Les nuages s’étaient abattus pour rester sur Skypiéa, quelques jours après l’arrivée de Quadrant, Céline et Amaury. Cependant, après les festivités de la naissance et l’implication de Rafaelo dans son nouveau rôle de père, il avait été rapidement question de reprendre la lutte. Caleb et Esther avaient déjà bien changé, en peu de temps. Ils avaient les yeux gris, tous les deux, et se ressemblaient presque en tous points. Une réminiscence du pouvoir du révolutionnaire, peut-être. Quoi qu’il en fût, l’assassin avait récupéré une tenue de son ordre, suite au retour de sa bien-aimée. Celle-ci gardait encore la couche, pour cause de la difficulté de son accouchement et du trajet jusqu’à Skypiéa, mais cela n’empêchait pas Rafaelo de s’esquiver, laissant les bambins aux mains de Mangrove. Il supervisait les travaux du cimetière d’épaves, préparant son prochain retour vers Alabasta. Ils avaient contacté la révolution en guise de support, avec un objectif bien précis : la récupération de l’épave de l’Enterprise. Mais avant tout cela, il avait fallu faire de nombreux efforts pour faire de Skypiéa, et de Maselfush Island, un endroit où il faisait bon vivre.
Gageant que la cachette du ponéglyphe ferait un abri suffisant, et Mangrove faisant une grand-mère admirable, Céline s’était installée avec elle. Là demeurait à présent le cœur des communications de l’île. De nombreuses fois, Rafaelo et la jeune maman avaient discuté de l’avenir de l’Umbra, avec le consort des autres membres. À peine quelques semaines s’étaient passés depuis la naissance des jumeaux. Semaines consacrées à préparer le retour de Rafaelo au sein de la révolution, en toute discrétion. Il était convenu que sa nouvelle vision de l’avenir ne pouvait être possible qu’en ayant fait preuve de sa bonne volonté avant. Sans compter qu’il ne pouvait rester en ces terres sans mettre l’île en danger. Encore une fois, la Cause leur coûtait beaucoup. Ce fut pourquoi il décida d’aller consolider les bases révolutionnaires sur Alabasta, territoire officiellement neutre. Récupérer l’Enterprise en ferait une mission annexe, qu’ils accompliraient sur la route. Récupérant les matériaux et profitant du savoir-faire révolutionnaire en termes de discrétion et d’acheminement. Comment mieux prouver sa bonne volonté qu’en fournissant matériel technologiquement avancé et en s’assurant qu’il soit employé à bon escient ?
Se souleva alors un autre problème. Comment descendre la mer blanche ? Pariant tout d’abord sur ses talents, l’assassin essaya plusieurs fois de franchir les brumes avec ses pouvoirs mais les vents étaient trop puissants. Il en vint alors à la conclusion qu’il ne pourrait qu’emprunter la voie maritime, et il aurait, pour cela, besoin du consort des sélénites. C’était une condition sine qua non à la récupération de l’Enterprise, mais ces derniers étaient trop instables. Puis, après discussions avec Shaïness, ils avaient conclu qu’il était temps de leur donner un aperçu et une chance au sein de la révolution, la vraie. Ainsi, ce fut une équipe dirigée par Amaspa, la sélénite, et quelque peu Sanji, l’ange, que Rafaelo ratissa le cimetière d’épaves de façon à construire un navire adapté au retour sur les océans d’en-bas. Or, bloqué sur cette île céleste, il n’était pas question de perdre inutilement son temps. Il y avait toujours un point que l’assassin n’avait pu percer à jour. Il avait, certes, réussi à invoquer le pouvoir qu’était le fluide combatif lorsqu’il avait fait face à Kulkutanne, le serpent ailé géant, mais c’était tout. Seul Solomon, l’être amnésique qu’il était autrefois, avait su l’invoquer à sa guise. Transformant l’assassin en véritable guerrier. La fusion des deux essences lors de son voyage initiatique n’avait servi qu’à lui faire se poser plus de questions. Il n’y avait, sur Skypiéa, que deux êtres capables de manier ce pouvoir. L’un était mort, l’autre était … en froid avec l’assassin. Ne restait donc qu’une seule solution …
« C’est bizarre quand même, qu’est-ce qu’il fout sous une cascade ? »
« Je sais pas, s’il pouvait nous aider, ça serait sympa … »
Une véritable vision des temps anciens. Les îles célestes étaient bercées d’un magnétisme particulier qui faisait naître des courants d’une manière toujours inexpliquée. Comprendre comment une telle chose était possible était l’apanage des scientifiques, et il semblait que les sélénites avaient une marge d’avance là-dessus. Le révolutionnaire n’était pas de ceux-là, et il ne nourrissait qu’une idée : celle de devenir encore meilleur. Si un nouveau pouvoir avait jailli en lui, il devrait aller chercher au plus profond de lui-même la capacité de l’appréhender. De le cerner, de le nourrir. Or, il y avait une chose dont il ne pouvait plus se départir depuis qu’il avait refait surface. Les pouvoirs de son fruit du démon. Il avait cessé d’être humain longtemps auparavant, et était aujourd’hui arrivé à un degré de fusion avec la fumée tel qu’il ne l’avait jamais espéré. D’une pensée, la fumée obéissait. D’une pensée, il pouvait voler ou tordre les nuages. À quoi bon tant de puissance, s’il ne pouvait pas changer les choses ? Sur Skypeia, il n’avait été que violence et destruction. Il n’avait rien fait que suivre sa rage et sa passion. Et le fluide du combattant n’était apparu qu’aux instants où il avait pu apaiser cette folie destructrice qui lui collait à la peau depuis Goa. Ainsi, il ne lui restait qu’une chose à faire. Anéantir les pouvoirs du fruit fumigène.
