Et soudain, on rigole moins

Une légère pluie se mit à perler. Les quelques gouttes qui s'abattirent sur le visage du forban eurent pour effet de le réveiller. C'était un long voyage qui l'attendait, et avec une malheureuse barque volée aux marines, cela allait prendre du temps. Dure entreprise que celle de ramer seul, puisqu'il était amené à devoir dormir, ce ne pouvait être pour longtemps, au risque de dériver.

- Chiasse...

Un juron dès le réveil. La pluie l'inquiétait, si elle venait à gagner en intensité, cela allait compromettre son itinéraire, car ne pouvant tenir face à des éléments déchainés avec une si petite embarcation.
Scrutant les nuages un air grave, il soupira finalement de soulagement, rien de grave en perspective. A peine réveillé, il jeta un oeil à sa boussole.

- Parfait.

Tout était calculé durant le voyage. Joe ne tombait dans les bras de Morphée qu'après s'être assuré que cela se faisait pendant une période où le vent soufflait dans une direction lui étant profitable. Son sommeil n'était devenu qu'une succession de courtes siestes, mais si tel était le prix à payer pour s'emparer de son trésor, alors il le paierait volontiers.
Ouvrant son sac de victuailles, il avait de quoi se nourrir encore pour une semaine.

- Il n'y en a plus que pour deux jours avant d'arriver, tout se passe à merveille.

En effet, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Pour le moment, il comptait juste se diriger sur l'île afin de constater quel poids environ ferait le trésor, afin de savoir quelle embarcation par la suite prendre afin de le subtiliser. Pour le déterrer, il avait bien évidemment prit ce qu'il fallait, deux pelles, au cas ou l'une viendrait à se briser, et une pioche. Puisqu'il lui restait quelques berries sur lui après ses emplettes au cimetière des épaves, il avait acheté une trousse à pharmacie en plus du reste, le cafard voulait être en parfaite condition quand il déterrait le trésor. C'eut en effet été dommage de crever d'une infection si il venait à s'égratigner contre un clou rouillé.

C'est en sifflant gaiement que Joe se remit à ramer. Oui, tout allait bien dans le meilleur des mondes, c'est bien connu, les pirates qui humilient la marine à de multiples reprises et dont la tête est mise à prix pour douze millions de berries s'en sortent toujours merveilleusement bien.
Le pire était à venir, et aveuglé par cet or qu'il n'avait pas encore entre les mains, Joe ne voyait pas ce qui pouvait arriver de grave.
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« Contact ! Deux miles ouest ! » Crie la vigie.

Le lieutenant prit sa longue vue et regarda dans la direction indiquée.

« Ça pourrait correspondre à ce que l’on recherche. Messieurs vous savez ce que vous avez à faire. »

Cela fait maintenant une journée que nous sommes en mer, le temps est clair, et le vent moyennement fort. Hier le lieutenant est venu chercher trente volontaires. Apparemment il y avait un type primé qui avait causé du grabuge au cimetière d’épaves, un chasseur de prime était mort. Le lieutenant nous avait seulement donné son nom, Joe Biutag. Première fois que j’entendais ce nom, mais bon, douze millions de prime quand même.

Donc on était envoyé pour stopper ce criminel, il a quitté le cimetière d’épave il y a peu de temps à bord d’une barque qu’il aurait volé à des collègues. Ce n’est pas avec ça qu’il allait aller bien vite, pour le rattraper une caravelle nous avait été donnée. Il ne restait plus qu’à fouiller South Blue, plus simple qu’il n’y parait. Le lieutenant avait une carte avec de grand cercle pour indiquer jusqu’où le forban a pu aller. Mais bon, si le gars s’est caché sur une ile, ce n’est pas comme si on allait le trouver. Mis à part contrôler des barques on ne fait pas grand-chose depuis que l’on est parti. À écouter le lieutenant « Il y a toujours quelques chose à faire sur un navire », lui est en train d’étudier des rapports sur le pirate. Il n’a pas voulu me les montrer lorsque je lui ai demandé, il a préféré me rappeler mon grade, selon lui ce n’est pas des informations dont j’ai besoin pour faire mon travail. Pour cela, je préfère rester dans les cordages, hors de vue du lieutenant.

