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Sur le rebord du monde

Shee,

Tu sais, il y a des moments où je me sentirais bien dans mon rôle à fumer la pipe en marchant lentement sur les quais d'ici ou d'ailleurs, les deux mains dans les poches amples d'un ciré et les bottes qui font un bruit de fer mouillé sur le pavé. C'est ce que m'évoquent ces odeurs d'algues et d'embruns alors que je t'écris depuis ce petit porche qui me sert d'abri. Tu te demandes sans doute pourquoi je te raconte tout ça, et pourquoi est-ce que je me mets à une prose qui ne me va pas, à moi qui ne suis qu'une brute en mal d'amour, un tortionnaire, et le reste. Eh. Je te vois d'ici tirer une tête de dix pieds de long parce que je te pique tes répliques. Dis toi que je fais ça pour me réchauffer, parce qu'il neige et que je ne suis pas très serein.

Je me suis mis légèrement en difficulté, j'en ai peur. J'aime mieux ne pas te dire où je suis, parce que je crains que l'on intercepte mon courrier. Les fous de bassan sont plus sûrs que les mouettes, ils volent plus haut ; mais je ne t'enverrais sûrement cette lettre que lorsque les choses se seront calmées pour moi. Si je te l'envoie. Ça me calme de t'écrire, tu sais. Je le fais comme si tu étais ma conscience et que je devais toujours te rendre des comptes. Mmh. Bon, maintenant c'est sûr, je ne t'enverrais pas cette lettre. Alors autant tout te raconter.

Cette fois-ci, ce n'est pas un haut dignitaire que je chasse. Pas non plus un révolutionnaire pourri par le pouvoir ou un gradé qui en abuse. C'est un pirate d'un genre particulier. De ce que je sais de lui, je crois que c'est un grand malade, un sadique qui trouve son plaisir de manière exclusive dans la souffrance qu'il peut engendrer. Le genre d'homme qui fait le régal ordinaire des héros de la marine ou de la révolution qui sont tous deux très heureux d'en faire leur gibier pour faire croire aux gens qu'ils sont là pour eux, pour les protéger. Et qui en profitent pour faire croire que le monde est rempli de tordus, alors que la plupart le sont pas vraiment. C'est toi qui le dit, je t'apprends rien.

Conneries ; parce que celui-là, j'ai de bonnes raisons de penser qu'il a le soutien d'au moins une grande instance parmi la révolution, la marine ou le gouvernement. Tu comprends, ce genre d'homme est facile à manipuler parce qu'il ne dispose que d'un seul ressort pour donner du sens à sa vie : jouir. Et cette jouissance est à son tour limitée par un autre levier unique : faire souffrir autrui. Autrement dit, il est corruptible, et si on lui donne moyen d'expérimenter un grand nombre de choses dans l'unique perspective qui le passionne, il sera prêt à faire n'importe quoi.

Je ne sais absolument pas qui est sur le coup. Mais je sais que des gens disparaissent et ne reviennent jamais. Je sais qu'on lui met tout sur le dos, mais qu'il reste introuvable. Et pourtant, de tout ce que j'ai pu récolter comme rumeurs, témoignages, discours rapportés, l'homme n'a pas l'air spécialement fin ou doué pour la dissimulation.

J'ai commencé à enquêter sérieusement. Ça a été difficile, parce qu'on m'a refusé un poste fixe sur North Blue. J'ai du profiter de mes soirées pour coller des morceaux avec ce que je pouvais réunir. Trouver les tavernes d'expat' et de commerçants, causer aux collègues qui pouvaient avoir entendu des choses. Et puis, trop rarement, j'arrivais à prendre mes congés les jours où le courrier me menait sur Sanderr.

Sanderr, frangine. Pris dans le gel toute l'année ou presque, une retraite de moine. On s'y sent étrangement bien. Plusieurs fois, j'ai eu l'envie d'aller courir dans la neige dans le plus simple appareil pour éprouver à quel point ma force était relative, et je l'ait fait. Un jour, on m'a même retrouvé et ramené en ville à moitié gelé. J'avais mal mesuré mes efforts et je m'étais effondré dans la poudreuse. Le froid avait envahi tout mon corps. Bizarrement, je m'en suis remis très vite et je ne m'en suis que mieux porté après.

Il faut y entrer pour la comprendre, cette île. Comment te dire... c'est coupé du GM. Pourtant, il y a un avant-poste marine avec à sa tête le responsable le plus haï de toute l'histoire militaire des cinq derniers siècles, au moins. Pour te citer un collègue qui avait besoin d'une autorisation pour laisser son navire de livraison, c'est « une sale petite gueule de frustré qui calme ses problèmes d'impuissance en s'essuyant sur son prochain jusqu'à se sentir propre ». Et le plus beau, c'est qu'il a raison. De temps en temps, le bonhomme perquisitionne des établissements sans réelle autorisation, juste pour foutre la pression aux gens. Plusieurs fois, il paraît qu'il y a la milice du coin – les Givrelames – qui a du rappliquer pour lui rappeler que ses fonctions se limitaient aux côtes. La plupart des bistrots refusent de le recevoir. Ses hommes sont plutôt mal vus aussi. De temps en temps, il envoie des rapports mensongers à ses supérieurs juste pour augmenter la fréquence des contrôles et faire peur à tout le monde. On raconte aussi qu'il lui est arrivé de prendre des prisonniers sous prétexte qu'ils avaient été pris à ramasser du bois sur un terrain d'entraînement appartenant à l'armée. Et qu'il a forcé les familles à payer cher pour les récupérer.

