B comme Brebis. - Rosy B

Elle n’est ni belle, ni laide et pourtant elle est tout sauf une femme banale ! Comment est-ce possible ?

Ce qui la rend unique et que l’on remarque de suite ? Ses incroyables cheveux roses bouclés rappelant la laine de ses brebis comme si ces derniers étaient faits de la même matière que ses poupées. Quoi ?! Oui bon certes, ses cheveux n’ont rien de sexy mais certains hommes apprécient. Il faut dire que c’est original de telles boucles.

Elle n’est ni gracieuse, ni barbare et pourtant c’est tout sauf une femme qu’on ne remarque pas.

Elle a un visage de femme assumée et qui a de l’assurance pourtant son corps entier semble évoquer le contraire. En effet, sa démarche est timide, ce qui ajouté aux rondeurs donne l’impression d’une femme très fragile mentalement. D’un autre côté, malgré son nez légèrement retroussé, le visage de Rosy donne l’impression d’une femme sûre d’elle, prête à tout dévorer sur son passage. Elle est à la fois effrayante et risible mais ce qui est certains c’est qu’on ne peut pas rester impassible en la voyant. De plus, son extravagance naturelle fait d’elle un sujet à débat.

Elle n’est ni maigre ni… Ah si en fait elle est obèse…

Et il faut ajouter de surcroit sa petite taille qui fait d’elle une fameuse « petite grosse ». En effet elle doit mesurer environ un mètre cinquante-cinq et peser aux alentours des quatre-vingts kilos. Les nutritionnistes diraient surement que c’est inquiétant mais faudrait-il encore qu’ils soient là pour le dire de nouveau. Puis il y a également des hommes qui aiment les rondeurs… Surtout que ça a l’avantage de lui offrir une poitrine assez imposante.

Elle n’est ni coquette ni négligée.

Il est vrai que Rosy aime se maquiller et bien s’habiller, elle est tout sauf un garçon manqué mais c’est également tout sauf une pouffe. Elle préfère de loin la sensualité à la vulgarité, c’est pourquoi elle a un maquillage et des vêtements simples, bien souvent des robes. C’est d’ailleurs plutôt une bonne chose pour elle puisque ça contraste avec le reste de son apparence et joue une carte discrétion qui disparait bien vite lorsqu’intervient la personnalité de la confectionneuse de poupées.

Mêêêêêêêêêêêê… Mêêêêêêê…

*Oooooh oui, gratouille moi encore un peu le popotin ! Ma maîtresse est vraiment une femme bien, qui prend soin de moi comme elle prend soin de ses cheveux soyeux.  Bon, c’est vrai, certains la trouvent parfois folle mais ce n’est qu’un genre d’extravagance ! J’ai toujours entendu dire que les fous étaient des gens intelligents de toute façon, alors sa folie ne peut que prouver un fonctionnement parfait de ses petites cellules grises. Certes, aux premiers abords, Rosy n’a pas l’air d’une lumière mais que nenni ! Elle réfléchit bien plus que le commun des mortels !

Pourquoi autant d’assurance ? Parce que Rosy est une déesse ! La déesse des brebis égarées, au sens littéral du terme. Elle voue un culte à ces animaux et est un ange avec eux. C’est d’ailleurs moi son plus fidèle amis et allié qui se fait pomponner des heures entières… Mêêêê… Avec les gens aussi elle est adorable, du moins la plupart du temps… Il lui arrive parfois d’être de mauvaise humeur, ou encore d’avoir quelques comptes à régler car par-dessus tout : Rosy est une manipulatrice qui privilégiera sa propre personne avant toute chose. C’est une mania des affaires, tant officielles qu’officieuses. En effet, elle a un côté obscure à l’opposé de son apparence boute-en-train et de sa joie de vivre communicative qui peut même la mener à tuer si il le faut. 

Pourtant le plus effrayant dans tout ça, ce n'est pas le fait qu'elle soit capable de tuer. Non le plus effrayant chez elle, c'est sa collection de poupée. Ah oui comme ça, ça a l'air mignon, surtout qu'elles ont toutes un nom affectueux et attachants. Le problème, c'est que toutes ces poupées n'ont pas de visage... C'est Rosy elle même qui les confectionne avec ses doigts de fées, ou peut-être de sorcière: tout dépend du point de vue.