J’ai hâte de finir le travail et rentrer, bizarrement pour un marin, je préfère être les pieds sur la terre ferme, voire de la flotte à perte du vue, c’est lassant. Ce sera la première fois que je vois un pirate primé, hâte de voir ce qu’il peut faire. De ce que je sais il a un mini canon avec lui et d’autres armes plus classiques. Il ne va pas aimer se les faire confisquer lorsqu’il ira en prison. J’espère que les collègues vont pas être blessés, ce sont tous des bons gars, même le lieutenant.


« Mon lieutenant, le den den mushi pour vous » accouru un collègue, William me semble.

Le lieutenant se mit à courir jusqu’à sa cabine.

Ça doit être le QG, avec un peu de chance les supérieurs vont peut-être nous dire de rentrer.


L'officier ne mit pas beaucoup de temps à revenir.

« Le QG vient de nous contacter, un bateau de pêche a remarqué une barque de la marine avec un homme assoupi à bord, c’est sans doute notre homme. »

Après avoir donné ses instructions, le navire prit la direction plein nord. A peine une heure plus tard, la pluie dégoulinait le long des voiles et les cordes commençaient à glisser.

C’est un coup à se casser la tronche ça, et le pire est à venir, au loin les nuages sont noirs. Si le pirate est dans une tempête il va vite couler avec sa barque, enfin, notre barque.

« Contact ! Droit devant ! On dirait une barque mon lieutenant ! »

Le lieutenant était avec sa longue vue en train de fixer la barque, le sourire jusqu’aux lèvres.

« Préparez un canon pour le coup de semonce !» hurle le lieutenant.

Pas mon job, les camarades canonniers vont le faire. Je préfère rester dans les cordages, peut être que je pourrai voir le pirate de là.

« Canon prêt mon lieutenant. »
« Feu ! »





Dernière édition par Vertigo le Dim 31 Jan 2016 - 16:21, édité 3 fois
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Personne n'est parfait. Joe s'était attendu à ce que la petite pluie qui lui était tombée dessus disparaisse en un rien de temps, il fallait croire que ses compétences en météorologie laissaient quelque peu à désirer. Le vent s'était levé, soufflant plus fort à chaque minute qui passait, au loin, le son du tonnerre se faisait entendre et les nuages étaient sans cesse plus menaçants.

- Ah, pute de chienne de pute....

La contrariété et une prédisposition aux jurons faisait qu'il s'exprimait crûment. Toujours un pépin de dernière minute pour lui pourrir la vie. Lui qui pensait se la couler douce jusqu'à déterrer un trésor d'un demi milliard, manifestement, il avait sous-estimé sa poisse.

- Pauvre Joe ! Lui qui fait jamais rien de mal ! Il lui arrive tous les malheurs du monde.

Ramant pour tenter d'échapper à la tempête, tentative aussi vaine qu'illusoire, il se lamentait sur son propre sort. En effet "pauvre Joe" lui qui n'avait rien fait, rien excepté treize ans de piraterie où il surenchérissait chaque jour un peu plus dans les registres de la fourberie et la cruauté. Mais il trouvait encore moyen de s'imposer en victime malgré tout, d'abord parce que personne n'était sur la barque avec lui pour le contredire, mais surtout parce qu'il se refusait à toute remise en question.

Après quelques minutes à ramer contre le vent, il finit par comprendre que cela ne mènerait à rien. Le ciel était aussi sombre qu'en pleine nuit, les vagues se faisaient de plus en plus grosse, et la foudre se rapprochait.

- Putain ça pourrait pas être pire.

Cela pouvait toujours être pire. Si lui pouvait repousser sans cesse les limites de la bêtise et de l'atrocité, alors la situation pouvait toujours empirer. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit puisqu'une caravelle de la marine se profila à l'horizon. N'ayant une prime sur sa tête que depuis récemment, Joe pensait que cette rencontre n'était qu'une coïncidence, en aucun cas il aurait pu s'imaginer que le QG de South Blue puisse envoyer des hommes à sa poursuite.

- Encore du tonnerre ?

Le bruit qui venait de retentir n'était pas dû aux intempéries, on venait de faire feu en sa direction, le boulet s'écrasa a à peine deux mètres de son embarcation. Il ne s'agissait heureusement que d'une sommation à se rendre, mais d'autres tirs de canon se feraient entendre sous peu si il jouait aux malins.

- Pourquoi ce genre de choses n'arrive qu'à moi ?!

