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Go your own way

-Alors, tu viens avec moi où tu préfères crever ici ?

       C’est cette question que lui avait posé l’homme au chullo et c’est à cette question qu’il avait eu le malheur de répondre.

       Il  pleuvait ce soir-là. Mais pas de ces petites pluies qui font se questionner les mères de famille sur la vitesse à laquelle leur linge va bien pouvoir sécher. Non. Un de ces déluges qui font abandonner aux pécheresses embarcations et filets pêlemèle sur la plage pour rentrer s’abriter chez eux, qui transforme les rues pentues en torrents boueux et qui trempe le malheureux, sans toits pour se protéger, jusqu’au os.  Land était alors l’un de ces malheureux-là. Sans parents, sans source de revenus il avait dû vendre sa maison et, lui qui n’avait jusqu’à présent jamais eu à se plaindre de ne manquer de rien, quémandait maintenant pour un pauvre morceau de pain rancis. Certes, sur une petite île comme Bux-Island, ou tout le monde se connaissait, les habitants n’hésitaient pas à voler au secours de leurs compatriotes dans le besoin. Mais personne ne connaissait. Land. Ou plutôt lui ne connaissait personne. Ses parents l’ayant enfermé jusqu’à ses dix-sept ans dans l’espoir de parfaire au maximum son éducation.
       
Ce fut donc un soir comme celui-là, alors qu’il tentait tant bien que mal de se protéger de l’averse sous le porche d’une échoppe portuaire, que Land avait aperçu pour la première fois l’homme au chullo. Outre son couvre-chef ridicule, l’homme aux cheveux roux et gras entre lesquels la pluie refusée de s’infiltrer portait de vieux vêtements crasseux et déchirés de toutes parts. Bref, il n’avait définitivement pas l’air de quelqu’un de fréquentable. En y repensant Rien que le fait qu’il eut été dehors par un temps pareil était louche. Land aurait dû le savoir et s’en méfier. Mais dans l’état dans lequel il était, se méfier était hors de ses capacités.

-Alors, on prend sa douche ? Ah ah ah ! Elle est bien bonne celle-là. Rhô, ça va, ne fais pas cette tête. Je suis venu te filer un coup de main. T’es toujours ici alors tu ne dois pas voir de maison si ?

       Il était très probable qu’il avait espéré une réponse. Mais il n’en avait pas reçu. Land venait de perdre ses parents et se méfier des gens comme de la peste à cause de son éducation. Alors déjà qu’il ne parlait à personne, parler avec un gars comme lui était impensable.

-Écoute, j’ai une petite bicoque, dans les criques de l’Ouest. Je te propose de t’abriter, ça te dit ? Bien sûr, ce ne sera pas gratuit … Enfin … Tout ce que je te demanderai ce sera de m’aider à faire marcher mon commerce. Alors, tu viens avec moi ou tu préfères crever ici ?

       En fait le jeune homme n’avait pas vraiment eu le choix. Il avait suivi bêtement, il avait obéi bêtement, et maintenant il se retrouvait là, bêtement, à escalader le mur d’une maison de la capitale pour s’y introduire par effraction.
       
Le concept du "commerce" de l'homme au chullo était simple : Lui, plus jeune, plus habile et plus discret s’introduisait dans la maison pour y voler tout objet de valeur tandis que Snop (ainsi s’appelait l’homme au chullo) occuper ses occupants à l’extérieur ou au pire sur le palier. Ils s'attaquaient à, en moyenne, une maison toutes les deux semaines (afin de ne pas avoir fait le tour  des propriétés de l'île en un mois) et ce depuis sept mois. Plus exactement deux cent vingt jours. Deux cent vingt jours depuis que Snop l'avait sauvé du déluge ...
       
Attention, n’allez pas croire que le jeune homme se plaignait ! Non, la revente d’objets volés aux navires pirates de passage lui permettait de gagner assez bien sa vie. D’ailleurs, il avait même réussi à se racheter une petite maison sur les flancs du mont Simmonds via l’un des nombreux contacts véreux de Snop. Seulement c’était malhonnête. Et cela, ça allait à l’encontre des principes que lui avaient inculqués ses parents. En même temps ses parents n’avaient pas prévu qu’être un génie ne servait à rien sur une île comme Bux-island et que trouver du travail était impossible pour quelqu’un qui ne savait pas se servir de ses dix doigts.
     
 Land enjamba la balustrade du balcon et, d’un simple coup de coude, brisa une vitre pour pénétrer dans la maison. De l’intérieur, comme de l’extérieur, la maison ne semblait pas contenir d’objets particulièrement précieux, mais c’était sans compter sur l’un des indics de Snop qui avait juré qu’elle contenait un coffre-fort judicieusement caché sous une trappe, elle-même dissimulée sous un lit et qui contiendrait une somme rondelette.
       
Sans faire de bruit, Land arpenta l’étage à la recherche du fameux lit cachant le fameux coffre ouvrant une à une les portes des chambres vides. Apparemment son complice faisait sa part du travail et tout les occupants de la bâtisse étaient sortis. Cela dit, il ne fallait pas que Land perde du temps de son côté. Qu’importe le prétexte qu’il avait bien pu trouver cette fois, Snop ne pouvait pas empêcher ses braves gens de rentrer chez eux éternellement.
       
C’est pourquoi en à peine cinq minutes le jeune homme avait réussis à fouiller la quasi-totalité des chambres de l’étage (sachant qu’il était peu probable qu’il y en est eu au rez-de-chaussée). Il ne lui en restait plus qu’une seule à inspecter, vraisemblablement la bonne. Elle était située au bout du couloir et, de par son ameublement, laissée penser qu’elle était habituellement occupée par les maîtres de maison. Land allait pour s’accroupir et découvrir la trappe cachée sous le lit lorsqu'un cri l’interrompit net.

-Bas les pattes espèce de sale voleur !

       En un éclair le rouquin s’était retourné pour se retrouver face à une jeune fille du même âge que lui brandissant, les mains tremblantes, un vieux couteau de cuisine devant elle. Elle devait être une simple employée de maison à en juger par sa façon de s’habiller … À moins qu’elle n’ait été l’une des filles de la famille. En effet sur Bux-Island même les plus riches habitants faisaient piètres figures face aux nantis des grandes villes des îles voisines.
         
Il n’avait plus qu’une solution. Lui faire peur pour l’obliger à partir prévenir la milice de la ville et en profiter pour se tirer d’ici au plus vite. Et, connaissant les capacités de ladite milice, il était peu probable qu’il se fasse attraper de sitôt.
         
Land pris alors son son sourire le plus diabolique et d’une voix rauque et ténébreuse adressa à la jeune ces quelques mots :

-Il est trop tard. Maintenant que tu m’as vu à l’œuvre je vais devoir en finir avec toi !

       N’importe où ailleurs cette menace aurait été perçue comme une imitation d’une vieille série policière, mais ici, à Bux-Island, ou les assassinats faisaient régulièrement la une des journaux, il y avait toutes les chances pour que la jeune fille peine peur.

-Je ne pense pas non. Dois-je vous faire remarquer que je suis armé et que, vraisemblablement, vous ne l’êtes pas ?

       Bon, eh bien ça n’avait pas marché. C’est qu’elle avait du cran la petite. Certes ses mains continuées à trembler et son souffle haletant traduisait son inquiétude mais elle avait dit ça sans bouger et sans quitter son adversaire du regard. Et le pire est qu’elle avait raison. Bien que Snop l’ais mis en garde de nombreuses fois, le jeune homme avait toujours refusé de porter une arme lors de ses "interventions".
       
Land ne se laissa pas démonter pour si peut, elle allait partir en pleurant, il pouvait le juré sur son intégrité de voleur ! Mais il fut encore une fois pris de court par la jeune fille qui, au moment où il allait sortir la plus cinglante des répliques, cria en se tournant légèrement vers le couloir :

-TANTE ELLEN ! APPELEZ VITE LA MILICE, IL Y A UN INTRUS DANS VOTRE CHAMBRE ! Puis à l’égard de son prisonnier, quant à toi tu ne bougeras pas d’ici, je t’en fais le serment.
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Une patrouille. Youpi, j'aime ça. Il ne se passe jamais rien. C'est pas en faisant ça que je vais devenir plus fort et devenir amiral en chef. Il me faut des missions saignantes, bien menées. Il me faut un truc plus grand que ce que j'ai actuellement. Pour l'instant, mon livre des records est plutôt vide. Bien sûr, j'ai des arrestations à mon palmarès, mais ça ne fait pas tout. Je dois prouver ma valeur aux officiers supérieurs. J'ai beau chercher, je ne vois rien à venir comme mission intéressante. Du coup, je fais avec ce qu'on me donne. Une petite mission de surveillance sans accroc apparent. On va donc vers l'île de Bux-Island, petite île voisine d'Inu Town, s'assurer que tout aille bien. De temps en temps ils sont la cible de criminels, la marine envoie donc régulièrement des patrouilles. Surtout depuis l'affaire de 1621 où un pirate a voulu embringuer l'île pour attaquer d'autres pirates et se faire de l'argent facile. Heureusement, ils ne se sont pas laissé faire et la marine est intervenu pour aider j'ai entendu dire.

On arrive au port de Bux Island si tant est que l'on puisse appeler ça un port. Ça ressemble à chez moi, trois morceaux de bois qui se battent en duel, un ponton dans un état délabré qui menace de s'effondrer à chaque pas. Ouais, j'ai l'impression d'être à la maison. Après tout ce que j'ai fait pour quitter cette île de merde, me voilà sur une semblable. Je-suis-ra-vi. On descend à peine du patrouilleur que le den den sonne. Un 10-24 en cours dans une maison en haut. Aussitôt, l'unité que je dirige fonce vers la zone. Un cambriolage dure entre 5 et 15 minutes en général, il faut donc faire vite, très vite, le temps nous ai compté. Mains sur nos armes, au cas où, on arrive devant la demeure. J'envoie cinq gars derrière la maison, j'en laisse cinq pour surveiller le périmètre, et nous dix on passe par devant. On défonce la porte rapidement, prenant par surprise les personnes à l'intérieur.

