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Par delà les sables du désert - Chapitre III

Rappel du premier message :

C'est avec les cuisses en piteux état que je descends finalement de mon destrier, devant la porte du palais où, alors que je viens freiner des quatre fers pour mettre fin à ma course dératée, deux drôles de gardes me zieutent avec curiosité. Le visage et le corps en sang, vêtue comme une souillon, ma bure orientale déchirée par endroits, mes sous-vêtements quasiment apparents, c'est toutefois en boitant que je me précipite dans les jardins du palais sans attendre la confirmation des soldats hébétés sur le palier de l'entrée. A vue de nez, il doit alors être aux alentours de midi : j'espère de fait que l'autre pervers a bien réussi à arriver à temps pour mettre fin à la mascarade du Grand Vizir. Car même si, au moment où nous avions quitté ensemble le camp des brigands nous possédions encore une bonne longueur d'avance, des rencontres infortunées avec des animaux sauvages et des sables mouvants nous avaient finalement coûté une quantité de temps non négligeable. Et c'est sans évoquer la rencontre imprévue qui nous avait décisivement séparés, à quelques lieues de la capitale.

Deux heures plus tôt...

Le cou tendu par dessus l'épaule de l'officier, je guettais avec une attention particulière le paysage qui se dressait devant nous. Notre course effrénée nous avait déjà coûté de devoir traverser en hâte un repère de chacals affamés, nous tirer de trois bancs de sables mouvants et éviter de peu un nid de scorpions blancs. A cet effet, nous avions dû nous écarter de la route principale plusieurs fois, ce qui nous avait d'ores et déjà fait perdre une heure et demi de trajet. Mais ç'avait été lorsque nous nous étions rapprochés d'Alubarna pour ne plus avoir qu'une heure et demi de route supplémentaire que les véritables ennuis avaient pointé le bout de leur nez, personnifiés dans une silhouette grise, camouflée dans un nuage de poussière, qui s'était soudain mise à nous pourchasser. Et visiblement dotée d'un destrier en meilleure forme que le notre, celle-ci avait sensiblement gagné du terrain sur nous avant que nous ne commencions véritablement à nous alarmer.

- Il n'a pas l'air de vouloir nous lâcher. dis-je enfin, courbée vers l'arrière, cherchant des yeux notre poursuivant, qui, à ma grande surprise, n'est plus qu'à quelques mètres de nous rattraper.

Mais à peine ai-je fini ma phrase que quelque chose vient soudain s'enrouler autour de mon cou, m'arracher à la monture et me balancer violemment contre terre. Il me faut peu de temps pour saisir la situation dans laquelle je me trouve et reconnaître la qualité de la corde déjà trop familière ainsi que l'identité de la personne qui tient l'autre bout : Effkri Mabhoul. Me redressant maladroitement sur mes deux jambes faiblardes face à l'adversaire qui - dans un état toujours aussi piteux physiquement mais nouvellement animé par un désir irrépressible de vengeance - vient rembobiner son arme autour de sa main gauche, la seule qu'il lui reste à proprement parler.

- Enfin je te retrouve, imposteur ! me toise l'oriental du haut de son canasson gris. Qui que tu sois, je vais te faire payer ton insolence.

Et à nouveau, l'homme vient dérouler sa corde dans une tentative aussi désespérée que futile de me fouetter le flan. Cependant bien que je réussisse aisément à éviter le coup grossier et lent, ce n'est que trop tard que je remarque les shurikens accompagnant l'attaque qui viennent se planter autour de moi... et dans mon mollet. Relâchant un léger cri de douleur, je profite du petit moment de satisfaction de mon assaillant pour me retourner et donner l'ordre à l'officier de la Marine de foutre le camp.

- Qu'est-ce que tu fous, va au palais, vite ! Je m'occupe de lui.