D'un autre côté, il y a le seigneur de l'île. Personne l'a jamais vraiment vu, à ce qui se raconte. Même dans la ville la plus centrale, je n'ai trouvé personne qui soit capable de me le décrire physiquement. Le visage du pouvoir, ce sont les Givrelames. Des soldats dévoués, les gens les connaissent comme étant les vrais maîtres du coin. Très fiers d'être ce qu'ils sont, d'après qu'ils viennent tous du caniveau. Plutôt populaires, à cause d'eux, on raconte que le roi a des idées plutôt révolutionnaires avec les contacts qui vont bien. Et tu ne sais pas quoi ? C'est vrai.

Le royaume est un archipel ; c'est pour ça que le GM a du faire pression pour caler une base. C'est trop facile d'y cacher des gens, du matériel. Lors d'un de mes passages, j'ai pris le temps de fouiller de petits ilots un peu reculés. J'ai trouvé des traces évidentes de passage, et même quelques armes planquées dans une grotte. Le truc, c'est qu'il faut savoir où regarder. Et c'est aussi possible que j'ai eu du pot. Il y a tellement d'espace, tellement de terres, on ne sait pas par où commencer. Je suis à peu près sûr que Kobold – le chef de la marine locale – a essayé de s'y mettre en espérant une promotion. Mais il est limité par les Givrelames qui sont pas franchement partisans de ses expéditions qui, de toutes façons, sont pas légales. Je pense qu'il trouverait son bonheur si on le laissait faire. La grotte que j'ai vu, celle avec les armes, elle sentait très fort la poudre.

Et puis, il y a Wrendy Antonson Derviche. Le pirate dont je te parlais. Depuis quelques mois, il est partout. Il bute des gens, il en enlève d'autres, il les rend dans un état horrible. Tout le monde sait que c'est lui, parce qu'il signe ses actes et qu'on l'a vu roder dans le coin. Et personne arrive à le choper. Je me suis mis sur sa trace en espérant comprendre les raisons de cette inefficacité. J'ai découvert quelques pistes. Et depuis, je reçois des billets de menace de mort à chaque fois que je reviens traîner dans le coin.

Mais je vais tenter une dernière fois ma chance. J'ai pu prendre une semaine de congé. Je t'enverrais peut-être cette lettre, au final. Quand je serais vraiment certain de l'issu de toute cette histoire.

Je t'embrasse fort,

Ton frère qui t'aime.
    Depuis le temps que j'attendais ce moment. Ce sentiment d'impatience me brûlait depuis maintenant une bonne année. Petit à petit, la sensation s'estompe au fur et à mesure où je m'approche de mon but. Pas le but en soi, mais une partie qui m'amènera inévitablement vers le pot aux roses. J'ai entraîné mon esprit et mon corps pour ce but précis, en me rappelant minutieusement les éléments en ma possession qui me permettront d'atteindre mon objectif. Ce que j'ai du faire pour réunir le plus de cartes ? Je n'en suis pas spécialement fier. Mais lorsque l'on commence à retourner ces fameuses questions plusieurs fois, les faire macérer, se torturer l'esprit à essayer de trouver des alternatives ou un autre chemin à prendre, la réponse reste toujours la même. Et Dieu sait que ceux de mon côté et au courant de tout ont essayé au maximum de me raisonner. Peut-être qu'un tel entêtement est à justifier par rapport à des principes enseignés il y a de là longtemps ? Que mon comportement aujourd'hui a été appris depuis des années déjà ? Que la manière dont j'ai pu être et me forger n'a pu me conduire qu'à cette facette de ma vie ? Et puis, pourquoi repenser à tout ça maintenant, il est clairement trop tard pour faire demi-tour. Tout est prêt, autant sur le plan mental que physique ainsi qu'organisationnel. Lorsque l'issue de toute cette histoire sera là, devant moi, il n'y aura aucune échappatoire possible. J'ai aussi pris le temps de m'équiper comme il se doit pour la tâche à venir. Enfin, comme il se doit, je n'ai pris que ce qui me semblait indispensable et aussi efficace. Et pour ce qui est du déroulement de ma mission sur place, tout est établi de sorte à m’exécuter sans encombres. Le seul soucis étant que je n'ai pas la moindre idée de comment m'extraire de ce merdier une fois ma tâche accomplie. Peut-on dire que je m'aventure en territoire ennemi ? Pas vraiment. Juste qu'il faudra que je fasse très attention à ne pas créer moi-même ma prison, ma camisole, l'erreur fatale si anodine sur le moment qui me coûterait un plan sur lequel j'ai longuement réfléchi et peut-être même...la vie ? Mieux vaut que je me vide un peu la tête jusqu'à destination. Bien heureusement, je peux voyager l'esprit tranquille dans ce navire de ravitaillement. Peu de gens y sont acceptés en tant que voyageur mais une fois que l'on sort les billets, les voilà tous à genoux. Bien que nous nous approchons d'un climat froid, il fait chaud dans la cale où je me trouve. Adossé contre le mur et la tête en l'air tout en somnolant doucement, je me laisse bercer par les petits sons environnant comme le claquement des tonneaux contre les parois de bois et les petites vagues venant fouetter la coque du bateau. D'autres sont avec moi mais le silence règne, personne n'ose engager la conversation avec qui que ce soit. D'ailleurs, qu'ils n'essaient même pas de me parler, ça doit faire quelques jours que la colère fait du mieux qu'elle peut pour me sceller les lèvres. Pas trop de relations fixe aussi depuis un moment, je me contente de me balader un peu partout en quête de réponses. J'ai aussi ressorti les lunettes depuis peu. Un effet de style ou je ne sais quoi.

