Première rencontre

Posant son pied sur la terre ferme, Pandore fut très vite subjuguée par la vision qui lui faisait face. Le royaume bien qu'entouré par un brouillard épais laissait apparaitre quelques bâtiments de pierres venant s'ancrer dans ce paysage atypique. Pour le peu qu'elle voyait, la flore était elle aussi particulière. L'écorce des arbres arborait une teinture grisâtre assez similaire à celle de ce royaume monochrome. Éternuant encore une fois, la vacancière n'avait pas eu la chance de voir son rhume s'évaporer lors du voyage si bien que son nez rougeâtre contrastait énormément avec le reste de son visage endolori par la fatigue. Soupirant un bon coup laissant ainsi échapper de la buée de sa bouche, Pandore se mit quand même à la recherche de la personne désirée.

Pour simple indice, elle avait un nom et une image imprécise de ce à quoi il ressemblait à l'époque de sa jeunesse. Aujourd'hui, il devait probablement souffrir d'arthrite et d'autres maladies invasives. Ne se laissant pas décourager par sa tache ardue, c'était en fronçant les sourcils qu'elle s'engouffra dans le premier village faisant face à la station. Par ailleurs, elle ne savait pas encore combien de temps son séjour allait durer. Son repos était à durée indéterminée, elle avait le choix de revenir quant elle le voulait tant qu'elle n'abusait pas de cela. Avec un peu de chance, elle allait très vite rattraper tout le boulot en retard qu'elle était entrain de prendre.

Mais, pour l'instant, sa préoccupation était ailleurs tandis qu'elle foulait depuis déjà quelques minutes les terres du village. Les maisons étaient modestes, toujours entourées d'une brume envahissante. Néanmoins, hormis Pandore qui semblait encore avancer avec une certaine prudence, les habitants quant à eux s'étaient parfaitement acclimater et n'étaient nullement gênés de cette présence brumeuse. Comme si le destin ne l'avait pas assez embêté comme cela, elle s'était complétement paumée et se retrouva incapable de rebrousser chemin. Ce n'était pas sa mémoire qui était défaillante, mais comment pouvait on se souvenir du chemin de retour lorsque tout se ressemblait comme deux gouttes d'eau. Pestant intérieurement, elle fut très vite interrompue par une adolescente d'une tête de moins qu'elle.

-Puis-je vous aider madame ?  

Haussant un sourcil, elle inspectait cette individue de fond en comble. Ses cheveux étaient secs malgré l'humidité ambiante, arborant une rousseur éclatante, elle était le seul rayon de lumière dans ce pays bien sombre. Les taches de rousseurs ne dérogèrent pas à sa panoplie, celle-ci en était envahit au visage bien que cela lui donnait un air agréable à voir appuyant aussi massivement sur ses origines paysannes. Ses vêtements étaient sales mais sans tomber dans la crasse, l'on voyait clairement que l'adolescente ne vivait pas dans un milieu particulièrement aisé à l'inverse de Pandore qui commençait à avoir un train de vie plus qu'agréable.

Cependant, malgré toutes ces observations, une seule resta, se fut son sourire éclatant accompagné d'une dent manquante qui troubla Pandore pendant de longues secondes. Toussant pour ne pas se laisser posséder par cette absence de dent, elle décida alors d'accepter son aide et de lui répondre avec un sourire qui se voulait amical.

- Je recherche un vieil homme du nom d'Erbert. Il semblerait qu'il s'est installé sur cette île depuis plusieurs années déjà.

Affichant alors une réflexion certaine sur son visage, la jeune fille prit énormément de temps avant d'arriver à une conclusion.

- Je suis désolée mais je ne connais pas cette personne. Mais, je peux demander à mes parents ! Ils seront ravis de vous aider je vous assure !

Pandore hocha la tête avec un sourire bien qu'intérieurement elle soupirait lourdement. Elle n'était pas là pour se sociabiliser malgré ce que pouvait laisser croire les apparences. Mais, avec un peu de chance, elle allait trouver des informations avec cette rencontre. De plus, elle était arrivée dans ce village en fin de journée, elle allait  en profiter pour demander où pouvait se trouver un endroit pour passer la nuit.