N'attendant pas une minute de plus pour mettre mes consignes à exécution, l'homme tourne les rennes et reprend sa chevauchée sauvage alors que mon regard ne revient que trop tardivement vers l'opposant qui, entre temps, n'est pas resté sans rien faire. Alors, claquant sèchement et ligotant ma cheville, je me vois soudainement tirée par une nouvelle liane vers le cavalier qui, tout en enroulant avec de grands mouvements vifs la corde autour de sa main, m'envoie en même temps des couteaux de lancer que je peine malgré tout à esquiver. Saisissant à mon tour mon couteau de chasse attaché à ma cuisse, je mets fin à la tractation en tranchant le lien d'un coup net avant d'envoyer la lame se planter à quelques centimètres du sabot de l'animal. Hennissant et se cabrant comme prévu, la belle bête vient brusquement se débarrasser du général sur son dos qui tombe lourdement à terre, avant de s'écarter légèrement du champ de bataille.

- Cette fois-ci je ne ferai pas l'erreur de te laisser en vie. souris-je tout me remettant sur pattes pour, à mon tour, toiser l'opposant qui peine un peu plus à faire de même.

- Alors... commence le bonhomme avant de prendre une bonne inspiration et finalement déclarer : ...viens te battre.

Réagissant à ces mots automatiquement, je me fends spontanément d'un Soru pour apparaître devant mon adversaire et m'élancer dans les airs avec un puissant coup de talon avant d'enchaîner avec un Rankyaku Ran l'obligeant à reculer par petits bonds sur une courte distance. Sous l'efficacité de la mitraille, j'attends l'instant propice pour enfin découper l'espace devant moi d'une lame d'air horizontale qui vient propulser l'homme au-dessus du sol. Échouant cependant à le déstabiliser, l'opposant profite alors de l'élan qui lui est conféré par mon attaque pour m'envoyer brusquement un coup de corde roulée en boule dans le ventre et me plaquer au sol avant de me rejoindre. Restée inerte jusqu'à ce que le général fasse le pas décisif, je soulève alors soudainement mon bassin pour venir emprisonner la tête du malfrat entre mes cuisses et violemment l'envoyer manger du sable, sans pour autant arriver à esquiver une courte lame sortie de sous sa manche qu'il vient me planter entre les côtes. Jurant sous l'effet de ma blessure, je me vois alors contrainte de prendre du recul pour dégager la lame de la plaie puis darder un regard sombre sur le ninja enturbanné que mes attaques n'ont pas pour autant laissé indemne.

- Tu te défends bien. admets-je avant de disparaître une nouvelle fois dans l'air, non sans laisser figurer une courte moue de douleur sur mon visage.

Jaillissant donc dans les airs, juste au-dessus de la tête de Mabhoul, j'entreprends finalement de le charger d'une attaque efficace tant qu'il est encore à terre.

- Mais ça ne suffira pas. Tekkai Kenpou... viens-je continuer tout en fortifiant soudainement mes poings, me rapprochant dangereusement du bonhomme qui tarde à se relever.

Puis, me cabrant vers l'intérieur, les avant-bras ramenés derrière-moi, je décide de donner le tout pour le tout et déchainer les enfers :

JUGON OUREN !!


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Mar 29 Déc 2015 - 3:58, édité 1 fois
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- Bonsoir et bienvenue au Katoréen Frèle Cactus, puis-je avoir l'honneur de débarrasser madame de son superbe manteau de fourrure ?

Bien qu'affairée pour l'occasion, je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire grotesque devant le ton que prend le serviteur. Mon manteau avait beau être chaud et confortable, parfaitement adapté à la température nocturne, il n'avait absolument rien de "superbe" pour autant si ce n'étaient les touffes de poils brunes apparentes, ébouriffées sur les côtés de ma capuche. Véritable breloque, je le tends donc au  réceptionniste sans faire plus de cas, avançant d'ores et déjà à l'intérieur du restaurant. Rapidement, je remarque qu'outre le personnel très fortement réduit, l'endroit est véritablement vide autant qu'il est impeccablement propre. Au cours de ma progression dans la vallée silencieuse produite par l'alignement des tables sur les côtés, un second serveur sorti de nul part vient me tirer une chaise à ma droite, m'invitant à m'y asseoir d'un geste ample du plat de la main.

