Troisième jour de tentatives de domptage et toujours la même rengaine avec l’animal ; mis à part que celui-ci se faisait de plus en plus désirer, en disparaissant à l’horizon pour un long moment. À chaque présence de Yamiko, le rapace était relâché mais il s’amusait à disparaitre dès lors que sa case était ouverte avant de réapparaitre pour venir charger la chasseuse de primes aux cheveux blancs. Le jeu se répétait plusieurs fois dans la journée. La jeune borgne devait alors sans cesse être sur ses gardes. Maintes fois, Terry avait manqué de l’avoir par surprise.
Pendant que Terry jouait à l’absent, Yamiko en profitait pour passer des bons moments en compagnie de Shara et ses autres animaux de compagnie. Il n’était pas simple de faire sortir la jeune Al-Jawhara alors ils passaient leur temps à s’occuper à droite et à gauche au sein du palais ou à se détendre dans un coin de l’immense cour impériale. La jeune borgne était une hyperactive qui n’aimait guère rester longuement sans rien faire mais, étrangement, elle appréciait ces moments de fainéantise en compagnie de la jeune princesse.
Pendant que la princesse et la chasseuse de primes discutaient de la pluie de du beau temps, Satin le lion se tenait à leurs côtés, lâchant des bâillements de temps en temps, alors que Kaola le singe s’amusait avec Choupi l’homme-poisson. Au fur des jours, ce dernier s’était montré de plus en plus réactif face aux taquineries de Kaola pour finir par devenir le compagnon de jeu du singe qui oubliait alors jusqu’à sa maîtresse, dès lors que l’homme-poisson était présent. Chose qui partageait les sentiments de la jeune borgne. La jeune femme était contente de voir son protégé s’amuser pour une fois mais elle appréhendait la séparation de ces deux êtres qui étaient devenus si proches l’un de l’autre. Ce sera certainement une première séparation douloureuse pour Choupi qui, jusque-là, ne s’était jamais réellement attaché à un être, en dehors des membres de l’Eagle Claws.
« Je me demande s’ils arrivent à se comprendre ces deux-là ! Finit par lâcher Yamiko qui regardait Choupi et Kaola qui s’amusaient un peu plus loin. - Si par se comprendre, tu veux parler niveau langage alors je dirais que non. Les hommes poissons ne sont capables de communiquer qu’avec des créatures marines en dehors des humains. Ils ne peuvent communiquer avec les animaux terrestres d’après mon précepteur. - Tu apprends aussi des choses sur les hommes-poissons Princesse ? - Non pas vraiment. Mon précepteur les a juste évoqués durant mes cours d’histoire alors j’en ai profité pour lui demander s'ils étaient capables de communiquer avec les animaux … J’aimerais tellement pouvoir parler avec les animaux, » rêvassa la jeune princesse.
Au son du mot « histoire », le terme « esclavage » vint à l’esprit la jeune borgne. Caprice immoral du genre humain dont était victime Choupi il y a encore quelque mois. Vu le comportement de l’homme-poisson, elle était certainement qu’il avait été fait esclave depuis bien longtemps ; surement dès sa naissance. Durant leur vagabondage à travers les Blues, Yamiko avait tenté de retrouver les origines de la créature qu’elle avait libérée de ses entraves, celle-ci étant incapable de l’éclairer là-dessus, mais en vain. Elle n’avait aucune donnée sur son protégé dont elle était même pas capable de déterminer l’âge. Malgré sa taille imposante, elle le soupçonnait juste n’être qu’un enfant ou, tout au plus, un adolescent pour sa race. Peut-être qu’elle aura plus de chances de trouver quelques choses sur Grand Line. Il n’était pas dans ses projets de mettre les pieds sur l’Île des hommes-poissons mais si Choupi sentait l’envie d’y aller, alors elle l’y mènera.