" On a été appelé pour un cambriolage. Où ?
En haut.
Combien ?
Un. "

Un ? Les cambriolage sont rarement commis par une personne. Souvent un petit groupe. Je suis étonné. Je laisse deux hommes avec eux pendant qu'on monte les étages. Là, on voit une une jeune fille tenant un couteau pointé vers un jeune homme. Je lui somme de poser son arme, tout en pointant les nôtres vers eux. Une fois l'arme lâchée, toutes les nôtres sont pointées vers le jeune. Un soldat remonte.

" Lieutenant. Il semble qu'un homme ai fait diversion.
Vous avez sa description ?
Oui.
Alors cherchez. Faîtes du porte à porte, réveillez l'île s'il le faut. On retourne au patrouilleur, gardez le contact.
Compris. "

La fille ne semble pas trop secoué par ce qu'elle a vécu. Menacer quelqu'un avec un couteau, un inconnu qui s'introduit chez soit, ça a de quoi choquer. Mais non, pas elle. On dirait qu'elle est résistante. On passe les menottes au gamin. Il a quoi, dix huit ans à tout casser. Pourquoi gâcher sa vie ainsi ? On descend, s'excuse pour la porte, puis on part au navire. Nos armes rangées, le gamin marchant devant nous, s'il essaie de fuir on peut le rattraper facilement. Mais quand je croise son regard, je sens un truc. On dirait ... On dirait qu'il n'y a rien dans ses yeux, qu'ils sont éteints, comme s'il leur manquait la lueur de lumière dont ils avaient besoin. C'est comme si le gamin ne vivait plus. Ça ne dure qu'un instant, mais le rouquin me renvoie à moi, il y a quelques années. Une fois à destination, les gars veulent l'enregistrer. Je l'emmène dans la cabine, lui laisse les menottes et le pousse gentiment sur une chaise.

" A partir de maintenant, tu as deux choix. Coopérer, nous aider à retrouver ton, partenaire, auquel cas on pourra alléger la sentence, ou refuser et tu prends tarif. T'as l'air d'être un adulte, si on ne trouve pas ton identité, tu seras considéré comme tel. Un cambriolage avec effraction et menaces de mort ça va chercher dans les 15 ans ferme. Alors soit gentil et donne moi tes noms, prénoms et motif du cambriolage. Pendant que je parle, je m'assois sur la table en face de lui, le regardant droit dans les yeux.


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Dernière édition par Clotho le Lun 2 Mai 2016 - 22:39, édité 1 fois
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Il ne s’était écoulé que quelques minutes entre le moment où la jeune femme avait donné l’alerte et l’arrivée des marines. Et pourtant, pour Land, cela avait paru être des heures. Sans s’arrêter, il avait cherché des moyens d’échapper à sa gardienne en vain. Car, comme d’habitude lorsque la situation se compliquer, il n’arrivait plus à mettre son brillant cerveau à profil et à trouver quelques solutions pour s’enfuir loin d’ici. D’autant plus que son adversaire restait imperturbable, l’arme pointée sur lui.

C’est donc au bout de quelques minutes que se présenta un détachement de la marine. Fracassement de porte, ratissage du quartier, ils n’y allaient pas de mainmorte. Arrivée qui fut, pour le jeune homme, accompagnée de nombreuses mauvaises surprises qui le déstabilisèrent encore un peu plus, comme si ce n’était pas déjà le cas ...

La première fut l’arrivée de la marine en elle-même. Bux-Island ne possédant aucune garnison de la marine sur son territoire, il était peu probable que cette dernière aurait parcouru la distance séparant Inu-Town de Bux-Island pour un simple vol et en si peut de temps. C’est pourquoi le rouquin s’attendait à voir débarquer quelques habitants de l’île formant une pseudo-milice à laquelle il aurait été facile de se soustraire. Manifestement Ce n’était pas le cas, la marine devait, Dieu sait pourquoi, traîner dans les parages et leur arrivée remettait en cause toute tentative d’évasion.

La seconde fut d’apprendre que Snop avait disparu dans la nature sans même essayer de lui venir en aide. Alors certes, Land n’avait pas fondé beaucoup d’espoirs sur un hypothétique sursaut de courage de son partenaire, néanmoins se savoir une nouvelle fois abandonnée par la seule personne qu’il connaissait et qui avait accepté de lui venir en aide n’était pas pour arranger son moral.

La dernière (pour le moment) fut de se voir proposer par le lieutenant en charge de l’opération un marché pour lui éviter la prison. En effet, sur le chemin menant au bateau, Land, alors persuadé de finir sa vie en prison ou bien même d’être pendus haut et court en fin de journée, avait fini par se persuader que, aux vues de la vie qu’il menait, ce n’était pas une finalité si dramatique que de ne plus jamais revoir la lumière du jour et que, au moins, il n’aurait plus à voler de pauvres gens pour subvenir à ses propres besoins. Mais avec cette offre sa n’était plus aussi simple. Il était maintenant question d’allégement de peine, voire de libération. Et ça Land ne l’avait pas prévu. Le champ des possibilités venait de s’agrandir drastiquement et mourir en prion n’était plus la seule option. Alors, sans réfléchir il se lança.

-Skyll, Land Skyll, 17ans et orphelin. Ce n’est pas ma faute si … Enfin ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de …

Non, il s’emportait. Un nouveau paramètre venait de lui traverser l’esprit. Admettons qu’il dénonce Snop, que les marines le dégottent et respectent leur parole, il risquait fort de se voir retourner vivre dans la rue sans plus personne pour l’aider. Et ça il c’était hors de question. Non, il s’agissait de tourner cette discussion à son avantage, et vite.

-… Bon, autant que j’avoue tout. Moi je ne suis qu’un exécutant sans valeur d’un "commerce" beaucoup plus grand. Et je peux vous obtenir le nom de mon employeur et l’endroit ou le trouver, mais ce ne sera pas gratuit. Je sais bien que je ne suis pas en position de négocier mais si vous refusez il y a peu de chance que vous mettiez un jour la main sur lui, et mon arrestation ne servirait alors à rien.

Il s’agissait maintenant de reprendre ses esprits et de parler avec assurance pour réussir à convaincre le gradé qui lui faisait face. Il ne devait pas en être à sa première mission et des gamins essayant de l’embobiner comme Land, il avait dû en croiser des tas.

-Tout ce que je demande c’est d’être pris en charge après l’opération. Rien de bien compliqué, je veux de l’argent pour pouvoir tenir quelques mois et que vous fassiez table rase de mon casier judiciaire. De plus je veux la garantit que vous mettiez hors d’état de nuire mon employeur, histoire de ne pas avoir d’ennuis à cause de vous …

C’était culotté, mais comme on dit : "plus c’est gros, plus ça passe."
Certes, si le marine cédait Land retournerait à la case départ, sans emploi et sans aucune idée de comment en trouver. Mais il serait libre, aurait une maison et aurait quelques mois pour trouver comment s’intégrer enfin au monde du travail.
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On sous-estime toujours le pouvoir des mots. Mais un bon discours peut faire plus de dégâts que toutes les armes du monde réunies. La preuve avec ce gamin qui me déballe sa vie. Il essaie de marchander, mais n'a pas grand chose pour y parvenir. Il s'accroche à ce qu'il connait, qu'il a vu ou entendu. C'est pas la première fois que je croise un enfant comme ça. Mais c'est la première que je peux l'aider sans avoir quelqu'un me tirant dans les pattes. D'habitude, il y a toujours quelqu'un pour me faire chier, me rappeler que la loi prévoit telle sentence pour tel crime, qu'on est pas juge mais simple exécutant. Je n'ai pas le pouvoir d'un juge, c'est vrai, mais celui d'un lieutenant de la marine. Et c'est pas n'importe quoi. Si je dis que rien ne s'est passé, alors il en sera ainsi. Personne n'aura besoin de savoir.

On m'a aidé quand j'en avais besoin, on m'a remit dans le droit chemin en me tendant la main. Je n'en serais pas où j'en suis aujourd'hui sans toutes ces personnes. C'est mon devoir de partager et d'aider en retour. J'en ai le pouvoir. Je me lève, pars chercher un bouquin bien épais sur l'étagère au fond et me repose sur la table. Je feuillette le bouquin. Land peut voir le titre "Code Pénal, année 1625". C'est pour le show, bien entendu, car je sais déjà ce que je vais y trouver. On connait le code par cœur depuis la sortie de l'académie. Mais lui ne doit pas le connaître. Bluffons un bluffeur qui tente de bluffer un bluffer professionnel.

" Tu ne sembles pas comprendre la gravité de la situation dans laquelle tu es. Article 348 du code criminel : Le fait d’entrer dans un endroit sans autorisation avec l’intention de commettre un acte criminel constitue une introduction par effraction. Une personne entrant ou quittant un endroit où elle se trouve par effraction est présumée y être allé dans le but de commettre un acte criminel. L’introduction par effraction est passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité lorsque commise dans un domicile.

Comme tu l'as compris, tu réunis les critères nécessaires pour que je t'inculpe officiellement d'effraction. Je suis sûr que si je retourne voir la famille elle acceptera de porter plante contre toi. Alors là, plus aucun arrangement possible, c'est la prison à perpétuité. N'oublions pas la menace de mort. Proférer une menace de mort est prévue à l’article 264.1 du Code criminel. Selon la définition, cela consiste à transmettre à une autre personne une menace de lui causer des lésions corporelles. L’expression comprend aussi la blessure psychologique. Si la famille témoigne du choc qu'ils ont subit, que c'était prémédité à cause de ton compagnon et que tu fais parti d'un réseau criminel de grand envergure ...