La maison de ses parents arborait une allure modeste mais chaleureuse. La lumière de feu gisant dans la cheminée s'échappait par les différentes fenêtres tandis que le son d'une hache déchiquetant le bois retentissait dans les oreilles de la malade. L'endroit était entouré de champ qui s'étendait jusqu'à perte de vue, aucune machine agricole ne semblait être présente. L'exploitation gigantesque était géré seulement par le père en collaboration avec d'autres paysans qui se partageaient les gains en fin de mois pour vivre jusqu'au prochain.

Sur le chemin, Pandore avait eu le temps de faire plus ample connaissance avec sa nouvelle amie, à son grand damne. Celle-ci s’appelait Juliette, âgée d'à peine 16 ans, Pandore se surprenait de n'avoir que 4 ans de différence avec elle. A coté, la bretteuse semblait tellement plus mature et vieille, si bien qu'elle venait à penser que le problème venait plus d'elle que de Juliette. Nebelreich était un joli royaume comme on l'entend lorsque l'on parle de royaume. Ouvert aux civils et aux marines, Pandore n'avait rien à craindre quant à son séjour ici.

Avant de s'engouffrer dans la petite maison de bois, la jeune fille alla assaillir son père pour lui demander ce que Pandore lui avait auparavant demandé. Pendant ce temps là, Pandore elle attendait patiemment qu'une chose se produise tandis que le climat particulièrement froid de cette île n'arrangeait en rien à son rhume persistant. L'homme s'approcha d'elle et elle put très vite remarquer à quel point celui-ci était massif. Il l'a dépassait aisément de plusieurs têtes, ses bras poilues faisant facilement la largeur de Pandore, une vraie force de la nature. Et pourtant, malgré cette carrure impressionnante, elle ne ressentait rien d'effrayant chez lui. Cette impression se confirma rapidement lorsqu'il lui tendit la main avec un sourire des plus sincères.

- B'jour ! Ma fille m'a raconté votre souci, il se fait tard et le vent commence à se rafraichir. Joignez vous à nous pour le repas et je tenterais de vous aider moi et ma femme.

Pandore ne pouvait de toute façon pas refuser. Sa main était piégée dans l'incroyable étau qu'était celle du père. Hochant la tête avec toujours se sourire de surface, elle espérait que cela ne dur pas longtemps. Le contact avec des inconnus ne la mettait réellement pas à l'aise, surtout lorsque ces mêmes personnes étaient amicales en tout point. Cette famille faisait ressortir le point faible le plus profond de Pandore qu'était son manque viscérale de sociabilité. A force de s'isoler pour se renforcer, on en oublie rapidement que l'on vit avec autrui.

Saluant la mère de Juliette, elle fut plus qu'invitée à s'assoir et à apprécier le repas. De toute manière, avec son estomac de moineau, ce n'était pas elle qui allait le plus manger. A l'inverse, elle ne pouvait pas en affirmer autant du colosse aux yeux pétillants face à la nourriture.

- Mangez autant que vous le voulez. Nous ne recevons pas beaucoup d'inconnu ici mais ma fille a le dont pour rencontrer des personnes aux bons cœurs.

Gênée mais pas désemparée, son sourire se voulait plus sincère qu'à son habitude en cet instant. Celui-ci disparut bien vite lorsqu'elle prit la parole.

- Merci pour tout. Auriez vous des informations sur cet homme que je cherche ?

Pour le coup, ce fut la femme qui prit la parole. Son mari lui ayant expliqué la situation, elle qui était bien plus au courant que n'importe qui dans la famille se fit une joie de lui raconter tous ce qu'elle savait.

- Je pense savoir de qui vous voulez parler. On le surnomme l'ermite ici, il vit dans la forêt et ne passe que très rarement pour se ravitailler. Il parait qu'il est très réfractaire à toute présence bien que cela soit plus qu'une supposition. La dernière fois des gamins ont tenté de l'embêter ils sont vite revenus en pleurant. Vous trouverez bien vite sa demeure, il y a un panneau qui indique "Allez vous en" à l'entrée de ses terres.

