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Du sang et de la neige - souvenirs d'une autre vie


Les yeux clos, je me concentre sur le bruit de mes chaînes. En fond, j’entends de l’eau qui goutte sur le sol, en émettant un son clair et régulier.  Il fait froid, mais ce n’est pas très important. Ce n’est pas important.
J’entends à nouveau le vif claquement du chat à neuf queues, et la chair se déchire à nouveau. Je garde les yeux fermés, et je continue de contrôler ma respiration. J’ignore la douleur et le sang que je sens couler sur mon dos et mes jambes jusqu’à goutter sur le sol. Evidemment que j’ai mal. Mais je repousse ma douleur loin de mon esprit, en lui ordonnant de se taire. Elle se fait toute petite, elle gémit dans un coin. Je n’ai pas compté les heures qui se sont écoulées depuis qu’on m’a enfermée ici. Mes cheveux ont déjà séché depuis l’épreuve de l’eau, et mon estomac se plaint d’avoir sauté ses heures de repas. Je ne me dis même pas que ça va finir par s’arrêter, ça ne sert à rien. Je dois parer à toute faiblesse psychologique. Non, je dois supporter, tout supporter.
Comme une pierre qui ne sent rien. Pendant un moment, je deviens une pierre, insensible et fermée. Je ne suis plus humaine, je n’ai plus de sentiments. Je mets toutes mes forces dans cette acceptation de la douleur. Je la perçois, je la reçois, mais elle ne me fait rien. Elle déchire ma chair, verse mon sang, mais elle ne m’atteint pas.
Les heures défilent, et je sens que l’inconscience cherche à m’attraper. Dans ces cas-là, la douleur est mon alliée, comme si elle m’arrachait brutalement à tout espoir de repos à chaque fois. Je ne peux pas m’évanouir. Si je rate mon créneau, l’absence de mon bourreau, je resterai là pour 12 heures de torture en plus.

Il fait nuit noire lorsqu’il arrive. J’entends enfin mon bourreau être appelé, puis qui s’éloigne et ferme la porte à clé derrière lui. J’inspire profondément. Je sais que je n’ai qu’une poignée de minutes pour m’évader.
Doucement, je commence à me balancer. Tous mes muscles sont engourdis, je suis restée trop longtemps dans cette position. Je fais des petites rotations avec mes poignets, j’essaie de réveiller mes membres endoloris et fatigués. Lorsque je suis prête, je me lance. J’attrape les chaînes à mes poignets, et d’une impulsion, je lance mes jambes en l’air. J’échoue au premier coup, mes jambes fatiguées retombent comme de la pâte molle. Je les agite quelques temps pour chasser l'engourdissement, puis je retente. Cette fois, mes pieds montent assez haut et je les pose contre le plafond. A présent, je suis accroupie au plafond, les mains encore attachées placées entre mes jambes, comme un animal. J’observe un peu mes menottes. Elles sont en acier fin, fixées autour d’une vis dans le plafond. La dernière fois, j’avais réussi à faire céder les maillons de la chaîne mais cette fois, pas de chaîne. Plus de serrure à garniture non plus, ç’aurait été trop facile. Ils ont prévu des fers avec un cran de fermeture à usage unique en parant à toutes mes combines de précédentes de crochetage ou d’altération du mécanisme. A chaque fois, c’est plus dur de m’évader. Le gardien ne prend plus le risque de s’approcher plus près que ce que son fouet peut atteindre, et on m’a bandé les yeux pour que je ne tente pas l’hypnose.
La solution me vient vite, aussi pénible soit-elle. Ma main est plus grande que mon poignet, mais ça peut s’arranger. Je prends une profonde inspiration et d’un geste sec, je provoque un violent craquement.

Deux de mes doigts désarticulés, je peux faire glisser ma main hors de la menotte. Niveau douleur, je ne suis plus à ça près, mais j’ai du mal à défaire mon autre main de la même façon. Une fois libérée, je tombe sur mes deux pieds, mais mes jambes cèdent aussitôt et je m’étale de tout mon long sur le sol. Malgré la tentation et les suppliques de mon corps, je dois résister à la tentation de m’endormir sur le sol de pierre. Je me relève péniblement, tachée par le sang sur lequel je suis tombée. Il faut encore que je sorte de la pièce. Il y a une minuscule fenêtre, je n’ai aucun espoir de passer par là.
La porte est en bois, mais elle est épaisse, je ne pourrais pas la fracturer à moins d’y passer des heures, or il ne me reste sûrement qu’une poignée de minutes. Mais j’ai réussi à déjouer la fouille, j’ai mes aiguilles sur moi.
Les fouilles sont de plus en plus précises, et jamais je n’ai pu utiliser la même cachette deux fois, car à chaque fois mon gardien semble avoir découvert entre-temps ma cachette précédente. Probablement suis-je observée.

Rapidement, j’attrapais un caillou qui traînait au sol, et entrepris avec de m’ouvrir l’avant-bras. Je mis un moment à faire sortir les deux senbon que j’avais préalablement cachés. En réalité, ils étaient là depuis la dernière fois, au lendemain de laquelle j’avais déjà dû penser à une nouvelle idée. Sinon, cela n’aurait jamais cicatrisé assez vite pour qu’il ignore la blessure.
Péniblement, je parvins à récupérer mes deux aiguilles, et à crocheter la serrure. Il n’y avait personne derrière la porte ni dans le couloir des cachots, mais je dûs monter le plus discrètement possible les étages, passant parfois par dehors pour ne pas être repérée.

J’ignore quelle heure il était lorsque, enfin, je parvins jusqu’à ma chambre, au dernier étage.
Là, mon premier réflexe fût d’ouvrir la fenêtre et d’aller m’allonger là, dans la neige, sur le toit. Aussitôt, je dû étouffer un cri. Le froid de la neige mordait violemment contre les plaies fraîches de mon dos. J’ignore quels dégâts le chat à neuf queues a pu faire, mais la neige a adopté une couleur vermillon sous moi. Au moins, passé le plus dur, la neige glacée finit par anesthésier plus ou moins mes plaies, et ralentit mon hémorragie. Est-ce que je n’ai pas perdu trop de sang ? J’ai la tête qui tourne, mais ça va.
Plusieurs minutes passent, pendant lesquelles j’essaye désespérément de ne pas céder à la somnolence. Puis, quand je commence à ne plus sentir mon dos, je me traîne à l’intérieur et ferme la fenêtre. En me relevant, mes doigts me rappellent douloureusement leur état, mais je commence par aller me doucher. J’ai passé douze heures enfermée, et je suis dans un état innommable. Je suis obligée de me laver assise pour ne pas tomber, et je dois ravaler mes gémissements lorsque je m’attaque à mon dos.  Une fois plutôt propre, je m’éponge avec précaution avant d’aller saisir une tenue dans mes affaires, et j’opte aussitôt pour la combinaison dos-nue noire en soie. Avant de l’enfiler, je dois encore préparer un cataplasme aux herbes pour mon dos.
Je passe un temps fou à sélectionner les plantes dans ma serre miniature et à préparer la mixture avec mes doigts valides. Lorsqu’elle refroidit grâce à son récipient posé dans la neige, je me place face au miroir pour me l’appliquer seule.
Mon dos est méconnaissable. La chair a été déchirée à différentes profondeurs, et de grandes griffures le parcourent dans tous les sens. J’ai la nausée rien que de voir les tissus sanguinolents à vif. Il n’y est pas allé de main morte.
Tout doucement, je commence à appliquer mon cataplasme, et cela me soulage déjà. A certains endroits, j’ose à peine toucher ma peau, mais il le faut. Tout cela me prend une éternité. L’aube pointe au loin lorsque je me prépare rapidement une attelle pour mes doigts cassés. J’ai les yeux rouges et la gorge rauque après la torture par l’eau, mais aucune séquelle des injections de poison, comme d’habitude.  
Après avoir sommairement noué mes cheveux, je vais enfin m’allonger sur mon lit, sur le ventre. Je m’endors à la seconde même où je ferme les yeux, épuisée.


Dernière édition par Xia He Wei le Mer 18 Avr 2018, 10:35, édité 1 fois
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Un assassin ne dort jamais vraiment. Ou du moins, pas du sommeil profond et plaisant dont les gens parlent après une grasse matinée. Nous nous maintenons quelque part entre la somnolence et le sommeil, dans un état semblable à l’hypnose, où notre esprit reste alerte tout en se reposant. Aussi, j’ouvre instantanément les yeux lorsque quelqu’un pénètre ma chambre. Le périmètre mentalement établi franchi, j’ai tous les sens en alerte.
Mais l’assassin range son arme dès qu’il me voit bien réveillée et mon tessen dégainé, puis il s’incline simplement et repart. Je lâche un soupir avant de replacer mon éventail meurtrier sous mon oreiller. Je suppose que cela signifie que je dois me lever. D’après l’ensoleillement de ma chambre, on est encore le matin, j’ai dû dormir une poignée d’heures.  J’aurais voulu pouvoir jouir du triple, mais telle un robot je noue mes cheveux et enfile un kimono long par-dessus ma tenue. Mon dos me lance encore terriblement, mais je dois l’ignorer. Aucun anesthésiant ne peut me soulager, de toutes façons.

Je rejoins la grande salle commune où le clan déjeune après l’entraînement matinal, que j’ai manqué. J’attrape un plateau avec le repas, le même pour tout le monde, et je m’assois à ma place habituelle, en retrait à la gauche de mon père. C’est l’un des seuls temps de récréation pour les assassins, et le silence règne rarement, sauf à notre table.
J’ai l’habitude de manger en silence. En général, c’est Heng, mon frère aîné, qui tente de faire la conversation. Mais il n’est pas là aujourd’hui. Le connaissant, je parie qu’il ne  s’est pas encore évadé, et qu’il a préféré rester dans la salle à affronter la torture pour prouver sa force à notre père. Malgré tous ses efforts, Kuan Ti ne démontre jamais la moindre fierté à son égard. Tout juste s’informe-t-il de l’avancée de notre formation, et, pour mon frère, de ses contrats. Moi, je n’ai pas encore atteint quinze ans, l’âge auquel nous commençons à effectuer nos missions d’assassinats, mais Heng, qui en a dix-sept, s’en donne à cœur joie. Un peu trop même, puisque beaucoup de ses meurtres sont tout sauf discrets, ce qui déplaît fortement à père.
En ce qui me concerne, tuer n’est et ne sera pas un problème, mais pas un plaisir ni un moyen de montrer ma valeur non plus. La seule chose qui m’intéresse peut-être, c’est ce droit que j’aurais alors de me déplacer à ma guise dans la ville, sans surveillance.

La vieille Yue You, mon maître, nous rejoint à notre table. Comme d’habitude, elle se plaint que notre bouillon est trop chaud, et le riz trop mou. Puis elle commence à me bombarder de questions sur mon entraînement exceptionnel de la veille.
Les séances intensives de torture et évasion sont rares, heureusement, mais de plus en plus difficiles à supporter et complexes. La première, j’avais sept ans, et ça avait été très dur de m’évader du puis profond dans lequel on m’avait jetée. Ils y avaient versé une eau sale où des anguilles rôdaient, et j’étais ressortie après trois heures d’une escalade pénible, bardée de brûlures. Je n’avais fait que quelques mois d’entraînement intensif avant ça, et ça avait été un des moments les plus pénibles de ma vie. Pourtant, je n’avais pas pleuré. Depuis que mon père m’avait recueillie, je m’y refusais fermement, ne serait-ce parce que je ne voulais pas faire ce plaisir à Heng.  A chaque difficulté, c’était la même chose : je ne pouvais montrer aucune faiblesse devant mon frère, lui qui était sans pitié.