Tu seras placé en sécurité maximale. Deux repas par jour si tu as de la chance et qu'on ne t'oublie pas, une sortie à l'extérieur dix minutes par mois, pas de visite avant la fin de la première année. Voilà ce que tu risques. J'ai déjà assez pour clore l'affaire. Qui plus est, démanteler des réseaux n'est pas spécialement dans mes fonctions. C'est plutôt le rôle des espions. Moi j'ai fais mon travail, je t'inculpe, je reçois les félicitations et d'autres s'occupent du reste. La marine ne prend en charge personne. Les services sociaux, les orphelinats le font. Mais à ton âge ... Si tu veux de l'argent, il faut le mériter honnêtement. Tu n'es à la charge de personne, personne n'a donc aucune obligation de te verser de l'argent.
"

Je détache les menottes du gamin pour qu'il soit un peu plus à l'aise. J'espère qu'il comprend la gravité de la situation. Son histoire est certes touchante, mais ça n'excuse en rien ce qu'il a fait. J'avance et me mets à mon bureau. Je retire la protection de ma machine à écrire, met une feuille et m’apprête à taper. L'aide vache volume deux, c'est parti.

" Je ne suis pas juge, je ne fais pas les lois, je les fais appliquer, c'est tout. A partir du moment où je vais taper, l'histoire sera écrite, et rien ne pourra changer. Pour l'instant, il n'y a rien d'écrit. Mais selon ta réponse, cela peut changer. Alors prends le temps de répondre et ne fais pas de bêtise. Si tu penses à t'enfuir, il y a une vingtaine de soldats de l'autre côté de la porte qui n'attendent que ça. La seule chose que je puisse faire pour t'aider, c'est plaider en ta faveur. La parole d'un lieutenant a un certain poids dans les rouages de la justice. Si je dis que tu n'es pas un danger, que tu as été forcé d'agir ainsi contre ta volonté pour éviter des représailles, la sentence sera plus clémente. Peut-être pourras-tu aller dans un institut de faible sécurité. Mais ce n'est pas gratuit. Il me faut une raison pour faire cela. Une bonne raison. "

Je plonge mes yeux dans les siens. Il les baisse, comme s'il avait honte, comme s'il se sentait coupable. J'espère qu'il a compris que s'il me dit ce que je veux savoir, je peux l'aider. Mais il sera entré dans le système. Un système qui n'a jamais profité à personne, bien au contraire. C'est pour ça que je garde
une porte de sortie, au cas où.

" Pour l'instant, tu n'existes pas pour le système. Pour l'instant et jusqu'à ce que je dise le contraire, il n'y a pas eu de cambriolage avec effraction. Pour l'instant, il n'y a que nous. Gardons la chose ainsi pour quelques minutes. Tu dois savoir autre chose. Lorsqu'une personne est prise en porte-à-faux, dans une situation embarrassante, comme la tienne, il est préférable qu'elle parle avant que ne soit tapé le rapport. Cela évite des conséquences désagréables pour tout le monde. Si, par un heureux hasard tu voulais me dire tout ce que tu sais avant que mes doigts ne se posent sur la machine, la sentence serait bien plus légère. A condition que tu me dise et tout, et accuse tes employeurs, que tu les pointes du doigt. Ainsi, tu ne serais plus coupable, mais victime. Ce qui changerait la situation à ton avantage. Il se pourrait même que la marine estime certaines informations assez pertinente pour ... disons décider de rétribuer la personne les ayant fournit. Je te laisse une minute pour décider. "

Trente secondes plus tard, mes doigts commencent à taper sur la machine. Land est de côté pour moi, et trop loin pour voir. Mais je tape bel et bien. La machine est lancée. C'est pratique ça dis donc, je me fais ma liste de courses. Mais chut, ça, il ne le sait pas. Tenter de bluffer un bluffeur professionnel est une manœuvre délicate qu'il faut effectuer avec précaution. J'ai été à ta place, Land. Je sais ce que tu as vécu, ce que tu vis, ce que tu dois faire pour survivre. Je l'ai fait aussi. J'ai même fais pire avec ma prise d'otage dans le restaurant de la patronne de Yamiko. J'étais désespéré, au fond du trou. Je voulais survivre coûte que coûte. Toi aussi je suppose. Mais tu sais quoi ? Tu n'as pas à le faire seul. Je suis là, moi. Je te tends la main. A toi de l'accepter si tu veux changer les choses. Attrape ma main, Land. Prend ton destin en main.


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Dernière édition par Clotho le Lun 2 Mai 2016 - 22:44, édité 1 fois
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Le lieutenant s'était mis à taper sur sa machine, lentement mais sûrement, sans pour autant que Land ne bouge le moindre petit doigt. Il restait là, assis, à contempler ses pieds sans piper mots. De temps en temps il relevait quand même la tête pour évaluer l’avancer du rapport mais rebaissait la tête aussitôt pour ne pas croiser le regard de son geôlier.

Dire qu’il n’en menait pas large eut été un euphémisme. Les poings crispés, tremblant, les larmes aux yeux. Il ressemblait plus à un enfant que l’on aurait injustement puni qu’à un criminel luttant courageusement pour ne pas dénoncer ses complices. Il ne savait plus quoi faire ou quoi dire pour se sortir de là. Il était décidé à ne pas vendre Snop mais il ne voulait en aucun cas aller en prison et être bêtement oublié par des marines peu consciencieux comme venait de lui suggérer le gradé assis en face de lui. Et, situation normale lorsque l'on est à ce point perdu avec de lourdes conséquences à la clé, il était incapable de penser rationnellement. C’est simple, ses pensées ressemblaient au port de Jenime les jours de marché. Ces jours-là, tout le monde parle en même temps d’une voix se voulant plus puissante que les autres pour en fin de compte ne jamais rien dire d’intéressant. Eh bien, voilà. Une quantité inimaginable de pensées traversaient l’esprit de Land mais aucunes n’étaient susceptibles de le sortir de là.

Un nouveau coup d’œil vers le marine lui permit de voir que la feuille, au départ vierge, était pratiquement entièrement rédigée. S’il voulait faire quelque chose il devait le faire maintenant. Mais quoi ? Que faire ? Il ne savait pas. Il était complètement perdu. Une idée, vite. Quelque chose. Maintenant !

Soudain, poussé à bout par les cliquetis des touches de la machine dans le silence de la pièce, le jeune homme se jeta à genoux, les larmes aux yeux et la voix chevrotante et, en posant son front sur le sol, supplia :

- D’accords, je vous dirai tout, je vous emmènerai à mes supérieurs comme vous me le demandez mais par pitié ne m’oubliez pas en prison, je vous en supplie. J’accepte même de le faire gratuitement, sans rien en échange. S’il vous plaît, laissez-moi vous aider !
L’homme arrêta net l’écriture du rapport. Il semblait assez décontenancé par la situation. Il faut dire que ce changement radical dans l’attitude du jeune criminel avait de quoi faire sourire. On était passé du rien au tout en un instant.


Pour Land, c’était une défaite cuisante. Non seulement il avait accepté d’aider le marine sans rien en contrepartie, mais il c’était également ridiculisé en fondant en larmes comme le premier nourrisson venu. La faute au stress engendré par ce fichu rapport. La pression avait, semble-t-il était trop forte.

Rapidement remis de leur surprise la marine ne resta pas longtemps sans réagir. On le pria de se relever et de se calmer un peu pour commencer à l’interroger sommairement. Une carte de l’île fut apportée et après qu’on lui est soutiré le peu d’informations que le jeune orphelin possédé sur Snop et son réseau, on lui demanda de localiser sa planque sur le bout de papier jaunit.

Au bout du compte, les informations livrées par Land n’étaient pas très nombreuses. Et pour cause, Snop ne lui avait jamais trop parlé de son "commerce". Il faut croire qu’il redoutait, à juste titre, un jour comme celui-là.

En plus de l’identité du malfrat Land expliqua à la marine que le groupe auquel il appartenait était impliqué dans pas mal de magouilles sur l’île. Rien de comparable à ce que l'on pouvait trouver sur d’autres grandes îles des blues, néanmoins, Snop était sûrement le dernier rescapé de la purge de bandit de 1621, et il en avait profité pour étendre son réseau de malfaiteur sur toute l’île. En plus du vol de grandes propriétés dans lequel Land était impliqué, le "commerce" de l’homme s’étendait aux transactions immobilières douteuses, à l’exploitation et à la vente d’orphelin comme mains d’œuvres pas cher et à l’organisation de jeux frauduleux sur le port comme le Bonneteau ou autres jeux de cartes. Pour finir Land leur indiqua la localisation de la cabane de Snop, qui n’apparaissait pas sur la carte, dans les hauteurs du mont Simmonds.

-… Seulement je pense que vous ne l’y trouverez pas. Conclut-il. S'il s'est enfui tout à l’heure c’est qu’il a dû vous apercevoir. C’est quelqu’un d’intelligent, il doit savoir que vous êtes à sa poursuite il ne prendra pas le risque de retourner chez lui.

