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Touchons du bois


[ 5 jours avant les faits ]


Voilà près d'une semaine que Joe flânait à la recherche d'un nouvel équipage à intégrer. Son dernier naufrage avait eu lieu à South Blue, c'est donc tout logiquement sur cette partie du globe qu'il errait. Pour le moment, il pouvait compter sur quelques dizaines de milliers de berries pour subvenir à ses besoins rudimentaires, mais pour combien de temps ?

Attablé dans une gargote d'une île dont il ne connaissait même pas le nom, il lisait un journal qu'il avait plus ou moins mendié en harcelant une vieille dame, qui, assez loquace, avait comprit qu'il valait mieux éviter de refuser quoi que ce soit à un tel spécimen. Il allait de soi qu'on ne trouvait pas de petites annonces pour travailler sous une bannière à tête de mort, mais c'était à partir des incidents qui s'étaient déroulés dans les environs que Joe pouvait savoir où chercher de nouveaux camarades d'infortune.

- Appréhendé par la marine... Coulé... Capturé après une rude bataille...

C'est en grimaçant de manière assez sinistre que le cafard ruminait quelques titres du journal. La marine était particulièrement agressive, ce genre d'éclats de force n'était jamais que temporaire et ne visait qu'à se refaire une virginité auprès des civils. Toujours est-il que cela suffisait à contrarier Joe qui allait devoir trouver un moyen de s'enrichir, et vite. La maigre somme qu'il avait sur lui finirait tôt ou tard par fondre comme neige au soleil.
Pensif, il posa son journal sur la table, y ajouta son coude et tînt son menton dans la main.

- Je vais quand même pas d'jà devoir taper dans mon trésor ?

En treize ans de piraterie, Joe avait mit un sacré pactole de côté ; près de 20 millions de berries. Mais jamais il n'y touchait. "Mieux vaut ne s'en servir que dans une situation de crise" se disait-il sans cesse. Comme de nombreux pirates de légende, sans doute finirait-il par mourir avant de dépenser un sou du trésor que l'avarice l'avait poussé à enterrer.
Bien assez vite, comme à chaque situation de crise financière, il renonça à piocher dans sa fortune cachée. Et son regard se s'établit par hasard sur un article du journal qu'il n'avait pas entièrement lu.


"Cinquième guet-apens au large de Endaur, les chantiers naval incapable d'honorer leurs commandes."


Un sourire glaçant s'étendit le long de ses joues, dévoilant les dents du charognard qu'il était.

- Nous y voilà hinhin !

Froissant le journal entre ses mains, il se leva brusquement. A présent, Joe savait où trouver des pirates assez habiles pour s'attaquer à des zones trop en marge de l'influence géographique de la marine, mais en plus, suffisamment malins pour chercher des matières premières à vendre plutôt que de l'or à tout prix.
Direction Endaur.

- Dis voir toi là bas ! T'aurais pas oublié de payer ton café ?

Alors que le cafard se dirigeait vers la sortie, le propriétaire de la gargote l'interpela. Joe se retourna, un air vaguement ahuri dessiné sur son visage tourmenté.

- Oh.. C'est vrai...

Retournant sur ses pas, sa démarche se faisait lente, on aurait pu la rythmer au piano avec une marche funèbre. Il fit alors face au tenancier. Un gaillard robuste, quoi qu'un peu gras, d'une quarantaine d'année. Ce dernier s'attendait à être payé quand il vit Joe entrouvrir la parka qu'il ne quittait que rarement, et le tenancier vit ce qui s'y trouvait.
Dévoilant sans gêne un versant de l'intérieur de son anorak, le cafard mit en évidence le lance-grenade qui s'y trouvait. Ne quittant pas le propriétaire du regard, ses yeux s'élargirent petit à petit, des veines d'un rouge sang se profilèrent dans le globe oculaire. Relevant sa lèvre inférieure comme un chien galeux aurait retroussé les babines, il prit la parole :

- J'ai "oublié" de payer ton jus de pisse, mais j'ai aussi oublié d'incendier ta foutue bicoque, si on pèse le pour et le contre, tu devrais me remercier d'avoir la mémoire aussi courte.