    A un moment, alors que étions tous à moitié endormi, peut-être pas totalement du fait de la méfiance mutuelle régnante, un des hommes sur le pont descend en vitesse pour nous avertir que nous n'allons plus tarder à accoster le bateau sur l'île. C'est très bien, je commençais un peu à m'impatienter et pour ce qui est des voyageurs, voir un homme faire des allers-retours un peu partout dans la cale les aurait un peu perturbé. Nous disposons tous d'un petit endroit où séjourner afin de profiter d'un peu d'intimité durant le voyage si nous le souhaitons. Cela ne m'enchante pas forcément vu que je m'étais dit de me reposer un peu la tête mais bon, je serais encore plus alerte une fois arrivé. Une petite table et un lit dans la petite pièce me suffit largement. Je m'assoie et commence à me munir de mon petit sac contenant d'importantes informations : celles qui m'ont permis de me mener jusqu'au Royaume de Sanderr, archipel où les révolutionnaires auraient posés pieds. Là-bas, j'ai pu trouver l'un de ceux que je cherchais depuis tout ce temps. L'un de ceux qui a constitué la cellule révolutionnaire que nous avons combattu avec mes hommes. Frank Walcott, toi... toi qui a osé tuer mes camarades comme de vulgaires bêtes. Et surtout, surtout... Mon visage et mon bras se souviennent très bien de toi. Quand je me remémore les derniers événements là-bas, je ne cesse de revoir ta sale gueule en boucle, encore et encore. Ce moment où nous étions si proche du but et... voilà que tu me regardes avec ton sourire dont je me ferais un plaisir de déchirer. Ce sourire mesquin tout en tenant ton fusil braqué vers moi et tu as tiré. Pourquoi ? Pourquoi ne pas m'avoir collé une balle dans le crâne au lieu d'avoir allumé l'artifice en plein dans ma gueule ? Sale tortionnaire, aujourd'hui sera ton dernier jour. Je t'ai longtemps cherché, usant de moyens que certains pourraient qualifier de lâche ou brutal mais...c'était le seul moyen. J'ai parcouru la mer du Nord, j'ai été attentif à toutes les rumeurs qui traînaient à ton sujet. Longtemps j'ai gardé ton portrait dans ma poche, à tabasser jusqu'à l'os les pourris dans ton genre qui voulaient absolument te garder hors de ça. Jusqu'au moment où je suis tombé sur l'un de vos meilleurs atouts, cette petite. Je n'ai tout de même pas osé lever la main sur elle, tout de même. Un visage si doux, si innocent, et le son de ses vertèbres qui craquent petit à petit sous la pression de ma main au contact de sa nuque. D'habitude je ne me comporte jamais de la sorte vis à vis d'une femme mais, les événements ont fait que j'ai dû Si frêle et pourtant si courageuse, ce qui m'a particulièrement étonné. Pendant une heure voir deux, je n'ai cessé de lui mettre la pression. Et tout ça tranquillement vois-tu, sans vergogne. A lui tourner autour à relancer toujours ces mêmes questions. Ah, cette Maika. Tout de même, j'ai fais comme j'ai pu pour te proposer une autre vie. Une si jolie jeune femme mérite tout de même mieux que de passer sa vie à aider et informer des cafards, non ? Encore merci d'avoir lamentablement arrangé un rendez-vous entre moi et un de ces insectes dans une chaleureuse taverne. Espérons d'ailleurs qu'il me paie un coup lorsque j'arriverai. Douce Maika, si tu as pensé un moment pouvoir me berner, en me laissant partir et rectifier le tir juste après. Le temps que tu te libères de l'endroit où je t'ai laissé me permettra d'arriver jusqu'au contact et de lui soutirer les dernières infos qu'il me manque pour terminer ce puzzle. On vérifie une dernière fois les affaires pour s'assurer que tout est en place. Le flingue, oui j'ai pris un flingue pour cette fois. J'avais envie de changer un peu de style disons. L'arme est chargée, les munitions sont sur moi. L'escargophone configuré exprès pour ne plus fonctionner après avoir appeler le type est là. Les documents par contre...mieux vaut les détruire. Je les brûlerai par dessus la rambarde sur le pont avant de partir.

    […]

    Nous sommes arrivés, j'ai pu me reposer à peu près comme il se doit. En sortant je salue le capitaine et ressert bien mon manteau et enfile l'épaisse capuche bien douillette. Les papiers finissent dans l'infinité de la mer et je me dirige vers le port, une petite carte des lieux en mains. « Le bistrot du Merle Dormant » quel drôle de nom. L'heure n'est plus aux songes, je me munie du Den Den avant d'hésiter quelques secondes et me met à appeler dans un endroit plutôt tranquille.

    -Ouais ?

    -C'est Melkior, j'arrive.

    Pas besoin d'en dire plus, Maika a bien pris le temps de le briefer quand je lui ai rendu visite. J'espère que je vais le reconnaître dans la foule mais ça ne devrait pas être soucis. Et pour ce qui est de mon pseudo, hors de question de lui faire connaître mon identité.

    Ce qu'il fait froid, je ne suis pas habitué aux températures de ce genre.
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    Je referme brusquement mon encrier de poche et je gratte une allumette. La flamme fait couler quelques grosses gouttes du petit galet de cire à cacheter sur la lettre, que je cachette avec ma bague. Une simple bague de la poste de Tanuki, avec son cachet en forme de tête de mouton. Je laisse sécher quelques secondes, et je la glisse dans une grande poche à l'intérieur de mon ciré. Il neige toujours. J'ajuste mon tricorne, et je sors de mon abri.