- Si madame veut bien se donner la peine de s'asseoir. explique-t-il en même temps.

Comme l'on pouvait s'en douter, cette fois-ci Ao Novas avait décidé de mettre les petits plats dans les grands. Troquant son petit bureau minables et ses manières familières et guignolesques, mon accueil s'était cette fois-ci déroulé de façon tout à fait solennelle et professionnelle, autour d'un frugal mais onéreux repas dans un restaurant de luxe.

- Si seulement mon train de vie pouvait me permettre de telles excentricités...

- L'hôte de madame est une personne particulièrement appréciée par ici. me dessert le restaurateur tout en dépliant magistralement une serviette et en me la posant délicatement sur les cuisses.

- Et je devine que l'hôte de madame est aussi très ponctuel ?

Ne pouvant légèrement s'empêcher de froncer les sourcils suite à cette remarque, le serviteur prend finalement congés dans une dernière révérence pour disparaître derrière une porte battante, dans l'arrière salle, possiblement les cuisines. Pourtant, le siège vide en face de moi ne faisait que confirmer mes propos, tandis que le directeur s'évertuait une fois de plus à manquer à la plus primaire des politesses. Et pourtant ce n'avait pas été faute d'être délibérément arrivée un quart d'heure en retard : après son emploi du temps de ministre, le manque de ponctualité constituait la seconde raison pour laquelle il était assez rare de pouvoir s'entretenir seul à seul avec le jeune homme. Mais tandis que je fulmine dans ma barbe pendant au moins cinq minutes, mâchonnant difficilement un bout de pain beurré au sel de la bien-connue île de Guet-Rande, s'accoutrant d'une panoplie aussi ridicule que peu discrète, voilà t'y pas enfin que le gusse arrive en trombes et manque de renverser sa chaise et la table en se jetant sur son siège comme une brute.

- Ahem. Bonsoir Anna. fait-il enfin une fois assis, simulant un air sérieux aussi inconditionnel que soudain.

- Bonsoir Ao. réponds-je d'un ton froid et neutre, propre à la relation que j'entretiens avec le bonhomme.

Absolument pas confiante, je me suis progressivement surprise à vouloir fuir les rares entretiens avec le boss suprême, pour des raisons aussi diverses que grotesques. A l'effigie des mœurs du CP8, le bonhomme était un maître incontesté dans l'art de jongler avec ses différentes vestes : tantôt comédien crapuleux, tantôt directeur du CP8, tantôt clown de rue, Ao Novas avait ce rare don de faire des entrées pas forcément classes, mais tout du moins imprévisibles. Et encore une fois, pour le rendez-vous qu'il m'avait lui-même posé, il venait de refaire le coup. C'était un peu cette gaminerie obsédante qui m'avait contrainte à devoir écumer les mers et cumuler les missions pourries en tant qu'agent en formation pendant plusieurs années. En guise d'excuse, le directeur avait joué la carte de l'oubli.

De l'oubli.

- J'espère que le repas va te plaire, ils font les meilleures tapas du coin. Un vrai régal. rajoute le gusse tout en accrochant maladroitement sa serviette au col de sa chemise avant de commander une bouteille de vin.

- Je ne suis pas venue ici pour goûter aux spécialités locales et tu le sais très bien. fais-je en saisissant toutefois mon verre, prestement rempli du liquide rougeâtre par le serveur.

- Je sais. se décide-t-il enfin à décrocher après un court silence provoqué par la dégustation d'une gorgée. Et je ne suis pas non plus sans savoir comment tu as négocié ta précédente mission, à Drum.

Adoptant une mine sombre, je prends cette fois-ci la remarque très au sérieux, fronçant les sourcils sans pouvoir totalement cacher mon embarras.

- Tuer une toubib twenty et accuser la révolution, c'est une chose qui se fait. Pareil pour le village, même si tu as été un peu rapide en besogne. Des révolutionnaires avec le Shigan, hein ? Enfin voyons Anna, c'est une erreur de novice ça. Non, ce qui m'a vraiment dérangé, c'est justement ça... le côté dérangé.

