" Le phénomène de société permet à un groupuscule de former une seule entité. Il peut alors remettre une partie de sa liberté propre entre les mains du groupe, souvent lui même dirigé par un seul homme. Pomme Lock, Philosophe dit du Léviathan. " |
Suite de "Ô Liberté, liberté chérie".C’est d’un pas vif que le jeune Daniels, toute jeune recrue de la Bounty National Agency, avançait vers le camp de son chef pour lui annoncer la nouvelle : les hommes venaient de débarquer sur l’île. Ce n’est pas sans une certaine naïveté qu’il courrait, sans prendre garde à la dangerosité de l’île. Ô il était bien armé d’un fusil mais le tenait avec maladresse et avec la nervosité du novice qui a hâte d’accomplir sa première mission officielle. Certes, la perspective de rencontrer le chef de la B.N.A était également un motif suffisant pour lui faire perdre toute raison. C’est donc l’esprit encombré qu’il avançait sur une route pavée encadrée d’une multitude de bâtiments sombres, vestige d’une gloire passée.
Par chance, la zone était totalement déserte. Il faut dire que depuis la libération du chantier des bâtisseurs sud, Rydd avait organisé de nombreuses patrouilles et était allé personnellement veiller à la sécurité des alentours. L’on entendait donc que les pas vifs de Daniels qui ne ménageait pas sa peine et commençait déjà à voir perler de nombreuses gouttes de sueur sur son visage juvénile. Cela ne dura qu’un temps puisque lorsqu’il arriva non loin du camp, une toute nouvelle ambiance s’offrit à lui.
Le chantier avait été transformé en une solide base. Sur une zone totalement dégagée se dressait une sorte de fort constitué de remparts de bois et de pierre. Plusieurs tours s’élevaient à des endroits stratégiques pour défendre aisément la place. Le brouhaha qui y régnait tranchait d’avec le calme de la zone frontalière. Tous les esclaves libérés et les anciens gardes s’étaient ralliés à Rydd. Le regroupement de ces deux « factions » généra bien quelques tensions, mais le leadership du Tigre l’emporta devant les velléités de tout un chacun. C’est donc un camp habité par un groupe en harmonie que découvrit le jeune Daniels. Il resta quelques instants, l’œil rond et la bouche pendant, à regarder ce camp si insolite qui renvoyait un sentiment de réelle sécurité. Il réajustait son fusil contre lui lorsqu’une balle vint ricocher à ses pieds. Il releva la tête, quelque peu apeuré. Un garde en poste dans une tour le héla.
« Cette zone appartient à la BNA. Passez votre chemin ! »
« Je suis de la BNA ! » Hurla Daniels dans un accent de pure sincérité.
« Ouais ! C’est ce que le drôle disait aussi ! » Et il désigna du menton un corps étendu non loin de Daniels.
C’était le corps d’une sorte d’indigène, muni d’un arc et d’une lance. Il portait un pagne aux couleurs chamarrées et était recouvert de tatouages de serpents tout aussi criards que le pagne. Daniels n’avait pas remarqué sa présence jusqu’alors, pourtant, le cadavre était très visible. Manifestement, il avait été frappé par plusieurs balles.
« Holà ! Les hommes de la BNA viennent tout juste de débarquer ! Ils sont à quelques pas d’ici en train de sécuriser les navires ! On m’a envoyé prévenir Rydd Steiner. »
« Combien de navires sont arrivés ? » Questionna un homme de grande taille particulièrement musculeux.
Daniels ne l’avait pas vu apparaître, il se tenait pourtant à quelques mètres de lui. Instinctivement il recula de quelques pas et analysa davantage son interlocuteur. C’était un solide gaillard qui devait être âgé d’une trentaine d’année. Il portait les cheveux courts qu’il avait noir comme le jais, une cicatrice embellissait tout son côté droit en passant par l’œil. C’est ce même œil qui se posa avec force sur Daniels. Le jeune chasseur de primes serra davantage son arme avant de répondre d’une voix incertaine.
« S-Six. Six navires sont arrivés. Monsieur, je dois informer Rydd Steiner de l’arrivée des hommes au plus vite. »
L’homme le fixa avec fermeté pendant quelques instants avant de répondre.
« Tu l’as devant toi. Quels sont les effectifs ? Des rasoirs sont-ils arrivés avec vous ? »
L’information prit quelques instants à être ingérée par Daniels. Il regarda encore Rydd avant de répliquer. Il parlait maintenant fort avec l’aplomb de l’enfant qui pense tout avoir compris.
« Holà le drôle ! Tu me prendrais’ pas pour une de ces bleusailles de bas étage ! Je m’appelle Daniels G. Sworn et j’ai déjà capturé pour TROIS millions de berry. Tu penses peut-être que j’sais pas reconnaître la tenue du Tigre, MON chef ? Et même que j’ai déjà vu sa tête sur une affiche. Il est BLOND Rydd Steiner ! C’est pas parce que t’as une cicatrice à l’œil comme lui, que ça fait de toi le chef de la BNA. Alors maintenant, je ne joue plus, je dois voir Steiner et si ça lambine, ça va chauffer pour tes oreilles. »
Imperturbable, Rydd haussa les épaules.
« La peste bleue de Karantane provoque parfois ce genre de désagréments sur le cuir chevelu. Manifestement ton sens de l’observation te joue des tours si tu ne parviens pas à faire le lien entre une photographie et le réel.
Combien d’hommes ? »
« Je… Euh… » Daniels hésitait. A raison, il faut le dire, dès lors que Rydd ne portait aucun de ses signes distinctifs habituels.
« Je ne connais pas le chiffre Monsieur chef… »
« Tu vas faire demi-tour et repartir vers les hommes pour les guider jusqu'ici. Assurez-vous que les navires sont bien dissimulés et laissez un groupe sur place. Si des rasoirs sont présents, qu'ils s'assurent que la tâche soit faite correctement avant de revenir ici.
Un groupe pour accompagner cet homme vers les chasseurs de la BNA ! »
Aussitôt, une dizaine d'individus armés sortirent du camp au petit trot et se mirent à la disposition de Daniels. Le jeune chasseur perdit quelques secondes à regarder Rydd retourner calmement vers le fort. Puis il fit volte-face et retourna d'où il venait, accompagné cette fois-ci d'hommes de Karantane.