Le fait qu’il ne soit pas au déjeuner ce jour-là m’offrait une forme de répit bien appréciée. Mon dos me lançait, et j’aurais eu du mal à cacher que je ne me tenais pas aussi droite que d’habitude, ce que Yue You ne se priva d’ailleurs pas de me faire remarquer, elle qui avait un œil de faucon malgré son âge.
Nos repas étaient toujours frugaux, mais ce jour-là, je le savourais comme un festin. Habituée à vivre sur un emploi du temps extrêmement strict, je n’étais pas habituée à sauter les repas, et cela se ressentait. En mangeant, je réalisais que je n’avais même pas fait mes étirements au réveil. Il faudrait que je me rattrape après mon cours avec Yue You.

- Heng est un imbécile, dit soudain la vieille femme.

Surprise, je l’écoutais parler sans rien exprimer en mangeant mon riz, guettant les réactions de mon père.

- Il a encore décidé de rester délibérément douze heures de plus au cachot. Et ce n’est pas ce que l’on attend de lui. Ce n’est pas ce que l’on attend d’un assassin.

Mais comme à son habitude, mon père ne montra rien. Il ne répondit même pas. Yue You continua de grommeler après l’attitude de Heng, mais à aucun moment il ne sembla affecté. Il écoutait seulement ce qu’elle lui disait. Silencieuse, je l’écoutais aussi, même si j’avais l’habitude de l’entendre se plaindre. Yue You avait vu défiler plusieurs générations d’assassins, et trouvait toujours quelque chose à redire à ceux qui se présentaient à elle.
Moi, elle me trouvait trop petite, trop rigide, trop lente, trop prévisible. Tous les jours elle me trouvait des nouveaux défauts, que je cherchais quotidiennement à corriger.  Pourtant, elle me jugeait toujours en tant que femme, sans jamais me comparer aux hommes du clan.  Je n’avais que quatorze ans, mais comme mon maître d’armes elle misait déjà tout sur mes différences : je devais être plus vive, plus rapide, plus souple que les garçons. Elle avait aussi pris le parti de m’enseigner des matières que les assassins masculins n’avaient jamais apprises, comme la médecine, la couture, l’acupuncture. Lorsque mon frère apprenait à briser une nuque à mains nues, moi je devais connaître par cœur l’emplacement de toutes les artères du corps humain.

Elle me surveillait constamment, comme une ombre. D’ailleurs, je la vis faire un geste vers celui qui était à la cuisine ce jour-là, et il m’amena un petit bol de pousses de bambou.

- Mange.  

Yue You était un maître strict, et je savais que je n’avais le droit à cette ration supplémentaire que parce qu’elle désapprouvait complètement le jeûne imposé par l’épreuve de la veille. Elle détestait que l’on déroge ne serait-ce qu’un peu au régime strict des assassins, qui était codifié au gramme près, et que nous devions prendre à des heures précises. Elle relevait chaque jour mon poids et ma taille, et n’hésitait pas à me punir si j’étais plus maigre ou plus grosse que ce qu’elle avait prévu. Il était même arrivé qu’elle me fasse faire des tractions ou qu’elle me suspende par les poignets, juste parce que je ne grandissais pas assez vite à son goût.


Dernière édition par Xia He Wei le Mer 18 Avr 2018, 12:01, édité 1 fois
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Après le repas, je suivis la vieille femme au rez-de-chaussée, dans la grande pièce qui servait aussi d’infirmerie. Mais je n’étais pas là pour me faire soigner. Depuis mes 7 ans, cet endroit était pour moi un lieu d’étude. Il m’avait fallu des semaines pour m’habituer aux odeurs innombrables et étouffantes des plantes et décoction qui juchaient toutes les étagères. Yue You conservait des tas de choses ici, qui n’étaient pas toujours identifiables, et pas seulement à cause de la pénombre. Elle vivait avec les fenêtres closes, la seule lumière filtrant par les recoins mal isolés et une petite lucarne sale en hauteur, donnant une lumière orange-brunâtre et une chaleur étouffante partout dans la pièce. Le seul avantage, c’est que m’habituer à cet environnement m’avait permis d’améliorer de beaucoup ma vision de nuit. En revanche, mon odorat longtemps agressé n’était plus bon à rien.  
Comme d’habitude, je m’assis en tailleur, les mains posées sur les genoux en attendant de savoir quelle allait être ma leçon du jour. Parfois, elle me faisait étudier l’herboristerie, parfois la médecine, parfois les poisons, parfois autre chose. Mais il y avait aussi des jours où elle me faisait travailler comme soigneuse auprès de la population, ou encore des jours où elle me faisait simplement faire le ménage dans ce capharnaüm.

Aujourd’hui, la vieille femme semblait particulièrement pensive. Elle poussa devant moi un tas de parchemins abîmés et grommela quelque chose à propose de réaliser ce qui était écrit. Je mis un moment à comprendre qu’il s’agissait d’une mixture à réaliser à partir de plantes médicinales, tant les papiers étaient abîmés et quasiment indéchiffrables. Je commençais par recopier les informations sur de nouveaux parchemins, en m’appliquant. Du coin de l’œil, je surveillais Yue You. La vieille femme s’acharnait sur la racine dans son mortier comme si elle l’avait offensée. Mais je me gardais de ton commentaire. Recopier l’ensemble des feuilles me prit une bonne heure avant que je ne commence à rassembler ce dont j’avais besoin. Je dû aller prendre certaines des plantes dans le petit jardin, deux petits carrés de terre où nous cultivions tout un tas de spécimens. Bien qu’il soit à l’air libre, personne à Zaun n’osait s’en approcher. Non seulement à cause des plantes parfois toxiques, mais aussi parce que tout le monde craignait le courroux de la vieille femme. Il faut dire qu’elle avait accompli un  petit miracle avec ce jardin. Nous vivions sur l’une des îles les plus polluées qui existent, et pourtant un peu de verdure avait réussi à voir le jour, même au cœur de l’hiver, renforcée par des engrais maison. Doucement, je sélectionnai les feuilles dont j’avais besoin et revins à l’intérieur.
Yue You mélangeait une nouvelle mixture, ses yeux me scrutant lorsque je revins m’installer au plan de travail. J’attendais qu’elle se décide à parler. Je commençais à la connaître assez pour savoir qu’elle finissait toujours par faire savoir la raison de son mécontentement. Et cela arriva, alors que je lavais mes feuilles à l’eau bouillante.

- Ton père est un homme têtu.

Surprise de l’entendre ainsi se plaindre de Kuan Ti, je ne dis rien, m’acharnant sur mon laurier.

- Il s’est encore disputé avec les anciens, à cause de ton frère. Le vieux Arang  s’entête à vouloir qu’il prenne la succession de ton père, mais Heng n’a rien d’un assassin, et Kuan Ti le sait pertinemment. Mais les anciens ne veulent pas d’autre candidat. Toute cette histoire va nuire au clan. C’est mauvais.

J’étais au courant. Mon père était un homme secret, mais ses disputes avec les anciens ne m’avaient pas échappé. Nous vivions ensemble, et je l’avais plusieurs fois entendu se disputer avec eux dans notre grande salle. Mon père refusait en bloc d’élire officiellement Heng comme successeur.
Mais le temps passait, et il n’y avait pas d’autre successeur possible : aucun assassin n’avait le charisme de mon père, ou son niveau. Personne ne semblait même capable de s’en approcher, hormis Heng, mais il le faisait de la pire manière possible. Beaucoup d’autres noms avaient été cités : Zuo, Li, Zheng, Fei Fei, Nura, Bao, Xiaoxu…. Mais même s’ils étaient d’excellents assassins, aucun n’avait l’âme d’un chef. Récemment, j’avais même entendu mon nom revenir plusieurs fois dans la conversation. Mais c’était impossible : même si j’étais la fille de Kuan Ti et que je répondais à tous les critères, jamais une femme ne serait acceptée à la tête du clan.
Au départ, tous les espoirs s’étaient naturellement placés vers Heng : c’était un garçon, le fils légitime de père, et il était plus âgé de moi. Mais il avait grandi avec sa mère, où il avait appris à recevoir de l’affection, à être choyé. Or, c’était quelque chose qui n’existait pas pour un assassin.
En ce qui me concerne, j’avais toujours été une sorte de sujet compliqué auquel personne ne voulait trop prêter attention. Je crois que personne, pas même moi, ne comprenait ce qui avait poussé mon père à me garder en vie. Lorsque ma mère est morte, il m’a trouvée, alors que j’étais bébé, prête à mourir de faim et de froid à mon tour. Et personne ne lui en aurait voulu de m’avoir laissée là. Mais Kuan Ti Wei m’avait ramenée au clan, sans se justifier. Il ne m’avait confiée à personne, prenant sur lui toute la charge que je représentais. Parce qu’il m’en fallait bien un, il m’avait donné le même prénom que ma mère, et son nom à lui.
Le prénom Xia He, ainsi que ma chevelure aux reflets rouges, c’est tout ce qu’il me reste du cadavre que j’ai côtoyé. Je ne me rappelle même pas de son visage. Seulement de son corps famélique et glacé à côté duquel j’ai pleuré pendant des heures. Pas parce que ma mère était morte, mais parce que j’avais faim, et froid.
Même aujourd’hui, je n’ai aucun souvenir d’avoir reçu un jour de l’amour. Mes premiers souvenirs sont ceux de mon traumatisme, puis l’enfance aux côtés de Kuan Ti. Et nulle part dans cette vie je n’avais trouvé de l’affection. Seulement une vie spartiate, où mon seul but était d’obéir, de servir les intérêts du clan. Je n’avais jamais fait de caprice, ni jamais réclamé quoi que ce soit. Je voulais juste pouvoir être utile à mon père, d’une façon ou d’une autre. Tout mon monde tournait autour de Kuan Ti Wei.
Pour Heng aussi. Mais lui se désespérait de ne jamais rien obtenir en retour. Contrairement à moi, cette relation quasiment à sens unique ne lui convenait pas. A tel point qu’il aurait fait n’importe quoi pour obtenir la moindre reconnaissance de notre père. Et qu’il me considérait, moi, comme une rivale.
Mais comme mon père, j’étais complètement indifférente à son attitude. Au contraire, chaque coup qu’il me donnait était pour moi une source de motivation supplémentaire dans les entraînements. Je savais qu’il était capable de me tuer, et je savais que mon père ne me sauverait pas la vie deux fois. J’avais dû apprendre seule à survivre aux combats contre Heng. Parfois, je m’aventurais à me demander si mon père aurait vraiment laissé mon frère me tuer.
Le reste du temps, j’en étais persuadée.



Dernière édition par Xia He Wei le Mer 04 Avr 2018, 17:50, édité 1 fois
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Les journées d'un apprenti assassin ne sont pas aussi trépidantes que ce que l'ont peu s'imaginer. Je consacrai près de deux heures à suivre les explications de l'antique recette que m'avait confié Yue You, en observant un silence total. Alternant mortier, balance et spatule, je réalisai ce qui devait être la base d'un cataplasme pour les brûlures.
Tout en mélangeant la mixture, je ne prêtais qu'une oreille à l'inépuisable monologue de la vieille femme. Je connaissais Yue You depuis plus de sept ans, mais le peu que je savais sur mon maître, ce n'était que son nom, et son aversion pour tout ce qui causait du tort à notre clan. Je ne connaissais pas son histoire, ni comment elle était devenue la seule femme assassin de sa génération. Je n'avais jamais été très curieuse, et le respect de mes supérieurs passaient bien avant le reste. Et surtout, on m'avait vite inculqué que je n'avais pas à poser de questions, seulement à obéir aux ordres. Et il ne me serait pas venu à l'idée d'y contrevenir.