Land avait retrouvé ses capacités de réflexion et un certain calme. Les marines, et plus particulièrement celui qui l’avait interrogé, l’avaient mis en confiance et l’impression d’être utile à quelque chose aidait le jeune homme à se sentir plus serein. C’est pourquoi il proposa de lui-même :

-… Mais je connais un membre au placé de la bande à Snop qui ne doit pas savoir que vous êtes sur l’île. On l’appelle Le Pigeon, c’est lui qui s’occupe des arnaques immobilières de Snop. Il ne se cache pas car, bien que tout le monde soit au courant de ses activités, personne n’a jamais réussi à prouver quoi que ce soit contre lui. C’est lui qui m’a vendus ma maison, je sais où vous pouvez le trouver.
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Finalement, il cède. Heureusement. Sinon, j'aurais été forcé de faire ce rapport sans omettre quoi que ce soit, ce qui aurait gâché sa vie et ma journée. Pourtant, je fais comme si je suis surpris. Lorsqu'il pleure, je le laisse faire, sans intervenir. Il finit par se reprendre et me donner des informations. Ce qu'il ne sait probablement pas, c'est que même la plus petite peut se révéler utile, entre les bonnes mains.

" Tu ne vaux rien. Ta vie n'a aucune valeur. Sans nous, tu n'as aucune chance. C'est surement le genre de discours qu'ils t'ont tenu pour te rallier à eux. " Je m'approche du garçon, m'accroupis pour avoir nos têtes au même niveau. " Rien n'est vrai. Ta vie a de la valeur. Dès l'instant où tu cesseras de te croire inutile et incapable, tu verras que le monde a de la beauté à offrir. Tu verras que même un garçon ordinaire possède le pouvoir de changer le monde. Et c'est ce que ton aide vient de faire. "

Ma voix est calme, posée, rassurante. Elle n'a pas pour vocation d'accuser, de blâmer, de faire le jeune homme se sentir mal, bien au contraire. " Tu viens de faire le premier pas pour retrouver le droit chemin. Ce chemin est long et semé d'embuche, soit prévenu. Il est plus difficile que tout autre. Mais la sensation qu'on en retire est bien plus grande, plus intense. Et je vais te le montrer. "

J'appelle le QG pour donner les informations reçues et informer mes supérieurs de la suite des opérations. Avoir officiellement leur accord sur ce qui va advenir. Je sens le colonel réticent quand je lui dis ce que je compte faire, mais il comprend. Il me met en garde quand même, m'avertissant que je suis responsable pour Land. S'il fait une bêtise, c'est moi qui assume. Peu de gens seraient prêt à accepter un tel challenge. Mais j'ai foi en l'Humanité, dans le garçon. Alors j'accepte, et je reçois l'aval du colonel local.

" Pour que tu comprennes ce que tu as fais, tu vas venir avec nous sur le terrain. On va aller faire savoir au Pigeon que la marine est après lui. Il va se méfier et surement prévenir Snop. Ton rôle sera d'aller voir le Pigeon après et le convaincre de te laisser aller jusqu'à Snop pour l'avertir et lui dire de rester caché quelques temps. Inventes une histoire où tu t'es échappé de la maison juste avant qu'on arrive, que tu t'es caché et ai attendu qu'on parte. Tu vas lui dire que tu as besoin de Snop pour savoir quoi faire ensuite. On te suivra discrètement, et on arrêtera le criminel. Tu vas participer à l'arrestation d'un homme recherché. En échange de quoi, la marine et les juges seront beaucoup plus clément envers toi, la pauvre victime ayant été forcée d'agir contre son gré. Plus tu nous aideras, plus la justice sera reconnaissante. "

* Quelques heures plus tard *

" Tu es sûr que tu n'as rien à nous dire ?
Sûr. Je ne vois même pas de quoi vous voulez parler.
Arrête de jouer au con, ça va vite m'agacer. Dis nous ce qu'on veut savoir, et vite !
Je vous ai déjà dit que je ne sais rien. Je ne suis qu'un modeste civil, lieutenant.
Modeste, hein ? Avec un vase qui coûte une petit fortune, une table d'importation, une étagère d'un maître. On va ptet commencer à fouiller vos comptes.
Allez-y, je vous en pris. Tout est en ordre.
Tu sais ce qui est bien avec les ordures dans ton genre ? C'est qu'ils oublient toujours un petit détail. Un truc à la con, comme une lettre adressée à une mauvaise adresse, un virement bancaire mal renseigné, une somme d'argent déposée ou retirée ... J'adore faire tomber les types dans ton genre à cause d'une petite variable. Et je suis sûr que tes voisins seront coopératifs quand je leur expliquerai qu'on peut non seulement te dégager de l'île, mais en plus t'enfermer loin pendant longtemps.
Vous n'avez rien contre moi parce qu'il n'y a rien. Maintenant, si vous voulez m'excuser, j'ai du travail, lieutenant.
Bien entendu. Juste un avertissement, avant de partir. On va tout passer au crible plusieurs fois. Et on va trouver le détail que tu as négligé. On va également passer en revue toutes tes ventes, tes commissions, tes pots de vin, tes rentrées d'argent, tout. J'espère pour toi que ton comptable n'a pas fait d'erreur. "

Sur cette dernière menace, je fais accidentellement tomber un objet sur le sol, qui se brise en plusieurs morceaux. Oups, je ne suis pas désolé du tout. On sort de la boutique et s'éloigne pour repartir au bateau. Des soldats, habillés en civil, sont placés dans plusieurs rues autour de la boutique du pourri. Son trafic et lui vont tomber. Ils vont tous tomber aujourd'hui. Désormais, à Land de jouer.[/color][/b]


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Méticuleusement, à l'aide d'une pince à épilée dorée, le pigeon recollé un à un les morceaux du magnifique vase chinois que le lieutenant avait négligemment fait choir avant de partir. Il ne prêtait aucune attention au jeune homme debout en face de lui et qu'il avait fait rentrer quelques minutes auparavant.

Dès que le lieutenant était sorti de la propriété du malfrat un marine en civil avait poussé Land à s’avancer, traverser la rue principale de Jenime et toquer à la porte de celui qu’il allait devoir convaincre de sa bonne foi. Un domestique l’avait immédiatement fait monter dans les appartements du propriétaire et depuis, il le regardait réparer les dégâts du précédent visiteur.

-Heu … Excusez-moi, je m’appelle Land et je …


-Je sais qui tu es … Mets-toi à l’aise veux-tu ? Prends une chaise et assis-toi.


                   Land s’exécuta, il ôta la longue cape beige que lui avaient donnée les marines pour faire croire qu’il se cachait, tira un tabouret à lui et s’assit. Le pigeon n’en continua pas moins à faire son puzzle sans lui prêter attention.

                  C’était un homme de petite taille que sa bosse sur le dos faisait paraître encore plus ratatiné. Ses yeux globuleux et exorbités scrutaient méthodiquement chaque détail de la pièce en permanence donnant une impression de suractivité contrastant avec l’allure générale de l’homme d’aspect plutôt tranquille. Rien dans la pièce n’était fait pour mettre le visiteur en confiance, encore moins quelqu’un comme Land, déjà anxieux de la suite à donner aux événements. Les rideaux étaient presque tous tirés ce qui plongeait la pièce, aux murs déjà recouverts de bois sombre, dans la pénombre. De l’amoncellement d’objets précieux et fragiles jusqu’à la voix faible et mielleuse de l’agent immobilier en passant par l’immense bibliothèque à moitié vide qui se trouvait au fond de la pièce, tout ici mettait mal à l’aise.


-Que puis-je faire pour toi Land Skyll ?
Repris finalement Le pigeon sans décoller les yeux de son minutieux travail.
Un problème avec ton dernier vol de propriété ?


-Heu … Oui … Je … Je viens vous voir par rapport à Snop … Enfin pour le voire … j’aimerais le voire et ...

Land s’embrouillait dans ses explications. Il avait voulu donner une impression de calme et de sérénité pour ne pas paraître suspect mais c’était raté, le stress dut à l’importance de la mission et les risques encourus, l’avait emporté sur le reste.


-Et la marine, où en es-tu avec la marine ?


-Je les ai semés, ils ne m’ont pas mis la main dessus.

                 Pour la première fois, le malfrat leva la tête pour fixer Land par-dessus  ses petites lunettes rondes, ce qui n’était pas beaucoup plus rassurant, et poussa un long soupir d’ennui.


-Mon petit. Land, n’essais pas d’embobiner quelqu’un dont c’est le métier. Ma question était de savoir s’ils t’avaient relâché, si tu étais à leur solde ou si tu t’étais échappé.


                 Land manqua de s’étouffer. Alors comme ça ils étaient déjà informés qu’il s'était fait choper par la marine. Mais comment était-il censé leur faire croire qu’il était de leur côté maintenant ? Il suffisait de leur mentir. Ce n’était pas compliquer, il n’avait qu’à dire qu’il c’était échapper. Son interlocuteur lui-même l’avait évoqué, ça ne risquait pas de le choquer.

                 Cette nouvelle idée suffit à remettre le jeune homme en confiance et à le calmer un peu. Ce qui par la même occasion lui permit de refaire fonctionné son cerveau de manière efficace. Et maintenant qu’il était en capacité d’y réfléchir, cela sentait le piège à plein nez cette histoire. Si le pigeon avait eu le moyen d’être au courant pour sa capture, il pouvait très bien être au courant de sa mission, et s'il saisissait la perche que lui avait lancée l’homme en lui mentant, il risquait fort de sortir de ce bureau les pieds devant.

D’un autre côté la conversation qu’il avait eue avec le complice de Snop, bien que rudimentaire, lui laissé à pensée qu’il était rentré en contact avec l’homme que lui cherché très récemment et qu’il savait ou il se cachait. Il fallait donc qu’il gagne sa confiance pour ne pas manquer une telle opportunité.