*** Quatre jours s’étaient écoulés depuis le début de dressage de Terry mais l’animal n’avait toujours pas obtempéré. Il continuait de se jouer de Yamiko qui commençait sérieusement à s’en lasser alors que Shara désespérait. Quand il n’était pas en train de jouer à l’absent, en disparaissant pour un temps qui s’allongeait chaque jour, le rapace s’adonnait à ses mauvaises habitudes de chasser les paons de la cour, dès lors qu’il en avait fini avec Yamiko. Il se faisait alors rapidement enfermé dans sa case par la jeune princesse. Au vu du comportement de l’animal, la jeune borgne était étonnée de voir que le rapace n’avait pas encore commis d’impair en dehors du palais durant ses escapades. Shara lui expliqua alors qu’il se méfiait de rassemblement humain. Les rues de la capitale étant rarement vides, l’oiseau devait alors se contenter de survoler la ville et n’attaquait surement que des animaux isolés ou bien dans le désert même.
Fozia et Sunny étaient revenus juste une fois pour regarder l’évolution des choses, ou plutôt la stagnation des choses, avant de disparaître rapidement pour ne plus revenir. Il faut dire qu’à Anataka - comme dans la plupart des grandes villes - entre les pirates et les révolutionnaires primés qui se terraient dans le coin il y avait de quoi occuper des chasseurs de primes.
***
Le cinquième jour, Terry s’absenta presque tout l’après-midi. Ce qui finit par inquiéter Shara qui usa alors du sifflet pour interpeler le rapace mais celui-ci ne se manifesta pas malgré l’obstination de la jeune Al-Jahara à siffler. Sans doute que l’oiseau était parti bien trop loin pour se retrouver à la portée de l’ultra-son émis par sifflet.
« Il faut aller le chercher ! Finit par lâcher Shara avec inquiétude. - Je voudrais bien mais où, Princesse ? Il doit être parti bien loin pour ne plus entendre le sifflet. - Il lui est peut-être arrivé quelque chose ! - Je pense qu’il est juste occupé à s’amuser quelque part dans le désert. La jeune borgne tentait de rassurer la jeune princesse malgré la sombre pensée qui lui effleurait l’esprit : Terry était peut-être devenu la pâture d'un prédateur au-dessus de lui dans la chaine alimentaire ou bien la victime d'un humain tout simplement. Patientons jusqu’à ce soir et s’il ne revient toujours pas alors je partirai à sa recherche demain, dès l’aube. »
Shara ne dit mot mais son expression révélait qu’elle n’était point rassurée. Levant le regard au ciel, Yamiko espéra que le rapace reviendra avant la tombée de la nuit car, malgré ses dires, elle ne pensait pas être capable de retrouver un oiseau perdu dans une ville au milieu d'un désert.
Alors que le soleil commençait à se coucher, une ombre familière se profila à l’horizon.
« Le voilà ! » S’écria Shara qui n’avait pas cessé de guetter le ciel.
Rapidement, Yamiko revêtit sa main droite du gant de protection qui, à présent, faisait presque partie d’elle, avant de mettre en évidence son bras pour inviter Terry à s’y poser. Alors qu’elle s’attendait à ce que le rapace l’attaque, comme il était de coutume, celui-ci n’adopta pas sa position de charge habituelle mais ralentit sa course pour finir par se poser tranquillement sur l'avant-bras de la borgne. Face à l'inattendu, Yamiko et Shara se regardèrent avant de reporter leur attention sur l'animal qui se nettoyait à présent une aile.
« Tient ! On dirait qu'il y a du sang sur ses serres ! »
Shara se rapprocha alors que Yamiko examina plus attentivement les pattes de l'animal.
« Effectivement … Ça doit être ça qui l'avait retenu si longuement. Il était en train de faire mumuse avec une proie alors qu'on mourrait d'inquiétude … Tu n'as pas un peu fini de nous inquiéter entêté de rapace ? » Lâcha la chasseuse de primes sans hausser la voix pour ne pas effrayer le vilain animal.
