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Fallait pas faire chier

Joseph remonte son pantalon et boucle sa ceinture. Une femme aux mamelons étonnement violacés est allongée, nue, dans la cabine derrière lui. Il sort, torse nu, sur le pont et s'allume une cigarette en appréciant le souffle marin sur sa peau. Il souffle un panache de fumée et observe l'île à l'horizon qui semble grossir à mesure qu'ils approchent. Luvneel... Il a de nombreux souvenirs sur cette île. Un royaume immense et très peuplé. Natacha... Akiko... Melynda... La liste est longue. Depuis le temps, peut-être que l'une d'entre elles a mis au monde un héritier. Il faudrait qu'il aille vérifier, il serait tout de même dommage qu'il cherche toute sa vie quelque chose qu'il a déjà. Statistiquement, il serait même assez surprenant qu'il n'y ait pas d'ores et déjà, quelque part, un marmot prêt à brandir haut et fort la volonté du Q. Tandis qu'il est perdu dans ses pensées, le navire se rapproche de l'île.

La femme vient le rejoindre sur le pont après s'être habillée. Elle enlace Joseph qui s'esquive subtilement d'un pas sur le côté. Cette femme a accepté de lui offrir la traversée en échange d'un petit moment de plaisir. C'est assez humiliant de se vendre de la sorte mais en même temps autant joindre l'utile à... l'utile. Ce n'était pas particulièrement agréable. Mais il recherche une femme féconde, pas une bonne partenaire. Il lui tend un morceau de parchemin avec son numéro d'escargophone en lui disant de le rappeler dans neuf mois et pas avant. Jetant son mégot à l'eau, il fait demi-tour et retourne dans sa cabine.

Luvneel est le plus grand royaume des quatre mers. Bien que son économie soit sur une pente glissante, elle reste, pour le moment en assez bonne santé. Certes, il serait impensable d'investir et de tout miser sur ce royaume sur le déclin, toutefois c'est un bon endroit pour tenter de trouver des partenaires financiers. C'est précisément de cela dont Joseph a besoin pour réouvrir son commerce. Des clients. Des investisseurs, des gens qui sont prêts à louer ses services pour tenter de développer leurs propres activités. La tâche qui l'attend est assez importante. Il aura en effet besoin d'être suffisamment convaincant pour inciter un potentiel client à lui confier un navire. En effet, c'est tout le ridicule de sa situation. Un livreur sans aucun moyen de transport... C'est comme un troubadour sans instrument de musique ou une prostituée sans poitrine. Il manque un petit on ne sait quoi pour être pris au sérieux par ceux qui voudraient éventuellement en louer les services.

Sa veste enfilée et ses affaires rassemblées, il est sur le point de sortir lorsqu'il apperçoit sa toute dernière conquète qui descend l'escalier. Une violente secousse la fait trébucher et elle tombe sur Joseph, le renversant au passage. Elle se retrouve alors allongée sur l'homme qui semble agacé.

-Bérénice, pour l'amour du ciel, comportez-vous comme une demoiselle!
-Mais je n'ai pas fait exprès, le navire a vibré!

Intrigué, l'homme doit bien admettre avoir lui aussi senti un tremblement inhabituel avant de receptionner la dame. Il se relève en repoussant la fille et monte en vitesse les marches qui le sépare du pont. Là, l'équipage est en alerte. Des hommes et des femmes courent dans tous les sens sans avoir visiblement la moindre idée du comportement à tenir. Joseph attrape un mousse par le col et l'attire vers lui. Le jeune garçon lui apprend que des pirates viennent de leur tirer dessus et qu'il y a un gros trou dans la coque. Merde...  C'est un batiment de marchands donc pas de canons, de tourelles et surtout pas de combattants. Il laisse le garçon repartir et s'approche du bastingage. En effet, une petite embarcation arborant fièrement un drapeau pirate est en aproche et une fumée blanche s'échappe d'un des canons. Joseph se rallume une cigarette. Il sait que les forbans ne tireront plus à présent. Ce serait prendre le risque de faire couler rapidement le navire pris pour cible ce qui n'aurait aucun intérêt pour eux.