En bon dramaturge, il bondit de là où il était assis, prit une pose ridicule, brandissant son petit poing vengeur en direction des cieux, le cafard s'adressait alors au tout puissant.

- Ta faute tout ça ! Tu fais chier ! Tu fais chier !

La foudre fondit cette fois à un mètre de la chaloupe, et le forban se ravisa, soudain emplit d'humilité. Suite à ce petit rappel à l'ordre du divin, Joe devait se rendre à l'évidence, toute tentative de fuite était pliée. Perdu au milieu d'une tempête, sur une simple chaloupe, et poursuivi par une caravelle de la marine, c'était là la parfaite illustration de ce que le destin pouvait parfois réserver aux rebuts de ce monde.
Mais tout rebut qu'il était, le cafard refusait de se laisser abattre. Paniqué, il sortit sa précieuse carte au trésor, des larmes se mêlèrent à la pluie qui coulait le long de ses joues.

- On va être obligé de se séparer ma belle !

Répétant sans cesse à haute voix les coordonnées géographiques indiquées sur le parchemin, il s'évertua à les apprendre par coeur. La caravelle se rapprochait méchamment, il devait faire vite. Les coordonnées en tête, il déchira la carte et s'empiffra de quelques morceaux, jetant le reste à la mer. Il manqua d'ailleurs de s'étouffer avec une partie de la carte au trésor, c'eut été une fin assez adaptée pour un pirate courant après l'or à tout prix.
Prévoyant, il savait que c'était la prison du QG de South Blue qui l'attendait, fouillant la trousse à pharmacie qu'il avait acheté sur le cimetière d'épaves, il en sortit deux aiguilles réservées à la suture.

- Ça va faire mal....

Résigné, il enfonça chacune des deux aiguilles sous la peau de son avant-bras droit. On ne pouvait les repérer à l'oeil nu, et elles échapperaient ainsi à la fouille avant qu'il ne soit jeté en cellule. C'était là sa seule issue si il voulait sortir de prison. Quand il était question de sa survie ou d'argent, le cafard était plein de ressources.
Toutes ces préparations terminées, il secoua les bras au dessus de sa tête, debout sur sa barque, il manqua de passer par dessus bord à deux reprises, la tempête se montrait de plus en plus violente.

- Je me rends, vous êtes les plus fort ! Mes félicitations !

Il n'y avait rien de plus suspect qu'un pirate qui adressait ses félicitations à la marine. Ceux-ci n'étaient pas dupes, le pirate préparait un mauvais coup. Deux hommes d'équipage vinrent le chercher en barque, difficilement en dépit de l'absence de résistance du forban, puis le ramenèrent à la caravelle. A peine monté à bord, Joe aperçut sa chaloupe se retourner et se faire briser par une vague. En réalité, il avait eu de la chance dans son malheur, sans la marine, il aurait fini au fond de la mer. Ce n'est pas pour autant qu'il comptait montrer de la reconnaissance à ses sauveteurs, ce n'était pas dans ses habitudes.
Il était là, sur le pont du navire secoué par les intempéries, trempé par la pluie ; le cafard attendait de voir ce qu'on lui réservait à bord.
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Il n’a fallut qu’un coup de canon pour que le forban se rende, avec ses félicitations en plus. Quelle blague. Je me serais aussi rendu à sa place, la prison ou franchir la tempête en barque, le choix était vite fait. De mon perchoir, j’ai une très bonne vue sur ce dangereux pirate, enfin, dangereux c’est ce que le lieutenant nous as dit. Je sais à quoi ressemble un pirate, j’en ai côtoyé pendant mon enfance, et ça ce n’est pas le même genre, il y a un truc qui me dérange chez lui, je n’arrive pas à dire quoi. Peut-être son air satisfait lorsqu’il fut trainé à bord ou bien ses yeux de fourbe scrutant le navire de la poupe à la proue. Douze millions pour ça, j’aimerai bien savoir ce qu’il a fait pour mériter une prime pareille.

« Fouillez le et passez lui les menottes, je vais prévenir le QG qu’on la choppé. » Beugla le lieutenant

Il y avait une quinzaine de soldat encerclant le détenu à bonne distance, laissant opérer deux autres marins pour la palpation. Il fut fouillé de façon à ne pas lui laisser quoi que ce soit pouvant nous blesser ou bien lui permettre de s’échapper.

