite, et en faisant aussi peu d'efforts. Sigurd, au contraire, pouvait très facilement, et très efficacement, se charger de débouter des personnes isolées. Alors, il ne leur restait plus qu'à faire les choses dans l'ordre. Ils étaient parvenus à monter quelque chose qui les complétait bien.
-Nan, vraiment personne?, hésita Sigurd en s'attendant à ce qu'un pirate plus fort que d'autres, plus primé que d'autres finisse par se sortir du tas de chaînes.
-Excusez-moi, demanda la sorcière au barman. Est-ce qu'ils vous ont dit, est-ce que vous avez vu s'ils avaient un meneur particulièrement dangereux?
Ils n'étaient pas seuls, dans le bar. La presque totalité des clients avait quitté l'endroit dès l'arrivée des pirates. Ces derniers avaient bien fait comprendre à tout le monde qu'il valait mieux les laisser s'amuser après les longues semaines en mer qu'ils venaient de faire. Seule une poignée avait choisi de rester, se partageant entre la terrasse et quelques salles privées.
Et puis, il y avait encore le personnel. Un barman, le gérant, et deux serveurs. Qui s'efforçaient de satisfaire tout ce petit monde sans leur donner aucun prétexte pour se plaindre.
-Si tu lui parles, on te bute!, asséna un pirate. Ou un de nos potes le fera!
-Ç'a l'air de vouloir dire oui, releva la miss. Pas besoin de réponse, merci.
-Par contre j'ai l'impression qu'il se trouve pas dans le lot. Ou alors...
Sigurd se retourna nerveusement, comme à la recherche d'un homme qu'ils auraient pu rater. D'un coup d'oeil, il parcouru les murs, regarda sous les tables, passa rapidement le plafond. Sans succès. Il s'intéressa alors à la porte des toilettes, avant de se dire que ça serait vraiment idiot... mais pourtant très possible.
Lentement, avec grande précaution, Sigurd contourna les tas de pirates empilés pour s'approcher des toilettes. Ce qui était exactement ce qu'espérait Gladock, l'aventurier des mers autour duquel s'était fédérée cette petite bande. L'homme était enchaîné avec les autres, mais était tout à fait à même de se libérer. S'il ne l'avait pas encore fait, c'était qu'il attendait son heure. Et il avait raison. Il lui suffisait d'attendre que Dogaku fasse trois pas de plus, et il n'aurait qu'à se dégager pour lui plonger dessus et le suriner. Viendrait ensuite le tour de l'autre femme.
L'idée était très propre, elle aurait dû marcher. Mais lorsqu'il s'élança, la personne la plus rapide à réagir fut...
-NON!
Evangeline. Trois de ses câbles réagirent sur l'instant, et s'enroulèrent contre Sigurd pour le tirer brutalement, le soustraire au pirate en bousculant deux tables. Gladock tenta de relever son sabre court pour l'embrocher et en finir, mais fut cueilli d'une balle en plein torse et s'écroula contre le sol, les poumons vides, et la poitrine en feu. Un second coup tiré dans le dos lui arracha un rugissement de douleur, achevant de le neutraliser pour un moment.
Sigurd en profita pour recharger cinq balles dans son arme ; Haylor, pour ligoter hargneusement le chef de groupe et le joindre à sa bande désormais empaquetée. Une nouvelle fois, ils attendirent, sur le qui vive. Et trente secondes plus tard, il n'y avait toujours aucun mouvement.
-Dîtes, c'était le dernier, c'est bon? On va attendre encore longtemps, sinon. Z'en dites quoi les pirates?
Pas la moindre réponse. Aussi les deux chasseurs de primes se contentèrent-ils de joyeusement conditionner tout ce petit monde, avant de tirer le fruit de leur pêche à l'extérieur. Les chaînes d'Evangeline, vivantes, vivaces et vigoureuses, s'avéraient très pratiques pour cela.
Et une fois cela fait...
-Bon. En attendant que la milice arrive... que diriez-vous de manger? Je dois faire vite, j'ai une après midi chargée.
-Ça tombe bien, les mouettes nous attendaient, répondit Sigurd en désignant des oiseaux.
-Les mouettes?
-Vous connaissez la Maison de Montblanc? Le restau' qui fait aussi traiteur, là. Ils ont un service assez pratique pour livrer les gens par mouette. Alors je me suis dis... pique-nique! Il fait super beau, on a un parc juste à coté, et... ils font foie gras - haddock - agrumes sur tartines épicées, aujourd'hui. Pâtisserie crème de citron pour le dessert. J'ai tout prévu, yep.
-Hihi. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression que nous faisons vraiment n'importe quoi avec tout notre argent.
-Totalement. Et?
-Et j'adore ça, répondit-elle en lui emboîtant le pas, main dans la main.
Vendredi, milieu de journée. Douze heures. L'heure du déjeuner pour des milliers de travailleurs comme Dogaku. Même en étant passé chasseur de primes, même depuis la réforme des boutiques, il n'avait rien cessé de son activité professionnelle. Et faisait le reste sur son temps libre, quitte à s'en dégager plus : c'était l'avantage d'être à la tête de son affaire.