Patiemment, il attend.
    Après seulement quelques minutes, le petit navire pirate percute le bateau marchand et des hommes en armes montent à bord en hurlant. Le premier à poser le pied sur le pont reçoit une balle dans le front. Joseph range son pistolet et dégaine son sabre. L'équipage marchand est également prêt à se défendre mais il est évident que, pour la plupart d'entre eux, c'est la première fois qu'il tiennent une arme et se retrouvent obligé de défendre leurs vies. D'un puissant coup de talon, notre homme renvoit un des assaillants par dessus bord à peine quelques secondes après son abordage. Le bruit des sabres qui s'entrechoquent résonne bien vite. En quelques secondes, c'est une scène de guerre qui prend place sur le navire jusqu'ici paisible.  

    Les pirates ne s'étaient visiblement pas attendu à recevoir une telle résistance. D'autres hommes montent à bord, certains armés de fusils. Les marchands s'effondrent un par un et le rapport de force penche rapidement en faveur des pirates. Joseph voit bien qu'il est dans le mauvais camp. Il hurle alors en direction du capitaine qui l'a transporté.

    -Vous disiez pouvoir m'offrir une couverture sans faille! Mon père sera furieux d'apprendre une bourde de cette taille! Si je suis pris en otage, vous devrez subir sa rage!


    Bien entendu, le pauvre homme n'a pas la moindre idée de ce dont il est accusé, trop occupé à tenter de repousser les envahisseurs. Toutefois, les paroles ne sont pas tombées dans les oreilles d'un sourd. Lorsque l'issue de l'affrontement devient absolument certaine, les matelots commencent à se rendre, laissant tomber leurs sabres et levant les mains bien haut. Joseph recharge son pistolet à silex et profite des derniers moments de chaos pour abattre le capitaine marchand afin que celui-ci ne puisse rien dire à qui que ce soit. Dans la mêlée, personne ne semble le remarquer. Les pirates mettent en joue ceux qui se sont rendus et achèvent ceux qui continuent à vouloir résister. Joseph dépose son arme et lève les mains à son tour. Une fois la situation sous contrôle, un des assaillants apostrophe un homme resté sur le bateau pirate.

    Des bruits de pas bruyants résonnent sur les planches de bois. Les prisonniers s'observent d'un air inquiet. Un homme coiffé d'un chapeau montrant clairement qu'il est le capitaine de l'équipage monte à bord. A la place de son bras droit, un sabre est planté dans le moignon au niveau du coude. Une barbe hirsute couvre plus de la moitié de son visage, laissant simplement dépasser deux petits yeux cruels. Il se présente poliment en tant que Lovanikof Estragon, allias "Le Poisson". L'homme passe devant les prisonniers en marchant lentement, en interrogeant un de temps en temps à propos du butin. Ses hommes sont partis fouiller les cales rapidement avant que le navire ne sombre. Le chef s'arrête soudain devant Joseph et le toise.

    -T'es un p'tit noble toi, hein! Hé, Jerry! A ton avis, ca vaut combien un fils de bourge au marché noir?
    -Ho! Un p'tit paquet d'pognon pour sûr!
    -Hiark, hiark, hiark! C'bien c'que j'me dit aussi!

    Joseph garde le silence et baisse la tête. Des pirates remontent des coffres remplis de nourriture et de soiries qui étaient destinées à la vente sur le marché de Luvneel. Ils semblent déçus. Rien de très luxueux, bien que la valeur de la totalité des marchandises doit bien dépasser le million de berrys. L'homme assure pour réconforter ses troupes qu'un otage noble vaut bien plus que tout ce qu'ils auraient pu trouver. Joseph sourit  et reçoit une violente gifle qui le jette au sol en un instant. Les prisonniers sont emmenés sur le navire pirate et ligotés avant d'être descendus aux fers. Seul Joseph reste sur le pont. Les demoiselles sont simplement liées aux niveaux des poignets et emmenées dans la cabine du capitaine. Joseph peste. Si Bérénice est violée, il ne pourra jamais savoir si elle aura eu un descendant de sa lignée ou bien de ce barbu malodorant.