Des ennemis ? Bien sûr qu’elle en a ! Quand on a soif d’argent et de pouvoir comme elle, on a forcément des ennemis. Et c’est bien plus drôle comme ça. Quel ennui si sa vie était toute rose. Quoique… Une vie en rose, ce serait surement le rêve pour elle. Elle teint même ma laine en rose ! C’est soi-disant la couleur de la sensibilité… Remarque elle doit en connaitre un rayon niveau sensibilité Rosy, c’est une hypersensible. Un rien peut la mettre dans des états d’euphorie et d’excitation intense. Mieux vaut ne pas être sur son chemin dans ces cas là…

Oh non, je n’ai pas dit qu’elle était en surpoids ! Je ne me le serais jamais permis ! Elle déteste qu’on lui parle de ses rondeurs même si elle ne fait rien pour les éliminer. Les seuls régimes qu’elle fait sont ceux aux sucreries et pains au chocolat sans compter le nombre de barbapapas qu’elle est capable de manger en une journée. Mais bon, c’est pour ça que je l’aime ma maîtresse… Et pour ses gratouilles aussi !*

Mêêêêêêêêêêê…

 

« On a dit qu’on l’appellerai Rosalina ! »
« Non non ! On avait dit Mary ! »
« Rosalina ! »
« Mary ! »
« Sinon, appelez la Rosy… »

En effet, Rosy, dès sa naissance était un sujet de discorde, et ce n’était que le début. Elle a vu le jour dans un hôpital chic d’une ville chic d’une île chic, bref, dans un environnement plutôt chic. Ses parents même étaient chics, et lui fournissaient tout ce dont elle avait envi. C’était une enfant gâtée. Gâtée, mais définitivement chic. Pourtant, la jeune fille qui grandissait vite avait déjà un petit frère et une grande sœur qui étaient tout autant privilégiés qu’elle. La petite famille vivait dans le plus grand bonheur…

Cependant, alors que le fait d’être gâtés ne semblait pas influer sur le caractère du frère et de la sœur de Rosy, pour elle, il en était tout autre chose. En effet, sans cesse elle demandait des choses et ses parents se pliaient parfois en quatre pour les lui offrir. Ça avait commencé par de simples poupées auxquelles la jeune fille vouait une véritable adoration à leur crever les yeux, puis ça a commencé à se compliquer… Un livre unique, un tapis avec des monstres marins, une brebis venu spécialement de Tanuki… Ses parents croyaient que ça finirait par se calmer avec le temps, qu’en grandissant, tout cela finirait par s’arrêter mais ce fut le contraire et les demandes étaient de plus en plus intenses et étrangement glauques. Tout ce traintrain habituel continuait jusqu’au jour où la jeune fille devenue adolescente demanda une arme « pour pouvoir faire taire ceux qui se moquaient de sa corpulence ».

C’en était trop pour ses parents qui prirent finalement une décision qui changea radicalement le destin de Rosy. Ils l’envoyèrent dans un asile pour adolescentes. Ils avaient toujours soutenu leur fille et cette décision était des plus surprenantes mais pour eux c’était la seule façon de sauver Rosy d’une cruauté sans limite. C’est pour son bien et parce qu’ils l’aimaient qu’ils l’envoyèrent là-bas, ils ne pouvaient pas s’attendre à ce que cette décision aient l’effet inverse et amplifient totalement les problèmes de leur petite aux cheveux roses.