A ces paroles l'homme plonge sa main dans le revers de sa veste et balance nonchalamment deux photos au centre de la table. Sans même les regarder, je devine l'identité des personnes sur les portraits.

- Des fois on demande de faire des sacrifices nécessaires. En l’occurrence ce n'était pas le cas. Non, je ne veux pas savoir ce qui t'a poussée à tuer ta mère et ta sœur biologique, tu as probablement tes raisons mais... il s'interrompt alors, adoptant un timbre sombre de voix et une mine toute aussi effrayante, puis c'est d'une voix effroyablement basse et articulée qu'il poursuit sa phrase : Si un beau jour tu veux à nouveau résoudre tes problèmes personnels, fais le en dehors de tes missions ou on sera obligés de prendre certaines mesures.

Instantanément parcourue par un frisson, l'idée que je puisse être en train de marcher sur un fil me donne soudain le vertige. Outre le fait que le CP a évidemment la force nécessaire pour faire disparaître n'importe qui, c'est notamment la perspective de perdre ma raison de vivre qui me donne brusquement le vertige. Voyant que ses propos font de l'effet, le bonhomme se ramène volontairement au fond de sa chaise, cherchant à être moins imposant, mais gardant le ton sérieux avec lequel il a commencé à me parler.

- Pour ne pas te mentir, nous avons songé à nous débarrasser de toi. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des éléments volatiles qui pourraient potentiellement agir selon leurs caprices et ne pas respecter les ordres. Nous n'embauchons pas des meurtriers assoiffés de sang ni des sociopathes et nous ne sommes pas spécialisés dans les missions double zéro. Bien heureusement, tu es loin d'être un mauvais élément et il serait dommage de te détruire un avenir si prometteur au sein du Gouvernement Mondial. Certes, nous t'avons sous-estimée et je comprends que cela puisse te frustrer, mais désormais ta notoriété commence à te précéder alors tu ne pourras plus te permettre le moindre faux pas.

Droite comme un i, je reste blafarde face à l'autorité surprenante du directeur, impuissante face à son pouvoir administratif et à la vérité de ses mots. Ces derniers temps, j'avais particulièrement fait preuve de bestialité et les derniers événements sur Drum m'avaient plus ou moins obligée à me remettre inconsciemment en cause par rapport à mes actes. Me refusant à me dire que j'avais fait les mauvais choix, il m'arrivait cependant d'avoir un goût amer dans la bouche lorsque je songeais à cet instant où j'avais tenu dans ma main le cœur encore battant de ma sœur biologique. La vengeance que je pensais si libératrice s'était refermée sur moi comme un piège, me faisant oublier mes véritables objectifs : lutter contre la criminalité et les pirates. Me complaisant à torturer les monstres comme moi, je m'étais progressivement détournée de ma mission pour ne plus être qu'une sadique parcourant les mers et Ao n'en avait pas manqué un seul morceau. Que ce soit Ouroboros ou bien Carryline et Sophia.

- Mais peu importe, je ne suis pas venu juste pour te faire la leçon, au contraire. A croire que nous avons bien eu raison de te donner des vacances puisque tu as parfaitement réussi à retomber sur tes pattes. Cette opération, c'était absolument pas au programme et nous n'avions pas vu le coup venir, d'autant plus que nos marges de manœuvre ici sont plutôt restreintes tu le sais bien. Mais pour le coup il faut croire que ton intervention avec le Contre-Amiral est tombée à pic. Beau travail. A terme, cela devrait probablement permettre de renouer les liens avec Alabasta pour le Gouvernement Mondial, tu viens juste de lancer la machine d'un long processus diplomatique.

Reprenant peu à peu confiance en même temps que mes moyens, je me souviens alors de l'objet que la reine m'a confié et que je me dois de remettre le plus rapidement : la petite fiole en cuivre planquée entre mes seins. A cet effet, je récupère rapidement le récipient pour le tendre en direction de mon supérieur.