Les deux camarades n’ont pas l’air de bien se sentir, ils font une tête bizarre, comme énervés. Je vois le pirate parler, ses lèvres bougent, mais je n’entends rien du tout.

Le mini canon est confisqué, avec d’autres armes plus légères. Il n’a pas l’air bien costaud, et pourtant le gars se trimbale avec un mini canon, je l’imagine bien décoller quand il s’en sert. Moi qui pensait que les pirates étaient censés être fortunés, surtout les primés, celui en contre-bas a l’air plus miteux qu’autre chose. Les seules choses en bon états doivent être ses armes. Je me demande depuis combien de temps il ne s’est pas lavé, l’odeur me monte déjà au nez. J’ai beau le regarder, je n’y trouve que des défauts.


Pendant la fouille, un des deux marins palpa malencontreusement une partie de l’anatomie du criminel. Ce dernier eu une sorte de mouvement réflexe et mit un violent coup de tête au marin. Il se prit un coup de crosse dans les jambes et tomba à genou. Le nez du marine pissait le sang sur le pont, il mit un coup de poing en pleine face du forban, qui l’encaissa sans broncher.

Et ben, je me demande qui a le plus eu mal avec ce coup de tête. Et voilà l’autre en train de se marrer, il va se faire rouer de coups si il continue. Il n’a pas dû recevoir assez de baffes dans la tronche étant plus jeune. Comment un mec peut tuer sans remords, je ne comprends pas le plaisir de ces gens à faire ça. Aucun intérêt. C’est pas mon genre de faire la morale, mais les baffes qu’il n’a pas reçu plus jeune, je veux bien les lui donner.

Il fut menotté sans trop de peine, alors qu’il était conduis en cellule, il passa sous le mat ou je me trouvais, nos regards se croisèrent.


Dernière édition par Vertigo le Dim 31 Jan 2016 - 16:26, édité 1 fois
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Bien évidemment, le cafard ne put échapper à la fouille réglementaire. Le voilà qui fut palpé de part en part, un marine le maintenant en joue pour le forcer à garder les mains en l'air. La tâche fut laborieuse, d'une part parce que la fouille se fit à même le pont, là où les éléments étaient déchaînés, mais surtout, à cause des remarques graveleuses du sinistre forban.

- Tu aimes ce que tu touches ma mignonne ? D'habitude je paye le prix fort pour une branlette, mais vous dans la marine, vous êtes tellement plus avenants héhé !

Le commentaire ne fut pas apprécié à sa juste valeur, une fois délesté de ses armes, on s'empressa de lui mettre les fers ainsi qu'un discret coup dans les parties. Si les mouettes savaient être rancunières, ils n'égalaient pas le cafard en la matière. Blessé sous la ceinture, ce dernier ce redressa vivement et s'empressa de mettre plusieurs coups de tête au malheureux l'ayant palpé avec un peu trop de zèle.
Son front s'était écrasé contre l'arête nasale du soldat troisième classe. Même enchainé, un pirate restait un pirate, peut-être que cet incident servirait de leçon à la malheureuse recrue. Les répercussions furent immédiates, avec la bienveillance du lieutenant, des crosses de fusil vinrent percuter les genoux du pirate s'affalant sur le pont humide dans la seconde qui suivit. Remis de ses émotions, celui qu'il avait frappé se saisit de ses cheveux, redressa la tête de Joe, et y logea un violent coup de poing. Son supérieur hiérarchique lui fit les remontrances qui s'imposaient, et ordonna à deux de ses hommes de traîner leur captif dans une cellule tandis que ce dernier était hilare.

Alors qu'il n'avait pas offert de résistance quand on le releva pour le conduire là où il croupirait le restant du trajet, il s'arrêta sous le mat et leva le nez. Plus que le ciel noir gorgé de pluie et d'éclairs, quelque chose l'avait gêné là haut, il n'aurait pas su mettre le doigt dessus, mais un marine dans les cordages l'interpelait.

- Vous en avez un joli paratonnerre dites donc !

Alors que les marines qui l'escortaient lui sommèrent de "fermer sa gueule" et de "bouger son cul", Joe surenchérit. Il commençait à comprendre ce qui le poussait instinctivement à provoquer le seconde classe Vertigo. Son regard. Depuis qu'il était à bord, il n'avait pas cessé d'être fixé sur Joe comme scrutant un animal. Le forban avait horreur de ça.
Sourire mesquin, il n'aurait su en être autrement, le cafard gardait la tête levée en direction du marine, la pluie s'abattait avec violence sur sa face ensanglantée du coup de poing reçu en guise de punition.