    La chose la plus pénible dans cette chasse à l'homme, c'est que mes ennemis me connaissent bien mieux que moi, je ne les connais. Je suis plutôt habitué à l'inverse. Je traque, discrètement ; personne ne se méfie d'un simple employé des postes. Et un beau jour, je fais tomber les mauvaises têtes. Mon visage leur est souvent entièrement inconnu, et ils ne comprennent pas mes raisons. Mais je ne cherche pas à leur donner de leçons. Il n'y a que les salauds qui font ça, pourrir leurs victimes avant de les tuer salement. Les miennes ont droit au silence et à une mort rapide. Chez la plupart d'entre elles, je crois que j'arrive même à éviter la terreur. Je ne suis pas là pour venger qui que ce soit du mal qui a été fait ; je suis juste là pour changer le monde en profondeur. Pour retirer les vieux cals en bois dense qui empêchent la grande machine sociale d'avancer.

    Penser ça m'aide un peu. Attentif, je marche. J'évite les auberges maintenant, et la nuit dernière, j'ai du dormir là où personne ne serait allé me chercher : dehors. J'avais prévu le coup. Mon sac de livraison est rempli de couvertures en duvet. J'ai aussi mon sabre à la ceinture. Je sais que j'ai l'air d'un pirate, mais les gens me connaissent et j'ai assez donné l'impression d'aimer travailler dans le coin pour que personne ne me soupçonne. On m'a vu m'entraîner aux katas dans la neige, plus ou moins à poil selon l'euphorie du moment. J'ai toujours aimé la neige, et le sensei disait qu'il s'y entraînait beaucoup dans sa jeunesse. Ça m'aidait à faire le vide et à mieux penser. Et ça aidait aussi les gens à me voir comme un artiste martial plutôt que comme un type violent et armé.

    Aujourd'hui, il faut que j'aille faire un tour sur le port. Il y a deux jours, un peu avant que j'arrive, il y a encore eu des morts et des gens enlevés. Ça a beaucoup changé en deux semaines. Le roi refuse toujours d'apparaître, les Givrelames peinent à dissimuler leur malaise et leur inefficacité, il y a des rumeurs qui circulent sur les petites îles de l'archipel et certains commencent à parler d'autoriser Kobold à poser le pied en ville. A son plus grand bonheur. J'ai prévu d'aller le voir dans le journée, j'ai besoin de savoir qui il est. Pour ça, j'ai un bon prétexte : j'ai un colis à lui livrer. Bien sûr, il ne l'a pas commandé et il vient de la part d'un obscur habitant de Manshon au nom tout à fait fictif. Il est rempli de vieilles médailles de l'ancien régime trouvées dans une brocante. Je me suis dit que ça serait une manière d'exciter son orgueil et de le pousser à agir, même s'il m'envoyait chier. Parce que je ne crois pas que ce soit lui qui protège mon homme. C'est un coup de dés ; mais je ne crois pas qu'un type qui fasse tout pour se faire haïr par le peuple soit une bonne couverture en cas de crise. Vraiment pas.

    -Bonjour capitaine. Les affaires marchent ?
    -Ah, Stigand ! Qu'est-ce que vous foutez encore dans un coin pareil, mon vieux ? Vos collègues m'ont dit que vous étiez en congés.
    -J'aime bien la neige.
    -Oui, enfin, avec ce qui se passe dans le coin... et puis tant qu'à faire, vous auriez pu sauter dans un sloop pour visiter Drum. D'après qu'ils sont en train de reconstruire l'académie de médecine, qu'ils font un travail magnifique.
    -Vous êtes en train de me dire que je serais plus en sécurité sur Grand Line ? Je veux dire, vous êtes un marin...
    -Ma foi, par les temps qui courent, c'est le monde qui est à l'envers ! Et puis, Drum a essuyé une guerre, non ? Les gars ont épuisé leur capital poisse pour au moins trente ans, la zone est sûre. Tandis qu'ici...
    -Il y a eu une guerre aussi, il paraît.
    -Si vous parlez de cette opposition entre une flotte et la milice locale, ça ne compte pas.
    -Comme vous voudrez. Vous devez mieux vous y connaître que moi en matière d'ordre du cosmos de toutes façons. Dites, comme vous êtes au courant, vous pouvez me donner les dernières nouvelles de l'île ?
    -Oh. Bah, ce que vous savez sûrement déjà : trois gamines enlevées, un sur leurs deux parents retrouvés morts et visiblement torturés. Ça fait un boucan pas possible dans le coin. Personne pensait qu'on puisse s'en prendre directement à Ykhion, avec les Givrelames dans le coin. Ça leur a pas mal foutu en l'air leur côte de popularité. Il y a les complotistes des fonds de bistrots qui murmurent même que ça seraient eux qui auraient tout manigancé pour décrédibiliser le roi et prendre le pouvoir. De son côté, d'ailleurs, le roi ferme toujours ses portes. Pas une parole pour rassurer les foules, rien. Les Givrelames l'ont fait, j'y étais. Ils avaient l'air nerveux et pas franchement sûrs d'eux. Personnellement, je pense que si le ver est dans la pomme, il l'est pas dans celle des dirigeants. Ou alors, ils ont tous planté une carrière d'acteur. Et j'ai toujours eu pas mal confiance dans les chefs pas démagos. Oh, et puis y'a aussi des marines qui ont patrouillé en civil dans le coin. Ils ont été grillés et on les a reconduits. D'après que le Kobold les aurait presque passés au gril, sûrement manière de dire que c'était pas son initiative. Mais c'est pas malin, au point où ça en est, vaudrait mieux laisser les bleus faire leur boulot. En plus, ce sont eux qui dominent les accès, alors...
    -Et vous arrivez encore à gagner votre croute ?
    -Il y a toujours les réguliers qui rateraient pour rien au monde les anniversaires et les fêtes de familles. Puis ceux qui ont des affaires sérieuses dans la vente de ski de fond, de raquettes et de pelles à neige. Et faut pas croire. Il y a aussi du monde que ça attire.
    -Les chasseurs de primes, oui.
    -Pas tant que ça. Surtout les curieux. Ceux qui ont trop été bercés aux histoires de massacres et qu'on envie d'en voir de près. Ou alors, qui pensent qui règleront l'affaire mieux que tout le monde. Mais qu'est-ce que vous voulez ? J'suis pas leur père. Et ça me garde à flots.
    -J'vous juge pas, capitaine.
    -J'espère bien.
    -Vous en avez eu à bord ce matin, des curieux ?
    -Oui, deux ou trois. Ils doivent être occupés à se réchauffer à l'auberge du port, ça fait souvent un choc de se manger des températures à dix degrés en dessous de zéro dans un bateau non-chauffé. Et je parle pas de l'arrivée sur le port. Vous les auriez vus !
    -J'y vais justement. Bon courage, capitaine.
    -Comme vous voulez, Stigand. Vous devez foutrement vous emmerder.
    -Chacun est juge de la manière de se divertir.

