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Guerre civile, mode d'emploi

Cette fois, il avait bien failli ne pas arriver à destination. Après un malencontreux détour, la frégate sur laquelle Joe avait embarqué avait enfin retrouvé son cap d'origine. Faisant une escale sur une île où Joe enterra une partie de son butin encombrant, le vaisseau reprit la route vers sa destination initiale. En échappant aux rois des mers, peut-être Joe n'avait-il fait que sauter de Charybde en Scylla. Car si le voyage fut houleux, le lieu de débarquement était tout aussi prometteur dans son genre.
Le cafard n'avait pas choisi sa destination au hasard. Après avoir coulé un navire de marine et brisé le safran d'un galion, échappant ainsi deux fois en quelques jours à la congrégation de la mouette, sans compagnons pour le soutenir, Joe ressentait un besoin pressant de mettre quelques distances entre lui et les autorités.
Mais comment échapper au bras armé du gouvernement mondial ?

Chaque partie du globe avait sur son territoire au moins un lieu emblématique auquel l'imaginaire collectif pouvait se référer. En parlant d'East Blue, on avait immédiatement en tête le Baratie, ou le village de Fushia, lieu de pèlerinage inévitable de tout pirate aspirant à la conquête du One Piece. South Blue n'avait pas de restaurant des mers, elle n'avait qu'une île sinistre, l'anti-chambre de l'enfer, une place de villégiature pour tous les indésirables des environs. Pas un QG de marine à l'horizon, juste des forbans de toutes engeances, des cadavres semés par dizaines chaque jour sans que personne ne batte un cil.


L'île de Rokade.





Sur place, Joe pourrait faire parler la poudre à la moindre contrariété, sans jamais à s'inquiéter de se retrouver derrière les barreaux. Car ici, on ne finissait jamais entre quatre murs, mais on terminait souvent entre quatre planches. Jusqu'à maintenant, le forban avait cherché à éviter cette zone de non droit maudite par les braves gens. Non pas qu'il craignait ce qu'il trouverai là bas, mais l'idée de liberté totale pouvait le mener à perdre la raison, et Dieu sait qu'il valait mieux rester un minimum raisonnable quand on se ballade avec un lance-grenade.
Mais les circonstances faisaient qu'il était à présent affublé d'une petite réputation de casseur de marines, et que seul contre tous, il faisait mieux de retourner dans son élément pour ne pas se faire dévorer par les mouettes.

Remerciant le capitaine pour la gnôle qu'ils avaient sifflé durant la traversée, Joe posa la pied à terre.
Un coup de feu se fît immédiatement retentir au loin.

- Cet endroit me plaît déjà héhé.

Le capitaine l'interpela, le faisant se retourner en direction de l'embarcadère. Tout ivrogne qu'il était, le vieil homme proféra de sages paroles.

- Nous partirons demain midi, si tu es encore en vie d'ici là, pense à traîner ta carcasse à l'heure.

Joe haussa les épaules, affichant un visage hautain. Pour lui, il n'était pas question de partir d'ici avant au moins un mois. Étant la vedette des marines pour les jours à venir, c'eut été idiot que de retourner dans la gueule du loup aussi vite. Sans doute n'avait-il aucune idée de ce qui l'attendait ici même.
Au loin, une lueur rouge illuminait la pénombre de ce début de soirée. Le centre ville était animé chaque jour de l'année, éclairé par des flammes issues d'incendies qui se répandaient ici et là, le décors était posé, l'apocalypse sur terre gisait en ces lieux ; et Joe s'apprêtait à s'acoquiner avec les démons du coin.


Dernière édition par Joe Biutag le Mer 23 Déc 2015 - 21:44, édité 2 fois
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Une termitière chaotique. C'était en tout cas comme cela que l'aurait décrit Joe. Les galeries souterraines s'enfonçant dans la roche étaient légions, c'est de là qu'émergeait le gros de la lumière qui émanait de l'île. Sans oser s'y aventurer, Joe voyait ces tunnels comme des fourneaux flamboyant où il n'aurait pas enfoncé sa main, et encore moins sa carcasse toute entière.
Il ne fallait pas croire que parce qu'ils étaient entre pirate, l'union sacré fédérait tout à chacun sur l'île. C'était un repère ne regroupant que des prédateurs qui s'entredévoraient, la seule paix sociale viable était garantie par la contrebande et les intérêts financiers. Rien d'autre.
Si le cafard était curieux et se demandait quel genre de denrées pouvaient se trouver dans les sous-sols, il se doutait que si il venait à s'enfoncer dans les galeries, ce serait un aller sans retour ; les lueurs qui émanaient de ces gigantesques terriers semblaient  venir de l'enfer, les bruits résonant jusqu'à la surface, pouvaient eux, être confondus avec les hurlements des damnés de ce monde.

- Ouais... J'vais m'en tenir aux récifs.

C'était une sage décision comme il en avait rarement. Restait à présent à trouver un endroit à peu près sûr pour se loger durant un mois. Les habitations étaient rudimentaires et sinistres, de gigantesques tours à l'air branlant, faits de divers matériaux, entourés de gouttières mal agencées. Mais après tout, les pirates étaient davantage réputés pour leur propension à détruire plutôt qu'à construire, rien d'étonnant à ce qu'ils ne soient pas foutu de construire quelque chose de stable.

- Bah, si ça a tenu debout jusqu'à aujourd'hui, ça tiendra encore un mois.

Courageux et téméraire, ou tout simplement insouciant, Joe alla hasarder son nez dans une des immenses et sinistres bâtisses qui culminaient sur le récif de la Rokade. Une odeur familière vînt caresser ses narines à peine le seuil de l'entrée franchi. En observant ce qui s'y trouvait, le forban pu faire un lien entre l'odeur et ce qui se présentait sous ses yeux ; ça sentait la charogne putride.
Cloués aux murs, ou gisant tout bêtement à terre, des malheureux, ou tout du moins leurs restes, passés vraisemblablement entre les mains expertes d'une foule sanguinaire et particulièrement remontée.

- C'était donc pour ça le nom du bâtiment, ahah, y' a pas à dire, on sait vivre par ici !

Joe rit à gorge déployée, la construction dans laquelle il se trouvait s'appelait "La volière", et il ne fallu pas beaucoup de temps au cafard pour comprendre que le seul volatile que les pirates étaient susceptibles d'accueillir dans une cage : c'était des mouettes.

- Sont quand même audacieux au QG, mêler des marines dans un tel ragoût de pirate, c'est vraiment une faute de goût.