- Contente de l'entendre. Avant que je n'oublie, voici un message de la reine. Je n'ai lu que les premiers mots avant de me rendre compte que ça n'était pas à mon intention.

Découvrant prestement le parchemin à l'intérieur du tube, j'observe l'expression goguenarde sur le visage du directeur se décomposer au fur et à mesure de la lecture, les yeux absorbés par les mots, finissant leur course folle sur mon visage.

- C'est... c'est incroyable. Cela ne fait que confirmer la réussite de ta mission, bien évidemment.

Comme ce ne sont pas mes affaires, je dissimule du mieux que je peux ma curiosité, ne cherchant pas à savoir de quoi il s'agit et cela tombe bien puisque, tout en rangeant le parchemin dans l'une de ses poches, l'homme n'en rajoute pas plus à ce sujet. A la place, il adopte un grand et énigmatique sourire qui me laisse pantoise avant de déclarer.

- Et donc, pour en revenir aux raisons de ta présence, voyant que tu as bien réussi à te rattraper et que malgré tout ton ancienne mission n'est pas si catastrophique que ça, j'ai décidé de te remercier à nouveau. C'est un poil rapide et cela fera forcément des jaloux, mais que ça soit ta capacité à te fondre sur le terrain ou bien ta force physique ou ta maîtrise plus que correcte du sixième style, les prérequis sont là pour te donner une promotion. A vrai dire, il ne s'agit pas véritablement d'une promotion à proprement parler, ce sera juste quelques mots qui vont changer dans ton dossier et un rapport chiant à effectuer, mais plutôt une mise à jour de ton statut d'agent.

- Hein ? fais-je, dubitative, ayant par mégarde totalement décroché face à l'explication boiteuse du jeune homme.

- J'essaye de te dire que tu es enfin officiellement Agent de Catégorie... Uno ! répond-t-il tout en brandissant un tapas fraichement servi, la bouche pleine de nourriture.

Penchant légèrement la tête, je reste muette face au revirement de situation, observant le type ingérer l'intégralité de son assiette en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

- Je... m'essayè-je avant d'être rapidement coupée.

- Enfin, je profite de ma présence dans le coin pour faire un dernier point avec toi. J'ai cru comprendre de la part de ton coordinateur que tu recherches, de façon annexe, un moyen de récupérer la vue dans ton œil gauche, arraché par Aoi D. Nakajima il y a deux ans. J'ai raison ?

Interloquée, je ne peux m'empêcher de faire tomber maladroitement un morceau de tapas sur la serviette qui me recouvre les jambes. Enfin, je parviens à bredouiller une réponse affirmative, contrôlant difficilement le cœur qui fait des bons dans ma cage thoracique.

- O-ou.. Oui...

Je parviens à peine à contrôler mon excitation tandis que mon interlocuteur prend tout son temps pour s'essuyer la bouche et délaisser de façon négligée sa serviette dans son assiette, attendant ensuite que le serveur vienne débarrasser pour enfin entamer sa déclaration.

- Je sais où tu peux trouver ce que tu recherches. lâche-t-il enfin, tandis que je me griffe la peau des mains à force de me contenir.

- Ah... Et... Où ça ?

Plongeant à nouveau la main dans l'une des poches intérieures de sa veste, le directeur du CP8 sort cette fois-ci un vieux papier plié en quatre, rongé par le temps, qu'il étale sur la table en faisant de l'espace du mieux qu'il peut, dévoilant une carte. Rapidement, je repère assez aisément Alabasta, puis Drum et Reverse Mountain pour me rendre compte qu'il s'agit d'une cartographie des îles du coin, peut-être toutes celles de la première partie de cette mer. Éberluée par le nombre de points qui parsèment les eaux et le nombre de traits tracés pour expliquer les voies créées par les magnétismes des LogPoses, je peine malgré tout à retrouver mon chemin vers les îles que j'ai précédemment identifié, déconcentrée et perdue. C'est finalement un index désignant l'un des nombreux petits ronds noir sur ce qui semble être la "Deuxième Voie" qui vient attirer mon regard sur...