Mais même les pirates avaient leurs habitudes et leurs besoins alimentaires, et aujourd'hui, il venait de repérer un grand groupe qui avait visiblement prit possession de toutes les tables d'une taverne du port. Il y avait des signes qui ne trompaient pas, et une lourdeur dans l'atmosphère qui en criait autant. Alors, naturellement, il les avait regardés de loin pour confirmer la chose. Ils étaient tellement peu discrets qu'il y en avait certainement des primés, assez sûrs d'eux pour se permettre de déborder. Et leur comportement, leur dégaine, leur allure indiquait entièrement qu'il s'agissait de pirates. Ce qu'il se fit bien vite confirmer en consultant l'annuaire des primes, ainsi qu'en appelant le poste de la milice chargé de cette zone du port. Dans les symboles qu'il distinguait, on retrouvait des choses.
Il ne restait donc plus qu'une seule chose à faire: leur rentrer dedans pour en finir. Ce qu'il venait tout juste de faire en se présentant à eux.
-Bon, on va faire simple, je suis chasseur de primes, déclara-t-il. Du coup... j'ai besoin de sept millions et un quart pour maintenir mon train de vie pour ce mois, et j'adorerai mettre un demi million dans une de mes boutiques pour avoir un chiffre rond à la fin du mois. Il totalise combien de berries, votre équipage?
-Putain. Mais regardez moi ça. Tu veux vraiment te faire tuer, connard?
-Allez, ramène toi là pour voir.
Sigurd n'avait absolument pas peur. Il avait beau se tenir seul face à plus de vingt individus, tout allait bien. Il savait d'expérience que sur les innombrables personnes qui se faisaient menaçantes, injuriaient et tendaient leurs armes, rares étaient celles qui allaient jusqu'à s'en servir. En second lieu, il n'était pas du tout seul.
-Eh mais... t'es très bien habillé. Et ta copine aussi. Vous voulez pas vous rapprocher, qu'on puisse mieux vous voir, tous les deux?
-Vous voir ou plus si affinités. J'aime beaucoup ce collier. Vous en avez d'autres, des comme ça?
Située un peu en retrait, mais tout aussi confiante si ce n'est plus, son éternelle partenaire caressait machinalement ses chaînes du bout des doigts. Enroulées contre ses bras, en sommeil sous sa robe et dans ses manches, les appendices d'acier n'allaient pour l'instant pas plus loin que les paumes de ses mains.
-Booon. Haylor, à vous l'honneur. J'me charge de tout ce qui aura l'air de faire la gueule, et...
-Je ne sais pas pourquoi vous prenez toujours la peine de parler, Sigurd. Nous pourrions aller tellement plus vite si j'agissais sans prévenir.
-Bah, j'aime faire les choses proprement. Et puis, c'est quand même plus sympa que...
Sans surprise, Haylor et Dogaku avaient maintenant éveillé l'attention des pirates. La redingote de premier plan de Sigurd, sa montre ornementée, la robe de haute couture d'Evangeline et les bijoux qui la paraient, tout indiquait leur richesse assumée. Et pour une bande de pirates, ces deux personnes n'étaient rien d'autre qu'un butin sur pattes. C'est pour cette raison, et parce qu'ils étaient venus les chercher, que sept membres de la bande se levèrent pour eux. Deux allèrent encadrer la porte de la taverne, trois autres vinrent à leur rencontre, tendant déjà les bras pour agripper le jeune homme. Deux autres, enfin, passèrent la main à leurs ceintures pour prendre des pistolets.
Avant qu'ils ne les sortent, Sigurd avait déjà pointé son revolver dans leur direction. Les deux autres réagirent au quart de tour, et tirèrent les premiers. Dans la précipitation. Sans prendre le temps de viser. Ce que le chasseur avait anticipé et provoqué. Et au lieu de se soucier d'eux et de leurs tirs ratés, Dogaku tira sur un troisième pirate, lui aussi porteur d'un pistolet, qui prenait le temps d'aligner son tir. Les deux hommes firent feu au même moment. Leurs balles se rencontrèrent en l'air dans un concert de gerbes d'étincelles, pour ricocher et se perdre dans les rangs pirates. Sigurd défourailla alors sur deux autres brigands, d'une seule balle qui bifurqua d'un torse à un autre, les envoyant à terre avant qu'ils ne puissent se mettre en position de tir.
Et avant que les autres, ceux qui préféraient user de leurs poings ou d'armes blanches, n'aient eu le temps d'approcher, Evangeline avait déjà fini de tisser sa toile. Un large assemblage de chaînes d'acier qui glissèrent toutes ensembles sur la bande de pirates. Tous se retrouvèrent férocement cadenassés par les rets de métal. Ceux qui tentèrent de résister furent méthodiquement momifiés. Les câbles pourchassèrent tous ceux qui furent trop lents pour s'échapper. Un autre, qui parvenait à lutter contre les tentacules, reçu un tir de Dogaku et se calma sur l'instant. Bien vite, tout le monde fut enlacé. Elle était implacable: personne dans la bande de pirates ne pouvait s'en tirer.
De sorte qu'au final...