                 La meilleure solution était encore de plier bagage et de sortir d’ici au plus vite, mais les paroles du lieutenant se répétaient en boucle dans la tête du jeune homme : "Tu viens de faire le premier pas pour retrouver le droit chemin. Ce chemin est long et semé d'embuche, soit prévenu. Il est plus difficile que tout autre. Mais la sensation qu'on en retire est bien plus grande, plus intense". Il ne pouvait pas laisser tomber, il fallait qu’il aille au bout du chemin. Il lui fallait trouver une autre idée et vite … C’est bon. Il allait jouer le tout pour le tout et jouer l’agent triple. Et une fois qu’il sera devant Snop il s’en occupera lui-même.

-Ok, je vais tout vous dire. C’est la marine qui m’envoie. Ils veulent que je vous convainque de m’emmener à Snop pour pouvoir l’attraper. Mais je ne veux pas faire partie de leur institution de mes deux. Moi j’suis un bandit. J’appartiens à votre famille. Ce n’est pas ces trous du cul qui m’ont sauvé ce soir de pluie où Snop m’a trouvé.


-Bien, ta franchise est toute en ta faveur, mais tu sais que je vais devoir te refroidir maintenant ?


-Non, cria Land en bondissant de sa chaise, puisque je vous dis que je suis avec vous. Je hais les marines, mon père était un marine et je hais mon père ! Laissez-moi une chance, je ferais ce que vous voudrez.


-Et qu’est-ce que tu veux que je face d’une taupe comme toi ?


-Vous attendez bien quelque chose de moi non ? Sinon vous ne m’auriez pas fait surveiller de la sorte. Si vous saviez que j’étais avec la marine, vous ne m’auriez pas fait rentrer chez vous, surtout après le départ de l’un d’eux. Et puis, si vous n’attendiez rien de moi, vous n’auriez pas testé ma fidélité en asseyant de me faire mentir sur mes réelles intentions.

                 Le pigeon leva un sourcil et fi la moue avant de se dérider et de ricaner doucement que Land avait bien grandi et que c’était un homme maintenant. Il lui expliqua alors plus en détail ce qu’il attendait de lui. Snop connaissait la marine, et il savait qu’ils ne le lâcheraient pas avant un bon bout de temps et qu’il ne pourrait pas se montrer d’ici là. Ce qu’il fallait alors, c’était que quelqu’un leur face comprendre qu’ils ne trouveraient jamais leur homme et qu’ils devaient quitter l’île au plus vite. C’était tout. Land n’avait qu’à retourner auprès de la marine avec une excuse toute prête et les faire partir de l’île. Il suffisait alors à Land de retourner auprès des marines et de les laisser capturer Le pigeon. Ils se chargeraient après de le faire parler pour savoir ou se trouvait Snop. Un jeu d’enfant.


-Une dernière chose,
ajouta Le pigeon au moment où Land allait se lever pour partir.

                 Une tape dans ses mains et deux hommes de main costauds se pointèrent, tenant dans leurs bras une jeune fille en pleure. Land mit du temps à la reconnaître tant elle avait le visage ruiné par les larmes et les bleus, mais il finit par percuter. C’était la jeune fille qui l’avait surpris lors de sa fouille de sa maison. Mais qu’est-ce qu’ils allaient bien pouvoir faire avec elle ? Comme pour répondre à cette interrogation muette l’un des deux gorilles sortit un revolver qu’il appuya sur la tempe de sa prisonnière. Ils allaient la prendre en otage ? Comme garantit ? Mais c’était débile, Land ne la connaissait même pas, pire, c’est elle qui l’avait mis dans ce pétrin alors…


-Personnes. Nous avons eu beau chercher, nous n’avons trouvé personne sur cette île à qui tu sois assez attaché pour que nous puissions nous en servir comme garantie de ta fidélité … Mais heureusement Mr Snop était là. Il nous a rapporté que tu ne partais jamais armé en mission … tient donc, le petit Land aurait-il peur de blesser des innocents ? Dans cette optique-là n’importe quel otage pouvait bien faire l’affaire. Malheureusement pour elle, c’est tombé sur cette fille.


                C’était tout bonnement idiot, et pourtant ça marchait. Land savait qu’il ne pourrait rien tenter par peur de sacrifier la vie de cette jeune fille. Pire ! Le fait que ce soit une innocente et une inconnue accentuait encore plus cette culpabilité qui pesait sur ses épaules.

-Prendre un otage ? Ca ne vous ressemble pas Pigeon.


-Moi ?! J’ai pris un otage ? Insinueriez-vous que ses deux bandits qui, non content de molester une jeune fille, se sont introduits chez moi, sont à ma solde ?! Pouvez-vous le prouver ?


                 S’en suivis une série de longs ricanements étouffés. Avant que le jeune homme soit mis dehors avec comme dernière précision de ne pas oublier envers qui allait son devoir. Et effectivement, alors que Land cherché désespérément les marines en civil du regard, cette question lui trottait dans la tête. Pour qui travaillait-il maintenant ? Pour la marine, au risque de voire cette pauvre fille liquidée ? Ou pour Snop au risque de trébucher sur le premier obstacle rencontré sur le chemin qu’il avait emprunté ?

                 Au bout d’un moment, ce qui semblait être un marchand à la sauvette s’avança vers l’agent double pour le rediriger vers le bateau de la marine ou l’attendait le lieutenant. Et c’est en se tenant, là, debout devant lui, que Land sus qu’il savait ce qu’il devait faire. Il n’était pas capable de gérer tout ça tout seul, ce n’était pas à lui d’avoir une vie entre ses mains. Il lui fallait de l’aide, et de l’aide, on lui en en avait proposé. Alors, un peu honteux de devoir supplier de la sorte, Land se pencha devant le gradé et, avant de lui exposer la situation, lui implora son aide.
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" ... Ok, je vois. " J'examine la situation qui a changé. Désormais, il y a une otage. C'est pas négligeable comme variable. " Rassures toi, tu as bien fait. C'était tout ce qu'il nous fallait. On a pas assez de preuves pour l'inculper de ce dont on voudrait, mais désormais, chantage, menaces de mort et kidnapping viennent s'ajouter à la liste des crimes dont il est coupable. Voilà le détail qu'il a négligé. Voilà le détail qui va le faire tomber. "

Je rassure l'enfant comme je peux. J'suis pas trop doué, mais j'essaie en tout cas. Je vais aller dans la boutique du Pigeon pour avoir des infos sur l'obtention des propriétés dont il dispose. Ce qui me mènera à interroger les anciens propriétaires. Pendant ce temps, Land va aider les hommes à trouver l'otage. Il va leur dire où elle pourrait être retenue prisonnière. Une fois les informations fournies, même s'il n'a aucune idée d'où la fille peut être, on y va. On va employer des méthodes pas forcément appréciées par la marine, mais faute de choix. On ne connait pas l'île, les habitants, oui. Alors les hommes font du porte à porte pour demander aux locaux plusieurs choses. La première étant de savoir s'ils aimeraient être débarrassé de Snop, du Pigeon et de leur bande. La majorité des réponses est positive, le reste étant un rire signifiant 'comme si vous pouviez'. La seconde question concerne le fait s'ils veulent s'impliquer légèrement ou pas du tout et garder leur île sous la coupe des malfrat. Les réponses divergent.

La dernière question est de faire une liste de tous les endroits où le Pigeon et ses hommes vont. Ainsi, on obtiendra la liste des endroits potentiels où il garde la gamine. Certains soldats font comme je leur ai dit, et y vont franco, pour provoquer un choc aux habitants. Ils se sont habitués à vivre sous la coupe du gang, à subir leur envies. Plusieurs personnes ont essayé de les en débarrasser, tous ont échoué. Les locaux ont donc finit par renoncer, ce qui peut se comprendre. Mais cette fois, le Pigeon a fait une erreur, et je vais la saisir. Les marins essaient de faire prendre conscience aux habitants qu'il y a une autre possibilité, celle de vivre pour eux, sans avoir à subir les malfrats. Ils les tolèrent sur l'île car ils ont peur d'eux, peur de ce qu'ils peuvent faire à leur famille, leurs amis. Nous, la marine, sommes un symbole d'espoir, on combat le crime sous toutes ses formes. On est là pour aider les habitants, mais pour y arriver, il faut qu'ils veuillent être sauvés. Petit à petit, on semble convaincre du monde car on obtient des localisations pour le Pigeon. J'ai pas besoin de plus. Je pourrais envoyer mes hommes, mais on est qu'une vingtaine, soit pas assez pour tout fouiller. Comment faire ? Je vais utiliser les habitants, une fois de plus. Je les fais réunir devant chez eux, dans une sorte de place.

" On peut faire tomber le Pigeon et Snop. Mais pour ça, on a besoin de vous. On a besoin de votre aide, de preuves, de témoins. Que vous ne vouliez pas témoigner est normal, et je ne vous le demande pas. Mais le Pigeon a enlevé une jeune fille innocente pour nous forcer à partir. Si on part, si on fait ce qu'il veut, il gagne, et rien ne change. Vous rester sous leur coupe. C'est ça que vous voulez ? Vivre dans la peur ? Ne pas savoir si vos enfants vont réussir à rentrer chez eux le soir ? Avoir une boule au ventre à chaque fois que vous les croisez ? Ça vous plait de vivre ainsi ? Si non, vous pouvez nous aider. On a des endroits à vérifier pour voir si la jeune fille y est retenu prisonnière. Sauf qu'il y en a trop. C'est là que vous entrez en jeu. Vous connaissez votre île, ses moindres recoins. Vous pouvez nous aider à gagner du temps. Vous pouvez nous aider à dégager les criminels de votre île. Je ne vous demande pas de vous battre, juste de regarder, de chercher. Avec son témoignage, j'aurais assez pour écraser le Pigeon et Snop sous la bureaucratie pendant des années et les envoyer en prison. Mais pour ça, j'ai besoin de votre aide. "

Ils ne semblent pas trop réceptifs. Certains aimeraient bien, mais ont peur des représailles. Ils commencent à partir. Ok, on déploie les armes lourdes.