Une fois ma tâche terminée, je pris soin de tout nettoyer, ranger et étiqueter soigneusement la composition. Yue You relisait les parchemins recopiés de ma main pour trouver quelque chose à y redire, mais ce ne fut pas le cas. Alors, comme souvent, elle se débarrassa de moi en m'ordonnant d'aller m'occuper des serres.
Ce que Yue You appelait fièrement son "jardin" était une grande cabane sommaire, qu'elle avait érigé il y a plus de vingt ans, au pied de la tour des assassins. Accolé à l'infirmerie, le bâtiment était constamment ouvert, et ressemblait plus à une prise de territoire sauvage par les plantes qu'à un élevage en règle. Une cinquantaine de variétés se disputaient l'espace disponible, s'étendant à leur gré hors des tables où elles avaient été originellement plantées, rampant jusque sur le sol ou grimpant le long des piliers. J'avais pris d'innombrables coups de bâtons pour avoir malencontreusement marché sur telle liane ou telle racine, bien que la plupart du plancher ait disparu sous elles. Aussi, je devais faire en sorte de les tailler régulièrement, ou de récupérer des racines pour les entreposer avant que la serre ne redevienne impraticable.

L'herboristerie m'avait eu à l'usure. C'était l'un de seuls arts, avec la médecine, dont j'avais d'abord étudié la théorie avant de passer à la pratique. Avaler des kilos d'informations tirés d'ouvrages aussi volumineux qu'ennuyeux n'avaient pas aidé à me faire aimer cette matière. En revanche, les opportunités de m'évader dans les serres plutôt que dans le bureau renfermé et étouffant de mon professeur avaient bientôt été l'une de mes principales préoccupations. En dehors de Yue You et moi-même, personne ne venait jamais ici, et j'étais presque certaine que c'était par peur des représailles de la vieille femme. Or, j'étais libre d'aller et venir à ma guise, tant que je m'occupais des occupantes.
Avec le temps, j'avais appris par cœur les besoins et propriétés de chaque plante, non sans avoir eu quelques échecs. Yue You m'avait rossée sans retenue à plusieurs reprises pour avoir laissé mourir une plante ou gâché des feuilles dans une potion ratée. Car l'atmosphère de Zaun n'était pas franchement propice à la végétation, et comme je l'avais vite appris, la moindre plante était aussi précieuse que fragile. Mais aujourd'hui, j'étais capable de créer mes propres variétés hybrides, et d'élaborer des poisons et remèdes complexes. Régulièrement, je volais un antique parchemin ou deux à mon professeur et m'attachais à recréer les plus dangereux élixirs présentés.
Aussi, en arrivant dans la serre, je me dirigeais directement vers le bout du bâtiment pour vérifier l'état de mes cultures. Entreposés sur une étagères au-dessus de celles-ci, je fouillai rapidement dans les vingtaines de fioles présentes, jusqu'à trouver celle que je voulais. D'un geste, j'avalais l'intégralité de son contenu, et attendis une minute.
Rien ne se passa. Même dix minutes plus tard.
Encore raté.

Dépitée, je nettoyais le flacon et retournais à mes fleurs. Je m'en doutais, mais cela n'enlevait rien à ma déception. Depuis trois ans, je nourrissais l'espoir secret de créer une drogue antidouleur assez puissante pour avoir effet sur moi, et mon sang. Or, les innombrables poisons qu'on m'avait injectés depuis l'enfance m'avaient rendue absolument insensible à tous les médicaments que j'avais jamais essayés. En contrepartie, bien sûr, je n'avais jamais ressenti le moindre effet de tous les poisons que j'avais pu ingérer jusque là.
Mais la douleur lancinante des plaies encore fraîches dans mon dos était là pour me rappeler que le poison n'était qu'une des innombrables façon de tuer quelqu'un. Étais-je sensible aux maladies bactériennes? L'expérience disait que non. J'avais prodigué un nombre incalculable de personnes à l'infirmerie sans jamais tomber malade, mais ce n'était pas une preuve suffisante pour moi.

Un peu plus loin, sur ma gauche, entre deux plantes cannibales, une épaisse fleur mauve, aux larges feuilles, poussait avec difficulté. C'était la seule survivante d'une série d'essais que j'avais expérimentés quelques mois plus tôt. C'était la seule plante à avoir réussi à pousser alors que j'avais imprégné son terreau de mon sang. Elle-même était issue d'un mélange entre plusieurs des spécimens les plus toxiques que j'avais pu trouver.
D'après son aspect, elle ne survivrait pas plus que quelques jours, mais au moins, elle était arrivée à maturité, assez pour que je puisse prélever de son venin. C'est ce que je m'acharnais à faire pendant l'heure suivante. Lorsque je terminais, un épais liquide noir était embouteillé dans ma main.

Je n'avais que 14 ans.
Autrement dit, le code de mon clan m'interdisait de tuer. Et je ne pouvais pas expérimenter mon poison librement. Du moins, pas sur un autre être humain. En revanche...

- Xia He.

Je me retournai. Zheng, l'un des assassins les plus doués du clan, se tenait à l'entrée. Je le connais un peu. A quelques occasions, il nous avait donné des cours de lancer, à Heng et moi, étant lui-même le meilleur dans ce domaine. C'est un assassin plutôt grand, plus musclé et plus imposant que la moyenne. Reconnaissable à son crâne rasé et à ses nombreux tatouages, il ne porte qu'une tunique noire, et un voile recouvrait le bas de son visage. Il est flanqué de deux grands sabres, qu'il ne quittait jamais, et je sais sa sacoche pleine de dagues qu'il manie avec une extrême habileté.
Rangeant mon élixir dans ma sacoche, je le rejoins.

- Nous partons en mission, immédiatement. Yue You est prévenue.

Je hochai la tête.
Il était courant qu'une mission soit attribuée pour une prise d'effet immédiate. Je devais me tenir prête à partir à tout moment, et je l'étais. Mes kanzashis étaient dans mes cheveux, le reste de mes armes soigneusement rangées dans ma sacoche à ma taille ou à leur emplacements respectifs, comme toujours.
En revanche, je n'étais pas prête à voir Heng, qui se tenait à quelques pas derrière Zheng à l'extérieur.



Dernière édition par Xia He Wei le Mer 04 Avr 2018, 17:51, édité 2 fois
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Je me figeais un court instant, et le maître assassin le remarqua.

- Tu as quelque chose à dire?

- Non, répondis-je aussitôt.  

Les yeux de Heng, eux, criaient leur exécration envers ma présence. Je passais devant lui en m'appliquant à ne rien exprimer. Face à mon demi-frère, je redevenais aussi indifférente et insensible qu'une pierre.
A l'intérieur, c'était la grande débâcle. Tout ce que j'avais d'instinct de conservation se concentrait sur la présence de la personne qui me haïssait de tout son être. Tous les animaux ont un sens particulier pour détecter les menaces, tout ce qui peut les mettre en danger. Chez moi, il hurlait à chaque seconde passée en présence de mon frère.

Zheng nous conduit à l'extérieur du domaine sans qu'une parole ne soit échangée.
S'il ressentait la tension entre Heng et moi, il n'en démontra rien. Dans le clan, tout le monde était au courant des disparités entre nous. Depuis l'enfance, c'était la course à qui ferait le plus de progrès, qui se rapprocherait le plus de l'excellence. Et personne n'ignorait le nombre de fois où Heng avait failli, volontairement ou non, me tuer pour ça.

Heureusement, l'arrivée dans la ville me détourna de souvenirs pénibles.
Zaun n'a jamais été une île accueillante. Elle est polluée, malfamée et dangereuse. La prise de pouvoir d'un homme nommé Swain il y a quatre a au moins au l'avantage de mettre un semblant d'ordre au milieu de la population. Notre clan était bien plus ancien que ça, mais sans aucune raison de nous opposer à lui, nous avions plus pris le parti d'appuyer le coup d'Etat qu'autre chose. Bien qu'ils restent généralement anonymes, j'étais à peu près sûre que beaucoup de nos ordres de missions reçus a cette période et depuis venaient du nouveau gouverneur. En conséquence de cet appui tacite, Swain avait vite écrasé ce qui aurait pu renverser son pouvoir, et étendu sa volonté. On avait vu le dynamisme du commerce augmenter, tandis que la criminalité avait trouvé un autre rythme.
Mais l'arrivée d'un dirigeant digne de ce nom n'avait pas fait de l'île un paradis, évidemment. Alors que nous avancions dans la ville, je retrouvais cette ambiance familière d'animosité et de méfiance qui régnait constamment ici. Les habitants de Zaun n'étaient pas des enfants de chœur, et possédaient une patience toute relative. Il n'était pas rare de voir des bagarres éclater sans prévenir à n'importe quel coin de rue, ou des passages à tabac pour une mauvaise parole. Et ceux qui ne se battaient pas apprenaient vite à se faire oublier.

En passant dans une zone qui s'apparentait à un semblant de marché, je relevais quelques regards aussi curieux que méfiants dans notre direction. La plupart des habitants de Zaun connaissaient l'existence d'un clan assassin, mais n'en apercevaient que rarement les membres. Ce qui était logique. Nous agissions généralement de nuit, et dans le plus grand secret. Hormis l'immense tour rouge qui se dressait dans un recoin de la cité, il y avait peu de preuves de notre existence. Mais notre peau artificiellement blanchie était reconnaissable, et ceux qui nous fixaient avaient sûrement déjà en tête une partie des rumeurs qui couraient. Un duo d'enfants mendiants pointa du doigt le tatouage de Zheng, une toile d'araignée qui recouvrait sa gorge. Lorsqu'il leur adressa un regard, ils filèrent.
Le maître assassin marchait d'un pas rapide, à quelques pas devant nous. Moi à sa fauche, Heng à sa droite. J'ignorais toujours quel était notre mission. Aux différentes directions que prit le maître assassin, je compris quelle était notre destination.

Nar Shadaa.
D'immenses galeries souterraines qui contenaient tout ce que Zaun avait de pire. Humaine ou animale, toute la vermine se tassait dans ces tunnels fétides. C'était comme se retrouver dans la déchetterie de l'île, et je ne serais jamais venue ici de bonne volonté.
Rien que les odeurs attaquaient le nez et retournaient les estomacs les plus fragiles. A ce moment, je me retins à grand-peine de demander à Zheng ce que nous faisions là. Le maître assassin avançait dans le dédale d'immondices et de ce qui ressemblait à un bidonville souterrain sans mot dire.
Nous nous déplaçâmes ainsi pendant près d'une heure dans un silence de mort. En fait, c'était même trop silencieux. Petit à petit, des signes, des bribes d'informations me parvenaient, que je m'efforçais d'analyser. D'abord, c'était calme. Trop calme pour Nar Shadaa. Je ne me suis pas aventurée souvent dans les bas-fonds, mais jamais je n'y ai rencontré un tel calme. Dans mes souvenirs, des clochards se jetaient sur les personnes qui s'aventuraient là pour réclamer un Berry ou deux, ou les leur dérober. Des ivrognes cuvaient bruyamment les restes de leur whisky, entre rots et vomissements. Des rats, qui grouillaient dans tous les coins, et ceux qui tentaient de les chasser. Toute la faune locale semblait se taire. Ou retenir son souffle.
En fait, je ne vis quasiment personne. Du moins, personne de vivant. J'entendais des bruissements, des murmures provenant des semblants d'habitations. La population était donc bien là, mais dissimulée pour une raison inconnue. En revanche, bien plus visibles, il y avait les corps.

Ce n'était pas un ou deux cadavres, comme on pouvait en rencontrer dans les endroits très malfamés. Là, c'étaient des tas entiers de charognes que l'on avait abandonnés aux abords de la rivière souterraine. Nous rencontrâmes les premiers après quelques minutes de marche, mais ils se firent plus nombreux alors que nous aventurions plus profondément dans Nar Shadaa.
Plus nous croisions de dépouilles, plus les vivants se faisaient rares. Je commençai à comprendre. Même en étant apprentie médecin, je reconnus vite les signes d'une épidémie. L'état des corps, couverts de plaques et les yeux vitreux, me fit penser à une de ces espèces de bactéries qui contaminait les organes, et se propageait par les eaux sales. Or, c'était un euphémisme pour la rivière de Nar Shadaa.
Je ne sais pas jusqu'où peut bien s'étendre Nar Shadaa. Nous nous arrêtâmes avant que je ne puisse le découvrir. Nous étions devant une sorte d'immense fosse commune. Les corps qui avaient été jetés là étaient déjà dans un bon état de décomposition, et dégageaient une odeur qui n'était pas de ce monde. Aucun entraînement du monde n'aurait pu me préparer à ça, et je me retins à grand peine de ne pas rendre mon déjeuner. A côté de moi, Zheng et Heng semblaient ne rien sentir, mais avais tous les deux pris un teint légèrement verdâtre.