      Une ambiance un peu maussade règne sur le port. Peut-être serait-ce dû au froid ou à cause de la tête que les gens tirent. La Bleusaille locale doit aussi y être pour quelque chose dans l'histoire d'après ce que j'ai pu comprendre. Le lieutenant Kobold ayant en charge un endroit où il n'a jamais voulu poser les pieds du fait de la localisation de l'archipel. Il est aussi dit que cet homme est méfiant vis à vis de la garde royale et du roi lui-même. Azral est aussi une brute épaisse de ce que je sais, mieux vaut ne pas me frotter à lui ni aux Givrelames. Je fais ce que j'ai à faire discrètement et rapidement. Je suis d'ailleurs déjà conforté à l'idée de voyager sous un faux-nom. Autant faire les choses en bonne et due forme en ne laissant aucunes traces. Le port est très grand et assez animé. A ce moment, des bateaux arrivent et repartent et le flux de la population relativement soutenue. De plus, les Marines circulent pas mal en jetant des regards suspicieux un peu sur tout le monde. Fort heureusement, je passe inaperçu, perdre du temps à me faire contrôler m'aurait sans doute mis un peu les nerfs plus à vifs qu'ils ne le sont déjà. Mieux vaut ne pas traîner ici très longtemps si je ne veux pas finir en glaçon, le froid me pénètre sévèrement les vêtements, quel frileux tu fais Law. Si je me souviens bien, ici je suis sur la capitale nommée Ykhion. De la où je suis, je peux même apercevoir ce pic si caractéristique au milieu de l'île, c'est très beau. Idem pour le paysage, on aurait presque l'impression d'être au bout du monde. Tous ces flocons de neige, le ciel qui me semble coloré d'un bleu des plus foncés et, ce sentiment de temps en suspens. Je dois surtout être étonné tel un enfant pour penser des choses pareils. Tout en ayant la carte sous les yeux, j'avance d'un pas rapide en me positionnant comme il se doit pour être sur de bien prendre la route et de ne pas perdre de temps. De toutes manières, j'ai pu voir une photo du type avec qui j'ai rendez-vous dans la gargote. Donc même si on se rate, il ne pourra pas aller bien loin que je serais déjà à sa recherche. La quarantaine, le visage un peu marqué, brun avec les cheveux souvent en arrière mal coiffés. Il a un air assez particulier au niveau des yeux, ses arcades sont en avant ce qui le rend assez distinctif. Non, rares sont les chances que je le loupe. Et ce qui est aussi bien, c'est que lui, il ne me connaît pas.

      Mes pieds s'enfoncent dans cette épaisse neige. On sent petit à petit la neige fraîche et qui fond doucement en s'infiltrant dans les chaussures. J'aurai quand même du mieux m'équiper pour ça, j'ai un peu foiré sur le coup mais ce n'est pas l'aspect le plus important disons. Les flocons me fouettent frénétiquement le visage si je ne tiens pas correctement la capuche munie de moumoute sur les contours pour la rendre encore plus douillette. Encore une fois, j'utilise mon moyen de repère en me posant dans un coin assez protégé et prendre le temps de me repérer et de m'imaginer le trajet que j'ai fais jusque maintenant. Une nouvelle patrouille légèrement constituée passe devant moi et me regarde un peu. D'un côté, un mec en lunettes teintées avec un gros manteau retournant un morceau de carte dans touts les sens ça doit un peu attirer l'attention. Ils ne font rien et font que passer, faut dire que j'ai encore eu un peu la pression mais je m'efforce de me rassurer en me disant pour que, pour l'instant, je ne fais rien de mal. C'est bon, je suis toujours sur la bonne route. En reprenant la marche, mon esprit de touriste ne peut se retenir et me laisse observer un peu les maisons et autres bâtisses. Pour quelqu'un comme moi qui n'a jamais vu de tels endroits recouvert par la neige, celle-ci offre un certain charme aux endroits où elle tombe. Après, ce n'est rien d'extraordinaire mais ça vaut quand même le coup d’œil, pas la peine de s'attarder à tout regarder. Le trajet jusqu'au troquet est maintenant imprimé dans mon esprit, plus la peine de m'arrêter. J'y serais d'une minute à l'autre, le rêve d'un bon feu et d'une boisson chaude hante de plus en plus mes pensées.