" Et si c'était vos enfants ?! " Ceux qui partaient s'arrêtent et se retournent. " Vous aimeriez que vos amis, vos voisins vous tournent le dos alors qu'ils ont une chance de sauver votre enfant ? Vous êtes prêt à sacrifier une fillette parce que vous avez peur ? Vous ne croyez pas qu'il est temps de combattre votre peur ? Vous avez combattu une fois en aidant la marine en 1621. Vous pouvez le faire encore. Le seul moyen de vous libérer du gang, c'est de nous aider. Le plus dur, c'est d'affronter ses peur. Ils sont une vingtaine, vous êtes plus nombreux. Ensemble, on peur les avoir une fois pour toute. La question est de savoir si vous êtes des lâches ou si vous avez le courage de vous dresser pour votre liberté, pour votre sécurité, celle de votre famille et de vos amis. "

Un brouhaha se forme dès que j'arrête de parler. Ils argumentent pour savoir quoi faire. Moi, ma décision est prise. Je suis un soldat de la marine, je suis prêt à risquer ma vie pour en sauver une autre et arrêter des criminels.

" Ils ont des armes !
Vous n'avez pas de fourches, de couteaux, de fusils, de battes ? Vous avez l'avantage du nombre et de la connaissance du terrain. Je vous demande juste de trouver la petite fille et de l'amener au bateau. On s'occupe du reste. "

Pas le temps d'attendre, le Pigeon a entendu parler du regroupement. J'en suis sûr. Je me dirige vers sa boutique. Je rentre à l'intérieur.

" Me revoici. Quand je suis passé tout à l'heure, j'ai oublié de vous demander quelques choses.
Demandez donc lieutenant, je n'ai rien à cacher.
Je voudrais voir les permis de vente, les actes de vente, les reçus pour achats des terrains et maisons que vous possédez ... Mais comme vous le savez, vous pouvez refuser. J'ai besoin d'un mandat pour cela. Mandat que je peux obtenir d'ici quelques heures et qui me permettrait de fouiller partout dans vos acquisitions.
Un mandat n'est pas nécessaire, lieutenant, nous sommes entre personnes civilisées. Ça va prendre du temps. J'enverrais tout ça par mouette courrier.
Je vous en prie, je ne suis pas pressé. Je peux attendre ici. Je peux même vous aider à chercher si vous souhaiter.
Trop aimable. Mais je devrais pouvoir les retrouver tout seul.
Bien. Alors j'attends ici, sans bouger, votre retour. "

Le Pigeon part dans l'arrière boutique. Malgré son ton baissé, je peux l'entendre grommeler. J'ai dit que je le coincerai pour un détail, alors on va chercher ce détail. Pendant que je le garde ici, il n'est pas ailleurs. Mes hommes et certains civils cherchent dans les propriétés que le volatile possède.


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Land était impressionné. Non, plus qu’impressionné, il était admiratif devant le lieutenant. Il l’avait suivi tout le reste de la journée à interroger les habitants, fouiller maisons et registres à la recherche de preuves. Il avait également assisté à son superbe meeting sur la place du village et en était resté scotché. Puisse-t-il un jour avoir une telle éloquence, un tel charisme, une faculté semblable à être un meneur de foule. Des hommes comme ça, ce n’est pas sur Bux-Island que vous en croisiez souvent. C’est pourquoi, lorsqu’il apprit que Clotho retourné chez le Pigeon, il n’avait pas pu résister et avait supplié le marine à le laisser venir. Ce dernier avait beaucoup hésité, puis, face aux supplications du jeune homme, avait fini par accepter.

-A une seule condition. Un de mes hommes va t’aider à passer inaperçu et tu feras ce que je te dis sans prendre de risques inutiles ok ?

Trop content qu’il ait accepté. Land avait acquiescé sans réfléchir et était parti avec ledit soldat pour se voir remettre une vieille cape d’un vert délavée, trouée de toutes parts. Même un miséreux n’en aurait pas voulu.

-Hey ! Pourquoi je dois porter ça ?

-Ordre du lieutenant, si le Pigeon est au courant de son discours de tout à l’heure il doit être informé que tu l’as trompé, s’il te voit tu risques gros.

-Non, je veux dire pourquoi est-ce que vous ne me donnez pas quelque chose de plus seyant … je sais pas, l’un de vos uniformes par exemple ?

Le soldat esquissa un sourire d’amusement.

-Écoute gamine, il n’y a rien de moins discret sur une île comme Bux-Island qu’un uniforme de marine. Et on n'a rien d’autre que ça qui soit discret et qui puisse assez bien te dissimuler.

Toujours pas convaincus, mais à quoi bon, on parle ici d’une cape, Land revêtit l’habit et il partit avec le lieutenant en direction de la demeure du Pigeon. Sur le trajet il s’aperçut que la plupart des habitant de l’île avait déjà pris part au ratissage organisé par la marine, fouillant chaque maison méticuleusement. Une vraie effervescence s'était emparée de Jenime, du jamais vus. Et dire qu’avec une poignée de mots celui-là avait réussi à rassembler des gens que Land n’avait jamais vus ne serait-ce que s’adressait un bonjour … Fascinant.

Une fois arrivée devant la boutique, Clotho pointa du doigt une ruelle en face du bâtiment et ordonna aux quelques soldats qui m’accompagné de stationné ici, il devait y aller seul. Puis il intima à Land l’ordre d’attendre lui aussi ici.

-Hein ?! Mais, je veux venir moi aussi, comment ...

D’un geste, le marine le condamna au silence et partit. Il avait sûrement raison. Ce n’était pas son déguisement de mendiant qui allait le dissimuler au malfrat s’ils se retrouvaient face à face, et s’il le reconnaissait, et bien que le marine ait été là, il risquait de passer un sale quart d’heure.

Land s’assit donc dans un coin et attendit. Longtemps. Il ne savait pas ce que trafiquaient les deux hommes là-dedans mais ça devait être bien long puisque, alors qu’il pensait ne devoir attendre que cinq ou six minutes, Land se trouva encore assis par terre un quart d’heure après que le marine est pénétré les lieux. Au début, le passage des groupes d’habitants fouillant les maisons l’avait distrait mais maintenant ils c’étaient tous éloignés pour se concentrer sur la partie. Nord-est de la ville si bien qu’il n’y avait plus âmes qui vivent dans la rue. Juste lui et quelques soldats tout autant assommés par l’ennui.

Soudain, rompant se calme. Olympien, un léger bruit, presque imperceptible se fit entendre. Land semblait être le seul à l’avoir entendu. Il jeta un coup d’œil hors de la ruelle étroite ou lui et sa ‟team” avait élu domicile et, surprise, aperçut le Pigeon sortir d’une bâtisse qui pourtant n’était pas le bureau dans lequel il était censé se trouver. Probablement une maison communiquant par une sortis de service pensa le jeune homme s’attendant à voir le lieutenant sortir à son tour. Mais ce ne fut pas le cas. Alors que le malfrat s’éloignait en direction du nord de la ville personne d’autre ne se montra, ni à la porte du Pigeon, ni à la seconde par laquelle il était sorti. Et soudain Land comprit. L’homme avait dû profiter que le marine soit occupé à autre chose pour filer discrètement par-derrière ! Il fallait qu’il prévienne ses collègues … Ou pas. Il pouvait aussi partir à la poursuite de l’agent immobilier (qui se rendait à coup sûr auprès de son patron) localiser Snop et l’otage et revenir rafler les honneurs. Oui, il n’avait qu’à faire ça. Prétextant une envie pressante, Land s’élança donc à la poursuite du pigeon dans les rues étroites de Jenime.

Tout en se faufilant de porche à sombre impasse, Land ne put s’empêcher de se demander où le Pigeon avait bien pu cacher son patron. D’après les dires des soldats avec qui il était quelques minutes plus tôt, les battus organisés par les habitants n’avaient rien donné pour ce qui était de la capitale. Il le restait maintenant à fouiller les contreforts du mont Simmonds. Et, bien que leur nombre leur ais permis de boucler la ville et quelques heures à peine, cela allait être très long. Mais Land voyait mal un homme comme celui qu’il filait se rendre, à pied, dans la forêt inhospitalière de l’île. Alors, où se cachait Snop ?

Par chance pour le jeune homme, Jenime, et surtout ce quartier dans lequel se trouver sa nouvelle maison, lui était très familier. Si bien qu’il n’hésitait pas à prendre, de temps en temps, des rues parallèles ou à escalader quelques menus murs pour rendre sa filature plus discrète. Malgré cela il eut plusieurs fois l’impression d’être repéré par le malfrat. Impression sûrement erronée puisque jamais ce dernier ne l’interpella. Et ce sûrement grâce à la fameuse cape qui, d’après le marine, le rendait discret.

À force de marcher, les deux hommes atteignirent l’extrême nord de la ville. Au bout de la rue s’apercevait d’ailleurs la maison de Land, l’une des plus proches des falaises abruptes du mont Simmonds, signe qu’ils ne risquaient plus de croiser beaucoup d’habitations. Mais où le Pigeon se rendait-il ? Peut-être avait-il caché. Snop dans une grotte dans les falaises. Ou bien un chemin secret dissimulé par de grands blocs de pierre le mener de l’autre côté de l’île où un bateau pirate les attendait. L’esprit du jeune homme s’enflammait déjà de nouvelles théories délirantes quand il eut enfin la réponse à sa question. Et quelle réponse. Le Pigeon venait de s’arrêter juste devant la maison qu’il avait vendus à Land et s’apprête à entrer. Mince alors. C’est donc là qu’il se cachés ?! Il faut dire que personne, même les habitants du village, qui savaient que Land était de mèche avec la marine pour l’avoir vu avec eux dans la journée, n’auraient pensé à chercher ici. Et comme c’est lui qui lui avait vendu, le Pigeon possédé sûrement un double des clés.