    Une fois tous les prisonniers descendus, les pirates se mettent à rire et à sortir des choppes et du rhum afin de trinquer à leur victoire. Le capitaine avale une grande rasade et exige que l'on mette à cuire du saumon pour fêter leur "prise". Puis, il se tourne vers le prétendu fils de noble.

    -Alors, à nous deux! Va falloir causer pour savoir à qui qu'on doit demander la rançon!

    Joseph sourit à nouveau mais ne répond pas. Il est clair qu'il s'agit d'un équipage de petites frappes sans envergure. Des déchets de Luvneelpraad ayant décidé de se mettre ensemble pour survivre. Le plus fort est le chef. Rien d'autre. Personne ne semble se soucier de la dizaine de leur camarades qui sont morts durant l'assaut. Cela montre clairement qu'il n'y a pas la moindre cohésion au sein du groupe. Il reçoit une nouvelle gifle, encore plus violente que la précédente. Un filet de sang coule du coin des lèvres du prisonnier.

    -Tu souris encore?! T'sais qu'si tu parles pas, tu nous sert à rien! Et la belle planche juste ici deviendra alors ta prochaine destination!
    -Peut-être. Mais je suis satisfait à l'idée que vous n'ayez pas trouvé le véritable trésor... Si vous l'aviez trouvé, vous ne vous souciriez pas d'un peu d'or.


    Les pirates se regardent alors les uns les autres.
      Un sacré brouhaha commence alors à se lever parmi les brigands. Le chef commence également à lever la voix pour les faire taire mais aussi pour savoir qui a fouillé le navire. Le bateau marchand commence à se remplir d'eau et est déjà incliné de façon inquiétante. Les pirates se renvoient la balle, affirmant avoir fouillé de fond en comble la totalité des pièces. "Le poisson" aggripe alors Joseph par le col et approche son visage, faisant alors sentir au bretteur son haleine immonde composée de poisson et d'alcool fort.

      -Qu'est-ce tu nous chantes? Il y avait rien sur c'te merde!
      -Si vous promettez de me relâcher, je serais peut-être enclin à parler.
      -Causes toujours et on verra!

      Joseph garde le silence et observe l'équipage. Des yeux avides l'observent. Certains regardent en direction du navire en train de couler, se demandant s'ils auraient le temps d'y aller avant qu'il ne sombre. L'otage attend encore un petit peu. Plus le naufrage sera avancé, plus il aura le moyen de leur mettre la pression.

      -Vous êtes passé à côté d'un pouvoir fabuleux. L'occasion de devenir presque l'équivalent d'un dieu.

      A nouveau, les voix s'élèvent. La plupart d'entre eux comprend ce à quoi il est fait référence. Joseph explique alors qu'au fond de la plus profonde des cales, sous une planche dérobée se trouve un coffre renfermant un très puissant fruit du démon. A peine ces mots sont ils lâchés que ce sont de véritables hurlements qui s'élèvent. Certains pirates commencent déjà à rassembler des cordages pour rejoindre le navire marchand mais Lovanikof dégaine un révolver et abat le premier qui tentait de changer de bord. De sa voix tonitruante, il promet de passer au fil de son épée le premier qui tentera de le doubler. Cela ne suffit pas à calmer les esprits échauffés par la perspective de pouvoir s'extraire de leur condition misérable. Quelques bagarres commencent à éclater. "Le poisson" transperce de son sabre rouillé trois des mutins et cela suffit à effrayer la plupart des autres.

      Le capitaine s'approche de Joseph et crache sur le sol à quelques centimètres de ses bottes. Le bretteur écarte doucement ses chaussures avec un air dégouté. Lovanikof attrape une corde et commence à ligoter Joseph. Ce dernier prend discrètement une grande inspiration et écarte très légèrement les bras. Quelques secondes à peine après, le grand barbu passe de l'autre côté, arrive sur le pont incliné et disparaît dans les cales. Joseph souffle alors, l'air dépité. En vidant ses poumons, cela lui laisse plus de place et il sent la corde qui le maitient prisonnier se déserrer. Il se met alors à supplier la vingtaine de pirates qui est resté à bord.