- Bulgemore ? Qu'est-ce que c'est ?

- Tu n'as jamais entendu parler de Vegapunk ? Des cyborgs ? Tu sais ce que c'est un Pacifista au moins ?

- Tu me prends pour une idiote ? Bien sûr que je sais tout ça ! Tu devrais être plus au courant des formations qui sont dispensées à tes agents, ça fait combien de temps que tu n'as pas parlé à Era Cles ? demandé-je, goguenarde.

- Je... euh... Ce ne sont pas tes affaires, l'important c'est cette île ! Il existe là-bas de nombreuses technologies très avancées qui permettent de faire des "greffes bioniques". C'est à dire permettre à des agents ou des Marines qui ont perdu un membre de recevoir en échange une partie robotique à la place. Et la copie est souvent très similaire à l'originale, je ne parle pas d'excroissances robotiques comme on peut en trouver sur le marché noir à Luvneel ou Las Camp, mais bien de véritables bras et jambes semblables à ceux que tu possèdes toi.

- Oui, j'en ai vaguement entendu parler... Et bien ? Ils font des yeux aussi ? fais-je, dubitative.

L’œil pétillant, l'homme replie la carte avant de me la tendre habilement.

- Ils font tout. C'est un programme tout entier qui gère ça dans les gigantesques laboratoires de l'île. De mémoire, il s'agit du "Programme 42". Ce n'est probablement pas donné, mais si tu arrives à trouver ton bonheur et que ça te permet d'être plus efficace sur le terrain, alors la maison s'engage à payer. termine-t-il en posant une liasse de billets de dix-mille berries dans la coupole prévue à cet effet, précédemment apportée par l'un des serveurs dans la plus grande discrétion.

Perplexe, je me surprends à me frotter le menton tout en notant le nom du programme dans un coin de ma tête. Sonnant étrangement plus comme s'il m'envoyait en mission, j'avais du mal à saisir la façade humanitaire des renseignements d'Ao. Il devait forcément y avoir une autre finalité qui le poussait à m'envoyer dans le coin, mais si c'était le cas je ne pouvais rien faire d'autre que d'obéir aux ordres. De toute façon, je ne pouvais pas passer à côté de l'opportunité de me faire greffer un nouveau globe oculaire et récupérer ce que Nakajima m'a volé, même si ça doit être du métal et non de la chair. Tout en me levant donc pour regagner l'entrée où le réceptionniste vient saisir ma veste du porte-manteau et me l'enfiler, je cherche à éclairer un dernier point obscur qui me trottine dans la tête depuis que j'ai mis les pieds dans le restaurant.

- Je vais étudier la carte de plus près pour définir l'itinéraire le plus court pour rejoindre Bulgemore. fais-je tout d'abord, pour valider officiellement la mission dérobée.

Tout en remettant son écharpe grotesque multicolore, le directeur hoche plusieurs fois la tête avant de saisir la poignée de la porte et l'ouvrir avec un puissant élan du bras, manquant de défoncer l'entrée sans y prêter attention. Des entrées spectaculaires, mais aussi des sorties : le quotidien du CP8. Alors, tandis que les derniers employés nous souhaitent une bonne soirée avant de fermer la porte à clé dans notre dos, je profite de notre tête à tête pour poser la question qui m'obsède.

- Tu m'as donné les raisons pour lesquelles tu m'as invitée mais tu ne m'as pas dit pourquoi tu es ici, à Alabasta et non dans ton confortable petit bureau douillet, à Marie-Joie. Comment ça se fait ?

L’œil malicieux, l'agent me jette un dernier regard avant de me tourner brusquement le dos et de s'en aller d'une démarche étrangement chaloupée. Après plusieurs pas effectués dans la rue, il déclare enfin :

- Il y a une affaire sur laquelle je suis depuis très longtemps et tout me ramène systématiquement ici. As-tu déjà entendu parler du Théâtre ?