Après réflexion, il était logique que la marine infiltre des éléments sur la Rokade. Une île entière où les pires boucaniers mêlés parfois aux révolutionnaires étaient réunis, il valait mieux garder un oeil dessus pour savoir à quoi s'attendre.
Les marines dépêchés pour de telles missions étaient probablement de simples informateurs, après tout, Cipher Pol se manifestait assez peu sur les Blues, le QG de South Blue devait par conséquent faire avec les moyens du bord pour espionner ce tas de poudre qu'était la Rokade.

- Et moi qui était venu ici justement pour leur échapper...

Joe savait qu'aucun marine n'aurait la bêtise de tenter d'appréhender qui que ce soit dans le coin, leur tâche se limitait à la collecte d'information, et de toute évidence, les pirates étaient en alerte constante, prêt à torturer le moindre espion décelé.
Sortant de la pièce, après s'être délecté d'un spectacle si macabre et d'un arôme si enivrant, il fallait bien trouver quelque part où pieuter.

- Tu cherches quelque chose bizut ?

Le cafard ne tourna pas la tête, demeurant impassible et immobile. La question venait de sa droite, un pirate venait de le traiter de bizut, par conséquent, les nouveaux ne devaient pas passer inaperçus sur l'île, et Joe se doutait bien qu'on ne les accueillait pas toujours avec bienveillance. Pour le moment, il tentait la voie diplomatique.

- Euh, ouais, ouais, je me demande si il y a pas quelque pas où je pourrais crécher.

Très bon comédien, car habitué à tromper son monde, Joe affichait une mine limite candide, un air gêné ainsi qu'un sourire presque amical tout en se frottant l'arrière du crâne de la main droite. On aurait cru un honnête homme. Mais qui pouvait être assez bête pour croire que quelqu'un d'avenant et sympathique puisse choisir la Rokade comme pied à terre ?

- C'est pas les auberges qui manquent, y en a une juste en face.

Le pirate, un roublard mal rasé, dont les rides se confondaient avec ses cicatrices pointa du menton un petit établissement situé à 10 mètres de là où se trouvait Joe. Comme quoi même les boucaniers savent se montrer serviable entre eux.

- Par contre je doute que tu puisses un jour t'y reposer, sous un manteau aussi grand, tu dois surement cacher quelque chose de valeur, je pense qu'il vaudrait mieux que ce quelque chose soit en ma possession.

Quand un pirate rendait service, c'était rarement de manière désintéressée. Joe craignait le pire quand son nouveau camarade glissa sa main à l'arrière de son pantalon. Allait-il en sortir un mousquet ? Cela eut été fâcheux, Joe était doué comme artificier mais ne valait pas un clou comme pistolero, jamais il ne réussirait à dégainer assez vite pour abattre ce qui semblait être un chasseur de bizut.
Mais ce dernier ne fit que sortir un large couteau, sans doute ne voulait-il pas risquer d'abimer ce que transportait Joe en lui tirant dessus. Cet esprit consciencieux vis à vis de la marchandise voler allait le perdre.

- A...Attends, je te donne mon pognon si tu veux, ne me fait pas de mal pitié !

Bien qu'il était couard de nature, cette fois si, il simulait la lâcheté, c'était un comédien aux registres très variés. Fouillant fébrilement dans son anorak, il en ressortit son mousquet à triple canons. Un visage dédaigneux et un sourire narquois, cette fois il ne s'agissait pas d'un jeu d'acteur, Joe était satisfait de la bêtise de son adversaire.

- Tu m'en veux pas si je te paie en plomb ?

Un seul coup de feu suffit à faire s'écrouler le vieux forban. Son avidité avait eu raison de lui. En s'écroulant sur le ventre, le cafard pu s'apercevoir que sa victime avait effectivement une arme à peu à sa disposition à l'arrière du turban noué autour de sa taille.

- Garde la monnaie.

Paisiblement, tout en rechargeant le canon qu'il avait vidé, Joe se dirigea vers l'auberge indiquée plus tôt. Prenant une grande inspiration, il expira de soulagement. Qu'il était bon d'abattre quelqu'un en pleine rue et ne rencontrer aucune panique ou une altercation avec la marine. Après tout, cet immonde cailloux semblable à l'enfer avait des allures de paradis pour qui savait adopter la bonne perspective.

Il entra dans l'auberge éclairée d'une seule lampe à huile à la luminosité douteuse.


Dernière édition par Joe Biutag le Dim 3 Jan 2016 - 12:47, édité 1 fois
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Ce qui avait frappé Joe jusque là, c'était l'aspect morne des résidents de l'île rocheuse. Certes, les pirates et les révolutionnaires n'étaient pas réputés pour avoir un teint de pêche et une joie de vivre éclatante, cependant, le peu de monde qu'il avait croisé ressemblait à des fantômes tant ils étaient effacés. Le gros de la joie de vivre se trouvait dans les galeries, et pour rien au monde il n'y aurait mit les pieds. Tout du moins, c'est ce qu'il pensait.
L'aubergiste était lui aussi de la piraterie, le contraire eut été étonnant à vrai dire, mais voir un brigand des mers tenir une auberge en ordre, ça faisait son petit effet.
Derrière, attablés, trois vieux forbans discutaient autour d'une table basse, assis sur des tabourets branlants. Aucun parmi eux ne semblait prêtait attention à Joe. Voilà qui semblait être une maison sérieuse, peut-être Joe n'aurait-il plus à abattre un collègue trop zélé, tout du moins, il l'espérait, un mois à cracher du plomb sur plus cupide de lui, cela finirait par être éreintant.

Pour l'instant, il se chargea de passer commande pour avoir une chambre. Le propriétaire, peu loquace, mit un certain temps à répondre, observant le nouvel arrivant dans son établissement.

- Ce sera cent cinquante mille berries la nuit.

Joe pâlit. On ne plaisantait pas avec l'argent en sa présence.

- C...c..cent cinq... non mais vous avez des lits en or massifs pour demander un tarif pareil ?!

D'un geste de la main, l'aubergiste lui fit comprendre qu'il valait mieux se taire. Et le plus calmement du monde s'empara d'une feuille pour y rédiger quelque chose d'à peine lisible en le tendant à Joe.

- Présente ça au marchand de victuailles dans les sous-sols, revient avec le sac qu'il te donne, et je t'offre la pension gratuite pour la semaine.