En soit, cela faisait un point commun qu'elle partageait avec cet homme. Malgré tout, sa tâche n'était que plus ardu. Elle espérait au fond d'elle que son passé avec son frère allait lui donner la permission de le voir sans pour autant subir son courroux.

- La nuit tombe très vite ici. Mon fils ne vit plus ici depuis qu'il s'est engagé dans la marine, vous devriez dormir dans sa chambre en attendant le levé du soleil. C'est plus judicieux.

Finalement, la chance ne l'avait pas trompé. Elle était tombée sur une famille modeste mais généreuse. Avec cela, sa recherche venait d'avancer un grand pas d'autant plus qu'elle n'allait pas devoir dormir sous le froid cette nuit.

La nuit avait été longue, très longue. Pandore n'arrivait pas à s'acclimater ce qui lui provoquait quelques troubles nocturnes. Se retenant d'éternuer durant toute la nuit pour ne pas déranger ses hôtes, elle avait fixé le vide pendant de long moment. Elle en profita par ailleurs pour continuer sa lecture dans ses bouquins de physiques en tout genre. Elle ne comprenait pas forcément tout dès l'instant mais, son acharnement lui permettait d'assimiler très vite ce qu'elle était incapable de concevoir quelques heures auparavant. A défaut de perdre encore une fois son temps, elle avait préféré s'instruire en lisant quelques travaux de divers scientifiques. Ses maigres bagages étaient presque constitués que de ça avec quelques vêtements de rechange dans le doute.

Le lendemain, elle ne se fit pas longtemps prier et quitta la ferme dès l'aube non sans oublier de remercier la famille qui l'avait chaleureusement accueilli. Elle espérait néanmoins qu'ils soient plus prudent à l'avenir, malgré la grande sécurité que procurait cette île, personne n'était à l’abri d'une mauvais rencontre. M'enfin, vu le gabarit du chef de famille, elle ne s'inquiéta pas davantage pour eux et prit la route indiquée.

Cette même route par ailleurs menait à un endroit de plus en plus touffu. L'humidité se faisait encore plus palpable et là où l'homme avait marqué son territoire quelques mètres auparavant, ici plus rien ne laissait présager une quelconque civilisation. Juste des arbres et des insectes en tout genre. Le brouillard lui était toujours aussi épais mais moins dérangeant pour la jeune femme qui commençait à s'y faire avec le temps. De plus, ses yeux étaient loin d'être mauvais en temps normal, bien qu'ils n'étaient pas comparable à ceux qu'elle possédait lors de danger imminent.

Par ailleurs, maintenant que la notion de danger venait de lui trotter dans la tête, elle commençait peu à peu à se sentir oppresser dans cette forêt coupée de tout. Le chemin du retour n'était clairement plus visible et elle s'aventurait à taton d'un pas préoccupé. Se remémorant les conseils de la mère quant au chemin qu'il fallait emprunter, elle n'eut pas le temps de se ressourcer qu'elle vit le panneau tant redouté.

Tous comme on lui avait signalé, celui-ci n'était guère chaleureux. Même dans sa manière d'écrire, rien ne transpirait la joie ou la bonne humeur. Ce type qu'importe ce qu'il pouvait être n'aimait clairement pas être dérangé. Faisant fit de cet avertissement, elle pénétra sur son territoire afin de trouver quelque chose ressemblant à une habitation dans cette végétation brumeuse.

Comme pour accentuer le coté oppressant de la scène, un piaf se mit à gueuler avant de s'envoler et d'entrainer ses congénères. Pandore laissa s'échapper un léger frisson de son corps avant de récupérer ses esprits. Pourquoi voulait-elle désespérément le rencontrer déjà ?

Avant qu'on ne lui donne une réponse, une forme ombrageuse se jeta sur la jeune femme en lui assénant un violent coup au niveau de l'abdomen. Si Pandore n'avait pas été entrainée auparavant, elle aurait probablement quitté le sol avant de percuter un arbre lourdement. Heureusement pour elle, ce scénario ne se passa pas et elle se contenta juste de cracher tout l'air se situant dans ses poumons avec une posture fermement ancrées dans le sol.