Zheng tira plusieurs flèches enflammées dans la fosse, qui prit bientôt la forme d'un large brasier. L'odeur de la chair brûlée vint bientôt remplacer celle de la pourriture, alors que les flammes dévoraient rapidement les corps.
Puis, il se tourna vers nous.

- Mission de Qīngjié. On ne laisse rien.

Je m'en doutais.
Qīngjié, le "nettoyage", chez les assassins, n'avait rien à voir avec les tâches ménagères. Cela voulait plutôt dire la Purge. Ça voulait dire qu'on ne laissait rien derrière nous. Pas de témoins, pas de survivants et pas de corps.
Evidemment, Heng fit aussitôt demi-tour pour commencer sa besogne, et quelques secondes plus tard, les premiers cris s'élevèrent. Zheng, qui n'avait pas bougé à côté de moi, afficha une moue réprobatrice. Lui non plus ne semblait pas partager l'attrait de mon frère pour les mises à mort brutales et sanglantes. Il se tourna vers moi.

- Xia He, occupe-toi des corps, et prélève des échantillons. Il faut trouver comment empêcher que cela ne se reproduise ou pire, remonte à la surface.

Et il s'élança à la suite de mon frère.



Dernière édition par Xia He Wei le Jeu 05 Avr 2018, 15:33, édité 3 fois
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La vie d'assassin n'a rien de très joyeux. Mais certains jours sont pires que d'autres.
J'avais beau avoir vu venir la mission, cela n'enlevait en rien le sentiment de malaise qui m'habitais alors que je brûlais petit à petit les cadavres. De plus en plus loin derrière moi, des cris précédaient le travail de mort de mes aînés.
Les ignorant, je m'attachais à accomplir ma tâche avec minutie. L'autopsie n'était pas un travail qui m'enthousiasmait, évidemment, mais j'en avais l'habitude. A l'infirmerie, la moitié des patients ressortaient les pieds devant, et dans un cas sur deux, je retrouvais les corps plus tard dans les cours de médecine de Yue You. Mais l'état de décomposition de certains me fit sérieusement regretter d'avoir été formée en médecine. Car c'était bien pour ça que j'avais accompagné Zheng et mon frère ainé sur cette mission, sans nul doute.

J'eus vite fait d'avoir prélevé les échantillons sur les corps, mais il restait encore à comprendre quelle bactérie s'était répandue, et comment.
Je soupçonnais les eaux sales dès le début, mais il fallait que j'en sois certaine. Je m'approchais de la rivière, aussi boueuse qu'aqueuse, et étudiais ce que j'y trouvais. On retrouvait là toutes les ordures du monde, et je ne reconnus pas la moitié de ce que j'y découvris. Des bouts de verre, des conserves vides, des bouteilles, des bouts de tissu, des restes de charogne...

Je suis trempée jusqu'aux chevilles, de la boue partout. J'ai intérêt à prendre une douche avant de croiser mon maître, sinon Yue You me passera le savon de ma vie. Soudain, mes doigts trouvent quelque chose d'inédit. Une fois rincées, je découvre de petites billes visqueuses, de la taille d'un berry, légèrement grisâtres.

- Des œufs d'araignées des marais... je murmure.

Dégoûtée, je mis les œufs dans un sachet tiré de ma bourse, et en cherchai aussitôt plus. Ceux que j'avais trouvé venaient d'être pondus, mais je savais que les plus matures pouvaient atteindre la taille d'un poing. Et effectivement, en m'avançant dans l'eau, j'en trouvai vite. En fait, j'en trouvai des dizaines.
Une vraie infection. Je n'ai inspecté qu'une petite portion de la rivière. Jusqu'où ces bestioles ont-elles pondu leurs cochonneries? On va devoir purger la rivière entière. Il faut que je prévienne Zheng.

Alors que je me relevai, un violent coup de pied m'atteint au visage.
Je fus projetée dans la boue, toute entière dans l'eau immonde. Avant même d'avoir relevé la tête, je me doutais de qui était derrière ça.

- Restes-y Xia He, c'est là qu'est ta juste place.

Je renvoyais un regard noir à Heng.
Evidemment. Une fois Zheng éloigné, il n'avait pas pu résister à l'envie de faire de ma vie un enfer, une nouvelle fois. Certains jours, j'avais l'impression que sa vie se résumait à pourrir la mienne. Et il ne s'en privait jamais.
Je me relevai, sur mes gardes, et fut aussitôt renvoyée au tapis par un nouveau coup de pied, circulaire cette fois. Retour dans la boue. Génial.

- Je t'ai dis d'y rester, petite bâtarde. Il n'y a pas père ni la vieille bique pour te protéger ici.

Cette fois, il dépasse les bornes. J'ai l'habitude qu'il me traite de tous les noms, ça n'a rien de nouveau. En revanche, je refusai de le laisser insulter mon professeur.
Je me relevai, et cette fois, tirai mes tantô de leurs gaines à mes cuisses. C'étaient deux sabres jumeaux, avec la lame d'une trentaine de centimètres chacun, avec lesquels je m'exerçais depuis cinq mois maintenant. Je me mis en garde.
Heng, un sourire mauvais collé sur le visage, dégaîne aussitôt son katana. Nous avons beau avoir démarré notre formation exactement en même temps, mon frère aîné a 3 ans de plus que moi, et je sais très bien quelle différence cela fait.
Lorsqu'il attaque, je place aussitôt mes dagues pour parer son coup, tout en commençant à réfléchir très vite. Je peux contenir ses assauts quelques temps, mais pas indéfiniment. La différence de force finit toujours par se faire sentir en quelques minutes. D'un mouvement de bras, je fais glisser la lame de son katana entre mes armes lors de sa nouvelle attaque, et glisse sur le côté pour lui balancer dans le mouvement qui suit mon pied dans les côtes. Il grogne, mais ne recule que d'un pas. Parfait Xia He, maintenant il est plein de boue ET vraiment énervé.
L'attaque suivante est aussi violente que je l'ai imaginée. D'un puissant mouvement des bras, il assène son katana à la verticale, et je sens la lame siffler juste au moment où je me décale pour l'éviter. Il choisit cet instant pour pivoter les épaules et m'asséner un brutal coup de coude dans l'estomac. La douleur résonne entre mes côtes. Je suis pliée en deux par la violence du coup, et il en profite pour enchaîner avec un nouveau coup de pied circulaire, au visage. Mon cou émet un craquement inquiétant juste avant que je ne roule disgracieusement au sol, projetée quelques mètres plus loin. Oui, je suis encore dans la boue.

Et cette fois, j'en ai assez. D'un mouvement, je me retourne, et projette deux de mes senbon vers mon aîné. Il les dévie d'un geste facile avec son katana, mais j'ai eu le temps de rattraper la distance pour lancer mon attaque. Avec une coordination dont mon professeur aurait été fier, je fais chanter les lames de mes armes en direction de son torse et de ses côtes.
Si je sais qu'il va parer mes deux sabres facilement, cela me laisse en revanche le temps de prendre mes appuis pour lancer un coup de pied aussi violent que je peux en direction de son genou. Heng a été blessé à cet endroit il y a quelques semaines, et connaissant l'assassin qui était chargé de son entraînement d'évasion, il n'aura pas manqué de s'en prendre à cet endroit sensible.
Gagné, mon frère lâche un grognement de douleur entre ses dents, et fléchit la jambe jusqu'à mettre un genou au sol. Loin d'avoir pitié pour lui, j'en profite aussitôt pour retourner mes lames et les projeter vers son bras exposé. Je parviens à peine à les effleurer, car avant de finir mon geste j'aperçois du coin de l’œil l'éclat du lame qui s'élève dans ma direction. Je dois reculer pour éviter son coup de couteau, dirigé droit vers mon flanc.
Tous nos combats d'entraînement se faisant à mains nues, je connais mal l'arsenal habituel de mon frère. Surtout que, comme moi, il change probablement régulièrement sa composition. Mon erreur me fait perdre le peu d'avantage que j'avais gagné, et Heng est encore plus furieux à cause de l'estafilade à son épaule. Cette fois, nous reprenons nos échanges de lames, qui s'entrechoquent à un rythme effréné. Je dois garder toute ma concentration sur lui pour ne pas être blessée.

Evidemment cela finit par arriver, et au bout d'une dizaine de minutes sans faiblir ni l'un ni l'autre dans les coups portés, j'accuse une coupure sur la main gauche et une autre à la joue. Ce n'est rien, mais en continuant à ce rythme, mon frère va prendre plaisir à me taillader morceau par morceau, et avec la fatigue mes chances de survie diminuent à vue d’œil, sans parler de mes chances de l'emporter.
Il faut que je mette fin à ce combat par un autre moyen. Je n'ai aucune idée d'où est Zheng, mais mon frère ne se serait pas permis de m'attaquer si le maître assassin était dans le coin. Tout en continuant de parer et rendre ses coups du mieux que je peux, je cherche une autre idée. En temps normal, j'aurais tenté le poison, mais mon frère y est aussi insensible que moi. Et le terrain? Nos échanges nous ont conduit plus loin dans la rivière, et j'ai de la boue jusqu'aux mollets. Sous mes pieds, je sens, entre autres, des petits bouts de verre pointus dépasser. Pour une fois, j'ai chaussé mes tabi, et je ne le regrette pas. Si j'avais dû gérer où je mets les pieds en plus du reste, je n'aurais pas tenu si longtemps.
Soudain, je me baisse pour parer la lame de mon frère qui file à l'horizontale, dans l'optique claire de me trancher en deux. Je profite d'avoir le cul dans l'eau pour faire glisser mon tantô entre mes doigts, et attraper une grosse poignée de boue, en prenant soin d'avoir un maximum de petits déchets coupants dedans. L'attaque est peu orthodoxe et m'aurait valu une sérieuse engueulade de mes professeurs, mais au moins, Heng ne s'attend pas du tout à recevoir une poignée de boue au visage, et ne lève la main qu'au dernier moment pour se protéger.
En fait, ma petite tactique réussit un peu mieux que prévu, car il pousse un râle d'exaspération, et de petits bouts de verre se sont plantés entre sa tempe et sa joue gauches. J'ai l'impression d'être un peu revenue au score, mais je ne suis pas tirée d'affaire pour autant. Si j'ai une demi-seconde d'avance, je dois en profiter. Alors, dans un enchaînement répété cent fois, je plante mes mains dans le sol et assène un double coup de pied dans sa cheville droite, avant de projeter brutalement mon talon vers le ciel, rencontrant instantanément son menton. Puis, je fais une roulade sur le côté, ne me souciant plus guère de la boue dont je suis déjà copieusement recouverte.
Le crâne de mon frère bascule aussitôt vers l'arrière, et je suis presque sûre d'avoir senti ses dents s'entrechoquer. Il titube une seconde, manifestement sonné, et j'en profite pour planter sans hésitation deux senbon dans sa main gauche, suivi du tranchant de ma main sur son poignet pour le désarmer.
Il ne lâche pas son arme, mais sa prise dessus s'est affaiblie. Ça me suffit. Assénant mes tantô d'un geste synchrone contre sa lame,je parviens enfin à lui faire lâcher, et à expédier son arme au loin.

