L'ancre est jetée, la nef s'arrête à une trentaine de mètres du rivage, paresseuse, et ballote paisiblement au gré des flots, dans une brise légère. Nous y voilà. L'île. Sous ce ciel azur, et avec cette crique de sable fin en guise d'introduction, elle a tout du lieu de plaisance où l'on vient goûter à de paisibles congés. Pourtant, ni ma contrôleuse attitrée ni moi ne nous y trompons. On est là pour affaire. Et ce sera tout sauf calme.
Un navire imposant nous toise dans le lointain, à bâbord. Sur ses larges voiles, l'emblème familier de la marine qui atteste de la présence probable d'une caserne ici. C'est toujours bon à prendre. Je ne bronche cependant pas en accueillant l'information. Je suis surveillé. Ce n'est pas le moment de se trahir en affichant un surplus d'intérêt pour toute autre chose que les ordres de Mirabella. Une chance que je sois d'un naturel désinvolte.
La chaloupe est vite affrétée, deux hommes de pont nous conduisent à la terre ferme en souquant avec entrain. Le temps est précieux pour tout le monde. Le quartier-maître, Ash, un solide quarantenaire au visage buriné, mènera ensuite l'embarcation au port pour la délester de ses marchandises. J'ai eu l'occasion de converser un peu avec lui pendant cette semaine de voyage où nous avons été voisins de cabine. Ash me gardera une place à bord pour après-demain, soit le jour où le navire repartira vers d'autres points commerciaux, chargé de tabac et d'étoffes. Si tout se goupille bien sur l'île pour moi et que j'arrive à libérer Hadoc à temps, mon billet de départ est assuré. Mais après-demain me semble bien loin, dans l'instant.
La jeune récupère ses katanas et moi mes pistolets. La barque repart. Le pas alerte, on remonte côte à côte vers l'intérieur des terres, silencieux, sous un soleil froid. Les traces de nos chausses viennent se figer dans le sable humide. Le silence me laisse le loisir de cogiter pour rien. Je me demande ce qui m'attend. Va-t-elle me présenter dès maintenant au ravisseur de Hadoc ? Vais-je avoir l'opportunité de voir mon ancien supérieur en personne ? Et s'il y avait un piège ? Oui, il y en a même probablement plusieurs mais cela ne change rien. Je ne fais pas les règles du jeu. À cette table, je ne suis qu'un type comme un autre, qui va tâcher de s'en sortir avec les mains qu'on lui offrira de jouer. Jusqu'ici, mon sens de la débrouille a toujours suffi.
Au sommet de la dune, nous nous arrêtons un instant. Je me roule une tige en avisant la cité qui se dresse devant nous, à l'autre bout des steppes. Nous n'avons pas emprunté la route la plus évidente pour la rejoindre.
Par là, je suppose ?
Pas de réponse. Cette chère Mirabella. S'il n'y avait son joli minois, elle n'aurait rien pour elle. Dédaigneuse, hautaine, pernicieuse. Et elle a déjà essayé de me tuer, avec ça. Je me demande si elle recommencerait aujourd'hui, alors même que je l'ai tirée des pattes du lubrique Paulo sur Whiskey Peak. Probablement. Elle n'a pas l'air du genre à porter le mot gratitude dans son cœur. D'un autre côté, moi, je me demande si je la sauverais encore si la situation venait à se reproduire.
Hu-hum.
Une paire d'yeux sombres m'intime de me remettre en route.
Après toi, je ne sais pas où nous allons.
Elle ne bouge pas. Fronce simplement les sourcils en taquinant la garde de son katana.
Bon, bon, pas la peine de le prendre comme ça.
Je balance la fin de ma clope et lâche un soupir.
Tu sais, je vais vraiment regretter nos conversations.