-Bon bah... il en reste un? Quelque part? Non?
Ils avaient une très bonne dynamique. Même si c'était récent. Même si c'était accidentel. Haylor, avec ses artifices, s'était toujours démarquée dans le contrôle de masse. Il était très difficile de réussir à maîtriser autant de personnes qu'elle en allant aussi vite, et en faisant aussi peu d'efforts. Sigurd, au contraire, pouvait très facilement, et très efficacement, se charger de débouter des personnes isolées. Alors, il ne leur restait plus qu'à faire les choses dans l'ordre. Ils étaient parvenus à monter quelque chose qui les complétait bien.
-Nan, vraiment personne?, hésita Sigurd en s'attendant à ce qu'un pirate plus fort que d'autres, plus primé que d'autres finisse par se sortir du tas de chaînes.
-Excusez-moi, demanda la sorcière au barman. Est-ce qu'ils vous ont dit, est-ce que vous avez vu s'ils avaient un meneur particulièrement dangereux?
Ils n'étaient pas seuls, dans le bar. La presque totalité des clients avait quitté l'endroit dès l'arrivée des pirates. Ces derniers avaient bien fait comprendre à tout le monde qu'il valait mieux les laisser s'amuser après les longues semaines en mer qu'ils venaient de faire. Seule une poignée avait choisi de rester, se partageant entre la terrasse et quelques salles privées.
Et puis, il y avait encore le personnel. Un barman, le gérant, et deux serveurs. Qui s'efforçaient de satisfaire tout ce petit monde sans leur donner aucun prétexte pour se plaindre.
-Si tu lui parles, on te bute!, asséna un pirate. Ou un de nos potes le fera!
-Ç'a l'air de vouloir dire oui, releva la miss. Pas besoin de réponse, merci.
-Par contre j'ai l'impression qu'il se trouve pas dans le lot. Ou alors...
Sigurd se retourna nerveusement, comme à la recherche d'un homme qu'ils auraient pu rater. D'un coup d'oeil, il parcouru les murs, regarda sous les tables, passa rapidement le plafond. Sans succès. Il s'intéressa alors à la porte des toilettes, avant de se dire que ça serait vraiment idiot... mais pourtant très possible.
Lentement, avec grande précaution, Sigurd contourna les tas de pirates empilés pour s'approcher des toilettes. Ce qui était exactement ce qu'espérait Gladock, l'aventurier des mers autour duquel s'était fédérée cette petite bande. L'homme était enchaîné avec les autres, mais était tout à fait à même de se libérer. S'il ne l'avait pas encore fait, c'était qu'il attendait son heure. Et il avait raison. Il lui suffisait d'attendre que Dogaku fasse trois pas de plus, et il n'aurait qu'à se dégager pour lui plonger dessus et le suriner. Viendrait ensuite le tour de l'autre femme.
L'idée était très propre, elle aurait dû marcher. Mais lorsqu'il s'élança, la personne la plus rapide à réagir fut...
-NON!
Evangeline. Trois de ses câbles réagirent sur l'instant, et s'enroulèrent contre Sigurd pour le tirer brutalement, le soustraire au pirate en bousculant deux tables. Gladock tenta de relever son sabre court pour l'embrocher et en finir, mais fut cueilli d'une balle en plein torse et s'écroula contre le sol, les poumons vides, et la poitrine en feu. Un second coup tiré dans le dos lui arracha un rugissement de douleur, achevant de le neutraliser pour un moment.
Sigurd en profita pour recharger cinq balles dans son arme ; Haylor, pour ligoter hargneusement le chef de groupe et le joindre à sa bande désormais empaquetée. Une nouvelle fois, ils attendirent, sur le qui vive. Et trente secondes plus tard, il n'y avait toujours aucun mouvement.
-Dîtes, c'était le dernier, c'est bon? On va attendre encore longtemps, sinon. Z'en dites quoi les pirates?
Pas la moindre réponse. Aussi les deux chasseurs de primes se contentèrent-ils de joyeusement conditionner tout ce petit monde, avant de tirer le fruit de leur pêche à l'extérieur. Les chaînes d'Evangeline, vivantes, vivaces et vigoureuses, s'avéraient très pratiques pour cela.
Et une fois cela fait...
-Bon. En attendant que la milice arrive... que diriez-vous de manger? Je dois faire vite, j'ai une après midi chargée.
-Ça tombe bien, les mouettes nous attendaient, répondit Sigurd en désignant des oiseaux.
-Les mouettes?
-Vous connaissez la Maison de Montblanc? Le restau' qui fait aussi traiteur, là. Ils ont un service assez pratique pour livrer les gens par mouette. Alors je me suis dis... pique-nique! Il fait super beau, on a un parc juste à coté, et... ils font foie gras - haddock - agrumes sur tartines épicées, aujourd'hui. Pâtisserie crème de citron pour le dessert. J'ai tout prévu, yep.
-Hihi. Plus le temps passe, plus j'ai l'impression que nous faisons vraiment n'importe quoi avec tout notre argent.
-Totalement. Et?
-Et j'adore ça, répondit-elle en lui emboîtant le pas, main dans la main.