L'homme en face ne trouva pas les mots, se contentant de racler sa gorge. Joe referma sa parka et prit congé, sa démarche ayant repris son rythme habituel. Cette fois, il se dirigeait d'un pas pressé vers le premier embarcadère afin de se faire transporter sur Endaur. A vu de nez, la traversée prendrait 5 jours.


[ A présent– sur Endaur ]


Durant son périple en mer, Joe avait réfléchi à une manière de mettre la main sur les pirates qu'il cherchait à rejoindre. Il allait de soi qu'ils n'avaient pas mouillé sur un des embarcadère d'Endaur, autrement, voilà longtemps que leurs méfaits se seraient terminés. Sans doute avaient-ils trouvé abri sur un îlot rocailleux non répertorié sur les cartes.

- Si j'étais à leur place...

Maintenant, il s'agissait de réfléchir comme un pirate sans vergogne, un domaine de prédilection dans lequel excellait le cafard. Si les abordages des pirates pour voler le bois avaient été si efficaces, c'est parce qu'ils connaissaient à l'avance la trajectoire de leur proie, et si oui ou non il y avait des marines à bord. C'était clair comme de l'eau de roche, il y avait un ou plusieurs éclaireurs de l'équipage infiltrés sur l'île pour les en informer.
Le tout à présent était de se faire remarquer par ces derniers afin qu'ils viennent à lui. Étant donné la faible population qui proliférait dans cette zone de South Blue, un homme armé en plus dans leurs rangs pourrait effectivement les intéresser.

- Il est temps d'exhiber ma charmante personnalité héhé.

Aucune base de marine n'était à répertorier sur l'île. La plus proche se trouvait à des lieues d'ici, peut-être faudrait-il six heures pour que leur flotte arrive sur place. A moins qu'une section de marine fut mobilisée pour enquêter sur les abordages récurrents, Joe pouvait être tranquille. Il ne lui restait qu'à trouver un des lieux les plus fréquentés de l'île, se présenter comme il savait si bien le faire, et se faire recruter.

Que ce soit les pirates ou les bûcherons, les hommes de poigne s'abreuvent à la même source. L'île n'étant pas bien grande, il fut aisé d'y trouver la taverne, très animée par ailleurs. Personne ne remarqua son entrée, sa dégaine était pourtant assez peu avenante, notamment la casquette où le signe de la marine avait été changé par "pirate". A présent, il était temps de se faire de nouveaux amis.
Sans préambule, il entrouvrit sa parka, et en sortit cette fois son mousquet à canon triple. S'adossant à l'un des murs de l'édifice, il tapotait sa propre épaule avec le canon de son arme.

- C'est tout de même foutrement surprenant... L'un des viviers de l'industrie navale se trouve sur cette île, et je ne vois ni marine ni qui que ce soit d'armé. A croire que si on voulait se servir.... il suffirait de tendre la main.
Vous avez essuyé cinq pillages de marchandises ces derniers temps. Un de plus... un de moins...


Pour la subtilité, il faudrait repasser. Mais une telle démonstration de menace suffirait, à la vue des réactions de ceux qui venaient d'écouter sa petite menace de caïd de bac à sable, à repérer quels seraient les éventuelles taupes de l'équipage, et d'aller à leur contact pour se voir intégrer.
Action audacieuse et risquée, mais un pirate qui ne prend pas de risques, on appelle ça un marine, et Joe ne mangeait pas de ce pain là.
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- Foutrement surprenant, en effet.

C'est en fronçant les sourcils, quelque peu intrigué, que Joe porta son regard dans la direction de celui qui venait de lui répondre avec un tel tact. Le cafard s'apprêtait à lui porter la réplique, tentant de se montrer cinglant, quand la plupart des clients de la taverne se levèrent dans un silence pesant, et quittèrent l'endroit sans même adresser un regard au trouble fête.
Ne restait alors dans la salle que Joe et quatre sinistres personnages, chacun à une table différente, les yeux pointés vers leur verre de liqueur. Intuitivement, et sans avoir à être hautement perspicace, Joe comprit qu'il était dans de sales draps, il ne connaissait pas encore la nature des ennuis qui allaient lui tomber sur le coin du museau. Tout ce qu'il savait, c'est que ça allait frapper vite et fort.