On se remet en route. Distraitement, je fais jongler mon dé de bois fétiche au fond d'une de mes poches. Dans une heure, deux tout au plus, nous serons en ville. Les choses sérieuses commenceront alors. L'ultime mission du caporal Achilia est lancée et j'ignore totalement ce qui m'attend. Tout ceci s'annonce bien hasardeux.
Au fond, ça n'a jamais été pour me déplaire.
Un navire imposant nous toise dans le lointain, à bâbord. Sur ses larges voiles, l'emblème familier de la marine qui atteste de la présence probable d'une caserne ici. C'est toujours bon à prendre. Je ne bronche cependant pas en accueillant l'information. Je suis surveillé. Ce n'est pas le moment de se trahir en affichant un surplus d'intérêt pour toute autre chose que les ordres de Mirabella. Une chance que je sois d'un naturel désinvolte.
La chaloupe est vite affrétée, deux hommes de pont nous conduisent à la terre ferme en souquant avec entrain. Le temps est précieux pour tout le monde. Le quartier-maître, Ash, un solide quarantenaire au visage buriné, mènera ensuite l'embarcation au port pour la délester de ses marchandises. J'ai eu l'occasion de converser un peu avec lui pendant cette semaine de voyage où nous avons été voisins de cabine. Ash me gardera une place à bord pour après-demain, soit le jour où le navire repartira vers d'autres points commerciaux, chargé de tabac et d'étoffes. Si tout se goupille bien sur l'île pour moi et que j'arrive à libérer Hadoc à temps, mon billet de départ est assuré. Mais après-demain me semble bien loin, dans l'instant.
La jeune récupère ses katanas et moi mes pistolets. La barque repart. Le pas alerte, on remonte côte à côte vers l'intérieur des terres, silencieux, sous un soleil froid. Les traces de nos chausses viennent se figer dans le sable humide. Le silence me laisse le loisir de cogiter pour rien. Je me demande ce qui m'attend. Va-t-elle me présenter dès maintenant au ravisseur de Hadoc ? Vais-je avoir l'opportunité de voir mon ancien supérieur en personne ? Et s'il y avait un piège ? Oui, il y en a même probablement plusieurs mais cela ne change rien. Je ne fais pas les règles du jeu. À cette table, je ne suis qu'un type comme un autre, qui va tâcher de s'en sortir avec les mains qu'on lui offrira de jouer. Jusqu'ici, mon sens de la débrouille a toujours suffi.
Au sommet de la dune, nous nous arrêtons un instant. Je me roule une tige en avisant la cité qui se dresse devant nous, à l'autre bout des steppes. Nous n'avons pas emprunté la route la plus évidente pour la rejoindre.
Par là, je suppose ?
Pas de réponse. Cette chère Mirabella. S'il n'y avait son joli minois, elle n'aurait rien pour elle. Dédaigneuse, hautaine, pernicieuse. Et elle a déjà essayé de me tuer, avec ça. Je me demande si elle recommencerait aujourd'hui, alors même que je l'ai tirée des pattes du lubrique Paulo sur Whiskey Peak. Probablement. Elle n'a pas l'air du genre à porter le mot gratitude dans son cœur. D'un autre côté, moi, je me demande si je la sauverais encore si la situation venait à se reproduire.
Hu-hum.
Une paire d'yeux sombres m'intime de me remettre en route.
Après toi, je ne sais pas où nous allons.
Elle ne bouge pas. Fronce simplement les sourcils en taquinant la garde de son katana.
Bon, bon, pas la peine de le prendre comme ça.
Je balance la fin de ma clope et lâche un soupir.
Tu sais, je vais vraiment regretter nos conversations.
On se remet en route. Distraitement, je fais jongler mon dé de bois fétiche au fond d'une de mes poches. Dans une heure, deux tout au plus, nous serons en ville. Les choses sérieuses commenceront alors. L'ultime mission du caporal Achilia est lancée et j'ignore totalement ce qui m'attend. Tout ceci s'annonce bien hasardeux.
Au fond, ça n'a jamais été pour me déplaire.