Lorsque la lame du katana touche le sol, j'ai déjà tourné les talons.



Dernière édition par Xia He Wei le Jeu 05 Avr 2018, 15:39, édité 1 fois
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La première chose qu'un assassin apprend, ce n'est pas tuer.
C'est survivre.

Bébé, j'ai survécu à une épidémie qui avait terrassé tout un village, dont ma mère. Quand mon père m'a récupérée, j'étais fiévreuse, affamée et gelée. J'avais 6 mois, et j'avais passé plusieurs jours seule à côté d'un cadavre, mais rien dans mes souvenirs ne pouvait expliquer comment j'avais survécu.
Avant de rencontrer mon frère, j'avais grandi dans une tranquillité relative. Mais les présentations avec Heng en avaient signé la fin. Depuis, chaque jour de mon apprentissage était une lutte pour la survie. Je ne serais considérée comme une adulte que dans 8 mois, et faute d'avoir l'autorisation de tuer, je devais veiller à ne pas me faire abattre moi-même. Combats, poisons, privations, maladies, tortures... Il y avait peu d'aspects de mon entraînement qui ne soient pas dangereux.
Alors, jusqu'à aujourd'hui, je me battais férocement pour mériter ma survie. J'avais déjà encaissé des tas de défaites, la plupart administrées par Heng. L'important n'avait jamais été de gagner. C'était de survivre.
Pendant nos combats, aucun de nos professeurs, ni notre père, ne m'avait jamais demandé de battre mon frère, plus grand et plus âgé que moi. On n'attendait de moi que je puisse me défendre, encaisser, ou au moins survivre. Et j'avais réussi, jusque là.

Mais, loin de la tour, je n'en étais plus sûre.
Tout en continuant à courir à toutes jambes dans les espèces de petites ruelles crasseuses, je cherchai des yeux une cachette plausible. Je ne dispose que d'une poignée de secondes d'avance sur mon frère. Je me sais à peine plus rapide que lui, et même avec son genou blessé, ça ne suffira pas.
Au détour d'une ruelle, je saute pour passer dans le trou grossier d'une fenêtre ouverte. Retombant souplement sur le sol, je glisse aussitôt jusqu'à une autre pièce, contrôlant aussitôt ma respiration.
Les lieux sont déserts. Ou presque.
Une immense toile recouvre toute une partie de la pièce, avec, au milieu, bien visibles, ce qui ressemble à des restes humains.
Ô enfer.

Les araignées des marais sont des charognardes.
Elles n'attaquent directement que si elles sont menacées, mais elles contaminent les points d'eaux là où elles trouvent de la "nourriture", généralement des mammifères de taille moyenne. Après avoir infecté leurs proies grâce à leur poison, elles attendent que leurs proies soient terrassées par la maladie pour se retrouver sans défense, et s'en emparer. Elles profitent de leur immobilisation pour les prendre dans leurs toiles et les dévorer.
Sauf que généralement, elles s'attaquaient à des mammifères de taille moyenne ou à des rongeurs. Or, n'ayant pas trouvé mieux, celles-ci avaient manifestement trouvé les humains faméliques de Nar Shadaa à leur goût.

Et je viens de tomber en plein milieu du garde-manger.
Aussitôt, mon premier réflexe est de vérifier partout autour de moi qu'aucune bestiole n'est dans les parages. Le cabanon dans lequel j'ai atterri est l'un de ceux situés juste au bord de l'eau. Les araignées avaient probablement osé s'aventurer hors de leur marais lorsque les premiers malades s'étaient retrouvés sans défense, et avaient décidé de les dévorer ou de les stocker sur place. Combien d'habitations étaient dans le même état? Impossible de le savoir, mais il allait falloir brûler toutes les résidences occupées par les toiles. La tâche était encore plus complexe que prévue.
Et Heng qui voulait en profiter pour régler sa petite vendetta personnelle contre moi !

Il fallait que je trouve Zheng sans tomber sur mon frère.
Comptant sur ma capacité naturelle à me déplacer de façon totalement silencieuse, je glissais jusqu’à une pièce attenante, qui comme je l’avais espéré, comptait une fenêtre donnant sur l’extérieur. De là, je me glissais au-dehors, non sans avoir attendu une bonne dizaine de minutes au cas où je percevrais le moindre signe de la présence de Heng.
Je fis un rapide tour des habitations sordides situées sur la rive, marquant d’une croix blanche toutes celles occupées par des nids. Heureusement, je n’en vis qu’une dizaine. Les autres semblaient avoir encore été épargnées. Mais, en prenant en compte les nids, la prolifération était bien plus importante que je ne l’avais pensé. La moitié de la population de Nar Shadaa devait être contaminée !
Soudain, j’aperçu Heng, à une vingtaine de mètres, qui courait droit en direction des cabanes où je me trouvais. Dans un espace aussi réduit, me battre contre mon frère allait être un vrai cauchemar. Il fallait que j’évite ça.
Une idée me vint. Je n’avais peut-être pas besoin de l’affronter moi-même, tant que je le tenais occupé. Il fallait que je trouve le gros du nid. Passant rapidement de cabane en cabane, je revins sur mes pas pour trouver la plus grosse masse de toile que j’avais trouvé, dans une pièce devenue quasiment impraticable, et balançais aussitôt tous les restes de boue dont j’étais encore copieusement recouverte dedans.
Sans être une experte en arachnides, je suis à peu près sûre que leurs toiles ont toujours la même fonction : prévenir quand le garde-manger se remplit. Or, la petite masse de boue dont j’arrosai la toile fit vibrer tous les fils présents comme une alarme. Une fois à peu près débarrassée de ma crasse, je reculai jusqu’à la fenêtre, guettant frénétiquement devant et derrière moi.
Puis, délibérément, je donnais un coup de tantô dans le mur en bois. En soi, le geste n’avait aucune importance, tant que mon frère repérait le son et me localisai. Et lorsque je fus sûre que ses pas accéléraient dans ma direction, je mis les voiles dans la direction opposée. Il était temps, car je croisai pas moins d’une dizaine d’araignées des marais, chacune ne faisant pas moins de vingt centimètres de large. Heureusement, elles ne se préoccupèrent guère de moi et filèrent directement en direction de leur toile.
J’ignorais combien de bestioles allaient rappliquer dans mon piège, mais j’avais bon espoir qu’elles occupent mon frère un moment. Heng ne possédait pas mes connaissances médicales, et j’avais toutes les raisons de penser qu’il allait tenter de se débarrasser des bestioles, au cas où leur venin serait plus puissant que prévu. Il ignorait probablement que leurs œufs étaient à l’origine de l’épidémie, et non leur venin.

Mais le gros du problème était loin d'être résolu.
D'un bond, je fus hors de la dernières cabane, et commençais à remonter le souterrain en courant. La population de Nar Shadaa comptait probablement au moins quelques centaines de personnes, mais je n'en savais guère plus. Tuer toute la population pour enrayer la propagation du virus ne serait pas plus qu'un léger gain de temps. J'avais conscience que le Gouverneur se fichait pas mal des rebuts échoués ici, et je ne m'en souciais guère plus que lui. Mais la mission était de se débarrasser de la maladie et de son origine, pas des malades et des potentiels infectés.
Or, nous étions en train de faire tout l'inverse.

Je trouvais Zheng alors qu'il sortait d'une maison, ses armes trempées de rouge. Il leva un sourcil en me voyant.

- Xia He. Que fais-tu là?

- Maître Zheng, je dois vous parler.

Il hocha la tête, et commença à nettoyer son arme. Il n'était pas dans les habitudes d'écouter les conseils d'une apprentie de 14 ans. En réalité, je n'aurais pas pu parler autant si Zheng ne m'appréciait pas un minimum. Beaucoup d'assassins m'auraient simplement ordonner de rester silencieuse et d'obéir sans discuter les ordres. Mais Zheng était un assassin assagi par l'âge, et plus flexible que beaucoup d'autres du clan.

- Je t'écoute. Fais vite.

- La "maladie" n'est pas virale, c'est une toxine diffusée par les araignées des marais. D'après les nids que j'ai trouvé, il y en a des centaines, elles ont colonisé toute la rivière. Les habitants ne ce sont pas transmis la maladie, ils l'ont tous attrapé en buvant dans la rivière. Ce n'est même pas une maladie, c'est juste un poison.

- Où veux-tu en venir?

- Il ne sert à rien de continuer à tuer les malades. Ils mourront de toute façon, s'ils sont contaminés. Au contraire, plus on laisse de cadavres, plus les araignées des marais auront de nourriture à disposition, et plus elles continueront à proliférer ici. Ce sont des arachnides charognardes, elles ne s'en prendront pas aux humains directement, elles vont juste continuer à diffuser leur poison avec leurs œufs dans la rivière et attendre que les cadavres s’amoncellent pour nourrir leur progéniture avec.

Il soupira, et rangea son arme. Se tournant vers moi, il mit les mains sur les hanches et me jaugea pendant quelques instants.
Sur son épaule, il avait une large cicatrice, à peine rose. Si j'ignorai comme il l'avait reçue, j'étais à l'origine de chacun des points qui avait suturé la plaie. Je m'étais occupée plusieurs fois de ses blessures en fin de mission, et j'avais bon espoir que Zheng accepte de faire confiance à mon expertise médicale.  

Pendant qu'il réfléchissait, Heng nous rejoint, et m'adressa un regard furieux. A priori, les araignées n'avaient pas réussi à lui faire grand-chose. A peine si je distinguai une trace de morsure sur sa main. En revanche, son état me rappela que moi aussi, je me baladais encore avec des restes de boue. Et même avec mon faible odorat, j'étais à peu près sûre d'empester.
Yue You allait définitivement me tuer.
Décidant, comme toujours, d'ignorer les regards noirs de mon frère, je me reconcentrai sur Zheng, qui semblait toujours pensif. Au moment où Heng allait dire quelque chose, il reprit la parole.

- Xia He a raison.

Heng sembla manquer de s'étrangler, mais nous l'ignorâmes tous deux.

- Dans ce cas, que suggères-tu?

Je ne m'attendais pas à ce qu'il me laisse prendre les commandes si rapidement. Mais à sa posture, je compris vite que cela serait aussi un test. Nul doute que chacun de mes faits et gestes serait rapporté à Yue You, et peut-être à mon père. Si seulement il pouvait en être de même pour ceux de Heng...

- Il faut se débarrasser des nids, et des cadavres. Et nettoyer l'eau. Il suffit de brûler les corps et les habitations recouvertes de toiles. Si on...

- Silence ! Gronda soudainement Heng. Pourquoi est-ce que la bâtarde de père prendrait les décisions?

Je m'interrompis, exaspérée. Bon sang, son ego est plus dangereux que toute la faune de Nar Shadaa...
Je vois Zheng se raidir légèrement, mais de toute évidence, il n'est ni surpris ni inquiet de l'attitude de mon frère. J'imagine qu'il ne pouvait pas partir en mission avec nous deux sans s'attendre à des frictions. Il croise les bras, très calme, et laisse mon frère poursuivre sa litanie.

- Nous sommes là pour exécuter une mission, nous avons des ordres à suivre et il n'est pas question que cette... Qu'elle dise quoi faire.

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- Une apprentie devrait se taire et apprendre des maîtres. Je refuse de suivre les ordres d'une gamine.

Heng fronça les sourcils, et posa une main sur son arme. Oh-ho.

- Premièrement, tu n'es pas un maître assassin, Heng. Tu es peut-être plus âgé mais tu n'as que deux ans de mission à ton actif. Alors si il y a une personne qui donne les ordres ici, c'est moi et uniquement moi. Deuxièmement, si Xia He nous accompagne, c'est justement pour son expertise médicale. Et troisièmement, les ordres de la mission, moi seul les connais. Tu vas donc apprendre à te taire, et ce dès maintenant, suis-je clair? Dit-il en appuyant sur ses derniers mots.