Celui qui avait eu l'audace de répondre à sa menace était installé à une table au centre de la pièce, assis de sorte à ce qu'il se trouva de dos au cafard, une position peu souhaitable. Sa nuque fraîchement rasée laissait deviner un pelage grisonnant à la racine de ses cheveux courts. De toute évidence, l'homme devait approcher de la cinquantaine. La largeur de ses épaules était celle d'un homme vigoureux, sans pour autant être celle d'un colosse ; et son cou large et musclé attirait le regard du fait de la veine gonflée qui semblait chercher à sortir de sa chair.

- Jolie casquette. Mais j'ai bien peur qu'elle appartienne à l'un de mes collègues.

Il s'en doutait, mais il n'avait pas osé l'envisager : c'était un marine qui s'était permit de lui répondre avec tant d'assurance. Les trois autres individus devaient être sous ses ordres, et le départ soudain des habitués de la taverne indiquait que toute l'île était probablement au courant de la présence de marines infiltrés. A trop vouloir se faire repérer par des pirates mêlés aux bûcherons, Joe avait oublié de réfléchir à l'éventuelle implication des marines, dont la présence allait de soi, compte tenu de l'importance des cargaisons de bois volés, bois nécessaire à la constructions de leurs vaisseaux.

- A...Allons... Si on peut plus plaisanter, y' a pas de balles dans ce pistolet enfin.

Le cafard rangea son arme prudemment. Elle était effectivement chargée et prête à l'emploi. Mais trois balles face à quatre hommes... Le calcul était vite fait, tirer, ç'aurait été signer son arrêt de mort.

- Et puis la casquette, je l'ai achetée à Logue Town, on vend de tout là bas, c'est juste histoire de frimer. Vous vous doutez bien qu'un cul rouge comme moi, ça s'approche pas de la piraterie, pas même de la mer. Pour tout vous dire je suis venu ici par....

Le marine tourna la tête légèrement vers la gauche, à présent, Joe pouvait apercevoir un oeil de son interlocuteur, ce qui l'interrompit net dans le récit de ses mensonges pitoyables. Il ne vit qu'un regard glacial qui ne calculait même pas la vermine que représentait Joe à ses yeux. Il faut dire que les explications de ce dernier étaient assez peu convainquantes ; mais qui pouvait se faire passer pour un innocent avec sa tête et son petit spectacle d'intimidation ?
Tournant à nouveau le dos au pirate, le mystérieux marine se contenta de claquer des doigts pour que ses trois compagnons se lèvent et aillent se saisir de Joe, qui ne résista qu'à peine en tentant de dégager ses bras. L'un d'eux le frappa à l'estomac, le mettant ainsi à genoux, halletant et charchant à  reprendre son souffle. Leur chef termina son verre cul sec, se leva et prit enfin la peine de se retourner entièrement.
La fatigue creusait son dur visage, comme l'érosion façonnait les roches les plus solides. Un air austère, des yeux cernés, et une mâchoire solide se présentèrent alors face au cafard qui peinait à lever la tête.

- Messieurs, il semblerait que nous tenons un des membres de ces forbans qui pillent sans cesse les convois d'Endaur. Moi qui les pensait rusés, je crois que je les ai surestimés. Interrogeons-le.

Ses acolytes répondirent sur un air laconique "Ay sergent" et installèrent brusquement Joe sur une des chaises vides qui se présentait à eux. Le malentendu était fortuit, pour ne pas dire dramatique, Joe allait maintenant devoir leur dire où se trouve l'équipage dont il est justement à la recherche et ne connaît la localisation.

- Chiasse...

Parvînt-il à pester dans un souffle court. Tel est prit qui croyait prendre.
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Depuis près d'une heure, les phallanges semblaient pleuvoir sur le visage de Joe. Assis les mains liées dans le dos par des chaînes, le pirate expérimentait les méthodes d'interrogatoire réservées en principe à l'élite des ordures. Un oeil gonflé, la lèvre coupée, et un nez ayant doublé de volume, voilà ce qui arrive quand les marines sont attaqués au porte-feuille. Les vols de cargaison de bois s'élevaient à prêt d'un demi milliard de berries ; que le bois soit livré ou non, les bûcherons devaient être indemnisés. Après tout, les marines étaient responsables de la sécurité sur les mers, c'était donc logiquement à eux de payer si ils devaient faillir à leur tâche.
Et pour avoir failli, ils l'avaient fait en beauté, à cinq reprises consécutives. Puisqu'il fallait un responsable, et que la marine était manifestement de trop mauvaise foi pour assumer ses erreurs, Joe allait déguster. Le bouc émissaire parfait, perfide, vicieux, cruel, avide de richesses, c'était un rôle sur mesure qui lui était attribué, seulement, il s'agissait d'une erreur de casting. D'ailleurs, lâche qu'il était, il aurait pu leur raconter la vérité, peut-être son châtiment eut-il été plus clément, mais il préférait aborder une autre stratégie.