Ni une, ni deux, sans réfléchir, Joe lui arracha le papelard des mains tout fier d'avoir déjà l'occasion de faire des économies. Quand il s'agissait d'obtenir quelque chose gratuitement ou de s'enrichir, le sang semblait ne plus circuler jusqu'à son cerveau. Parce qu'il fallait dire ce qu'il en est, cette histoire puait l'entourloupe. Un propriétaire de taverne qui charge un client qu'il ne connaît pas d'aller chercher ses provisions, et cette rapidité avec laquelle il passe d'un tel prix pour la nuit à une semaine de séjour gratuit, clairement, quelque chose ne tournait pas rond.
Mais le cafard, qui s'était pourtant juré de ne pas pénétrer le moindre tunnel de l'île s'y était déjà engouffré gaiement. Étant d'ailleurs entré trop rapidement dans la base souterraine, il mis sa main en écran devant ses yeux.
L'endroit était plus illuminé que ne le serait l'extérieur en plein jour. Les chandeliers à bougies, les lampes à pétroles, pas un coin n'était laissé dans la pénombre. Le bruit des cris ici et là rendait impossible l'idée de discuter sans avoir à hurler. C'était un vrai marché de fou qui se trouvait sous terre, les étalages étendus un peu partout.

Joe ne s'attarda pas longtemps à contempler le plus grand lieu d'échange qu'il ait jamais vu. La foule était trop dense pour qu'il puisse courir à la recherche du marchand du victuailles. Pour cela il devait se frayer un passage au milieu des carrures plus ou moins épaisses de pirates qui faisaient leurs emplettes. Tout l'endroit empestait la poudre et la sueur.
Cela prit près de deux heures au cafard avant de trouver son bonheur. L'aubergiste avait parlé "du" marchand de victuailles, pourtant il en avait croisé trois avant de trouver le bon. Lui tendant le papier où l'écriture était si illisible qu'elle semblait codée, le marchand lu avec beaucoup d'attention. Puis leva la tête avec un sourire malsain.

- C'est gentil à Rodric de m'approvisionner.

L'approvisionner ? Joe pensait que la transaction impliquait qu'au contraire, le marchand approvisionne l'aubergiste. Puis, scrutant un instant l'étalage de celui à qui il avait remis le papier, il contempla avec plus d'attention tous ces morceaux de viandes en évidence. Là encore, une odeur familière lui chatouilla les narines.

- Chiasse ! Pesta t-il sèchement.

Parmi les morceaux, il avait reconnu des troncs humains, sans doute le marchand se chargeait-il de fournir aux hommes poissons une nourriture de choix. S'emparant d'un large sabre, le marchand avait certainement dans l'idée de découper celui qu'il considérait comme sa prochaine devanture d'étalage. Mais trop tard, le cafard, suffisamment perspicace avait fait ce qu'il faisait de mieux : fuir !
Telle une anguille, il se faufila au milieu de la foule. Quelle naïveté de croire encore une fois en la générosité d'un pirate. L'aubergiste devait lui aussi pratiquer la chasse au bizut, celui que Joe avait tué plus tôt était même probablement son complice, pas étonnant alors que le bizut fut envoyé pour servir comme repas en devenir au milieu de cette sinistre termitière qu'était le sous-sol de la Rokade.

Son poursuivant, bien que plus grand et plus large que lui, était sur le point de le rattraper. Lui ne se glissait pas entre tous les éléments de la foule, mais se frayait un passage en bousculant qui il croisait. Personne ne semblait trouver à y redire, ce devait être quelque chose qui arrivait couramment.
Si Joe ne pouvait fuir, il lui restait un recours, le seul que tout pirate digne de ce nom pouvait adopter.
Stoppant net sa course, il ouvrir sa parka, dégaina son mousquet à triple canons et tira non pas un, mais deux coups sur le vendeur de chair humaine.

Plutôt que du soulagement, c'était un soudain sentiment de malaise que ressentit le cafard. Le bruit des tirs avait réduit au silence l'intégralité des pirates et révolutionnaires présent dans le sous-sol, soit, peut-être des centaines de personnes.
Joe aurait dû se renseigner plus consciencieusement avant de se rendre à la Rokade. Si aucune loi n'avait sa place sur l'île, la seule chose qui mettait tout le monde d'accord était un contrat simple : on pouvait se massacrer autant qu'on le désirait, mais jamais on ne devait s'en prendre à un marchand, autrement, cela risquait de dissuader les contrebandiers de venir, car craignant pour leur sécurité. Et ça, c'était mauvais pour les affaires.

Scrutant tous les visages décomposés qui l'entouraient, on aurait cru que Joe venait d'abattre un Dragon Céleste, c'était tout comme. Il venait de briser la "pax pirata", garante de la stabilité du commerce de l'île. Et si les pirates ainsi que les autres paumés de la même engeance détestaient une chose en ce bas monde, c'était qu'on entrave, même ne serait-ce que partiellement, leur liberté au commerce de contrebande.

- Euh... On peut discuter ?

Compte tenu des circonstances, la voie diplomatique était caduque.
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Il n'y eu pas de discussion. Tandis qu'il était en bonne compagnie, quoi qu'un peu encombrante, Joe n'avait pas beaucoup d'alternatives car parfaitement encerclé. Le silence pesant avait fait place aux cris. Pour le moment, seul un gaillard chauve de vingt centimètres supérieur à Joe l'avait empoigné par le col de son manteau.
Toute l'assemblée autour de lui hurlait à s'en déchirer les cordes vocales.

- Qu'on le pende !

- T'es malade ou quoi ?! Faut le faire souffrir avant !

- Ouais ! On a qu'à le dépecer !

- Faudra lui arracher les ongles un à un et creuser dessous !

- Eh les gars ! Si on lui mettait un bâton de dynamite dans le cul ?!

- Rhaaa Matt, toi et ta dynamite, change de disque tu veux ?! On va le dépecer un point c'est tout !

- Dis voir connard, c'qui qui t'a bombardé empereur de Rokade ?! Tu permets qu'on apporte nos suggestions ?!

Les pirates n'étant pas des gens très disciplinés, il s'en fallait d'un rien pour les dissiper. Les voilà qui s'engueulaient sur la manière dont il fallait l'exécuter. Voilà pourquoi Joe détestait attirer l'attention, parce que ça se terminait toujours comme ça.
Alors qu'on commençait à s'entendre sur l'idée de le bouillir vivant et d'organiser une soupe populaire avec ses restes, Joe, que presque plus personne n'avait à l'oeil tant ils étaient tous occupés à s'engueuler, remarqua qu'il avait toujours son arme en main. Sur les trois balles, il n'en avait tiré que deux. Mais face à plus d'une centaine de gaillards de mauvaise humeur, sa balle de plomb ne pèserait pas bien lourde.