L’asile Kookabella situé sur une île minuscule entourée de rochers noirs et pointus donnant au paysage une apparence d’enfer. La brume qui entourait l’asile ne faisait qu’empirer la chose. Le directeur de Kookabella avait accepté la venue de Hulda, la brebis ayant accompagnée Rosy depuis sa plus tendre enfance. Le directeur s’appelait Mr GringleBell et était quelqu’un de respecté, plus par peur que par admiration. En effet, il dirigeait d’une main de fer son asile et obligeait les adolescentes atteintes psychologiquement à se plier à ses règles. De plus, il y avait des videos Den Den dans toutes les pièces exceptées la buanderie où les filles avaient l’habitude de s’entasser pour discuter de tout, de rien, d’évasion, de liberté. En effet, il y avait même des vidéos Den Den dans les chambres. Les gardiens se rinçaient souvent l’œil sur les corps dénudés des détenues…

Cela faisait maintenant  trois ans que Rosy et Hulda étaient enfermées à Kookabella et les deux compères étaient désormais des pionniers à l’asile, tout le monde les connaissait aussi bien pour leur folie que pour leur originalité. Elles s’étaient bien entendu fait des amies, tout comme des ennemies…  Les habituels « je veux, on me donne. » de Rosy s’étaient transformés en « je veux, je prends. » L’adolescent devenue femme était devenue une personne aussi douce qu’inquiétante. Elle était également devenue  trop âgée pour rester dans cet asile réservé aux adolescentes. C’était donc l’heure du grand test pour Rosy, celui qui allait décider si la jeune femme allait être relâchée ou bien transférée dans un autre asile. En trois ans, elle avait appris à comprendre comment fonctionnait cet asile. C’était simple, il ne comprenait pas ses détenus et par conséquent, il ne comprenait pas Rosy. Pour elle, le test fut simple, elle répondit exactement l’inverse de ce qu’elle aurait répondu normalement. Bien entendu, le test fut une réussite, cependant, Rosy, désormais relâchée se retrouva seule devant un monde qu’elle ne connaissait plus. La seule  créature qu’elle avait pu côtoyer et qu’elle connaissait dans les moindres détails, c’était Hulda.

Rosy prit alors la décision de se rendre à Tanuki. Là-bas, elle commença un élevage de brebis lui permettant de faire affaires avec les éleveurs de moutons qui avaient bien entendu besoin des brebis pour perpétrer leur élevage. De plus, Rosy vivait également de quelques magouilles et coups bas ainsi que de la vente de ses fameuses poupées sans yeux qu'elle créait avec la laine des brebis. Cela lui permis ainsi de s’offrir une jolie petite maison en bois, isolée, à Tanuki. Hulda et elle y vivaient des jours paisibles avec les autres brebis, mais l’ennui commençait à se faire sentir…

« Une laine d’enfer ! ». C’était un titre assez banal qu’avait choisi la gazette, mais il avait suffi à satisfaire Rosy qui avait affiché l’article au-dessus de sa cheminée et qui le regardait tous les soirs et ce depuis des semaines. Ce dernier vantait les mérites de sa laine qui il faut le dire était d’une douceur inégalable. Jamais la jeune femme aux cheveux roses n’aurait pensé que la revente de sa laine aurait tel succès qu’on en parlerait dans le journal. A vrai dire, ça avait toujours été un alibi pour couvrir ses différentes magouilles mais désormais, son élevage commençait à prendre de l’ampleur et de l’importance. Seulement voilà, Rosy aurait préféré que ce soit la vente de ses poupées sans yeux qui décolle, il y avait là un vrai concept, une âme. Il est vrai que la bergère se prenait un peu pour une artiste mais ça calmait ses pulsions et les échecs répétitifs de ses objectifs.

En ce moment, Rosy tenait absolument à assassiner un papillon mais la tâche n’était pas aisée, impossible d’attraper un de ces fichus insectes. Elle avait même mis à contribution Hulda qui ne s’en sortait pas vraiment mieux. Il faut dire que ce soit avec un pistolet ou une mâchoire, pour la brebis, il était facile pour le papillon de s’échapper. Tout ça lui avait miné le moral et les murs de sa maison s’en souvenait encore… Cet article était donc une aubaine, presque un miracle ! Rosy avait retrouvé toute sa joie de vivre.

Rosy, sortant de ses pensées se décida enfin à mettre le nez dehors pour cueillir quelques fleurs à donner à manger à Hulda seulement voilà, cette dernière alléchée par une odeur très certainement meilleure que celle des fleurs se précipita en direction de la ville la plus proche. Que se passait-il ? Jamais Hulda n’avait l’habitude de s’enfuir ainsi.