Land allait se lancer à la suite de l’individu quand un pressentiment le fit s’arrêter. Le jeune homme était quelqu’un de beaucoup trop terre à terre pour se laisser influencer par ce genre de chose, néanmoins il lui sembla plus prudent d’enlever et de nouer autour d’un arbre la cape que lui avaient confié les marines. Simple précaution. Puis il s’élança.

La maison que lui avait vendue l’homme de main de Snop ne comporter que trois pièces et, si l’on entré, on se retrouver forcement dans le salon, la plus grande des trois. D’ici on pouvait être vus depuis tout le reste de la bâtisse. C’est pourquoi Land se contenta de coller son oreille à la porte et d’écouter. De l’intérieur lui parvinrent les voix de Snop et du pigeon planifiant de ce qu’ils allaient faire ensuite. En effet, maintenant que le rouquin les avait trahis ils n’avaient plus grands espoirs d’éloigner la marine et, puisque toute l’île était à leur trousse ils ne pouvaient pas non plus se contenter de se cacher. Pour l’agent immobilier, peut téméraire, la meilleure solution était encore de s’enfuir.

Se mêlant à leurs deux voix, on pouvait entendre s’élever des cris étouffés de femme. Sûrement la jeune fille prise en otage par les deux hommes de main du Pigeon qui avait été bâillonnée puis cachée ici. Tient, où étaient-ils c’est deux-là ? Un coup sur la nuque lui permit de répondre à cette question. Et c’est dans les bras de l’une de ces deux montagnes de muscles que Land fit son apparition devant son ancien patron.

-Vous voyez, je vous avais dit qu’il me suivait. Merci Rox, pose-le par terre, et toi Rouky bâillonne le et jette-le à côté de sa dulcinée.

-Tient, Land. J’espère que tu es content de voir que je vais bien. Alors comme ça tu t’es décidé à me trahir ? Moi qui est tant fait pour toi ? Quelle tristesse. Ne t’en fais pas, je ne vais pas t’en tenir rigueur. Vois-tu, je vais même te confier le soin de m’aider, moi et mon camarade ici présent, à quitter l’île. Ne rechigne pas, tu n’as pas le choix. Lorsqu’ils nous verront arriver avec cette gamine et toi, qu’ils semblent tant apprécier, menacer d’une balle entre les deux yeux, les marines n’auront d’autres choix que de nous confier leur magnifique bateau … Hey, le volatile, réunis tous nos hommes, on aura besoin de bras pour mouvoir cet engin !
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Tout se déroule comme convenu avec Land. Mais surtout, tout se déroule comme je l'ai prévu. C'est chiant ces "méchants" qui tombent dans un piège aussi grossier. J'ai failli mettre des hommes dans le quartier autour, braquant leurs armes devant les portes de chaque bâtisse imaginant que le volatile voudrait s'enfuir. Ouais, j'ai failli. Mais je ne l'ai pas fait. Parce que je suis plus malin que ça. Briser un homme comme le Pigeon est faisable, mais ça prend du temps, chose qu'un otage n'a pas. Alors au lieu de ça, il me suffit d'attendre dans la boutique, jouant le rôle du stupide lieutenant qui s'est cru plus malin qu'un arnaqueur et qui s'est fait avoir. Pendant ce temps, j'étais sûr qu'il s'enfuirait. Comme Land le connaissait, qu'il se sentait responsable de l'enlèvement de la jeune fille, j'ai supposé qu'il voudrait régler ça lui même. Donc qu'il allait tenter, à un moment ou à un autre d'échapper à notre surveillance pour retrouver ou suivre l'animal, qu'il repèrerait quelque chose indiquant que le criminel allait s'enfuir discrètement. J'ai donc donné l'ordre de le laisser filer, et de le suivre discrètement sans se faire repérer, en alternant les personnes en filature.

Filer un garçon qui file un arnaqueur qui s'enfuit, c'est comique quand même. Une mouette suit un rat qui file un pigeon sur le point de s'envoler. Nul doute qu'un lâche comme le Pigeon, se réfugiant derrière une fausse honnêteté ai un plan de secours pour s'échapper. Il y en a même plusieurs selon moi. Mais rien de tout ça n'a d'importance, puisque je connais la situation. Dès que Land s'échappe, mes hommes le suivent, et je reçois un appel me confirmant les faits. Les garder en vue n'a pas été de tout repos, je le reconnais. Il a du ressort le gamin pour son âge. On pourrait en faire un marin plus tard. On finit par arriver à la maison de Land, celle que lui a vendu le Pigeon. Mes hommes ont investi le périmètre, mais restent cachés. Les criminels ne doivent pas savoir qu'ils sont surveillés et attendus. Ils ont deux otages, la jeune fille et Land. On ne peut pas risquer leur vie. Enfin, si, on pourrait. Mais je ne veux pas. Notre meilleur atout reste l'effet de surprise. Ils ne savent pas qu'on a entouré l'endroit où ils se croient en sécurité. Après tout, on est des marins entraînés à être invisibles en mission parfois.

Eux sont tellement obsédés par leur vengeance et leur fuite qu'ils oublient le reste, négligeant des détails qui vont leur couter cher. J'ai envie de balancer des fumigènes, grenades aveuglantes ou trucs dans le genre, mais la dernière phrase me fait tilter. Ils ont encore des complices qui ne sont pas ici. Si on agit maintenant, ils vont s'enfuir dans la nature et on ne saura jamais qui fait parti de leur bande. Il faut donc en interpeler le plus possible, et Land désignera les restants. Pour se faire, on doit attendre qu'ils arrivent et les prendre par surprise aussi. Une fois mis hors d'état, mes hommes pourront mettre les uniformes des hommes de main, se faire passer pour eux, approcher la maison sans suspicion. Au moment où ils entrent, on fait diversion à l'arrière, ils se précipitent dedans armés et neutralisent les menaces. Pris entre deux feux, la situation sera vite réglée. Oui, on va faire ça. Le Pigeon appelle ses hommes pour qu'ils rappliquent. Mon équipe s'étale, mais reste par groupe de trois quand même. Interdiction de tuer, on ne fait qu'assommer.

Certains soldats sont retournés en "ville" chercher des habitants pour avoir un peu d'aide. Parce que j'ai eu une autre idée entre temps, et le plan a changé. Ils vont faire face à l'imprévu ces cons là. Les soldats envoyés racontent à tout le monde de venir vers nous, de chercher par là. Alors forcément, tout le village rapplique aux environs quelques minutes plus tard. Un complice du Pigeon l'appelle pour le prévenir. Snop regarde le lâche. La décision est prise rapidement, impossible de rester quelque part où des gens vont venir regarder d'ici quelques minutes. Ils donnent rendez-vous à leurs hommes dans un autre lieu. J'utilise mon escargophone pour transmettre ces données à mes hommes et aux civils qui font demi tour plus tard pour aller cueillir les hommes de mains. Puis ils sortent. Nous sommes cachés par les arbres, les "maisons" et tout le décor. Une fois qu'ils sont tous sorti, otages compris, que la porte est fermée, qu'ils sont à une distance raisonnable de toute planque, je lance l'action.

Sans qu'ils ne comprennent, Snop, Rox, Rouky, le Pigeon, Land et la jeune fille sont entourés par des marins armés. Les deux prisonniers devant pour qu'ils puissent leur tirer dessus s'ils tentent de s'enfuir, le reste des hommes derrière. Les criminels vont pour pointer leurs armes sur les victimes, mais une pluie de fusils se lèvent. Ils comprennent qu'au moindre geste ils meurent. La lâcheté du Pigeon le fait tenter de s'enfuir, mais il est accueillis par un coup de fusil au ventre qui le plie sur le sol. Snop doit tenir à sa vie, son argent, ses combines, ils ne se risquera pas à une stupidité. J'avance, fier de moi, un sourire sur les lèvres.

" Que vois-je ? Quatre hommes, dont deux à l'air menaçant et agressif, deux enfants bâillonnés et terrifiés et ... oh, mes préférés. Des armes. Vous avez un permis de port d'arme, je suppose. Et les dites armes sont enregistrées, n'est-ce pas ? Aucun soucis, on va vérifier tout ça de toute façon. Ne vous ai-je pas dit que tout le monde oublie un petit détail ? Tout le monde, tous les criminels. Aucun n'échappe à la règle. Votre détail, c'est l'enlèvement, les menaces, la maltraitance sur des enfants, la tentative d’extorsion de notre navire. Et n'oublions pas le meilleur, violation de domicile. Cette demeure est, d'après ma mémoire et les papiers que j'ai vu, au nom de Land Skyll. Le garçon ici présent. A moins qu'il ne vous ai invité, vous êtes mal barrés les gars. "

Pendant que je parle, mes hommes détachent les enfants, menottent les criminels et rassurent les mineurs. Je reçois un appel des collègues. Les hommes de mains sont réunis à l'endroit indiqué par le Pigeon et Snop. Ils se sont retrouvés face à toute l'île, en colère, armée de fourche, de rouleaux à pâtisserie, de couteaux, de bâtons ... Ils ont pour ordre de les contenir jusqu'à ce qu'on arrive. Je suis fier de ma prise et de la façon dont les choses se sont déroulées. Ça aurait clairement pu être pire. Là, c'est une victoire totale et écrasante. On emmène tout le monde au bateau en traversant les rues. Pour effrayer les comparses, j'ai autorisé le tir à vue si quelqu'un tente de s'enfuir. Le Pigeon ne tentera rien, j'en suis sûr. On arrive au bâtiment. Les prisonniers vont dans la cale directement et sont enfermés en cellule. Ils ne vont pas voir grand chose d'autre avant longtemps. Land et la fille restent sur place, gardés par quelques soldats le temps que la famille de la disparue arrive.