- J'en ai déjà mal aux oreilles. Lança t-il sur ton lugubre qui ne présageait rien de bon.

Le casseur de marines ne parlait pas des bruyantes engueulades qui l'entouraient, mais de ce qui allait suivre. Brandissant soudainement le bras au bout du quel il tenait son mousquet amélioré, il venait de trouver la juste utilisation pour sa dernière balle. A vrai dire, cette idée de tirer à cet endroit précis, il l'avait eue en rentrant dans la grotte souterraine. En observant un étalage où se mélangeaient tonneaux de poudre et explosifs, il se demandait comme aucun accident n'était survenu jusqu'à aujourd'hui. C'est dans cette direction que fusa sa balle, passant sous le nez et les aisselles des malheureux se trouvant sur la lointaine trajectoire.
Toute l'assemblée fut aveuglée par un flash puissant. Joe put s'extirper de l'emprise du chauve lorsque le souffle de l'explosion fit s'envoler tous les pirates. Seulement une seconde après, un coup de tonnerre tonitruant retentit, la détonation avait été violente.

Il avait suffit d'une simple petite balle logée où il fallait pour que l'enfer prenne enfin forme sous les récifs de Rokade.

S'extirpant avec peine de sous un immense tas de cadavres , Joe avait perdu sa casquette. C'était le dernier de ses soucis. Comme tous dans la grotte, il n'entendait qu'un "biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip" strident qui accaparait l'intégralité de son champ auditif, mais contrairement à ses camarades d'infortune, il arrivait à y voir clair, même si il ne savait plus trop ce qu'il était en train d'observer car encore sonné.
Puisqu'il avait lui même tiré, par mesure de précaution, il avait écrasé ses paupières contre ses joues comme si ça vie en dépendait, évitant ainsi d'être aveuglé par le flash de l'explosion. Cela constituait un avantage certain sur la foule en colère qui lui en voulait.
Pouvait-on encore décemment parler de foule ? Tous étaient éparpillés dans tous les coins. Les cadavres jonchaient le sol sur des dizaines de mètre à la ronde, ceux ayant bénéficié, comme Joe, de boucliers humains erraient en geignant, se cognant les uns aux autres.
Le cafard aurait volontiers contemplé ce spectacle grossier encore un moment pour en rire de bon coeur, mais il avait à faire.

- Bordel de sainte queue d'ours ! V'là que je traîne la patte maintenant...

Concassé sous tant de cadavres, son genou en avait pâti, mais patte folle ou pas, il fallait dégager de là au plus vite. C'est en boitillant qu'il emprunta la galerie la plus proche. Déjà, les pirates de la surface commençaient à descendre pour constater les dégâts. La roche de ce récif du diable était solide comme de l'acier, l'explosion n'avait rien endommagé de grave, autrement, ils auraient tous été enseveli en un instant.

- Qu'est-ce qui s'est passé bon Dieu ?!

Un jeune forban attrapa Joe à l'épaule pour se renseigner. Ce dernier grimaça de douleur ; lui qui s'était déboîté l'épaule il y a peu sentit une vive douleur à cet endroit. Seulement, il fut rassuré d'avoir entendu la question, cela signifiait qu'il n'était pas devenu entièrement sourd, et, à la hâte, répondit afin de repartir au plus vite.

- Un abruti a foutu le feu aux poudres... Littéralement !

Fier de sa petite déclaration, Joe reprit sa course aussitôt. Il était difficile de se mouvoir en boitant comme il le faisait, mais se frayer un passage parmi tous les curieux qui descendaient en masse dans les galeries devenait un enfer.
Si il ne lui avait fallu que cinq minutes pour descendre le tunnel, cela lui en avait prit plus de vingt pour le remonter.
A l'air libre, il pouvait enfin souffler et s'adossa à la paroi jouxtant l'entrée de la grotte. L'odeur de poudre et la poussière avaient manqué de le faire s'étouffer, sa priorité n'était même pas de continuer à fuir, mais de boire, et ce, à tout prix.

Gémissant, son genoux lui faisait un mal de chien, mais en constatant les dégâts, appuyant avec prudence là où il avait mal, rien ne semblait cassé. Cependant il en aurait probablement pour des semaines de convalescence. Son épaule elle, était juste déboîtée, mais il fallait trouver le temps de la remettre en place. Jetant un oeil à la galerie d'où il était sorti, personne venant d'en bas ne l'avait suivi. Sans doute n'avaient-ils pas encore recouvré la vue. Cela lui laissait de la marge pour la suite des évènements.

- P...putain j'ai la vue qui se trouble.

Toutes ces émotions suivies de tous ces efforts avaient contribué à drainer le peu de forces qu'il avait.

- A boire ou je tue le chien !

Assoiffé et éreinté, il râlait seul sans qu'aucun de ceux qui s'engouffraient dans le tunnel n'y prête attention. Une autre externalité positive de cette échappée, c'était que les artères menant à la grotte souterraine étaient obstruées par l'afflux massif de couillons qui s'y agglutinaient, rendant difficile la remontée pour les survivants d'en bas.

Le cafard avait soufflé pendant un bon quart d'heure avant de se remettre en marche, enfin, plutôt à boitiller. Il avait une idée fixe : L'auberge et son maudit tenancier

- Si y avait pas eu ce con... rhaaa !

Les rues semblaient désertes, tout le monde ou presque s'était rendu sur le lieu du drame. Dans la nuit noire, pas un chat, pas un bruit, seuls les brouhahas de la foule pouvaient être entendus au loin, accompagnant le son sinistre d'un éclopé déambulant avec peine sur la solide roche du récif.
Joe avait bien du s'y reprendre à sept fois avant de réussir à recharger son arme complétement. Voilà prêt d'une demi heure qu'il trainait au milieu des habitations menaçantes de Rokade, pour enfin trouver ce qu'il cherchait.
Là encore, il s'arrêta pour rassembler ses esprits, il était à une vingtaine de mètres de l'auberge convoitée. Serrant les dents presque à s'en faire saigner les gencives, son visage couvert de poussière et d'hématomes laissait place à des yeux révulsés ainsi qu'à des lèvres retroussées, on aurait cru un animal sauvage montrant les dents.
Tentant de se reprendre, ses pupilles revinrent là où elles devaient être, entourées de larges veines rouges tout le long du globe oculaire, ce n'était pas cette fois la douleur mais la hargne et la colère qui lui procuraient un regard si équivoque quant à ses intentions. Avec le peu de forces qu'il avait regagné durant cette énième halte pour se reposer, Joe boitilla comme s'élançant en avant et pénétra dans l'auberge.
Son propriétaire était resté, sans doute pour piller les effets personnels de ses clients qui avaient eu la curiosité du jeter un oeil au massacre sous-terrain, il avait d'ailleurs dans les mains les bijoux qu'il venait de dérober. Le cafard se souvint alors que le marchand qu'il avait tué tantôt avait mentionné le nom de cet énergumène.