- Le Théâtre ? Non ça ne me di-

- Dans ce cas oublie, ça ne te concerne pas. Allez, je te dis à la prochaine. Essaye de ne pas oublier ce que j'ai dit, d'accord, Miss Sweetsong ?

Sa question se réverbère inexorablement dans le silence de la rue endormie et même si je voulais lui répondre, il ne m'entendrait pas car il est déjà loin. Et progressivement, sa silhouette s'efface dans la nuit faiblement éclairée par le croissant de lune bien haut dans le ciel. Une étrange impression me fait alors comprendre la dure et cassante réalité.

C'était ici, à Alabasta, que je le voyais pour la dernière fois.

- Adieu, Mr Novas.
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Alors que Cloclo commençait à raconter sa vie, j’étais tranquillement entrain de sourire. Pas pour ce qu’elle me racontait avec enthousiasme, mais plutôt à cause du volte-face de l’albinos. Je l’avais clairement senti de loin. Sa voix était bien trop « reconnaissable » pour moi. Notre collaboration prenait ainsi fin ? Comme ça ? Ma foi… Pourquoi pas ? Même si je regrettais pendant quelques petites secondes la vue de son popotin qui m’aura finalement entrainé dans quelque chose de presque plus gros que moi. Marrant. D’ailleurs, je n’avais pas tant que ça la sensation du devoir accompli. La fin n’était pas celle que j’avais espérée. Il y avait une note amère que je n’arrivais pas à digérer et dont j’avais assez honte. Etre vu dans cet état par tous les membres de la famille royale… C’était déshonorant. Plus que ça même. Héros ? A moitié. D’autant plus que quelque part, la fameuse Elizabeth m’avait un peu mâché le travail. La renommée, la popularité, tout ça… C’était que d’la merde pour moi, dorénavant. J’aspirais à autre chose. Comme retrouver mon fils. Retrouver l’élue de mon cœur. Fonder un foyer digne de ce nom et m’imposer comme l’une des valeurs sûres de la marine. Le poste d’amiral n’était pas forcément nécessaire pour, le célèbre Garp étant un exemple palpable de ce que je voulais devenir à long terme. Ou même mon père, tiens…


***Une semaine plus tard, au sein du palais en rénovation***


- « Voici donc le héros de notre pays, hein… »

- « Erf… »

- « Alheïri Salem Fenyang ! »

- « Ma reine… ? »


- « Tu as saccagé une partie de mon palais… »

- « Ugh ! Mes excu- »


- « Tu t’es montré sous un mauvais jour ! Tu es même devenu un monstre ! »


- « Mais je… »

- « Tu t’es une nouvelle fois ingéré dans les affaires internes de ce pays ! Ça fait beaucoup pour un seul homme tu sais ! »

- « … »

Pendant près d’une heure, Vivi s’évertua à me torpiller de reproches fondés et justifiés d’ailleurs. Ce que j’avais tant redouté. Que pouvais-je dire si ce n’est hocher la tête et me confondre humblement en excuses ? Je m’en étais douté ! Le fait qu’elle ne m’ait pas visité à l’hôpital cachait un truc de ce genre. Pauvre de moi. Je faisais presque peine à voir avec ma mine désolée et mon sourire crispée. J’étais clairement le gosse que la gentille mémé grondait tout de même. Une scène cocasse pour la plupart des membres royaux et des officiels présents en grand nombre. Avant d’être un contre-amiral, j’étais un citoyen de ce pays et c’est bien ce qui importait en cet instant présent. Mais contre toute attente, la reine s’arrêta ses reproches pendant une bonne vingtaine de secondes, avant de s’autoriser un sourire à la fois affable et malicieux. Elle s’était clairement amusée à me faire ses reproches : « Je suppose que même si je te proposais un poste dans mon armée, tu le refuserais, hein… » Sa phrase fit taire les petites moqueries et imposa le silence. Même moi, j’étais scotché. C’était quelque chose qui ne se refusait pas. Sauf qu’elle avait raison. Je n’allais clairement pas accepter, malgré le grand honneur que cela impliquait. Je relevai mon visage vers elle et m’autorisai un sourire pour le moins désolé. Ce n’était pas envisageable. Pas maintenant…