      Logiquement, en arrivant vers la moitié de la rue au niveau de la longueur, je ne devrais plus être loin. La façade est pleine de poudreuse, des petits tas se sont formés un peu partout sur les armatures de bois des fenêtres, c'est drôle. A l'intérieur, pas mal de monde on dirait, c'est tout simplement parfait. Dans ce genre d'histoires, on se sent bien à l'abri dans une foule bien garnie, ça aide à se fondre et se sentir plus à l'aise pour parler tranquillement en étant couvert par le bruit. Enfin, c'est mon ressenti. Chacun a ses petites manies dans ce genre de « pratiques ». D'un bras, j'ouvre doucement la porte en essuyant mes godasses pour, avec l'autre bras, abaisser d'un geste souple et naturel mon capuchon. Franchement, si je me serais vu, j'aurai clairement pu dire que j'avais l'air d'un cyborg sur le coup. Je balaie la salle d'un seul regard en analysant toutes les têtes jusqu'à trouver celle que je cherche. C'est que tout se passe bien, que demander de plus. La taverne est très belle en tout cas. Très rustique, le bois est d'un marron assez foncé et les couleurs rouges et orangées forment un mélange parfait avec celles du mobilier. Pour le moment je fais comme si je ne l'avais pas vu. Il est présent et en plus à l'heure donc je peux souffler un moment. Il y a pas mal de monde et mon arrivée n'a crée aucuns blancs ou autres réactions comme j'ai pu en connaître de par le passé. Les serveuses courent un peu partout afin de satisfaire la populasse.

      Une fois au bar, je commande deux boissons « qui réchauffe » au barman pour ensuite aller m'asseoir en indiquant ma place. Mon contact m'aperçoit et ne me lâche plus jusqu'au moment où mon arrière-train est ancré dans le siège. Stoïque, les yeux cachés, je commence à retirer mon manteau et autres couvertures soigneusement en entamant le dialogue.

      -Bonjour Chester. Tu dois sans doutes te douter de qui je suis.

      -M-Melkior ? P'tain ça fait un moment que je t'attend ! Le trajet s'est bien passé ?

      -Très bien, merci de t'en soucier. Tu sais pourquoi je suis là ?

      Une serveur arrive et dépose les verres sur la table. J'invite mon interlocuteur à se désaltérer, réaction qui ne sait pas faite attendre. Sans attendre, le révolutionnaire avale deux bonnes lampées avant de reprendre. Vu son visage rougeâtre, pas besoin de me faire un dessin sur la manière dont il s'est occupé.

      -Ouais, ouais. Elle m'a aussi dit que t'avais pas trop l'temps. Sauf qu'il y a un truc.

      -Un "truc" ? Parle franchement s'il te plaît.

      -Et bah, le chef est parti. L'est parti hier soir, dans la nuit et discrétos.

      Sa réponse a eu l'effet d'une bombe dans mon esprit, le chef n'est pas là putain de MERDE. C'est quoi ces conneries ?! Si il se joue de moi, je vais le tuer de ce pas dans la ruelle. Instinctivement, ma main se serre autour du verre contenant un breuvage relativement bon. Il faut dire que depuis peu je me met un peu à l'alcool. Avec modération bien évidemment. Je pense d'ailleurs qu'il l'a remarqué et enchaîne encore.

      -Putain, j'suis désolé... J'ai essayé de te joindre par tout les moyens pour te prévenir mais Maika est in-


      -Je sais, je suis au courant. J'espère au moins que la raison d'un tel acte est justifiée, sinon, ce que tu ne sais pas, c'est que c'est pour toi que ça va mal aller. J'ai pas ramené mon cul ici pour rien.

      Il est un peu déstabilisé mais se laisse pas impressionné aussi facilement. C'est pas un problème au cas où il faudrait en venir aux mains mais il ne vaut mieux pas. Comme prévu, je fais ça vite et bien, pas de bavures.

      -A cause de c'bâtard de pirate là ! Derviche...

      Chester reprend encore de belles gorgées pour vider son verre au deuxième tour. Quelle descente ! En quelques gestes, je lui propose un autre verre, qu'il accepte. Visiblement, soit il a des oursins dans les poches ou c'est un radin, ou bien un sans le sou. Derviche ? Pas entendu parler...

      -Explique toi, qui est ce Derviche ?

      -Ouais, un cinglé de pirate. Il fout un bordel pas possible sur l’île depuis un moment. Des gens se font butés de partout, d'autres disparaissent. Francky a paniqué et il pouvait plus supporter une telle situation. Déjà que les Bleus étaient sur son dos depuis pu, ça l'a pas aidé. Il était torché hier soir et est parti sur un coup de tête en mode complètement parano quand on lui a rapporté ses nouveaux agissements.

      Pfff, mais quel beau merdier dans lequel je suis. Je me prends pas tête dans la main d'un air désespéré. Quand à l'abruti face à moi, il est impassible et boit tranquillement sa bière. Comme si rien ne l'atteignait. Après tout, dans le fond, il n'est qu'un émissaire dans toute cette histoire. Et à cause d'un pirate complètement givré, ma fameuse cible s'est envolée je ne sais où. Le margoulin ne sait pas dans quelle colère il m'a mit, et en plus il s'amuse à tuer n'importe qui. Je vais me pencher sur son cas tiens. Si je ne sais pas comment repartir serein d'ici, autant prendre du temps à me pencher sur son cas, juste pour voir si il est si terrifiant que ça. C'est vrai après tout, ni les Bleus ni la Garde Royale n'a fait quelque chose pour l'avoir. Ou bien il est malin. On verra ça plus tard Changement de plan totalement soudain, je l'avais vraiment pas prévu. Merde merde merde... Perdu dans mes pensées, les paroles des gens aux alentours sont interceptées jusqu'à entendre une phrase qui pourrait m'aider en y pensant.

      -Hey, r'garde dehors mec, v'la Stigand le facteur !

      -Hinhin, on dirait surtout un samou-

      -Ta gueule, il arrive.