Si les skypiéens ne s’en rendaient pas compte, il sentait l’effet retors de l’eau qui lui coulait sur le dos. Le poids accablant qui voulait le faire plier. Des entraînements similaires à ce qu’il avait enduré dans sa jeunesse. Isoler chacune des gouttes, isoler chacun des sons pour en extraire une mélodie. Estimer chaque trajet, voir que la flèche du temps s’en allait inexorablement vers le bas. Les hommes se heurtaient, se fondaient ou s’écartaient du flot pour ne jamais y revenir. Une métaphore parfois adaptée à ce que pouvait être le monde. Nécessaire pour comprendre qu’il n’était rien de plus qu’une goutte parmi les autres, pas plus importante. Une leçon d’humilité qui le ramenait à ses heures avec son vieux maître, mort depuis près d’une dizaine d’année à présent. Le vieux renard, qui s’était alors gardé de lui révéler qu’il n’était qu’un des derniers représentants de la Lame : ancienne organisation à laquelle était mêlée le paternel de Rafaelo. La révolution, chez les Auditore, c’était une histoire de famille. Ainsi que la marine. Mais il ne restait plus que des cendres de ce passé, à présent. Il avait longtemps marché sur la voie dressée par ses aïeux, et par son arrogance avait failli à voir sa propre route. Qui se dressait en bas, sous la cascade.
Les sélénites s’affairaient à extraire ce qu’il leur semblait capable de supporter une descente, mais ayant de gros doute sur la possibilité d’une telle chose. Leurs conjectures statuaient qu’il leur faudrait rapidement du soutien une fois en bas, ce qui avait été bien entendu accordé par la révolution. Ainsi qu’un soutien logistique d’ampleur : on parlait de s’approprier une merveille technologique après tout. Les négociations avaient été ardues, mais il avait été décidé que seule la propulsion serait cédée à la révolution, ce en quoi l’assassin était d’accord. Assez d’armes de destruction massive. De plus, l’armement sélénite ne serait pas si intéressant que ça pour la révolution, ayant déjà acquis des prototypes pacifistas par le passé. Il se garda bien de le dire, ne jugeant pas que cela soit opportun. Il approchait un renouveau de sa quête, percevant à grand peine son désir de penser à l’après. La naissance de ses enfants avait été une révélation, un pont entre ce qu’il avait été et ce qu’il sera. Un homme dont on pourra être fier, un homme qui serait synonyme d’espoir pour une cause entière. Mais il demeurait un assassin, un meurtrier. Un lourd fardeau qu’il ne pouvait ignorer. Il avait changé, de là à penser que c’était en bien ou en mal …
« Je croyais que l’eau avait le pouvoir d’annuler les fruits du démon … »
« Non, pas du tout. C’est le fait de s’immerger dedans ! Si tu es entièrement immergé, tu perds toute ta force, si tu es à la moitié … seulement la moitié. Tu confonds avec le graphite taquin, qui est une des faiblesses très connues des fruits du démon ! »
« Aaaah, et le graphite taquin, c’est ce qu’on trouve dans le fond de l’océan d’en bas ? »
« Tout à faire, chère tête ailée. »
« Mais alors, pourquoi il fait ça ? »
« Je sais pas, il est peut-être masochiste. »
« Ou alors fumette veut devenir plus fort. »
Un ombre venait de jeter son dévolu sur l’espace déjeuner des deux sélénites qui pointaient du doigt le refuge du révolutionnaire. Massive, une voix d’outre-tombe. Une tignasse blonde comme les blés. Des yeux de glace. Et deux petites ailes qui jouaient dans le vent. Andy.
« Dites, les rigolos, où est la vieille peau ? J’ai un paquet de la part de Tenna. Et envoyez des cailloux sur fumette, dites-lui que je veux le voir. »
Et ce qui fut dit fut fait.
Dernière édition par Rafaelo le Lun 21 Déc 2015 - 18:17, édité 1 fois