- Salut Rodric ! Prononça t-il énergiquement, sourire crispé.

- Nom de...

L'aubergiste n'avait pas eu le temps de terminer son juron qu'une balle vînt se loger dans sa joue et traverser son crâne.

- Bonne nuit Rodric !
Ajouta t-il aussi incisif.

Sans prêter attention une seconde au nouveau cadavre qu'il venait d'engendrer, Joe se rua sur une bouteille de Rhum laissée sur la table basse et la bu au goulot. Même si ça ne désaltérait pas autant qu'il l'avait désiré, ça faisait du bien par où ça passait, et surtout, ça atténuait la douleur au genou et à l'épaule. Se passant une rasade d'eau par la suite, il devait se résoudre à remettre son épaule en place avant d'aller se coucher. Et c'est à grand coups d'épaule dans une poutre servant de pilier à la bicoque que le cafard la remis en place dans un "CRAC" libérateur.

Poussant un râle d'agonie, il se saisit par la suite d'une des clés sur le tableau situé derrière le comptoir de l'auberge. Se saisissant de la lampe à pétrole, il la rapprocha du dit tableau et compta le nombre de clés manquantes pour déterminer le nombre de pensionnaires dans l'établissement.

- Un, deux.... et trois. Les trois qui étaient assis derrière tout à l'heure.

Tremblant, fébrile, surement fiévreux, Joe rechargea d'une balle son mousquet à triple canons. Là encore, il dû s'y reprendre à plusieurs fois, faisant sans cesse tomber la munition à côté. Ceci étant fait, il rampa dans les escaliers pour atteindre la porte de sa chambre, s'enferma à clé, tomba sur le lit et s'endormit presque immédiatement. Enfin, le bruit dans ses oreilles avait totalement cessé. Pour le moment, il allait pouvoir se reposer, mais pour combien de temps ?
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Avec la démarche de balourds mal léchés, les trois pensionnaires de l'auberge étaient rentrés. Joe ouvrit ses paupières subitement, sa sieste était terminée. Courbaturé de partout, il tourna la tête en direction de la fenêtre, quelques timides rayons de soleil commençaient à se montrer. Il avait semblé au cafard qu'il faisait toujours nuit sur cette île, l'idée même que le soleil daigne éclairer un lieu aussi mal famé avait quelque chose d'étonnant

- Déjà six heures.

Conservant son regard en direction de la fenêtre, il affichait un air blasé. Sa joue était humide de la bave qu'il avait laissé couler dans son profond sommeil, il s'essuya d'un revers de la main. Étouffant un râle de douleur, le survivant de l'explosion avait maintenant la confirmation que tout son corps était courbaturé. On n'échappait pas d'un coup d'éclat comme celui de la veille sans en subir les séquelles. Mais après tout, il était le cafard, celui qui survivait quoi qu'il arrive à tous les cataclysmes imaginables.

Dehors, les avenues de Rokade semblaient à nouveau remplies de monde. L'ambiance était même plus agitée qu'à l'accoutumée. Extraire tous les blessés, et surtout rechercher le coupable d'un tel forfait était devenu la motivation numéro une de tout résident de l'île. Un crieur de rue déambulait, ses mains en porte voix et faisait savoir à qui voulait l'entendre à quoi ressemblait celui qui avait fait provoqué l'explosion dans la grotte.

- Y faut trouver un gars 'vec une casquette marine par d'ssus laquelle c'est écrit pirate, un long anorak plutôt vers kaki, pis une balafre allant d'la joue droite jusqu'au nez ! Y faut trouver un gars 'vec...

Poussant un soupire, Joe allait devoir se mettre à bouger, même si cela le faisait souffrir. Ce que lui réservaient les survivants de l'incident était probablement pire que ce qu'ils avaient envisagé après que le cafard eut tué le marchand.
Puisqu'il avait perdu sa casquette, cela faisait un élément en moins pour l'identifier, peut-être même croiraient t-ils à sa mort si ils venaient à la retrouver. Mais préférant éviter de se faire attraper, il s'extirpa de son manteau où se trouvait toutes ses armes pour le mettre sous le lit. Même le simple fait de se dévêtir de son anorak le faisait souffrir de partout. C'est à se demander comment il pourrait faire pour se lever.
Afin de cacher sa cicatrice, il déchira le drap sale sur lequel il se trouvait et s'en fit un bandana couvrant la moitié inférieure de son visage. Ce n'était pas le déguisement le plus subtile qu'il y ait, mais c'était déjà ça de prit.

Si il s'empressait de cacher tous les éléments qui permettraient de le repérer, c'était parce qu'il entendait les portes des chambres voisines être enfoncées une à une. En trouvant le cadavre de Rodric dans la salle d'accueil, les trois résidents étaient probablement à la recherche de l'assassin. Enfin, ils pénétrèrent dans la chambre de Joe en enfonçant la porte.

- Eh ben... En voilà des manières.

Sa voix était enrouée à cause de la poussière qu'il avait avalé dans la nuit.

- C'est donc toi le fumier qu'a buté le maître de ces lieux ?!

Surgissant dans la pièce, les trois pirates que Joe avait vu la veille au soir se présentaient devant lui, s'alignant les uns à côté des autres, faisant face au lit où Joe, immobilisé, semblait se prélasser, les mains derrière la tête.
Le plus grand était assez sec, le teint mat, il était torse nu avec une ceinture en bandoulière à laquelle était accrochée trois mousquets. A sa droite, un vieillard à binocles d'un mètre cinquante à peine, des yeux plutôt bridés, il n'avait plus un poil sur le caillou, sa seule pilosité faciale constituait une petite moustache hirsute et blanche. Enfin, à ses côtés, situé le plus proche de la porte, une bonne femme que Joe avait en premier lieu pris comme un homme ; bien que sa longue tignasse rousse lui prêtait un aspect féminin, sa mâchoire carrée et ses arcades épaisses pouvaient occasionner des doutes sur son genre.

- T'as une idée de ce qu'on va te faire ?

Taquin, Joe ne les quitta pas des yeux, et leur répondit du tac au tac :

- Me remercier je suppose.