      Un facteur ? On bouge beaucoup en exerçant ce genre de profession, peut-être que je pourrais lui poser quelques questions ? Il doit sûrement en voir du monde, et côtoyer des gens.. Et puis, si je demande à des Bleus, ils ne me répondront jamais. Je serais même arrêter si ça se trouve.

      -Bon, Chester, c'est tout ce que je voulais savoir. Je ne vais plus traîner très longtemps. Merci quand même.

      -Boah, de rien. Content de t'avoir guidé quand même. Et merci pour la boisson, hein.

      L'homme attend encore un moment et décide ensuite de se lever pour partir et s'évaporer dehors tel un souffle du vent.

      Ça y est, le facteur entre.
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      C'est marrant. La dernière fois que je suis passé dans le coin, je me rappelais pas que les gens étaient aussi curieux. Peut-être qu'ils trouvaient normal qu'un type avec un uniforme estampillée « poste de Tanuki – Facteur de l'extrême » se promène avec un sabre et un énorme sac à dos. C'est vrai que là, l'uniforme, je l'ai pas. Pourtant, je reconnais des clients. Connaissent même mon nom, on dirait. Faut dire qu'il est brodé sur le col de l'uniforme, un peu à la manière des kimonos. Après tout, pourquoi pas. Moi aussi j'en connais quelques-uns, pour souvent leur amener de gros colis. Lui par exemple, le large d'épaules avec le bide qui dépasse par-dessus le futal avec la chemise qui tombe sur les genoux, c'est un bucheron qui commande souvent des produits de traitement du bois. La fabrique est à Endaur, mais ils passent par nous pour servir d'intermédiaire. Son pote en face de lui, avec les lunettes sur le bout du nez et la veste rayée, c'est un libraire. Il a souvent des commandes à l'extérieur, encore plus souvent dans des endroits improbables. Ça m'arrive de me charger de ses colis quand les destinations convergent à peu près. Il me paye directement. Bon, honnêtement, je pense que la poste de Tanuki en aurait rien à carrer. C'est pas comme si je prenais ses envois en priorité sur d'autres. Mais ils ont pas besoin de le savoir non plus. Surtout qu'on a un nouveau responsable un peu chiant et qu'il serait foutu de m'imposer des contrôles.

      Et ça m'emmerderait sérieusement d'avoir des ennuis au boulot alors que c'est la partie stable et tranquille de ma vie.

      Bref. Je me décoiffe de mon tricorne en le levant à l'adresse de ceux qui m'observent ou qui ont pas pu s'empêcher de relever mon entrée. On est pas chez soi, faudrait pas être impoli. Je brosse aussi la neige de mes vêtements, comme tout le monde dans le coin. Et puis, je localise mes curieux. Facile, ce sont sûrement les seuls à pas avoir trois cols de fourrure superposés. Quoique, il y a aussi celui là qui déborde tellement de couches de laine, de polaire et d'autres trucs qu'il peut pratiquement pas bouger. Un de moins. J'ai pas très envie de travailler avec des frileux.

      Tiens. On va plutôt tenter le coup avec le petit brun, là. Même tranche d'âge, une petite chance pour qu'il en ait un peu plus dans la potiche que les trois qui jouent aux cartes en jetant des regards curieux de partout derrière lui. De toutes façons, pas le choix. Soit je me trouve de l'aide, soit je tente l'opération kamikaze (et le sensei était pas partisan), soit je me tire. Et ça, ça me ferait mal autrement plus profondément qu'à l'ego. J'aurais juste l'impression de trahir tout le monde, et moi le premier. Je suis un artiste martial, et un bon anarchiste. Si je vais contre ça parce que je tiens avant tout à rester en vie, je serais le connard dont parle souvent Shee.

      -Bonsoir, un grog si vous le voulez bien. Plutôt léger. Merci.

      Je me cale à sa table la tasse bien fumante en mains. Je lui demande même pas son avis, il a une tête à refuser. Je dirais même qu'il a l'air contrarié. Mais bon. Dans tous les cas c'est une piste un peu folle. Mais j'ai besoin d'aide ; et d'idées neuves.

      -Bonsoir l'ami. Vous accepterez bien un autre expat' à votre table, hein ?

      Je me mets à l'aise. Ciré fourré sur la chaise, tricorne humide sur la table. Et je pose aussi mon grand sac de livraison contre le pied. Difficile pour lui de me contredire sans paraître agressif. En plus, je suis sincèrement content de pouvoir discuter avec quelqu'un d'extérieur à toutes ces histoires. Même si c'est un petit curieux aux idées potentiellement tordues. J'suis pas un mec qui juge. Pas pour ça en tous les cas.

      -Le capitaine m'a dit que vous étiez quelques-uns à être venus dans le coin. C'est pas par amour de la neige, j'imagine. Si ?
      -Monsieur Stigand. Que je vienne ici m'amuser avec la neige serait comme demander à un armurier de livrer le courrier, absurde me diriez-vous.

      Je souris en dévoilant mes dents sous ma barbe. Il est nerveux. Et observateur, pour avoir réussi à capter mon nom dans le bruit de la taverne. Il doit attendre quelqu'un, peut-être ? Essayons.

      -Ne sait-on jamais. Éliminer une option a priori parce qu'elle a l'air absurde est rarement une bonne idée. Enfin. Vous attendiez peut-être quelqu'un ? Ma présence ne vous dérange pas, j'espère ?
      -Mon invité vient justement de partir. Et non, vous ne dérangez pas du tout. A vrai dire, je suis même plutôt content que vous soyez venu de vous même vous asseoir.
      -Ah oui ? Je suis curieux de savoir ce que vous avez pu entendre à mon propos pour être si heureux de me voir.