- Blondinet, continue de me regarder comme ça et.....

Son sourire fit un revirement soudain à 180 degrés dévoilant ses dents tranchantes, ses pupilles rétrécirent et il releva sa lèvre supérieure.

- ... je t'arrache tes yeux de biches...

On ne lui avait pas attaché les mains dans le dos, mais on l'avait affublé de lourds fers aux poignets. Relevant les mains pour s'essuyer le nez, il cracha un glaviot ensanglanté en guise d'ultime provocation. Tous à bord, le lieutenant excepté, étaient des jeunots aux joues bien roses, "des puceaux des mers" comme il se plaisait à les appeler. Que l'un d'eux le regarde avec une telle insistance mêlé à un mépris aussi palpable, cela ne passait pas.
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Arracher mes yeux de biches ? Mais c’est qu’il me ferait presque peur… Et cette tête qu’il fait, un vrai malade mental. Il a l’air tout énervé, pourtant je ne lui ai encore rien fait. Décidément, il y a des personnes qui ne savent pas quand la fermer.

Je saute du cordage afin de tomber devant le pirate. Les personnes présentes, ne semblent pas réaliser ce qui s’est passé. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit une prouesse de ce genre. Ils ont tous l’air surpris, tous sauf le malfrat, qui à chaque seconde qui passe semble de plus en plus furieux.

Sympa cette sensation, je ne m’attendais pas à ce que mes jambes résistent aussi bien, et le petit craquement du bois à l’impact, juste jouissif.

La pluie se fait de plus en plus forte, le vent me fouette le visage. Si la tempête gagne encore plus de terrain le navire pourrait avoir des ennuis. Sur le pont, je me tiens devant le prisonnier, droit, le visage vide d’émotion.

« Va pas t’énerver Vert, tu vas t’attirer des ennuis » intervint un de ses camarades.
« Ba quoi Ve » commença à dire Joe

Je ne lui permets de finir sa phrase et lui enfonce mon poing métallique en plein plexus. Le souffle coupé, il ne semble pas pouvoir prononcer un mot, l’homme miteux est plié en deux. J’en profite pour le redresser de force et lui remettre quelques coups violents dans l’abdomen. Mes camarades tentent de me stopper, sans succès. Ils le savent, ils ne peuvent pas me bloquer et risquent de se prendre des coups. Le pirate lui semblait hystérique, rouge de colère. S’il avait assez d’air dans ses poumons, il insulterait la Terre entière.
Je repousse les courageux tentant de me bloquer et je précipite mon bras jusqu’à son visage, lui attrape la tête en lui bloquant la bouche par la même occasion. Je maintiens une pression suffisante pour qu’il ne puisse pas s’échapper facilement. Je l’attire à moi brutalement et je m’approche de son oreille et lui murmure :

« Personne sur ce navire ne peut te protéger de moi. Surveille tes paroles, minable. »

Je m’attendais à plus de résistance, il doit penser que s’il avait ses armes il pourrait faire quelque chose. Je ne comprends pas ces gens qui désarmés ne valent plus rien. Normalement il ne devrait pas avoir de blessures physiques. L’effrayer est plus important, cela lui servira peut être de leçon à l’avenir.

« Vertigo ! Lâche le prisonnier ! Ce que tu viens de faire sera dans le rapport ! »

Le lieutenant hurle sur le pont, il se tient à l’entrée de sa cabine. Je lâche Joe et recule, tout en continuant à le fixer. Toujours l’air impassible, je reste sous la pluie battante observant sa réaction.

À voir par la suite, suivant ce que le Lieutenant rapportera, je ne pense pas avoir trop d’ennuis. Du moins j’espère, pas envie d’être coincé en bas de l’échelle pour la promotion.


Dernière édition par Vertigo le Dim 31 Jan 2016 - 16:31, édité 5 fois
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Tabassé, le marine tout droit sorti des cordages l'avait tabassé sans préliminaire. Entouré de quelques marines trop mous pour s'opposer franchement, Joe ne devait son salut qu'à l'intervention salutaire du lieutenant. Mais le mal était fait, et il était dans un sale état.