Là, tous trois furent blêmes, se scrutant les uns les autres, étonnés de l'assurance de ce pirate masqué tranquillement couché dans son lit. En réalité, le cafard était mort de trouille. Ses armes étaient sous le lit, et dans l'état où il était, il n'avait aucune chance face à eux. Mais il savait ruser et jouer la comédie, c'était ses armes de prédilections, et pour le moment, il n'en avait aucune autre à sa disposition.
Avant même que les pirates ne surenchérissent, Joe poursuivit. Il était important pour lui d'imposer son rythme, et cela se faisait en ayant la maîtrise totale de la conversation.

- Vous avez bien vu qu'il avait certains de vos possessions sur lui non ? Le fumier, c'est lui, moi je ne vous ai pas dépouillé pendant que vous étiez ailleurs. J'ai beau être un pirate, j'ai un code d'honneur, et ceux qui volent leurs camarades doivent y passer.

Qu'il était dur pour le forban de parler d'honneur sans rigoler, c'était bien là la dernière valeur morale que Joe arborait. Restait à présent à voir la réaction de ses nouveaux camarades. Il restait paisiblement allongé, l'arrière du crâne posé sur ses mains croisées.

- C'que j'en dis c'est que c'est un peu excessif... M'enfin je comprends ta manière de procéder.

C'était le grand qui venait de parler. Un silence pesant de quelques secondes prit place, puis celui qui venait de parler reprit la parole.

- Pis c'est pas moi qui vais t'en vouloir après tout ! Maintenant c'est moi le proprio AHAH !

Les trois se mirent à rire de bon coeur. Victoire. Joe avait évité la potence, mais chaque fois qu'il échappait à la mort, c'était pour se retrouver dans une situation encore pire, à présent, l'essentiel était de ne surtout pas relâcher sa vigilance.

- On va te laisser te reposer grand ! Hésite pas à nous rejoindre dans le hall. Après tout, vu que t'as sifflé notre rhum, tu nous dois bien une bouteille !

S'exclama la rustre demoiselle avant de quitter la pièce suivie du petit vieux. Leur camarade allait les rejoindre quand Joe l'apostropha d'un signe de la main, et lui dit à voix basse.

- Dis voir, le vieux, tu lui fais confiance ?

C'était une drôle de question que venait de poser là le cafard. Son interlocuteur se braqua un instant ne comprenant pas d'où venait une pareille réflexion. Le plus naturellement du monde, il lui répondit :

- Bah... euh... ouais, Barus je l'connaît d'puis des mois, s'un brave type tu sais.

Se mordant la lèvre, Joe simula une moue perplexe.

- Tout de même, quand j'ai débarqué y a trois jours de ça, en le voyant sur l'embarcadère, je pigeais pas un mot de ce qu'il disait dans l'escargophone pendant qu'il était planqué derrière les caisses sur le quai. C'était un langage bizarre, un mélange de mots qui n'avaient rien à voir les uns avec les autres et des numéros.

Haussant les épaules, il reprit un visage candide.

- Je dois me faire des idées.

Face à lui, le pirate au teint mat était sans voix, comme tétanisé, mais tentant de rien laisser paraître de ses sentiments.

- Ou...Ouais c'est surement rien. Bon, à tout à l'heure.

Il sortit, Joe pu apercevoir sur son visage les stigmates du doute qu'il avait instillé en lui. C'était le visage d'un homme qui venait de découvrir que sa vie entière avait été un mensonge.

- Pas de doute, il a mordu héhé.

Toujours tranquillement couché sur son lit merdique. Il ne restait plus qu'à laisser pousser les graines du doutes afin de récolter les fruits de sa tromperie, après avoir laissé sous entendre que le petit vieux était un espion de la marine. Son ouïe se porta sur ce qui se disait en bas. Bien que la sonorité n'était pas optimale, il parvint à entendre clairement les cris.

- Alors la mouette ! On a passé un coup de fil à ses copains du QG ?! Je me disais bien que t'avais l'air louche à presque jamais parler comme ça !

- Mais qu'est-ce que tu ra....

Un coup de feu retentit. Le cafard souriait, il venait d'en éliminer un sans bouger de son lit.

- Espèce de dingue, pourquoi tu lui as tiré dessus ?

- Qu'est-ce que t'as la gueuse ?! T'es pas jouasse ?! Tu bossais avec lui hein ! Pour ça que vous êtiez toujours bras dessus bras dessous.

- T'es paranoïaque ma parole !

Cette fois, ce ne fut pas un, mais deux coups de feu qui se firent entendre. Puis le silence.
Joe soupira, il allait devoir se lever pour constater les dégâts. Les courbatures étaient moins intenses, mais la douleur au genou n'avait pas faibli. Prenant garde que son bandana soit bien noué, il boitilla jusqu'au hall. Descendre les escaliers ne fut pas une mince affaire, mais cela prit le temps que ça devait prendre.
Entrant dans la salle d'accueil, trois personnes étaient étendues au sol. Formidable tir groupé. Seul le grand sec respirait encore, une main appuyée sur son abdomen d'où l'hémoglobine coulait à flot.
Avec une intonation joviale et bon enfant, Joe lui demanda :

- Je te sers à boire ?

Tout en se saisissant d'une bouteille derrière le comptoir, il traîna la patte jusqu'à son pigeon. Si il l'avait choisi lui plutôt que les autres pour le manipuler, c'était avant tout parce que les yeux de ce pirate étaient rougis par l'alcool, et il était beaucoup plus aisé de profiter d'un tel spécimen.
Joe tendit la bouteille au pirate, qui, les larmes aux yeux face à la perspective de la mort la descendit avec empressement avant qu'elle ne lui échappe des mains et s'écrase au sol.
Se penchant, le cafard se saisit d'un large bout de verre, le contempla, et de deux coups violents, lacéra d'une part la sangle de la bandoulière du boucanier afin de le désarmer, avant de lui lacérer le visage d'un coup sec, allant de la joue au nez.

Trop faible pour se battre, la pauvre victime des tourments du cafard se laissa choir au sol pour reprendre sa bandoulière et l'un des mousquet y étant attaché. D'un bête coup de pied, Joe mit l'ustensile hors de la portée du pauvre bougre.

- Maintenant il reste plus qu'à te trouver une jolie casquette et un beau manteau héhé.