      Je jette un œil plus que suspicieux sur les tables qui nous entourent. Mais personne n'a l'air de faire attention à moi maintenant. Je reste méfiant ; j'ai pas oublié les menaces de mort. C'étaient que des menaces, je dis pas. Mais je sais aussi qu'un puissant derrière son bureau est derrière tout ça, et que le bureau fait office de séparation radicale entre le reste du monde et lui. Des milliers d'hommes peuvent mourir ; il en a rien à foutre. Il partage pas notre condition ; il a un bureau, lui. Et du pouvoir sur l'existence de beaucoup, beaucoup de gens.
        Si je n’avais pas entendu les deux hommes près de l’entrée dire que l’homme qui vient d’entrer a pour métier de poster le courrier, je pense qu’il me serait impossible de deviner, du moins pour le moment, la profession de cet homme. Un grand gaillard aux traits du visage fins. L’épée à la ceinture et sur le dos un gros sac à dos, je me demande bien si une telle arme lui est nécessaire pour exercer ce qu’il fait. Un sabre ainsi que ces épais vêtements. Mon attention se porte quand même vers lui, ce n’est pas ce genre de personne qu’on rencontre à chaque coins de rues. Ce style de visiteur bien baraqué qui provoque un silence total dans les endroits où il se rend. Sans parler de son chapeau à cornes, qui, visiblement, a le don de lui rajouter encore une certaine prestance. C’est qu’il est atypique. Ma décision s’est faite assez vite et je ne sais pas si ce sera bénéfique mais tentons le tout pour le tout, au point où j’en suis, impossible de me permettre de rater une occasion. Il faudra que j’arrive à établir le dialogue et en mettant au maximum la forme dans mes propos pour ne pas éveiller de soupçons de sa part. Il ne m’est pas possible d’avoir confiance en quelqu’un directement, ici. Me voilà désormais seul, bloqué ici avec une sorte de tyran menaçant l’ile. Puis-je me permettre de faire quelque chose en l’état actuel ? Réfléchis un peu Lawrence, oui tu as les capacités pour faire quelque chose. Mais ce qu’il faut, c’est un point d’accroche. Qui sait, j’ai quand même eu de la veine la plupart du temps dans ce genre d’histoires. Pourrais-je peut-être faire de ce postier aux allures de guerrier un allié ? Une préparation plus que scrupuleuse doit avoir lieu, mais comme je me répète si souvent : ce qu’il faut, c’est des infos. Couvert de neige, le golgote se débarrasse rapidement de cette couche blanche pour laver du regard quelques gus, dont moi ? Il n’y a pas que son apparence qui me frappe, mais aussi ce léger regard. On dirait bien ce genre de type à ne pas trop chercher si on ne l’a pas jugé avant. Et combien sont ceux ayant la langue bien pendue qui veulent se mesurer à toi, et je dis ça par expérience. « Pom, pom, pom », le son de ses grosses chaussures tapantes bien à plat contre le sol en planche de bois pour aller au bar. Un grog. Ma foi, c’est un bon choix. La table en coin où je me trouve se trouve dans le coin gauche du bistrot, quasiment collée contre le comptoir d’ailleurs. Cette fois, il se tourne vers moi. L’homme qui m’intéresse ne prend même pas le temps  de s’accouder ou quoi que ce soit pour directement venir à ma table. Wow, quelle approche directe. Bien sûr que je ne peux pas refuser quelqu’un venant s’installer devant moi sans sommations. Certes, d’un point de vue étranger, ça aurait pu susciter d’autres réactions par rapport à la situation. Et puisque j’avais envie de discuter un peu avec lui, l’occasion est merveilleuse bien qu’un peu survenue hâtivement. Je reste silencieux face à cet homme, par méfiance ? Parce que je suis impressionné ? Aucunes idées, si ça se trouve, je suis en train de le jauger inconsciemment vu son entrée en scène pouvant mettre un minimum mal à l’aise. Pourtant, ce face à face me donne le sentiment qu’il se doit d’être important. Etrangement, j’ai l’impression de déceler quelque chose dans ses paroles. Son air un peu distant me font aussi penser à quelqu’un de prudent. Ces suppositions doivent surement venir de son accoutrement. Je lui réponds un peu sur le ton de la devinette, en essayant de sous-entendre un petit peu mais…ça n’a pas l’air de trop fonctionner. D’ailleurs, il m’a lâché un beau sourire, ce sourire qui se fait franchement, instinctivement. Pas des plus beaux mais au moins quelque chose de naturel, qui vient du cœur comme on dit. Autant y aller franchement, si j’ai envie de lui toucher deux mots mieux vaut le dire directement. Ca l’étonne un peu et forcément, il me demande pourquoi.

        -Ah oui ? Je suis curieux de savoir ce que vous avez pu entendre à mon propos pour être si heureux de me voir.

        -Si j’en crois quelques un dans ce troquet, c’est vous le facteur ici. Excusez-moi d’ailleurs en parlant de ça, j’ai le sale défaut d’avoir l’oreille un peu distraite. Si je suis venu ici, c’est pour voir quelqu’un. Le souci est que je viens d’apprendre qu’il est parti de l’ile comme ça, sans me prévenir et sans dire où il part. Naturellement, je me suis inquiété. De ce fait je me suis renseigné et j’ai su qu’il a vu une dernière personne avant de partir. Et vous vous douterez donc que j’aimerai discuter un peu avec celle-ci afin de savoir où est mon ami. Je suis quelqu’un d'assez discret quand je suis en terre inconnue donc fréquenter les autorités locales ne m’enchante pas beaucoup. Peut-être qu’un facteur connaissant bien les lieux pourrait me guider ?  

        A mon tour, c’est à moi de faire un joli sourire plein de sous-entendus. Et puis il a pas l'air con, on pourrait dialoguer tranquillement et se faire comprendre ?
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