Avec précaution, la jeune borgne approcha sa main libre par-dessus la tête de l'animal. Les poings fermés, Shara suivait la scène avec inquiétude, craignant une attaque de la part de Terry. La main de la jeune femme finit par se poser sur la tête de l'obstiné puis, tout doucement, elle se mit à le caresser. La princesse afficha un grand sourire ébahi face au spectacle auquel elle ne croyait plus pouvoir admirer un jour. Terry ne se laissa toucher que quelques secondes avant de prendre son envol pour aller dans sa case.
« Il doit être épuisé. Je me demande bien quel genre d'animal il a chassé. »
Espérons qu'il n'a pas attaqué un humain, pensa la jeune borgne alors que la jeune Al-Jawhara fermait l'enclos du rapace.
« Reposes-toi bien mon grand ! - Bonne nuit l'entêté ! … Bon, je vais y aller avant que la nuit ne tombe complètement, fit la jeune borgne tout en guettant le ciel qui s'était bien assombri. - Tu ne voudrais pas dormir ici ce soir Yamiko-san ? Demanda timidement la jeune Al-Jawhara. - C'est que … - S'il te plaît ! Je veux … je voudrais dormir avec toi ! Fit Shara à voix basse comme si elle avait honte de sa réclamation. - Tu as passé l'âge de dormir accompagnée Princesse ! - S'il te plaît Yamiko-san ! Juste pour ce soir, supplia presque la princesse que la chasseuse de primes avait presque oublié qu'elle n'était qu'une enfant, tant elle s'était montrée si sérieuse dernièrement. - Bon d'accord, » finit par céder, non sans plaisir, Yamiko.
Alors que Choupi partagea une chambre avec Kaola, qui semblait ne plus vouloir le quitter, la chasseuse de primes se retrouva à dormir dans le même le lit que la jeune princesse comme il y avait quatre ans. Instant qu'elle délecta pleinement bien qu'elle ne désirait pas voir la jeune Al-Jawhara s'attacher à elle plus qu'elle ne l'était déjà afin de lui épargner une séparation qui risquait d'être encore plus douloureuse que l'autre fois.
Après une longue discussion et bataille de coussins avec elle, Shara finit par tomber entre les bras de Morphée. La jeune borgne en profita pour admirer la jeune princesse dans son sommeil comme elle le faisait souvent autrefois. Avec douceur, elle caressa ensuite la tête brune de l'endormie alors que la tristesse voila peu à peu son faciès à l'idée de leur séparation à venir. Et si c'était elle qui allait plutôt la plus souffrir dans cette histoire ?
*** Le lendemain, après un petit déjeuner royal, la chasseuse de primes se rendit à l'enclos de Terry, talonné par Choupi qui avait de nouveau Kaola perché sur lui, alors que Shara était isolée dans une pièce avec son instructeur pour les leçons du jour. Satin était enfermé avec eux.
« Alors tu ne t’es pas encore remis de ton escapade d’hier ou bien tu as juste décidé de renoncer mon petit Terry ? » Fit la jeune femme tout en fixant le rapace qui se tenait inhabituellement tranquille.
La jeune femme décida d'ouvrir la case mais, étrangement, au lieu de se jeter sur elle comme il était de coutume, l’oiseau se contenta de la fixer de ce regard hautain. Attitude que la jeune borgne appréciait chez l'animal alors qu’elle n'aimait guère ce genre de comportement venant d'un être humain ; tant que cela lui donnait envie de crever les yeux de celui qui osait la fixer de la sorte.
« Dis-donc, t’es étrangement calme ! Serais-tu malade ? »
Avec précaution, la jeune borgne tendit son bras droit pour tenter de toucher le rapace mais celui-ci lui becqueta la main qui, heureusement, était protégée avant de filer en dehors de la case ; rasant l'importune qui avait dû esquiver pour éviter les serres acérées la bête révoltée.
Je crois que j’ai parlé un peu trop vite !
Pourtant, il y avait effectivement du changement du côté de Terry. En effet, le rapace n’était pas parti en vadrouille comme d’habitude mais s’était contenté de survoler au-dessus du palais et son immense cour avant de revenir se poser tranquillement sur l’épaule droite de la chasseuse de primes, bien qu’elle avait mis en évidence son bras équipé. La jeune femme était restée sur le qui-vive, voyant le rapace volé vers elle mais, ayant appris à distinguer une charge et envol d’atterrissage de l’animal, elle n’avait pas essayé d’esquiver.