Pour le moment, ils n'étaient que quatre à s'occuper de lui. La perspective de la fuite était toujours envisageable, il fallait savoir abattre ses cartes au bon moment. Car, si il envisageait la fuite, il désirait toujours trouver les pirates, et espérait que la recherche des marines l'aiderait dans sa quête. Le cafard est de ceux qui veulent le beurre, l'argent du beurre, le cul de la crémière, et le certificat de propriété de la crémerie. L'incarnation même de l'avidité.

Son stratégème était le suivant : ne pas répondre aux questions de l'interrogatoire et sembler résister. Ce faisant, il sous entendait qu'il savait quelque chose, ce qui lui permettait d'avoir un levier sur eux. La suite du plan consistait à se retrouver isolé seul ou avec un seul des marines. La suite, il l'improviserait en fonction des circonstances. A l'idée de se retrouver seul avec l'un d'eux, il sourit en coin.

- Mais c'est qu'il se marre l'imbécile heureux !

Un nouveau coup de poing vînt s'écraser sur la joue du cafard. Le sergent restait en retrait les bras croisés, se contentant de répéter inlassablement la même question "Où sont tes amis ?". A force de le cogner, les trois marines subalternes semblaient faiblir. C'est qu'à force de se prendre des coups tout au long de sa vie, Joe était parvenu à supporter un certain seuil de douleur. Seulement, les choses allaient se corser quand l'un de ses tortionnaires sortit une lame. A l'idée de subir des dégâts irréversibles, Joe estima avoir résisté suffisamment longtemps.

- Puisque vous m'avez l'air d'être des gens bien élevés, je... je vais vous le dire !

Scanda t-il nerveusement, le couteau à peine sorti.

- M'enfin... J'aurais tenu suffisament longtemps de toutes manières hin hin !

En faisant mine d'avoir joué la montre, il pouvait ainsi restreindre leurs marges de manoeuvre en les forçant à agir rapidement, moins il leur laissait de temps pour réfléchir, plus il serait aisé de les déstabiliser.

- Chaque jour je suis prévenu de l'emplacement par un membre différent de l'équipage qui fait le déplacement seul, en échange, je lui fais savoir si j'ai repéré un navire susceptible d'être abordé. Si je suis indisponible, ou.... en trop bonne compagnie comme maintenant.. Il n'y a pas d'échange d'informations, et je suis considéré comme mort.
Il doit rester au mieux une heure avant que le capitaine Diune ne lève l'ancre. Trop tard pour vous donc.


Donner un nom au capitaine semblait relever de la mythomanie la plus inutile, mais c'était en réalité un moyen de rendre l'histoire plus vraisemblable. C'est le petit détail inutile qui fait l'authenticité, c'est cette authenticité qui pourrait permettre à Joe d'imposer "sa" vérité, et de mener la danse.
A présent, il fallait attendre que les poissons mordent à l'hameçon, et ils mordirent... Avec vigueur.
Sa petite histoire était à peine terminée que le sergent se saisit de lui à la gorge. Un seul bras suffisait à suspendre le pirate en l'air, écrasant sa trachée d'une poigne de fer. Il ne fallu pas longtemps avant que le teint de Joe, bleuté par les coups, ne vire au violet. Le marine vindicatif mais toujours impassible lui ordonna toujours avec calme :

- Tu vas nous dire où ils se trouvaient la dernière fois que tu as été contacté.
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- On lève l'ancre !