- « Tu as toute ma gratitude Salem. »

Une nouvelle fois encore, j’ai failli chialer. Ces phrases étaient lourdes de sens et importantes pour un citoyen de mon calibre. Il eut d’autres remerciements de la part des autres personnes présentes, puis un tonnerre d’applaudissements. Ensuite, une fête en mon honneur et en celui d’Elizabeth fut célébrée, bien que cette dernière ne fût pas présente parmi nous. Sans doute vers d’autres horizons. Mais peu importe. Les festivités se déroulèrent dans la joie et dans la bonne humeur. Il faillit y avoir un crêpage de chignons entre Nina et Cloclo pour savoir qui allait danser avec moi, mais globalement, il n’y eut pas d’incidents majeurs ou regrettables venant gâcher le tout. J’avais même reçu des cadeaux et quelques représentants du sultan étaient présents pour prendre part à la fête, consolider les relations entre les deux royaumes, mais surtout transmettre le merci du peuple qui m’était adressé. Un énième grand honneur. Mais alors que j’étais bien parti pour me prélasser encore quelques temps au palais, d’autant plus que je n’étais pas totalement guéri de mes blessures, un message me parvint : Les hautes instances du Gouvernement et l’amirauté faisaient un mouvement vers moi. Instinctivement, je le sus : Mon temps était compté sur cette île.


***Deux jours plus tard, sur une côte isolée d’Alabasta***


- « Vous avez l’air en forme, amiral ! »

- « Ah… »


Le sourire de l’envoyé du gouvernemental accompagné de colonels de la régulière ne me disait rien qui vaille. M’enfin, c’est pas comme si j’avais gaffé et tout… L’homme s’amusa à échanger des banalités avec moi comme si nous étions potes pendant près d’une dizaine de minutes, puis il vint enfin au but : « Le Gouvernement Mondial et l’amirauté ont tenu à ce que je vous félicite en personne, amiral. Votre intervention dans cette affaire est admirable et nul doute qu’à l’avenir, elle renforcera nos relations avec le royaume. » J’aurai voulu lui dire d’abréger son blabla, mais je me tus. Cette façon de procéder, je la connaissais par cœur. On commence par féliciter/flatter/remercier, puis on… « Mais voyez-vous, le Gouvernement est impatient de vous revoir à l’œuvre sur les mers. Cela fait plus d’un an que vous n’avez pas bougé de l’île… » … Réprimande. Nous y voilà enfin. En gros, le GM voulait que je reprenne du service. Que je mérite mon grade. Mon salaire. Que je montre à quel point j’étais intègre ; ce que je ne pouvais pas leur reprocher bien évidemment. « Une flotte vous sera certainement assigné, Fenyang. D’ici peu. » Je hochai la tête comme pour dire que j’avais compris, avant de détacher le fourreau d’épée de ma taille.

- « Mais qu’est-ce que v- »

Alors que le gars pensait que je voulais me battre, les massacrer ou je sais pas quoi, je lui balançai le meitou à la figure qu’il rattrapa in-extrémis et tant bien que mal.

- « Que… »


- « C’est le Masamune. L’une des 21 lames. Un don pour la marine et la preuve que je suis prêt à reprendre véritablement du service. »

Le visage froissé du gouvernemental se détendit et fut barré par un large sourire. La satisfaction était visible.

- « Soyez assurés amiral, que votre réponse sera entendu. Votre don est également le bienvenu. Un tel présent ne pourra pas être ignoré… »

Lors des cinq minutes suivantes, l’homme se remit à me flatter comme pas possible, avant de remonter dans le bateau en compagnie des deux colonels qui étaient présents comme témoins et garde du corps, sans doute. Ce ne fut que lorsque le navire marine s’éloigna des côtes que je me retournai tranquillement vers le désert. J’avais encore des choses à faire avant mon départ imminent. Des moments à vivre, aussi. Je le sentais. Je le savais. Et pour moi, l’avenir promettait. Comme toujours.
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