Résigné, celui qui avait été manipulé dans la manigance du forban ne bougeait plus, se vidant de son sang au niveau de la balle qu'il avait reçue au ventre durant le malentendu.
Ce ne serait pas facile pour Joe de trouver une casquette, et il était hors de question qu'il lui remette sa parka aménagée pour ranger ses armes. Ôtant le bandana qu'il avait autour de la mâchoire, il le noua sur la tête de sa victime, et, à l'aide de la plume située à côté du registre sur le comptoir, y inscrivit "marine" et au dessus "pirate".

- Bon ça fera l'affaire.

Il ajouta aors un peu d'alcool pour désinfecter la plaie qu'il avait occasionnée afin qu'elle n'ait pas l'air trop récente. Joe porta, avec énormément de peine, le corps évanoui qu'il tentait de faire passer pour lui, et le jeta devant l'entrée de l'auberge, baissant la tête pour que personne ne voit sa propre cicatrice.
Il retourna à l'intérieur s'assoir un instant, épuisé d'avoir transporté un corps, pourtant léger, sur quelques mètres. La moindre tâche devenait un enfer avec un genou en mauvais état.

Une fois qu'il eu reprit des forces, il retourna à sa chambre.
S'écroulant à nouveau sur son lit, il déchira un nouveau morceau de drap, pour à nouveau masquer sa cicatrice, et resta caché dans la piaule, patientant, encore, et encore.
Ce n'est que trois heures plus tard qu'une voix cassées, clairement sous l'effet de l'alcool s'exclama :

- P'tain, mais... c'te cicatrice, ce couvre chef ..  J'le tiens les gars, l'enfant d'salaud qu'à tout fait péter, l'est à peine en vie, mais j'le tiens.

Enfin Joe pouvait souffler. En espérant qu'aucun témoin de la veille ne puisse observer qu'il ne s'agissait pas du bon bouc émissaire.

- Le capitaine... Il avait dit qu'il partait à midi.

A présent, il était neuve heure passée, et avec son genou, il faudrait au cafard deux bonnes heures pour aller jusqu'au quai. Car Joe se voyait mal rester un mois dans ce nid de tueurs qui le considéraient à présent comme l'homme à abattre. Comme toujours avec lui, seule la fuite était envisageable.
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- Faut pas que je me rendorme.

Afin de ne pas s'assoupir, Joe se redressa et s'assied sur le bord de sa couchette miteuse. Penché en avant, les avant-bras posés sur ses cuisse, il réorganisait ses pensées. Certes, à aucun moment il n'avait envisagé que son séjour sur Rokade serait une sinécure, mais de là à ce que ça tourne aussi mal en aussi peu de temps... Il en regrettait presque les marines. Presque.

- Jolis rideaux mmmh.

La fenêtre étant particulièrement grande, les rideaux avaient été taillés en conséquences. Ceux-ci étaient d'un jaune pisseux, salis à divers endroits et en lambeaux au niveau des extrémités. Dans un nouvel effort, Joe se leva, tira d'un coup sec sur l'un des rideaux, et l'enfila tel un gosse qui jouerait au fantôme. Sous cet immense tissu, il le tailla en son centre avec le bout de verre qu'il avait conservé, puis y passa la tête.
Cela lui faisait un poncho très laid, mais surtout très ample. Il l'enleva le temps d'enfiler son manteau qu'il peina à récupérer de dessous le lit, puis ré-enfila son poncho artisanal. Pour la troisième fois, il déchira le drap dans lequel il avait couché et s'en fit un bandana qu'il attacha sur sa tête, son visage était presque intégralement couvert, et le reste de son corps caché par le rideau. C'était là une dégaine absurde qu'arborait le cafard, mais c'eut été encore plus absurde que de s'exhiber dehors sans déguisement.

- Quand faut y aller !

Serrant les dents, au moment de quitter sa chambre, il pesta une fois de plus :

- Putain de genou...

Si il venait à se tirer de ce nid de guêpe, c'était une période de repos qui s'imposait. Il devrait probablement rester immobile les deux semaines à venir pour pouvoir marcher à nouveau correctement.
Repassant par le hall d'accueil, il subtilisa les lunettes sur le cadavre du petit vieux qu'il avait fait passer pour un marine, et les mit sur son nez. On n'était jamais trop déguisé quand on incarnait le rôle de l'ennemi public numéro un sur une île de tueurs sans foi ni loi. Se saisissant du balai qui trônait dans un coin de la salle, il se débarrassa de la brosse et se servit du manche pour s'en faire une canne.

C'était le moment de vérité, il fallait quitter son abri, tel un oisillon parti pour son premier envol, il risquait gros. Juste devant la porte, une longue traînée de sang s'étendait au loin. Ceux qui avaient épinglé le faux Joe l'avaient emmené pour le torturer, c'était sans doute pour ça que les rues étaient si calmes, tous devaient s'être ligués quelque part pour la torture publique.

- Avec ce manche à balai, ça me prendra bien moins de temps que prévu pour aller aux quais.

Et c'était tant mieux car il était déjà dix heure trente. L'épuisement et les muscles endoloris du cafard l'avaient fait traîner depuis tout à l'heure.
Commençait sa longue marche jusqu'aux quais.

Avec son air d'érmite boiteux, il tenta de passer inaperçu devant les rares passagers qu'il rencontrait. Certains l'épiaient tant ils le trouvaient ridicule, mais personne ne trouva quelque chose à redire. Alors qu'il s'éloignait, des cris retentissaient à quelques dizaines de mètres de là où il passait

- D'où que vous sortez un truc pareil ?! Non seulement il était pas aussi grand, mais il était certainement pas bronzé ! Et qu'est-ce que c'est que cette cicatrice, c'est toi qui lui a faite non ?!

Suant à grosses gouttes en entendant de telles paroles, Joe avait bien comprit que ceux qui l'avaient vu dans la grotte ne se laisseraient pas attraper par son leurre. Pour autant, il n'accéléra pas, cela eut été suspect, et il avait l'air suffisamment louche comme ça.

- Des clous ! Z'ont dit qui fallait un gugusse 'vec une cicatrice et un chapeau "marine pirate", le v'là. J'veux ma récompense

Vindicatif, l'ivrogne qui avait amené le faux Joe jusqu'à la potence ne lâchait pas l'affaire. Cela fut bien dommage pour lui puisqu'il fut fusillé sur place. Son bourreau n'était ni plus ni moins que le grand type chauve qui avait saisit Joe au col dans la grotte. Le malheureux avait perdu un oeil dans l'affaire, ce qui avait eu don de l'agacer.

- Trouvez le moi ! Je me fous qu'il faille mettre le feu à toute cette putain d'île pour le sortir de son terrier, ramenez le moi !