Traîné sur une petite caravelle pouvant être manoeuvrée par quatre personnes seulement, Joe avait été jeté en fond de cale dans une geôle rudimentaire. Lorsque plus tôt, le sergent lui avait lâché la gorge pour le laisser s'expliquer, Joe s'était empressé de lui dire où se trouvait l'équipage : cap Nord – Nord – Est pendant trente minutes, en direction d'une baie désaffectée.
Là bas, il n'y aurait bien évidemment ni baie, ni équipage. Il ne restait qu'une demi heure pour que le captif des marines puisse trouver un échappatoire.
Eut-il proposé un délai supérieur à celui donné, que sans doute que ses ravisseurs auraient attendu des renforts avant de partir en vadrouille, mais, ayant bu les paroles de leur proie, ils estimaient qu'ils devaient agir dans l'urgence pour appréhender l'équipage avant qu'il ne décampe

On avait laissé les fers aux poignets du malheureux pirate, cela restreignant ses possibilités d'action. Mais son plan avait fonctionné. Dans la cale sombre du navire, le capitaine n'avait laissé qu'un homme pour le surveiller. Il fallait à présent sortir de derrière la cage de fer qui le retenait prisonnier. Pour cela, il ne pouvait compter que sur le garde pour lui ouvrir la porte. Sans doute fallait-il demander poliment.

- Une petite pisseuse....

La politesse et la bienséance ne faisaient pas vraiment parti du registre du cafard. Prononçant ces mots, il postillona un mélange de salive et de sang. L'interrogatoire n'avait laissé que de modestes séquelles, mais il ressentait toujours vivement la douleur.

- Ils ont laissé le plus faible pour me surveiller, c'est pas croyable... Ils auraient pu me donner la clé, ça serait revenu au même.


Le marine, qui ne le quittait pas des yeux se leva un instant de la caisse sur laquelle il était assis. La pénombre lui donnait un aspect terrifiant tant il était silencieux, à croire que c'était une caractéristique commune de ce groupe de marines infiltrés. Joe risquait gros, mais à moins de le provoquer, il ne voyait aucune autre circonstances amenant le garde à ouvrir la porte, si ce n'était pour le jeter à la mer.

- Dire qu'il aura fallu que tu t'en remettes au couteau pour espérer me faire mal. Ma pauvre chérie, je sais bien qu'il n'y a que des lopettes dans la marine, mais jamais j'aurais cru que c'était à ce point.

Le principal intéressé par ces propos s'avançait doucement vers la cage, se voulant oppressant, menaçant. Joe reculait d'ailleurs timidement au fur et à mesure que son geôlier s'avançait, néanmoins, il persévérait dans sa provocation. Si le poisson ne mordait pas à l'hameçon, Joe n'avait pas d'autre plan, si ce n'est le plan B, comme Balle dans la nuque en cas d'échec.

- Tu crois me faire peur, le seul qui soit craintif ici c'est toi ma mignonne, quand y' a pas tes copines pour te seconder dans la tâche, tu vaux que dalle, retourne donc t'asseoir, ça vaudra mieux.

Comme pour surprendre Joe, le marine déverrouilla la serrure d'un rapide coup de clé et fondit sur celui qui l'insultait depuis trop longtemps. Le tenant par le col d'une main, il s'apprêtait à lui soigner la mâchoire de l'autre, quand il fut soudainement paralysé un instant par une douleur innatendue. Lui qui s'attendait à ce que Joe recule la tête, il l'avait au contraire avancée pour le mordre à pleines dents à la gorge.
Tout ce que pouvait faire la victime était geindre dans un bruit de gargouilli infâme, s'étouffant à moitié dans son sang. La mâchoire de Joe, sinistre mais fonctionnelle, avait sectionné la gorge, à présent, il ne lui restait qu'à secouer la tête jusqu'à arracher totalement la trachée. Si le marine, en pleine panique frappait au visage l'abomination collée à son cou, cela fut en vain car il perdait très vite ses forces. Cette bataille burlesque et sanglante dura près de deux minutes, jusqu'à ce que la gorge fut grande ouverte, là seulement, le pirate lâcha sa victime qui s'effondra sur lui.

Le tout s'était fait sans aucun bruit, les cordes vocales très vites arrachées, ce n'était que des cris sourds et étranglés qu'avait tenté de pousser l'assaillant. Joe déposa délicatement son adversaire au sol, puis se tînt debout à le regarder agoniser quelques secondes, jusqu'au dernier souffle. Mâchouillant le bout de chair massif qu'il avait arraché, il se résigna enfin à le cracher.