J'attendais la suite en silence.
A ce moment, j'étais quasiment sûre que Heng allait protester, d'une manière ou d'une autre. D'abord parce qu'il n'avait pas l'habitude de se faire rabrouer de telle façon, en tous cas pas par une autre personne que père, et surtout parce que j'étais là aussi pour assister à ça.
Mais apparemment, mon frère aîné trouva qu'il risquait plus gros à batailler. Zheng avait le double de son âge, et l'expérience qui va avec. Il aurait été stupide de se risquer à le provoquer, même si j'aurais adoré qu'il essaye. Il hocha la tête, non sans me lancer un regard en biais.
Son expression était claire. Qu'il s'incline devant Zheng ne me tirait en rien d'affaire. Il ne se priverait pas de reprendre notre combat dès qu'il en aurait l'occasion.
Voyant que mon frère avait choisi d'obéir, Zheng revint à moi.

- Continue.

- Comme je disais, une fois tous les nids et les corps brûlés, il faudra purifier l'eau. Une fois les toiles et les cadavres brûlés, les araignées n'auront plus de quoi se nourrir. Il suffira de tuer celles qui restent.

- Je vois. Mais comment comptes-tu purifier l'eau? La rivière court sur plusieurs kilomètres. Et elle est déjà plus boueuse qu'autre chose.

C'était une bonne question, et j'y pensais aussi depuis un moment. Comment filtrer une rivière? Il y avait déjà des centaines de déchets divers, et comme l'avait rappelé Zheng, une bonne dose de boue. Aucune des solutions qui me venaient n'était satisfaisante ou même plausible. Accroître le volume d'eau aurait inondé Nar Shadaa, et impossible d'installer une sorte de filtre ou de barrage, les oeufs n'avaient pas de raison de bouger. Aucun produit auquel je pouvais penser n'était assez puissant pour nettoyer la rivière sans la rendre encore plus toxique, même dans l'hypothèse où nous en aurions eu une quantité suffisante.
Je secouais la tête, impuissante. Heng ne manqua pas d'émettre un claquement de langue, qui en disait long sur ce qu'il pensait de mon incompétence. Zheng passa une main sur son crâne.

- On sait au moins par où commencer. Heng, va brûler les cabanes infestées de toiles. Je m'occupe des corps. Xia He, trouve une solution pour le reste.

Et ils filèrent.
Quelle solution? C'était plus épineux que les concoctions de Yue You que je devais déchiffrer! Comment éradiquer tous les œufs de la rivière?
Je m'approchais de celle-ci pour réfléchir, notamment en tentant de me remémorer les informations que j'avais pu trouver dans les encyclopédies de Yue You.
La plupart des araignées se cachent sûrement entre les collines de boue et de détritus. De ce que je sais, elles ont l'habitude de s'enfouir dans les marécages à proximité de leurs toiles en attendant que des proies se prennent dedans. Elles relèvent presque autant des décapodes, comme les crabes, que des arachnides sur ce point. Ce sont des bêtes des marais, elles ont trouvé leur bonheur ici. L'environnement est froid et visqueux. Mais il n'est pas question de faire bouillir la rivière, malheureusement. En revanche, je pouvais en modifier la composition...
A ma connaissance, la rivière de Nar Shadaa résultait d'une nappe phréatique, qui créait de l'eau claire. Mais son origine était très proche du port Sud. Si l'on pouvait détourner une partie de l'eau de mer pour la mélanger à Nar Shadaa, le sel contenu suffirait à détruire toutes les larves, et par la même occasion à stopper la production des toxines. L'eau redeviendrait claire et buvable en quelques jours à peine.
Mais restait un problème. Les jeunes araignées risquaient de pondre à nouveau, et l'eau de mer serait bientôt remplacée à nouveau par l'eau claire. Il fallait se débarrasser de toutes les bestioles adultes avant le reste. Et surtout, les débusquer. Jusque là, leur absence ne m'avait pas échappé. Au contraire de leurs toiles et œufs, je n'en avait pas vu une seule depuis notre arrivée ici. Or, de ce que je savais, ces foutues bestioles pouvaient être aussi grosses que ma main.

Réfléchis comme un assassin, Xia He.
Les fondements de mon enseignement étaient encrés en moi comme s'ils avaient été gravés au fer rouge. J'aurais pu réciter les 27 principes de l'assassinat par cœur. Mais l'une de celles que j'avais encore le plus de mal à appréhender, était la dix-huitième.


" Un assassinat parfait n'est pas un meurtre. C'est une mort naturelle."


Une mort naturelle? De quoi mourraient les araignées, sinon de vieillesse? J'étais médecin pour humains, par vétérinaire pour arachnides intempestives.
Qu'est-ce qui pouvait tuer des araignées des marais?... Non, pas quoi, mais qui!
A force d'être dans un espèce de cimetière géant, j'avais complètement oublié les autres formes de vie. Or, les araignées des marais ont bien un prédateur notoire: les oiseaux. Ce qui expliquait qu'elles soient planquées, probablement dans les hauteurs. La faune volatile de Nar Shadaa était sûrement la plus grande menace pour les arachnides. A ma connaissance, en-dehors des chauves-souris, une bonne dizaine d'espèces d'oiseaux vivaient dans le sous-terrain, faisant des allers-retours réguliers avec la surface de Zaun. Notamment parce que Nar Shadaa était un formidable garde-manger pour les oiseaux, avec tous les détritus et les insectes qui grouillaient là. Il suffisait se servir d'eux.

Tournant les talons, je fis demi-tour en piquant un sprint.
Derrière moi, plusieurs brasiers fumants s'élevaient déjà. Il fallait que je fasse vite, avant que les brasiers n'enfument toute la ville souterraine. A pleine jambes, je traversais Nar Shadaa comme un flèche, croisant une seconde Zheng, qui ne me demanda même pas où je courrais.
J'atteins la surface quelques minutes plus tard, légèrement essoufflée. Portant deux doigts à mes lèvres, j'émis un long sifflement, suivi de deux courts et rapides.

Rapidement, j'enroulais un ruban à mon poignet. Je finis le bandage juste à temps avant que Lièrén ne vienne s'installer sur mon bras.

- Bonjour toi, fis-je à l'oiseau.

Lièrén pencha la tête et émit un petit cri nerveux, cherchant une éventuellement récompense entre mes doigts. Le clan possédait une dizaine d'oiseaux de proie, mais le jeune faucon brun était le seul qui daignait me répondre. C'était un oiseau têtu, et caractériel. Il se mit à me pincer les doigts dès qu'il compris que je n'avais rien à lui donner.
Je redescendis rapidement dans Nar Shadaa en ignorant ses petits cris mécontents.

- Oh, silence, grondais-je après lui.

Tandis que je retraversais le bidonville, il regardait partout autour de lui, manifestement stressé et énervé par ce nouvel environnement. Lièrén, comme tous nos oiseaux, est dressé pour des missions de reconnaissance, de chasse ou la livraison de messages. Bien que je n'aie jamais utilisé l'oiseau en mission plus d'une fois ou deux, j'avais appris dès mes dix ans comment l'utiliser. Même une teigne comme Lièrén était dressée pour m'obéir.
Zheng me rejoint, avec un hochement de tête.

- Bonne idée, apprentie.

Répétant les gestes appris il y a quelques années, je libérais l'oiseau, qui s'envola, et poussais quelques sifflements dans une séquence précise. Aussitôt, Lièrén s'éleva, frôlant les stalagmites, avant de piquer au sol pour chasser une proie que je ne distinguai pas. Il répéta son manège une nouvelle fois, puis enfin la réaction que j'avais attendu se produisit.
Dans un même souffle, une vingtaine d'oiseau commencèrent à s'agiter dans les hauteurs, puis prirent leur vol, commençant à chasser à leur tour dans la rivière en poussant des cris suraigus. L'un d'eux passa à quelques mètres de moi, deux araignées dans le bec. Puis, je fis voler Lièrén plus loin dans le souterrain, guidant l'oiseau avec mes sifflements. En quelques minutes, tout Nar Shadaa fut envahie de volatiles surexcités, qui chassaient leurs proies dans la rivière, certains se battant même.
Rien qu'à l’œil nu, je vis plusieurs dizaines d'araignées se faire gober en quelques minutes. Je poussais à nouveau un long sifflement, mais Lièrén ne reparut pas. Je ne voyais même plus mon oiseau. Je réessayais encore une fois, sans plus de résultat.
Zut. J'avais escompté la partie de chasse géante, mais mon oiseau était censé revenir une fois le ventre plein! Je commençais à me demander comme le récupérer lorsqu'à côté de moi, Zheng poussa à son tour plusieurs sifflements.
Aussitôt, le bestiau vola tel un chien bien dressé jusqu'à lui. Lièrén, le ventre plein, se posa avec un air satisfait sur le poignet de maître assassin. Je fusillais l'oiseau du regard, agacée.

L'intrusion de Lièrén sur le territoire d'autres oiseaux de proie avait eu un meilleur effet que je ne l'avais espéré. En un peu plus de vingt minutes, la rivière fut intégralement nettoyée de toute vermine arachnide ou insecte.  Zheng, manifestement satisfait, caressait le faucon en observant la rivière.
Rapidement, je lui expliquai mon idée concernant le détournement de l'eau de mer pour utiliser le sel et détruire les œufs par la solution saline de l'eau.

- Je donnerais des instructions à notre retour. Beau travail, apprentie.

- La mission est remplie? Demandais-je.

Zheng ne me répondit pas.
Pensif, il regardait loin devant nous. Je compris une seconde plus tard qu'il regardait dans la direction où mon frère s'activait encore à faire brûler les cadavres. Il pensait peut-être encore à notre superficielle altercation plus tôt. Peut-être même avait-il vu mon combat contre Heng. Si ce n'était le cas, il avait forcément compris ce qui s'était passé, à nous voir blessés et plein de boue tous les deux. Il sembla sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa. Sans se cacher, il me détailla.
Je n'étais pas dans mon meilleur état. Outre la boue, j'avais plusieurs coupures bien visibles, et mes cheveux étaient à demi défaits. Plusieurs de mes points de suture avaient sauté dans mon dos. Rapidement, je tentais de me remettre de l'ordre dans ma tenue, consciente que toute mon apparence criait à l'amateurisme. Zheng, lui, était aussi frais et propre que quand il était venu me chercher dans la serre.




Dernière édition par Xia He Wei le Mer 18 Avr 2018, 15:05, édité 1 fois
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- Xia He, rentre à la Tour. Dit-il finalement.

Un peu surprise, je ne répondis pas, et m'inclinais poliment par pur habitude. Il transféra Lièrén de son poignet au mien pour que je le ramène.
Il arrivait que l'on me fasse rentrer avant la fin d'une mission. En fait, dès que ma tâche était terminée, l'assassin qui m'accompagnait pouvait me donner l'ordre de rentrer quand il le souhaitait. Dès lors, je ne relevais plus de sa responsabilité, et il était libre de finir sa mission seul. Au moins, je n'avais pas à me soucier du rapport de fin de mission, qui était généralement la partie la plus ennuyeuse.  
J'étais soulagée qu'il ne m'ait rien demandé quand à mes blessures non plus. Les assassins ne sont pas du genre à poser des questions. Zheng encore moins.

Tant mieux, je n'avais aucune envie d'y répondre.
En fait, j'avait ignoré mon corps tout le long de la mission, mais mon dos me lançait de nouveau. Vivement un nouveau cataplasme et une bonne douche.
Alors que j'arrivais presque à l'entrée de Nar Shadaa, une dague fila sur ma droite. La lame m'avait manquée d'un demi-centimètre. Bon sang, il ne s'en lasse donc jamais?

- Tu vas quelque part? Fit la voix de Heng derrière moi.