Malgré l’envie de le caresser qui l’étreignait, la jeune femme ne tenta pas de toucher Terry, ne désirant pas le voir s’envoler. Même lorsque la bête entêtée s’était mis à lui becqueter, comme coutumier, les cheveux, elle ne fit rien. Le rapace était venu à elle sans qu’elle eût usé du fameux sifflet pour l’interpeler alors elle ne tenait pas à gâcher ce moment inespéré. Et puis, l’oiseau ne cherchait pas vraiment à lui faire du mal. La chasseuse de primes espérait juste que le rapace cesserait de lui-même, rapidement, sa mauvaise manière qui parfois martyrisait son cuir chevelu, lorsqu’une de ses mèches se faisait trop tirée.
Le moment de complicité nouvelle perdura au-delà du temps espéré par Yamiko. Terry ne semblait plus vouloir quitter son épaule alors qu’elle avait entrepris de se balader à travers la cour impériale, dont elle connaissait à présent par cœur chaque recoin. Choupi qui, quant à lui, servait toujours de perchoir à Kaola, l’accompagnait. Le rapace ne bougea même pas pour attaquer, comme à ses habitudes, les paons qui se promenaient dans les jardins où, les oiseaux au sublime plumage, servaient d’ornement, tels les plantes et les fleurs qui égayaient le lieu.
Pensant avoir réussi enfin à conquérir l'animal, Yamiko entreprit alors de le caresser mais à peine sa main était à la portée de Terry que celui-ci l’attaqua de son bec. La surprise plus que la douleur arracha un « aïe » à la jeune borgne alors que le rapace s’échappa de son épaule. La bête avait réussi à écorcher sa main qui à présent saignait abandonnement. À la vue du sang, Choupi se précipita vers elle avec inquiétude comme s'il pouvait faire quelque chose.
« Ya-chin ? - Ne t’inquiète pas, c’est juste une égratignure de rien du tout. Attends-moi ici. Je reviens dans quelques minutes. »
Tout en appuyant sur la blessure afin de tenter d’arrêter le saignement, telle une voleuse, la jeune femme s’en alla la nettoyer discrètement afin de n’alarmer personne. Une fois bien propre, elle constata que la déchirure était peu profonde. Terry n’y était pas allé sérieusement mais il avait cependant réussi à lui arracher un bout de chair. Préférant ne pas attirer l’attention, Yamiko ne chercha pas à panser sa plaie, bien qu’elle savait où se trouvaient les matériels de premiers secours du palais.
*** La matinée s'achevait et Terry ne revenait pas. Yamiko décida alors d'aller en ville pour aller se restaurer en compagnie de Choupi. Par précaution, elle préféra ne pas amener Kaola.
Lorsqu'ils revinrent au palais, après le déjeuner, Terry vint accueillir la jeune borgne en se posant une fois de plus sur son épaule.
« Tu ne sais vraiment pas ce que tu veux toi ! » Fit la chasseuse de primes, évitant de hausser la voix pour ne pas effrayer l'animal.
En guise de réponse, le rapace se mit, pour la énième fois, à lui becter les cheveux mais cette fois-ci il y avait quelque chose de différent : il y allait plus docilement.
« Tu as réussi Yamiko-san ! » Lança Shara qui se précipitait vers eux.
La jeune princesse avait guetté leur arrivée.
« Je dirais plutôt qu'on est sur la bonne voie … J'espère qu'il va bientôt cesser de me tirer les cheveux car à force, je vais finir chauve. »
Comme s'il l'avait compris, Terry abandonna l'épaule de Yamiko pour cibler un paon qui détala sans attendre à sa vue. Les pauvres bêtes semblaient être sur leurs gardes dès lors que le prédateur était dans le parage.
« Je crois que le plus gros problème n'est pas résolu ! - En effet ! » Fit la jeune Al-Jawhara d'une voix démoralisée … |