- Avec des oignons, ça pourrait être passable.

Mais il n'avait pas le temps de cuisiner. S'évertuant à fouiller le garde, une fois la clé en mains, il se contorsionna pour se défaire de ses bracelets métalliques. Sur la caisse où se trouvait tantôt le marine, Joe s'empara du mousquet qui avait été laissé là.
Il n'y avait évidemment qu'une seule balle, et trois ravisseurs, dont un coriace.
Même si tout n'était pas joué, Joe était libre de ses mouvements, et plus haut, sur le pont, les marines ne se doutaient de rien.


Dernière édition par Joe Biutag le Lun 21 Déc 2015 - 21:29, édité 1 fois
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En embarquant, Joe avait repéré que son anorak, où se trouve l'intégralité de son armement avait été déposé dans une cabine située à la poupe de la caravelle. Une fois l'outillage adéquat en main, se débarrasser des gêneurs relevait de la plus simple formalité.
Mais l'accès à la cabine se faisait par le pont, là où se trouvaient trois marines armés et probablement peu disposés au dialogue face à un évadé.
Faire une diversion était la seule solution. L'idée de tirer un coup de feu était tentante, mais cela n'aurait fait que les attirer à lui avant qu'il n'ai eu le temps de remettre la main sur son arsenal. Fouillant davantage celui qui fut son repas un instant, Joe ne trouva qu'un paquet de cigarette et un briquet.

- C'était donc ça l'arrière goût fumé.. hinhin

Ricanant de ses âneries, il ne lui restait peut être moins de dix minutes avant que l'équipage ne se rende compte qu'il leur avait menti. Se mordant la lèvre inférieure pour réfléchir, il sursauta en se souvenant de la coupure qui s'y trouvait suite à l'interrogatoire. La chaleur de la cale était étouffante, il n'arrivait pas à penser calmement.
C'est en jouant nerveusement avec le briquet tandis qu'il tentait de penser à un plan que l'idée lui vînt tout naturellement.

- C'est risqué...

Dans la cale où il se trouvait, la sortie était accessible par une trappe au plafond, accessible par un escalier situé au beau milieu du décors. Soupirant, car ne voulant se résoudre à un plan aussi hasardeux, Joe dû se rendre à l'évidence, il n'avait pas d'autre choix.
Alors, il vida le mousquet de la poudre qu'y s'y trouvait, y ajoutant les quelques grammes du fond de ses poches. Façonnant un petit tas en forme de cône au sol d'une extrémité de la cale, il se rua dans la direction opposée, allumant une cigarette.

- Bordel, pourquoi y a t-il fallu qu'il y ait quatre marines dans cette foutue taverne ?! Ca pouvait pas être une journée tranquille non ?!

Le visage crispé, immaculé d'un sang qui n'était pas le sien, il s'accroupit et lança la cigarette en direction du petit tas de poudre, puis ferma les yeux en plaçant les bras devant sa tête pour se protéger. Mais rien. Mal visé tout simplement. Alors, le cafard dû s'y reprendre à quatre reprises tant il tremblait, avant d'effectuer le lancé gagnant.

POM !


Une explosion sec retentit. L'odeur de la poudre imprégnait toute la cale, et un feu s'était allumé autour d'un trou béant où commençait à s'engouffrer de l'eau. Quand Joe désire attirer l'attention, la subtilité lui fait défaut, mais l'effet escompté est garanti.
Les trois hommes d'équipage se ruèrent dans la cale, sans même jeter un oeil à la cage, de toute manière embrumée par une fumée noire, la priorité était pour eux d'éteindre le feu. Ce n'est qu'en profitant des hurlements des marines, et du crépitement du feu que Joe sortit de derrière les tonneaux où il s'était planqué pour s'enfuir en vitesse sur le pont. Les bruits de pas ne furent hélas pas couverts par la sonorité ambiante.

- Cette petite saloperie... Comment a t-il ?...

Le sergent pourtant inébranlable jusqu'alors perdait patience. L'explosion, puis la découverte du corps calciné d'un de ses hommes suffirent à le faire sortir de ses gonds. Sans même se soucier de la brèche ou de l'incendie naissant, il partit à la poursuite de sa proie.