« Hulda ! Reviens ici ! »

La jeune femme aux cheveux roses n’eut pour seule réponse la tête mesquine de la brebis en fuite.

« Oh ça ne se passera pas comme ça espèce de ******* ! »

Rosy pris son courage à deux mains, releva légèrement la robe et lui courut après dans l’espoir de la rattraper… Il n’y avait rien à faire, Rosy n’était pas une sportive et les quelques cent mètres qu’elle avait difficilement réussi à parcourir l’avait épuisé au point de s’allonger au sol telle une déesse dans un champ de pouvoir… ou alors comme une crêpe, ça dépend votre vision des choses. Enfin, cette position ne devait pas être si terrible pour elle puisqu’elle s’endormit comme un loir et ce, malgré l’inquiétude des évènements. Son sommeil fut d’ailleurs bien agité, comme si quelque chose d’important allait se produire ! Hum… Peut-être que Tanuki allait se transformer en rose ou que les brebis allait envahir la ville et proclamer Rosy en tant que reine !

« Rosy ! … Rosyyyyy ! ROSYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY ! »
«  Je suis la reine ! Hein ? Que … ? Papa ? Maman ? Huldaaaaaa ? »

Incroyable, la première personne et d’ailleurs la seule que prit Rosy dans ses bras était Hulda. Ses parents ? Elle s’était promis de ne plus leur adresser la parole depuis qu’ils l’avaient jeté dans les cachots de Kookabella. Seulement voilà, Monsieur et Madame B., eux n’avaient pas l’intention d’avoir fait tout ce chemin depuis chez eux pour ne pas décrocher un mot à leur fille.

« Tu sais on t’aimait, c’est pour ça qu’on t’a envoyé là-bas… »
« Et on est fier de la voie que tu as choisi de rejoindre ! »

Des milliers de choses se passèrent dans la tête de Rosy mais ce fut une idée machiavélique qui s’imposa finalement…

«  Oui merci papa, merci maman, je suis enfin grâce à vous devenu quelqu’un de bien ! Comment m’avez-vous retrouvé ? »
« Oh simplement cet article dans le journal où nous t’avons vu heureuse et bien dans ta peau ! Et puis, ensuite, arrivés sur Tanuki, Hulda nous a guidé jusqu’à toi. »

Rosy jeta un regard aussi noir que discret à Hulda qui frémit dans sa laine rose.

« Vous devriez venir visiter mon élevage et mon chalet. »

Rosy emmena donc ses parents cent mètres plus loin et leur montra avec délicatesse son bel élevage en prenant le temps de présenter chacune de ses brebis puis les dirigea vers son chalet. Là, ses parents étaient ébahis. Certes, le chalet était loin d’être aussi grand que leur maison de famille mais il dégageait une atmosphère tellement cosy et tranquille. Rosy et ses parents s’assirent autour de la table et discutèrent pendant des heures de tout ce qui s’était passé pendant ses années, du frère et de la sœur de Rosy dont l’un s’était engagé dans la marine et l’autre, banquière apparemment. Mais tout ceci, la jeune femme n’en avait en réalité que faire, elle attendait simplement le bon moment pour décevoir ses parents qui devenaient de plus en plus heureux, seconde après seconde.
C’était le moment.

« Et au fait, j’ai oublié de vous montrer une pièce ! Celle où je confectionne des poupées ! »

Monsieur et Madame B.  accoururent avec hâte pour découvrir encore plus la vie de leur fille dont désormais ils étaient fiers. Rosy ouvrit donc la porte et sourit en voyant le visage horrifié de ses parents devant le terrible spectacle de ses poupées sans yeux.

« D'ailleurs, je veux une arme pour pouvoir faire taire tous ceux qui se moquent de ma corpulence. »

Elle ria au éclat puis obligea ses parents à partir en leur faisant comprendre qu’ils avaient gâchés une partie de sa vie et qu’ils avaient fait d’elle ce qu’elle était devenu aujourd’hui.