Je ne lui répondis pas autrement qu'avec mon silence, et continuai à avancer. Un second couteau m'effleura. J'inspirai pour me calmer. Sur mon poignet, Lièrén émit un cri suraigu, inquiet. Je continuais d'avancer. Un jour, je serais assez grande et forte pour lui coller la raclée qu'il méritait, et personne ne m'arrêterait.
J'avais déjà vu père coller des gifles monstrueuses à Heng (amplement méritées, selon moi), mais il était bien le seul. La plupart des assassins avaient décidé d'ignorer ses remarques orgueilleuses et son comportement provocateur. Car même si j'étais son défouloir préféré, Heng ne manquait jamais une occasion de démontrer sa force en affrontant d'autres assassins. Et s'il était passablement irritable après une défaite, rien ne le rendait plus insupportable qu'une victoire sur un autre maître assassin.
Mais j'étais la seule qu'il aurait osé tuer délibérément, et j'en étais consciente. Pour Heng, je n'aurais même dû jamais exister, et j'étais une tâche à éliminer.

Et c'était bien un plaisir que je ne comptais pas lui laisser. Faisant volte-face, je dégainais mes tantô, pour la deuxième fois de la journée, prête à le voir fondre sur moi.
Je me trompais.

Je vis la dague filer, loin de moi.
Loin au-dessus de moi.
Une seconde plus tard, un bruit mat tomba quelques pas derrière moi.
Je compris ce qui venait de se passer avant même de me retourner. Heng ne m'avait pas visée. Il avait juste envie, encore de me gâcher la vie. Je serrais les poings, et tournais la tête. Au sol, Lièrén émettait des petits sifflements étouffés, à l'agonie.  

- Bon retour, petite sœur.

Et il tourna les talons.
Une bonne dizaine de jurons et d'insultes me vinrent à l'esprit, mais je n'en laissais aucun franchir mes lèvres. Je n'avais pas rengainé mes armes. J'aurais pu l'attaquer, là, alors qu'il était à une dizaine de mètres de moi, et me tourner le dos. J'y pensai sérieusement.
Je faillis l'attaquer.
Je me retins.

Non, pas parce que je ne le voulais pas. Oh, j'en crevais d'envie. Descendre une bonne fois pour toutes cette enflure qui tuait des pauvres oiseaux juste pour me pourrir la vie.
Je me retins parce que cela lui aurait fait plaisir.
En me mordant furieusement la lèvre, je m'approchais de l'oiseau, avisais la blessure et l'achevais, avec le poignard de Heng. Désolée, Lièrén. J'adressais des excuses muettes au jeune faucon. J'aimais bien cet animal, et il venait de mourrir simplement parce que mon frère était un... Je ramassais l'arme, et quittais Nar Shadaa sans me retourner.
J'en avais assez.


***


Deux heures plus tard, j'étais propre, correctement soignée et coiffée. Et en train de mettre une raclée à un mannequin d'entraînement.
Mon professeur du jour, un autre assassin du nom de Bao, me regarde faire avec un air blasé. Il n'a rien à redire à ma technique, mais mon acharnement contre les rondins de bois ne lui plait manifestement pas. A plusieurs reprises, il manque de dire quelque chose, mais se retient.
J'ai décidé de me défouler contre un ennemi invisible, à défaut de pouvoir le faire contre un vrai. Ça fait du bien d'être celle qui donne les coups, pour une fois. J'aime ce genre d'entraînement. J'imagine un ennemi sans visage, et je cogne, avec tous les réflexes qu'on m'a inculqués depuis des années. J'ai chaud, je suis énervée, mais ça me fait du bien. Mon corps bouge presque tout seul, je le pousse à fond. Chaque muscle tendu, j'enchaîne les mouvements en ne me concentrant que sur la précision des coups portés.
Les "clac, clac' de mes mains et pieds qui frappent contre le bois résonnent de façon presque rythmée dans la pièce.
Bao garde toutes mes armes posées à côté de lui, alors j'enchaîne les frappes à mains nues. J'ai même retiré mes chausses, et je n'ai que mes bandes, déjà trempées de sueur.
J'enchaîne une dernière combinaison de mouvements, et je m'arrête net, le souffle court.
Bao lève un sourcil.

- Fini? Dommage, je crois qu'il lui restait un ou deux os encore intacts.

J'ignore sa remarque narquoise, et attrape un linge pour m'essuyer.

- Le sort du mannequin à part, tu as quelque chose à me dire?

Je l'ignorai, encore. Bao est différent des autres assassins. Il est bavard, incisif et mesquin. Mais il est toujours diablement juste. Comme lorsqu'il devine mes émotions, alors que je m'efforce de ne rien laisser paraître. Je m'assis en tailleur, le dos droit, les mains jointes devant mon ventre, et ferme les yeux.

- Et maintenant mademoiselle va faire semblant de méditer, pour avoir une raison d'ignorer son professeur qui lui parle.

Dur de faire le vide dans son esprit quand on sent deux yeux rivés sur soi. J'essaye de me représenter tous les lieux les plus paisibles, froids et inhabités de la planète, Bao a décidé de ne pas me lâcher.

- Le riz était plutôt mou ce matin, non? Je parie que la vieille Yue You a encore râlé à cause du riz. Kang est un excellent assassin, mais son riz est dégueu. Comme quoi on ne pas être bon partout, hein. Enfin, tant que le riz colle...

Il est incroyablement inventif quand il s'agit de déblatérer des trucs aussi inutiles.
Quand on est assassin, on s'habitue au silence, pas aux bavardages intempestifs. Je mets un moment à faire abstraction du moulin à paroles. En fait, son débit de paroles est tellement régulier que je finis par réussir à en faire complètement abstraction.
La méditation n'est pas obligatoire dans mon clan, mais chacun la pratique à son échelle. Personnellement, je m'attache à au moins une séance par jour, généralement au réveil.

- Si seulement Yue You arrêtait de nous gaver de pousses de bambou. Cette vieille bique impose ses choix alimentaires à toute la Tour !

Bon sang Bao, le silence, le silence. La respiration lente, je visualise une pièce en bois entièrement vide. Pas de fenêtres, pas de porte. Juste une bougie imaginaire en face de moi, dont la flamme danse avec une synchronisation parfaite sur ma respiration.
J'ai toujours aimé méditer. Cela me permet de me vider l'esprit, et de me détendre. Or, aujourd'hui, j'en ai bien besoin. Entre mes blessures, dont celles de mon dos qui me font toujours souffrir, mon passage dans la boue et les coups bas de mon frère, je rêve juste de calme et de paix.
Lorsque je trouve enfin le vide, je m'imagine la mer, douce et calme. J'aimerais que ce soit vrai. La Tour est loin dans les terres de Zaun, et ça fait longtemps que je n'ai pas été voir la mer en vrai. Je me fais la promesse mentale d'y aller dès que j'en aurais l'occasion.

- Xia He. Il veut te voir.

J'ouvre les yeux. Maître Nai He se tient à l'entrée de la salle d'entraînement, et m'attend. Bao hausse les épaules tandis que je me lève d'un bond pour le rejoindre.

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Nous montons une dizaine d'étages en silence avant de rejoindre les appartements de mon père. Je ressens une tension inhabituelle chez Nai He, et je le surprend deux fois à me lancer des regards en biais. Ça ce n'est pas bon signe.

- Yue You aussi a demandé à te voir.

Il ouvre la porte, me laisse entrer, et quitte aussitôt les lieux.
Mon père est là.

Kuan Ti Wei.
Maître Assassin, et chef du Clan.
Depuis plus de trente années, il occupe ces deux titres sans faiblir. Et je ne vois pas qui pourrait oser rivaliser avec lui. Mon géniteur est un homme imposant, et pas seulement de par sa carrure. Rien que de pénétrer dans la même pièce que lui, j’ai l’impression que la gravité est multipliée par deux. L’aura de tueur de mon père met tous mes sens en alerte, et mon instinct crie au danger imminent. C’est comme pénétrer dans la cage d’un prédateur et se faire violence pour ne pas tourner les talons.
Mais malgré mes quatorze ans, j’ai l’avantage d’avoir l’habitude de me tenir en sa présence. J’ai déjà vu des assassins plus âgés que moi garder les yeux constamment au sol en sa présence, ou même se sentir mal. Je n’ai aucune idée de comment il fait ça, mais c’est bien réel.

Lorsque je rentre dans la pièce, Heng y est déjà, à genoux devant père. Déjà, ça sent les gros, gros ennuis. Il se tient tête baissée, en position de soumission et pour une fois, je n’ai pas le droit à son traditionnel regard noir pour m’accueillir. Mais bien plus qu’à Heng, je porte attention à l’attitude de père.
Il se tient droit, ferme sur ses jambes, les bras croisés. Je devine sa colère uniquement à voir ses muscles bandés, car son visage est toujours aussi fermé. En plus de sa large carrure musclée, il porte une tenue rouge sang épaisse, une large ceinture de cuir noir et des grandes épaulettes en fer. Comme si le reste ne suffisait pas, sa tenue elle aussi est manifestement faite pour en imposer.

Sans savoir ce que l’on attend de moi, je prends aussitôt place, comme Heng, face à lui, à genoux. Ce n’est qu’à ce moment-là que je réalise qu’il y a d’autres personnes dans la pièce. Zheng, Yue You et… Yi Ran.
La mère de Heng, et la seule personne qui me déteste encore plus que lui. Si elle est là, c’est vraiment mauvais signe pour moi. Cette vipère ne se montre jamais, sauf pour minauder devant mon père. Elle est même hautaine avec les autres assassins, comme si être l’épouse officielle de mon père lui octroyait de fait un statut privilégié.

- Tu nous as fait attendre, s’exclame-t-elle avec la théâtralité d’une actrice de théâtre. Ne t’apprends-t-on pas à obéir rapidement lorsque tu reçois un ordre ?

Je ne lui réponds pas. C’est père qui m’a fait venir, pas elle. C’est à lui que j’ai des comptes à rendre. Lorsqu’il prend la parole, elle a le bon sens de se taire.

- Xia He.

Si mon père a un ton des bons jours, ce n'est pas celui-là. Il ne bouge pas, mais je sens ses yeux sur moi, malgré ma tête baissée.

- Ton rapport de mission.

Malgré mon étonnement, je m'exécute aussitôt et relate, comme on me l'a appris, tous mes faits et gestes durant la mission. C'est un récit neutre, où je décris simplement les faits tels qu'ils ont eu lieu. On ne me demande pas mon ressenti, ni mes impressions. Lorsque vient le moment où Heng m'a attaqué, je décide de le passer sous silence après une courte hésitation. Je refuse d'avoir l'air pitoyable, et cette information est, à mon avis, inutile.  
Je termine, cependant, en lui expliquant comment Lièrén est mort. Heng intervient aussitôt.

- Menteuse ! Tu oses me mettre la mort de ce...

Mais le regard de père le coupe net dans son élan. Comme un chien docile, il ravale ses paroles pour me laisser terminer. Je le fais une minute plus tard, en faisant un passage rapide sur mon retour à la tour.

- Ton frère prétend que vous vous êtes battus.

Etonnée, je hoche la tête une fois, sans rien ajouter. Je suis un peu perdue. Je ne pensais pas que Heng serait assez crétin pour aller raconter ça de lui-même à père...

- N'as-tu pas honte! Vocifère aussitôt Yi Ran. Attaquer mon fils, ton aîné! Tu dois le respect le plus profond à Heng ! Si tu...

- Silence. Xia He, tu as omis cette information dans ton rapport.

- Je ne pensais pas que c'était important.

Je me prends aussitôt une gifle. Non pas par mon père, mais par Yue You. Et croyez-le ou non, la vieille femme a encore pas mal de force. La douleur est cuisante sur ma joue.

- Tu n'as pas à penser! On te demande ton rapport, tu racontes tout, jeune imbécile!

Père n'a rien dit. A côté de moi, Heng a son insupportable petit sourire en coin.

- Et?