- POUR TOI IL N'Y AURA PAS DE TRIBUNAL ORDURE!!!

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Tandis que les deux derniers hommes du capitaine tentaient d'éteindre le feu en fond de cale, Joe se pécipitait vers la cabine où se trouvaient ses armes. Sa sale bobine était déformée par les hurlements qu'il poussait, des larmes perlaient au coin de ses joues tandis qu'il courrait. De mémoire, le sergent de marine qui l'avait pris en chasse était un homme de poigne, littéralement d'ailleurs ; si il venait à lui mettre la main dessus : terminus.
Dans sa fuite en avant, une pensée peu réjouissante lui traversa l'esprit, "Et si la porte de la cabine était fermée à clé ?". Ni une ni deux, il décida de l'enfoncer d'un grand coup d'épaule pour ne pas être pris au dépourvu.

- Yaaaaaaaaaaaaaaaaaa !

Un craquement puissant se fit entendre. Joe venait de se déboîter l'épaule en surestimant sa force. Dans un effort du désespoir, il tenta de tourner la poignée de la porte. Elle s'ouvrit.

- Chiure de porte de merde ! J't'oublierai pas toi tu vas voir !

Toutes ses intuitions n'étaient pas forcément salvatrices, celle-ci n'avait pas manqué de le faire passer pour le dernier des abrutis.
Derrière lui, le sergent n'était plus qu'à quelques mètres, il venait d'arriver sur le pont, et son regard annonçait la mort certaine de tous ceux qui auraient le malheur de le croiser. Tout en jurant à une vitesse hallucinante tant la nervosité était à son paroxysme, Joe fouilla péniblement son anorak qui avait été, fort heureusement, déposé en évidence sur le bureau. Tout en continuant à trembler, il se saisit de son mousquet à triple canon, ses mains moites manquèrent de le faire lâcher son arme, mais il s'y aggripait trop fermement sachant qu'il n'avait pas le droit à l'erreur.
Alors enfin, il pointa l'arme vers son poursuivant. Le cafard qui était pourtant en train de geindre et pleurnicher comme le dernier des couards quelques secondes auparavant, afficha un visage plein d'assurance, suintant même l'arrogance et le mépris. Affichant un sourire rouge, teinté du sang de celui qu'il avait mordu à mort,  le forban ricana de manière sinistre, il jubilait à l'idée d'avoir enfin le dessus. Un coup de feu se fit retentir.

Le sergent s'écroula lamentablement, surpris par un tel retournement de situation, il n'avait pas évité la balle car fonçant tête baissée. C'était aussi ça l'effet Joe Biutag, être si énervé par la perfidie du personnage qu'on ne voit pas venir ses mauvais coups.

- Plus que deux héhé.

Se relevant péniblement à la force de ses bras, le capitaine du navire se mit rapidement debout prêt à reprendre du service, en dépit de la balle située dans sa poitrine. Les pupilles de ses yeux étaient à peine perceptibles, c'était un prédateur en chasse, et rien ne pouvait l'arrêter.
Rien, excepté une deuxième balle qui le fit à nouveau chuter.
Mais il lui en fallait plus pour l'arrêter, d'un bras, il réussi à se redresser, le temps de se prendre une troisième balle au niveau du foie.

- Rien à dire, tu seras mort en hér....

Joe s'interrompit dans sa tirade. Ses yeux exorbités, sa mâchoire dégoulinante de sang grande ouverte, il vit alors le sergent réussir à se lever à nouveau. L'assurance du pirate avait laissé place à une moue agacée et colérique.

- Mais... Mais... Pourquoi que tu crèves pas charogne ?!

N'ayant pas la présence d'esprit de recharger son arme face à un adversaire diminué, le cafard se saisit d'un tabouret de la cabine où il se trouvait. Rapidement il assena un coup aux genoux de son adversaire pour le faire tomber face contre terre, et, de rage, martela son crâne à plus d'une vingtaine de reprises.
Haletant, complètement épuisé par cette pitoyable démonstration de force, Joe lança le tabouret au loin. Enfin il avait eu raison de son ravisseur.

Plus détendu, il enfila son anorak, rechargea son mousquet, puis, délicatement, déposa sa casquette modifiée qui trônait fièrement sur sa tête.