- L'.... L'enf... L'enfoiré d'en... d'enflure !

Parvînt-il à souffler. Formuler ces bêtes mots relevait du prodige quand on savait que le premier coup, porté à son poitrail, lui avait coupé net sa respiration. Le cafard gisait à même le sol, se tortillant comme un verre de terre, gémissant, et peinant à retrouver son souffle.
La tempête ne s'était pas calmée, et le bateau continuait de tanguer. Bercé ainsi par les flots, et méchamment touché à l'estomac par la série de coups de poing du seconde classe, Joe avait rendu son déjeuner, ou tout du moins, avait restitué sur le pont le peu qu'il avait ingéré ces derniers jours. A présent, il baignait dans ses reflux gastriques, vite lessivés par la pluie battante qui ne cessait pas.

- Laissez lui une minute pour s'en remettre et trainez-le en cellule.

Non seulement le lieutenant lui avait sauvé la vie, mais il lui laissait un temps de répit. Cette générosité se retournerait tôt ou tard contre lui, et il ne tarderait pas à regretter sa décision. Pendant son agonie, quelques marines avaient entouré le pirate, et, perchés sur lui, le regardaient se tortiller à terre avec pitié.
Commençant à se reprendre en main, Joe, qui jusque là était face contre terre roula afin d'être couché sur le dos.

- Regarde ailleurs.

De tous les marines qui l'entouraient, il s'adressait à l'un d'eux en particulier. Un jeunot, même pas une vingtaine d'année au compteur, le regardait un air désolé. Mais personne parmi eux ne saisit à qui allaient ses paroles, la pluie les empêchant de distinguer où se portait exactement le regard du pirate.

- Je t'ai dis de regarder ailleurs ... !

Son ton se faisait plus acerbe et agressif, il avait retrouvé son souffle. Pourquoi s'adressait-il en particulier à cette jeune recrue plutôt qu'à l'un des autres badauds qui ne le quittaient pas du regard ? Parce qu'il était enchaîné, affaibli, désarmé, et qu'il savait qu'il n'avait aucune chance de rendre la monnaie de sa pièce à Vertigo. Seulement, si il ne pouvait pas s'en prendre à lui physiquement, il savait comment heurter le psyché.

- DÉTOURNE LE REGARD PETITE FIOTTE !

Ayant compris que le cafard avait repris du poil de la bête, le lieutenant s'apprêtait à ordonner à ses hommes de conduire Joe à ses quartiers de captif. Mais il ne fut pas assez vif, personne ne le fut. Non pas que le forban fut d'une vélocité extraordinaire, mais après avoir autant morflé, personne ne s'était attendu à ce qu'il bondisse si subitement. Personne, et certainement pas la jeune recrue à la gueule d'ange. Celui-ci fut d'autant plus surpris que l'infâme forban lui bondisse dessus, tendant l'un de ses bras enchaînés, fourrant ses doigts dans l'orbite droit du jeune homme, d'où, d'un geste sec, il en extrait son oeil.

Tous autour de lui étaient restés immobiles, surpris de ce qui venait de se passer. Alors qu'ils le fixaient avec horreur et colère, Joe prononça ces mots le plus calmement du monde :

- Je lui avais dit de regarder ailleurs.

Avant même que les marines ne lui sautent dessus pour l'immobiliser, le cafard avait eu le temps de jeter l'oeil qu'il avait arraché en direction de Vertigo. Ce dernier avait vu rebondir le globe oculaire contre sa poitrine sans réagir, paralysé. Alors que les matelots tenaient fermement l'insignifiant forban pour l'empêcher de faire le moindre geste, ce dernier adressa un regard et un sourire lourd de sens au seconde classe qui l'avait roué de coups.
Il n'avait pas besoin de combattre pour faire mal, par ce simple regard il avait exprimé le fond de sa pensée : "Si tu t'étais tenu tranquille, ce gosse n'aurait pas été éborgné" culpabilisant comme il se devait le pauvre Vertigo, responsable malgré lui d'une lourde blessure infligée à l'un de ses camarades.

- Foutez moi cette saloperie en cellule ! Et assurez vous qu'il n'ait pas un verre d'eau ou une miche de pain sec jusqu'à ce qu'on soit arrivé au Q.G !