Son ton étrangement calme m'étonne. Je connais mon père. Enfin, je le crois. Et je redoute vraiment le calme avant la tempête. J'ai intérêt à choisir mes prochains mots très soigneusement.

- Je me suis enfuie.

J'ai parlé à voix basse, mais nul doute que chacun dans la pièce m'a entendue. Non seulement je redoute la réaction de père, mais mon aveu me met dans une colère noire. Encore plus parce qu'il est prononcé devant Heng et père. Je me suis juré de toujours encaisser sans jamais me plaindre.

Heng a un petit air satisfait, mais il le perd aussitôt après.
D'un geste net et effroyablement précis, père a asséné un monstrueux coup de pied dans le visage de mon demi-frère, et l'envoie s’emplâtrer, littéralement, dans le mur en face. Le bruit du choc fait un raffut terrible. Je suis à peu près sûre que mon frère est sonné. Néanmoins, il trouve de quoi se relever, hébété et manifestement furieux.

- Père ! Cette petite bâtarde a avoué m'avoir défié ! J'avais tous les droits de l'attaquer !

- Manifestement, tu as échoué. Es-tu incapable de tuer une enfant de quatorze ans, Heng ?  

Le visage de mon frère devient encore plus blanc, si possible.
Encore une fois, il s'est mépris sur notre père. Il n'est pas furieux parce que Heng m'a attaquée, mais parce qu'il a échoué à me tuer. Que j'ai pu lui échapper est une plus grande source de colère et de déception pour Kuan Ti que de voir ses enfants s’entretuer. Si Heng était capable de comprendre ce genre de choses, il ne passerait pas son temps à essayer de me tuer pour s'accaparer l'attention de notre géniteur. Bienvenue dans le monde des assassins, Heng Wei.

Soudain, une gifle me cloue au sol. Je ne l'ai même pas sentie venir.
Je suis projetée deux mètres à droite, la vue brouillée par la violence du coup. Je tombe sur le flanc, et une vive douleur me vrille les côtes. Je mets une seconde à me resituer. J'entends la voix de père avant même de comprendre ce qu'il vient de se passer.

- Xia He, c'est la dernière fois que tu dissimules des éléments de ton rapport de mission.  

Je hoche la tête mécaniquement, encore l'esprit dans le vague. Je ne m'y attendais pas, mais je n'ai rien à redire. Je savais ce que je risquais.
En revanche, Heng, lui se prend la seconde claque, qu'il ne comprend pas.

- Même avertissement pour toi, Heng.  

Je le vois, hébété, qui cherche à comprendre, mais mon père a déjà tourné les talons pour quitter la pièce. Alors que Heng se redresse, c'est Zheng qui s'approche de lui. Je n'entends pas ce qu'il dit, mais je parviens à le lire sur les lèvres. "Tu me dois un oiseau".
Puis Zheng quitte à son tour la pièce.
Cette fois, c'est la mère de Heng qui se précipite sur moi pour me gifler. Mais Yi Ran n'est pas mon père, et elle n'a pas le quart de mes réflexes. Je l'évite sans effort, ce qui a le don de l'énerver encore plus.

- Toi !  Hurle-t-elle. Tu devrais être contente que ton père te laisse en vie, et tu oses t'en prendre à Heng ! Si ça ne tenait qu'à moi, on t'aurait noyée quand ta catin de mère est morte !

Cette espèce de garce a vraiment la rage aux lèvres. Père parti, je me relève, et la toise sans répondre. Je ne comprends même pas pourquoi je dois lui adresser la parole. De toutes façons, quoi que je dise, elle va trouver le moyen de hurler et crier à nouveau. Je ne comprendrais jamais comment mon père a pu finir avec une harpie pareille.

- Dehors, dehors, Wei Yi Ran. Va faire étalage de ta bêtise ailleurs. Et emporte ton imbécile de fils tant que tu y es.

- Ne me donne pas d'ordre, vieille peau !

- La vieille peau est encore assez en forme pour te casser les baguettes qui te servent de jambes, si tu ne les sors pas d'ici rapidement ! Dehors !!

Elle finit par s'exécuter, avec la moue vexée qui me ravit. Yi Ran quitte la pièce à la suite de son fils, qui a quitté la pièce en courant. Je suis prête à parier qu'il va aller plaider sa cause à père. Qu'il essaye donc. Il aurait plus de chances de déplacer la Tour.
Je reste seule avec mon maître, qui me fusille du regard.

- Vous savez très bien ce qu'il s'est réellement passé, dis-je avant qu'elle ne commence son sermon.

- Je suis âgée, pas gâteuse. Pas encore. Kuan Ti aussi sait pertinemment que c'est Heng qui t'a attaquée le premier, il n'en fera rien. Tu as bien fait de riposter. Mais ne mens jamais à ton père, Xia He. Et ne lui cache rien. Il a assez d'un insolent à gérer.

Je hoche la tête.

- Bien. Tu es blessée?

Je fais un rapide examen, en palpant les endroits où j'ai pris des coups.

- Deux côtes cassées. Et mes plaies se sont ouvertes dans mon dos.

- Tu as de la chance. Si tes cicatrices avaient tenu, tu aurais pris des coups de canne. Vas te soigner, et remonte à la salle de méditation

Une heure plus tard, j'étais enfin en profonde méditation.
La respiration lente, j'étais concentrée sur le néant. Faire le vide dans mon esprit. Bao parti, c'était bien plus facile. Mes plaies avaient été soignées, bandées et anesthésiées si nécessaire. Yue You avait insisté pour que je mette de son cataplasme à l'odeur immonde sur mes plaies. Je l'avais remplacé par le mien dès qu'elle avait eu le dos tourné. Avoir mal, je pouvais supporter, mais l'odeur des viscères de poisson, non merci.

La journée commençait à toucher à sa fin. Mais je n'avais pas l'occasion de voir la course du soleil. En rouvrant les yeux, je me retrouvais face à Zaun, dans toute sa cacophonie et sa pollution. En contre-bas, loin de la tour, la vie continuait. Les habitants étaient loin de se douter du nombre de morts qu'il y avait eu à Nar Shadaa. Ce n'était pas une île où l'on avait le luxe de se soucier de son prochain.
Combien de corps avions-nous brûlé? Une bonne partie était morte de nos mains. Même si j'avais encore quelques mois avant mon premier meurtre, j'y songeais parfois. Et aujourd'hui, je ne trouvais pas de sens à notre mission.
Qu'est-ce que ça faisait, de tuer un humain? Je m'étais déjà entraînée sur des animaux, et j'avais déjà manipulé des tas de corps. Je n'étais même pas sûre de vraiment redouter l'expérience. Aurais-je dû être comme Heng, plus guidée par mes émotions que ma raison? Je me fais l'effet d'un pantin. Dans une autre vie, un autre contexte, qui aurais-je été? Si ma mère avait survécu? Est-ce qu'elle aurait cru chacun de mes mots, cédé à chacun de mes caprices comme Yi Ran le faisait pour Heng?
Je n'arrivais pas à l'imaginer. J'avais à peine le souvenir du visage de ma mère.

- Xia He.

Je sursaute. Mon père est assis juste à côté de moi, et je ne l'ai même pas entendu ni senti arriver. Il se tient pile au début de mon angle mort.
En tailleur, il a, comme moi, les yeux rivés sur Zaun.

- Père.

- Tu ne médites pas.

- Non...Je repensais à la mission d'aujourd'hui, à mes actions.

Il ne me réponds pas, et je prends le parti de continuer à parler. J'ai rarement l'occasion de discuter avec mon père.

- Je me demande... La mission d'aujourd'hui, était-elle vraiment la mission d'assassins? Si un médecin avait examiné les victimes, les toxines aurait été découvertes, et nous n'aurions pas été envoyés pour tuer les dernières cibles d'une épidémie qui a déjà fait des tas de cadavres. J'ai l'impression que quelque chose sonne faux. Et ça me fait réfléchir à ce que nous faisons. Pourquoi des assassins ? Notre clan a été créé à une autre époque, dans un autre contexte. Aujourd'hui, il y a des meurtres à tous les coins de rue.

Il a ouvert les yeux. Mais son regard ne porte pas dans ma direction.

- Que sais-tu de Nar Shadaa?

Nar Shadaa? Pourquoi cette question?

- C'est un agglomérat de grottes et tunnels naturels. L'environnement est sale et pestifère. On dit que toute la misère de Zaun se réfugie là-bas. C'est un nid de clochards et de maladies. Les autres habitants ne s'y aventurent même pas. On dit même qu'une partie des rebelles qui ont tenté de se soulever contre le gouverneur Swain se sont cachés là-bas.

Très légèrement, il hoche la tête.
Soudain, une pensée me vient. C'est une idée en l'air, mais plus je l'analyse, plus elle est présente. Plus elle est pertinente. Lentement, les pièces du puzzle se mettent en place. Je repasse la journée dans ma tête. L'ordre de nettoyage. Les dizaines de corps. La présence de Zheng en plus de Heng. La vérité me frappe de plein fouet, et cette fois, j'en suis convaincue. Je me tourne vers père.

- Ces araignées ne sont pas arrivées là par hasard, n'est-ce pas? Dis-je dans un souffle

Cette fois, mon père pose les yeux sur moi, l'ombre d'un sourire sur son visage.
C'était donc ça. L'ordre venait du Gouverneur Swain. Et nous étions juste là pour finir le travail. Mais alors...

- Pourquoi m'avoir fait venir? Avec un médecin, la supercherie allait forcément être découverte.

Ce n'était pas logique. Si le gouverneur avait voulu tuer tous les résistants de Nar Shadaa, pourquoi avoir demandé un médecin? J'avais mis fin à l'ordre de nettoyage dès que j'avais compris. Sans moi, toute la population de Nar Shadaa aurait été tuée. Swain aurait été sûr d'avoir éliminé tous ses opposants.
Je me tournais vers père, et trouvai la réponse dans son regard.

- C'était vous, n'est-ce pas? Je ne faisais pas partie de la mission, vous m'avez fait venir. Pour faire saborder la mission avant que Zheng n'ait fini. Vous saviez qu'il écouterait mon avis de médecin et changerait sa tactique... Et qu'il ne tuerait pas tout le monde.

Kuan Ti se leva. J'étais encore figée par tout ce que je venais de comprendre. J'avais joué exactement le pion de mon père contre l'ordre du Gouverneur Swain. La mission était remplie, mais mon père en avait profité pour déjouer la stratégie de Swain. Celui-ci n'avait peut-être même pas idée que notre clan comportait des médecins, et pensait que nous aurions tué tout le monde. Officiellement, son ordre était d'"éradiquer l'épidémie". Même s'il sous-entendait autre chose, officiellement, nous n'y avions pas dérogé.
C'était exactement ce que nous avions fait, mais pas selon ses plans. Mon père avait délibérément fait avorter son plan en m'ajoutant à la mission. J'avais permis d'enrayer la propagation de la maladie, sans tuer tout le monde.

- Pourquoi? Demandais-je en me levant à mon tour. Je pensais que vous étiez pour le Gourveneur Swain.

- Les assassins n'ont pas de maître, Xia He. Si notre clan est si ancien, c'est parce que nous avons survécu à bien des gouvernements. Nous n'obéissons pas simplement à des ordres. Si tu n'apprends pas à agir de ta propre volonté, tu ne survivras pas.

- Dans ce cas, pourquoi tuons-nous, si ce n'est pas pour servir les intérêts de quelqu'un?

Il s'approcha de moi, et se baissa à ma hauteur pour me regarder dans les yeux. Les mêmes yeux gris acier que les miens.

- Ça, tu devras y répondre seule.

Et il quitta la pièce.
Je restais seule, hébétée.
Je venais d'avoir une vraie conversation avec mon père. Peut-être la première, car je n'avais pas souvenir que nous ayons jamais échangé autant de mots en une fois.
Et il me laissait avec une véritable énigme.

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