- Capitaine, est-ce que ça va ?

Paniqué et surpris, il en avait oublié jusqu'à la présence des deux subalternes restant. Vite, il se saisit du bureau et le traîna péniblement le long du pont pour le déposer sur la trappe qui le séparait de la cale. En dessous, les deux hommes tambourrinaient pour tenter de sortir, en vain ; Joe y avait rajouté d'autres mobiliers, ils étaient à présent piégés.

- J'ai été sympa les filles, je vous ai laissé le choix entre la suffocation par la fumée ou la noyade, ne me remerciez pas, c'était de bon coeur.

En effet, les deux matelots n'avaient pas réussi à éteindre l'incendie qui avait prit trop d'ampleur, et le raffiot prenait l'eau, la poupe étant déjà profondèment enfoncée dans la mer.

- Bien sûr, pas de barque de sauvetage....

Cette fois, il ne pouvait pas accuser les autres d'avoir creusé sa propre tombe. Mais il n'était pas désespéré ou même inquiet. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait dans cette situation, loin de là. Soupirant, à peine dépité, il arracha la porte qui l'avait tant fait souffert en défonçant les gonds à l'aide du sabre volé au sergent, et jeta son "radeau" à la flotte. Tandis qu'il s'était adonné à ce petit bricolage, les hurlements et toussotements des marins en cale avaient cessé. Tout l'équipage y était passé.
Joe se jeta à l'eau, puis, s'accrochant à la porte qui flottait, se propulsa en battant des jambes. Au loin on pouvait encore apercevoir le littoral d'Endaur, il lui faudrait peut être une heure pour y parvenir.


Dernière édition par Joe Biutag le Mar 5 Jan 2016 - 10:04, édité 1 fois
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[ Epilogue ]





Ce matin, il faisait doux. Un léger vent frais, parfait pour se réveiller sans trop d'amertume. A quai, un personnage louche, vêtu d'une parka, avec sur sa tête une casquette "marine" par dessus laquelle était écrit "pirate", était assis sur un tonneau de gnole. Joe était arrivé à bon port la veille. Le temps de faire sécher sa poudre, et de se remettre l'épauple en place, après une nuit de sommeil pour une fois mérité, il s'apprêtait à quitter Endaur.

En mains, il tenait un exemplaire du journal quotidien. Dix berries, une arnaque, mais il fallait rester informé quand on menait une vie douteuse sur les mers.


Une opération de marine tenue en échec. Trois morts.

- Comment ça trois ?!

Le palpitant de Joe s'accéléra, c'est avec anxiété et empressement qu'il lu la suite de l'article.

Le sergent Bill O, promu lieutenant a été retrouve dans une situation critique. L'expédition qu'il menait avait pour vocation d'appréhender les dangereux boucaniers qui avaient sévi dans les environs d'Endaur. S'étant emparé de l'un d'eux, ce dernier est parvenu à s'enfuir après avoir massacré les trois membres d'équipage qui accompagnaient le lieutenant, et aurait coulé le navire. Le suspect ayant au préalable été appréhendé pour un interrogatoire, il répond au nom de Joe Biutag, pirate de faible notoriété ayant appartenu à au moins deux équipages au cours des 5 dernières années.

Plus tard dans la soirée, une autre section de marine est parvenue à mettre la main sur un des contrebandiers qui avait acheté le bois d'Endaur aux forbans. Ces derniers furent rapidement rattrapés, appréhendés, et neutralisés.
Le colonel Hyugen Komamuri du QG de South Blue a déclaré "Les vermines n'échappent pas aux filets de la marine".

- Les filets je sais pas, les cages en fond de cale par contre... hin hin.

En dépit de ce ricanement, Joe était amer. Tout ce qu'il avait entreprit pour rejoindre les pirates n'avait servi à rien. Il n'en avait retiré que des blessures douloureuses et un début de rhume. Le cafard jeta son journal et prit la direction d'un navire de transport. Pour rien au monde il ne serait resté un instant de plus ici. Tout en accédant au bâtiment qui allait l'emmener au loin, voûté, les mains dans les poches de son anorak, il murmura laconique :


- La vie est une tartine de merde...

Et il s'apprêtait à en manger une toute nouvelle tranche.
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