Lâchant ses bagages à l'improviste, elle chercha de sa main droite son épée avant de se souvenir qu'elle ne l'avait pas prise avec. Grave erreur qui lui valu un autre coup au niveau du bas de la mâchoire venant la percuter de plein fouet. Ne pouvant se résigner à se faire avoir de la sorte, elle répliqua avec un coup au niveau de la tempe de son adversaire qu'elle n'arrivait pas à clairement discerner. Celui-ci fut d'abord surpris mais arrêta bien vite son coup avant qu'il n'arrive à destination.

Pandore piégée dans une position inconfortable, il ne fallut pas longtemps avant de lâcher prise et de s'évanouir lorsqu'un dernier coup vint lui fracasser la nuque.

Pandore émergea de sa longue sieste forcée avec un mal de crâne horrible. Elle avait l'impression l'espace d'un instant que son crâne avait été écrasé par un rouleau compresseur. Ce qui la choqua dans un premier temps lorsqu'elle reprit suffisamment ses esprits, se fut l'endroit où elle était. Son corps reposait sur un lit douillet et autour d'elle se trouvait divers meubles en tous genre. Bien que la pièce était loin d'être inconfortable, le fait de ne pas savoir où elle se trouvait en cet instant la dérangeait bien plus.

Ouvrant la porte, un vieil homme plus petit que Pandore pénétra dans la chambre un plateau dans les mains. Plissant les sourcils, la jeune femme ne mit pas longtemps avant de faire le rapprochement en cet homme et son assaillant. Sachant pertinemment qu'il avait voulu atteindre à sa vie, il l'aurait fait depuis bien longtemps, elle attendit une explication de sa part.

- Je suis désolé, je t'ai pris pour une personne mal intentionnée. Je connais le visage de tous les habitants du coin alors lorsque j'ai appris qu'on me recherchait, je me suis mis sur mes gardes.

Haussant les sourcils en pensant à quel point il était idiot d'agresser le premier venu sous prétexte de rumeur. Elle prit néanmoins la tasse de thé qu'il lui tendit avant de l'apprécier pleinement. Cet homme avait beau lui avoir fracassé le corps, il savait comment se faire pardonner à l'image de ce breuvage divin aux yeux de Pandore.

- Vous avez de la chance que je ne sois pas si fragile que ça.

L'homme se mit à rire en revoyant le passage où il avait mit à mal aisément la marine. M'enfin, celle-ci n'était clairement pas dans son état habituel, sa vilaine maladie la rongeant depuis plusieurs jours, il n'était pas étonnant qu'elle était quelque peu fébrile après tous ça.

- Et donc, pourquoi m'avoir accueillit ici après m'avoir attaqué ?

Celui-ci plongea son regard azure dans le sien avant de répondre à sa question.

- Ton sac s'est ouvert lorsque tu l'as jeté par réflexe, laissant alors s'échapper tous ces ouvrages à l'intérieur. J'ai beau être vieux mais je sais encore qu'un bandit ne lit pas des bouquins de chimie ou de physique. A moins de poser une question, pourquoi me recherches-tu ?

Pandore afficha un léger sourire en réalisant finalement qu'elle avait enfin trouvé celui qu'elle recherchait tant. Lorsqu'elle y prêtait d'ailleurs attention, elle pouvait clairement voir plusieurs traits de famille qu'il partageait avec son frère.

- Votre frère Sun a été mon précepteur pendant une grande partie de mon enfance. Avant de partir, il m'a dit de venir vous voir lorsque je serais prête à continuer mon apprentissage.

Celui-ci n'eut pas la possibilité de cacher sa grande surprise à l'énoncé du prénom de son frère. Il ne l'avait pas revu depuis tellement longtemps et la seule chose qui lui restait de lui était de vieux souvenirs floués par le temps. L’ermite était incapable de refuser une telle demande de la part d'une de ses apprenties bien que cela allait grandement perturber sa tranquillité qu'il avait instauré depuis une décennie.

- Sache que ça ne va pas être de tout repos jeune fille.

Pandore lâcha un regard enjoué avant de finir sa tasse de thé. Une chose qui était sure, c'était qu'elle venait de faire un nouveau pas vers son destin.