Le lieutenant qui s'était pourtant montré magnanime plus tôt comptait bien rattraper son erreur. Joe, tandis qu'on l'escortait jusqu'à la cale où se trouvaient les cellules, leva la tête vers le ciel ouvrant grand la bouche afin de boire l'eau de pluie. La traversée promettait d'être longue.
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Complètement cinglé, il lui arrache l’œil sans aucune émotion, quel lâche, il préfère s'en prendre aux autres plutôt qu’à moi. Je n’aurais peut-être pas dû le frapper, il n’aurait pas blessé mon camarade. Mais dans un sens, si je l’avais cogné plus fort, il n’aurait pas été en état de le faire. Ça demande réflexion. En tout cas, il va payer. S’il pense pouvoir m’atteindre via d’autres personnes, il me connait mal. Bien entendu cela me fait chier qu’il ait attaqué quelqu’un, mais perdre un œil dans la marine est plus courant que l’on ne pourrait le penser. Les risques du métier.

Je ne sais pas comment réagir, je ne vais pas aller le cogner de suite, surtout après que le Lieutenant m’ait donné l’ordre de ne pas le toucher. Discrètement, je me baisse, ramasse l’œil et le met dans ma poche. Le prisonnier lui est en route pour sa cellule.

La tempête se fait de plus en plus forte, tous les hommes sont à leur poste. Les vagues passent par-dessus le bastingage, cela devient dur de se déplacer. Mais grâce à notre entrainement, petit à petit nous arrivons à nous sortir de ce mauvais pas. A plusieurs reprises des hommes ont failli passer par-dessus bord, c’est un miracle qu’il n’y ait aucune perte.

Le plus dur étant passé, le navire se met en route pour QG où le pirate sera incarcéré. Mais avant une petite visite s’impose. Petit détour par la cuisine et je suis en route pour le mini bloc de détention.  Il y a deux marines en poste devant la cellule de Joe, après ce qu’il venait de faire, les soldats sont nerveux et ceci est compréhensible. Me voyant arriver l’un d’eux m’interpelle :

« Le lieutenant a interdit de le nourrir, que viens-tu faire ici ? »
« Avoir une petite discussion après ce qu’il a fait à Hal. »

Comme ils me regardent d’un air perplexe, je soulève un peu le plateau.

« C’est bien ce que je pense ? Mais c’est immonde ! »
« Vous allez m’ouvrir ou bien ? »

Les deux marines échangent un regard puis m’ouvrent la porte de la cellule.
Je pénètre dans la cellule, celle-ci est faiblement éclairée. Le pirate est assis sur le banc la tête dans ses mains.

« Je m’attendais à ce que tu viennes » dit-il

Un coup de pied circulaire plus tard et Joe avait changé de coté de cellule.

« Et ça tu t’y attendait ? »
« A vrai dire oui. »
« Toi qui sait tous, pourquoi je suis ici ? »

Bizarrement il ne répond pas, il se redresse et me fixe. Je n’arrive pas à lire l’expression sur son visage. Est-ce un air de défi ? Je n’attends pas de voir ce qu’il fait, je retire le couvercle du plat et révèle un œil. L’œil qu’il avait arraché à Hal un peu plus tôt. Je le prends dans ma main et attrape la gorge du pirate avec ma poigne de métal. Il cherche à se débattre mais une simple pression lui montre qu’il ne pourra pas résister.

« Je ne compte pas te tuer. C’est simplement l’heure du diner. »

Je lui ouvre la bouche de force, lui enfonce l’œil dedans et la referme. Je force sa bouche à rester fermée.

« Maintenant mâche et avale. »

Comme si de rien n’était le pirate ingurgite l’œil. Une fois que je suis sûr qu’il ait bien avalé l’œil, je relâche ma prise, ramasse le plat, le couvercle et quitte la cellule. Alors que je franchis la porte de la cellule, Joe me dit :

« Prie pour que je ne te recroise pas, je te tuerai. »
« Hoo, crois moi je prie pour que l’on se recroise. Mais essaye de t’échapper avant de prévoir quoi que ce soit. »

Les deux marines referment la cellule et je regagne le pont à mon poste. Une journée plus tard le QG est en vue. Il ne reste plus qu’à enfermer ce malade.

En fin de compte cette petite aventure a été plutôt intéressante. Je suis sûr que je croiserai des personnes plus dangereuses que lui les prochaines fois. J’aurai bien aimé voir de quoi il était capable avec ses armes. Peut-être un jour.
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