- Le voilà qui se reprend encore pour le chef comme hier ! Bordel Husto ! On est pas tes larbins !

Le chauve se tourna vers celui qui venait de lui faire cette réflexion avec une tête de psychopathe en manque de chair fraiche à trancher. Celui qui contestait son autorité était le même que celui qui, la veille, avait émis l'hypothèse d'exécuter Joe avec de la dynamite enfoncé dans son séant.

- Matt ! C'est la dernière fois que tu l'ouvres ! J'en fais le serment !

Et tous deux en vinrent aux mains. Joe pendant ce temps s'était éloigné sans être remarqué. Au loin, il pouvait apercevoir l'embarcadère. Peu de monde là bas aussi, le gros des habitants étaient agglomérés autour de la potence aménagée, là où Husto et Matt se mettaient sur la gueule pour la satisfaction générale.
Arrivé enfin devant le bateau à partir duquel il était venu, le capitaine Pinof, qui discutait sur les quais le regarda intrigué. L'examinant attentivement du regard, il le regarda longuement dans les yeux puis brisa le silence en pouffant.

- Pfffff C'est toi Joe ?! T'as perdu tes fringues en jouant aux cartes ma parole ? Ahahahahah !

Sans un mot, Joe, se déplaçant toujours avec son manche préféra se mordre la langue que de lui répondre. Le ponton pour accéder à l'embarcation avait été posé, et le forban le gravit avec hâte. Il se pensait à présent en sécurité.
Sous les morceaux de draps qui servaient à couvrir son visage, il étouffait à moitié en plus de crever de chaud, c'est sans remord qu'il s'en débarrassa à peine arrivé sur le pont. Ce fut là une impulsion qu'il aurait dû éviter.
A peine porta t-il son regard sur l'embarcadère qu'un pirate caché derrière des caisses l'avait repéré, et en était resté bouche bée.

- Diantre cul, c'est pas possible !

Le cafard était si près du but. Et il fut percé à jour au dernier moment. Même si le bateau partait maintenant, le pirate aurait tout le temps d'aller avertir ses camarades pour que tous le prennent en chasse en pleine mer. Après tous ces efforts, ça sentait la fin.
Pourtant, le pirate se ressaisit bien vite, et, un air grave sur son visage, fit signe de sa main qui sa bouche était cousue. Cette fois, c'était Joe qui fut bouche bée. Peut-être avait-il indirectement servi les intérêts de cet homme en causant cette explosion dans la grotte.
Peu importe la motivation de ce pirate, Joe, trop content se rua comme il pouvait vers sa couchette, se débarrassant au passage du poncho empestant la fumée et l'urine qu'il jeta par dessus bord. Il restait moins d'une heure avant le départ. Après toutes ces péripétie, son calvaire semblait enfin adopter une issue optimiste.
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[ Épilogue ]


- On lève l'ancre !

C'était la première fois en vingt-quatre heures que Joe entendit des paroles sensées. Une fois en mer, le capitaine prit la peine de passer pour saluer son compagnon de beuverie et lui demander des nouvelles. Quand, au cours de la conversation, Joe se mit à faire le récit de son périple, cela eu le don de faire blanchir le capitaine, qui pourtant, avait été impassible lorsqu'il avait entendu parler des précédents aventures du cafard.
Sans dire un mot, Pinof se leva, comme sonné, venant de prendre conscience de ce qui lui serait arrivé si Joe avait été repéré en embarquant, et retourna s'aviner pour faire passer ce malaise soudain.

A présent, le cafard était persona non grata sur Rokade, un repère pourtant tout trouvé dans le cas où il aurait eu des soucis avec la marine.

- Bah, j'aurais qu'à zoquer ces cons de marines, de toutes manières les mouettes sont faites pour ça. Pas besoin de me planquer.

Joe était très courageux, et n'avait pas froid aux yeux quand il était seul dans sa chambre, mais était sans doute moins brave face à des ennemis disposés à l'annihiler. Toutefois, il avait su garder son sang froid en situation de crise, c'était l'essentiel. Son instinct de survie et sa cervelle perfide avaient fait le reste comme toujours. Il fallait à présent réfléchir à un endroit où se poser une ou deux semaines le temps que son genou puisse guérir, c'est à dire là où des marines ne penseraient pas à mettre leur nez, là où ils n'espèrent pas croiser de pirate.
Et où pouvait-on ne jamais croiser de pirate ? Le cafard souriait, car il avait une idée en tête.

- Sur les îles où il n'y a rien d'intéressant à voler dans les mers des alentours, il n'y a pas de pirates héhé.

A seulement midi passé, le forban s'endormit un sourire vicié aux lèvres. Sa prochaine destination était toute trouvée. Il était en paix. Pour combien de temps ?

[ En même temps, sur Rokade ]


- Rapport numéro 11 de l'officier Jil.

Derrière les caisses entreposées sur le quai, le pirate qui avait repéré et laissé filer Joe parlait à l'escargophone en regardant sans cesse par dessus son épaule.

- Un individu avec une cicatrice allant de la joue au nez, des cheveux noirs, une casquette de la marine trafiquée et un large manteau serait responsable d'une grave explosion dans les sous-sol de Rokade, entravant le commerce sur l'île pour une date indéterminée. S'agissait-il d'un autre officier infiltré ? Demande confirmation.

En guise de réponse, il n'y eut pas de confirmation, juste des réprimandes. Le pirate, qui était en réalité un marine infiltré avait laissé s'échapper Joe en pensait qu'il travaillaient pour la même enseigne. Grave erreur. Le suspect avait en réalité été considéré comme problématique suite à deux humiliations qu'il avait infligé à la marine.

- Agent Jil, rassurez moi, vous ne l'avez pas laissé partir ?!

Car si les informations de l'agent Jil étaient exactes, un spécimen capable de s'attaquer au coeur de Rokade était potentiellement instable et dangereux, et le QG aurait été davantage disposé à le savoir toujours sur l'île pour être lynché par ses collègues boucaniers. L'agent Jil risquait probablement d'être dégradé.

Dans le centre ville de Rokade, au sommet des récifs, la tension était montée. La baston qui opposait Husto et Matt avait dégénérée. Les esprits s'étaient échauffés, les factions s'étaient crées pour savoir comment envisager l'avenir de l'île, et à présent, c'était la guerre civile. Les balles pleuvaient et les canons tonnaient, le tout était ponctués de cris et de lamentations. C'était un écosystème fragile que Joe avait ébranlé.
Il faudrait plusieurs semaines avant que tout ne redevienne comme avant sur Rokade. Le cafard avait laissé son empreinte.
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