      -Je vous en prie, vous devez faire quelque chose, c'est votre devoir. Ce monstre sanguinaire ne doit jamais mettre la main sur un tel pouvoir.

      Un des pirates s'approche.

      -T'sais c'que c'est c'pouvoir?
      -Il s'agit du logia de la lumière, rien de moins! Un des plus puissants du monde, c'est certain! Dans le coin au fond à droite de la cabine principale, vous trouverez ce coffre au contenu si spécial!

      La réaction des membres ne se fait pas attendre! Des coups fusent de toute part, chacun voulant le récupérer avant l'autre. Quelques uns parviennent à s'échapper, arme en main, et à sauter à bord de l'autre navire. Chacun sait que celui qui parviendra à mordre dans le fruit sera totalement invulnérable. Ils caressent tous l'espoir de rendre à leur capitaine tous les mauvais traitements qu'il leur a fait subir. Inutile même d'espérer le battre, il suffit de trouver le coffre en premier et de s'en emparer avant les autres. De plus, Lovanikof étant descendu vers une fausse piste, il y a moyen de le trouver sans même avoir à croiser le fer avec cet homme terrifiant.

      En à peine quelques secondes, il ne reste plus personne sur le navire pirate mis à part quelques hommes ayant été mis K.O. par leurs camarades. Joseph ne perd pas une seconde et relâche la tension qu'il exercait dans ses bras depuis le début. La corde devient suffisemment lâche pour qu'il réussisse à se dégager en se tortillant sur le sol. Il rampe et parvient finalement à libérer un bras qu'il utilise pour retirer totalement le cordage qui l'entrave.
        Se levant d'un bond, le baratineur se dirige vers un des pirates inanimés et s'empare de son sabre avant de s'approcher du bastingage pour trancher les liens qui attachent les deux bateaux ensembles. En face, des coups de feu et des cris retentissent. La bataille à la chimère semble très violente. Joseph récupère ses affaires dans le butin, sa rapière, son pistolet et ses cigarettes. Les deux navires séloignent petit à petit. Il s'allume une nouvelle clope pour apprécier d'autant plus sa victoire.

        Sur le pont de la future épave, Lovanikof apparait, brandissant son bras-sabre ensanglanté, hurlant à plein poumons. En voyant son propre navire s'éloigner doucement, il réalise avoir été trompé et s'empare d'un fusil pour tirer sur Joseph qui se contente de lui faire un signe de la main.

        -P'tain d'enfoiré! J'vais t'crever!
        -Et encore merci, hein! J'e prendrai grand soin!

        D'autres pirates survivants émergent à leur tour et laissent sortir leur rage mais ceux-ci sont très vite tués par leur capitaine qui est fou de colère à l'idée que ses hommes aient tous quitté le navire, le laissant sans surveillance, dans le seul but de le doubler! Joseph apprécie un instant le spectacle et se dirige vers la cabine pour libérer les demoiselles. En entendant la porte s'ouvrir, celles-ci poussent un cri strident mais se taisent en voyant que ce n'est pas un pirate couvert de sang qui entrent. Une fois celles-ci libérées, Joseph leur demande d'aller délivrer les autres membres de l'équipage car il ne saurait tenir la barre à lui seul.

        Les marchands remontent un par un, légèrement abassourdis par ce qui vient de se passer. Joseph leur donne des directives à suivre. Certains balancent les pirates restants par dessus bord, d'autres vont déplier la voile ou nouer des cordages. Ils ne vont pas se diriger vers Luvneel finalement. "Le poisson" n'est pas mort et il n'a pas l'intention de lui donner l'occasion de récupérer son navire. Direction Las Camp. Là-bas, il pourra échanger les soieries contre quelques modifications de la embarcation afin que celle-ci ne soit plus reconnaissable par qui que ce soit. L'équipage ne pose pas de question et s'exécute, de toute façon, ils n'ont plus de capitaine à qui obéir.

        Une embarcation, même modeste, c'est pas mal pour commencer, surtout quand on ne l'a pas payée.