Quand à moi, je vais voir les hommes de main des escrocs. On leur donne le choix, nous suivre gentiment ou subir la colère des habitants en tentant de s'enfuir. Remarque, même si certains ne tentent pas, ils se prennent des coups de rouleau à pâtisserie dans les jambes, sur le crâne ... La foule est déchaînée et a envie de vengeance. Pas de justice, mais de vengeance. Alors je me dois de les calmer.

" Votre attention s'il vous plait. Vous avez bien travaillez. Grâce à votre coopération, nous avons pu localiser et appréhender les dénommés Snop et le Pigeon. Nous les avons inculpés avec assez de charge pour qu'ils finissent leurs jours en prison. Grâce à vous, nous avons retrouvé la jeune fille. Elle a eu peur, mais elle va bien. " Soupire de soulagement général. " Maintenant, vous avez un choix à faire. La justice, ou la vengeance. Vous pouvez soit nous remettre ces individus pour qu'ils aillent croupir en prison, soient pendus ... ou bien vous faîtes justice vous même, auquel cas ils ne souffriront que quelques minutes voire quelques heures. Vous préférez les voir se maudire pendant des années ou des heures ? "

Un nouveau brouhaha retentit. Chacun parle en même temps, ils se concertent. Puis ils décident finalement de nous remettre les criminels. Je les remercie et leur dit que c'est un grand jour pour leur île, que le gouvernement les remerciera pour leur aide. Même si ce n'est qu'un million de berrys, c'est toujours mieux que rien. On escorte les prisonniers au bateau puis les met dans les cellules avec leurs patrons. Ils font moins les malins à présent. Je cherche Land du regard.


Go your own way Drapea11


Dernière édition par Clotho le Lun 2 Mai 2016 - 22:33, édité 1 fois
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Tandis que le lieutenant s’en aller discuter avec brigands et villageois en colère, Land, quant à lui, décida d’aller faire de même avec Snop et ses trois confrères, enfermés à quelques pas de lui dans les bas-fonds du bâtiment, attendant leur transfert vers une prison de la marine. Il avait quelques questions à leur poser. Surtout au Pigeon qui semblait être le plus malin, et le mieux renseigné, de la bande. Il l’aurait bien fait plus tôt mais, au même titre que pour Snop et Co, voire plus encore, l’intervention surprise de la marine l’avait pris de court.

Land dut, avant toute chose, négocier l’accès aux geôles avec le soldat qui en garder l’accès. Ce dernier, présent quelques heures plus tôt avec lui dans la ruelle depuis laquelle il avait entamé sa filature, lui reprochait de vouloir encore une fois les doubler et qu’il valait mieux qu’il aille jouer ailleurs. Ce n’était pas faux. Il avait déjà essayé d’abuser de leur confiance. Mais, il l’avait appris plus tard, eux aussi l’avaient roulé sur ce coup-là en l’utilisant, sans l’en avertir, pour se rendre auprès de leurs ennemies. Et ça, bien qu’il n’en eût rien dit à Clotho, Land l’avait mal pris.

Comprenant que, quoiqu'il dise, le marine ne le laisserait jamais passer, Land changea donc de tactique et se dirigea d’un pas décidé vers la jeune fille que Snop avait prise en otage et sa famille. Il fallait qu’il fasse vite. Il pouvait tromper un simple soldat, mais si Clotho revenait, ça ne serait plus si simple. L’ex-otage était en pleurs dans les bras de sa tante tout autant larmoyante lorsque Land arriva à leur hauteur.

-Salut. Dis-moi, je me demandais : puisqu'on peut dire que je t’ai sauvé la vie, est-ce que tu veux bien me rendre un petit service ?

Dès que Land eut commencé à parler, la tante leva la tête. Toute forme de tristesse avait disparu de son visage et, au contraire, on pouvait y lire une certaine envie de meurtre doublé d’un profond mépris. En tout cas, il était sûr que la demande de Land était mal accueillie.

-Comment osez-vous ? C’est à cause de vous que ses bandits ont enlevé ma nièce. Tout cela après que vous ayez tenté, avec ces mêmes bandits pour complice, de braquer ma maison. Et de toute façon ce n’est pas vous qui l’avez sauvé mais ses braves marines.

Effectivement. Le jeune homme ne pouvait contredire aucun des points abordés par la femme qui lui faisait face. Bien sûr, le dernier point aurait pu être évité sans l’intervention de la marine à son insu. Oui, à ce moment-là il était en mauvaise posture mais il aurait trouvé un moyen de s’en sortir … Probablement.

L’orphelin allait répliquer, voire supplier. Mais un rapide aperçut du regard assassin que lui lançait la mère de la victime l’en dissuada. Il allait partir quand, d’une petite voix fluette, la jeune fille le retint. Elle avait enfin séché ses larmes et levé la tête du corsage de sa mère pour se retourner vers lui.

-Attends. Ma tante, tout ce que vous dites est vrai, et je ne vous demande pas de prétendre que nous sommes redevables à ce vil voleur. Mais il a raison, je lui dois la vie. À un moment le Pigeon lui a donné une chance de s’enfuir. Mais, s’il le faisait, il me condamné à mort. Et il ne l’a pas fait.

Ah mais oui ! Land avait complètement oublié ce détail. S’il s’en était rappelé, il l’aurait mis en avant bien plus tôt. C’est que le temps lui manquait. Il faut dire que pour lui, éviter de condamner cette fille c’était fait si naturellement qu’il en avait pas conservé grands souvenirs.

-J’accepte de vous aider. Une fois, juste une fois. Alors dites-moi ce que vous attendez de moi.

En guise de réponse, Land plaça ses mains en porte-voix et cria en regardant avec insistance son interlocutrice pour qu'elle comprenne où il voulait en venir :

-Elle fait un malaise. À L’AIDE !

La jeune fille mit un moment à réagir mais, lorsque les soldats pointèrent enfin leur nez, elle avait compris et c’était affalée dans les bras de sa tante qui méprisait toujours le jeune orphelin du regard. Dès qu’il vit que le marine garantissant l’accès aux geôles avait quitté son poste, Land s’élança à la rencontre de son ancien patron. Il n’avait plus beaucoup de temps mais qu’une question à lui poser.

Il fut accueilli dans les prisons par des insultes et des cris de rage. ‟Traître !”, ‟J’aurais dû te laisser crever lorsque je t’ai trouvé !” crié Snop. ‟Raciste ! Tueur d’enfants !” Criaient, quant à eux, les deux armoires à glace dont la pertinence des insultes n’avait d’égale que leur quotient intellectuel. Seul l’agent immobilier ne disait rien. Il regarda Land qui, sans hésiter, se dirigea vers lui et s’assied sur le sol, devant sa cellule, et sourit.

-Alors jeune homme. On savoure sa victoire ? Je vois que tu as enfin choisi ton camp. Sache qu’en intégrant les rangs de la marine tu fais une énorme erreur.

On voyait bien que la moindre parole, le moindre mouvement, lui procurait une douleur intense tant il se courbait sur lui-même, la main sur sa blessure au ventre. Pourtant il tenait absolument à s’adresser au jeune homme.

-Je n’ai encore rien décidé. Et de toute façon personne ne m’a proposé d’intégrer quoi que ce soit.

-Mais le lieutenant le fera. Il est bien trop intelligent pour ne pas le faire. Et il semble qu’il t’apprécie … Tu n’aurais jamais dû nous laisser tomber Land, on était ta famille, ta seule famille. Avec nous tu ne manquais de rien, on ne t’a jamais caché quoi que ce soit, on a toujours été sincère avec toi. Quand est-il de tes amis à la mouette ? ce n’est pas la sincérité qui les étouffe n’est-ce pas ? J’ais ouïs dire qu’ils t’avaient plusieurs fois utilisé à ton insu. Je ne sais pas si c’est vraiment digne de coéquipiers. Allez, ne te mens pas à toi-même. Combien de fois le lieutenant t’a envoyé à sa place pour dégoter le patron ? Et combien de fois t’as-t-il en fait doubler sur la fin ? Comme s’il ne te faisait confiance que pour appâter ses ennemis.

Il n’y avait pas à dire, le. Pigeon était bel et bien un beau parleur. Et il savait appuyer où ça faisait mal. Mais, comme l’avait dit Land précédemment, personne ne lui avait proposé d’intégrer la marine alors, pour l’instant, et bien qu’il sût pertinemment qu’il avait raison, le malfrat brassé de l’air.

-Je ne suis pas venu pour parler des vertus ou des défauts de la marine. J’ai une question pour toi Pigeon. Qu’est-il …

-… Il est mort.

Cette fois le jeune homme ne put réprimer sa surprise. Comment avait-il pu répondre à une question que personne n’avait encore posée ?!

-Ton père c’est ça ? Je suis presque sûr qu’il est mort. Toi-même tu as dû remarquer que cet homme que tu as vu à l’enterrement de ta mère était un imposteur. Pourquoi avoir usurpé son identité ? Comment ? Mystère. Une chose de plus que la marine tient à dissimuler ... Et puis s’il était encore vivant peux-tu me dire pourquoi le gouvernement a envoyé ce petit con de lieutenant plutôt que de confier la protection de son île natale à ton père ?

-Il était peut-être …

- … Occupé ailleurs hein ? Oui, c’est possible. Mais ne te fais pas de fausses idées gamin. Comme je te l’ai dit, on était ta seule famille. Et maintenant tu es seul.

Il avait prononcé ses derniers mots posément, avec gravité, comme un dernier hommage. Land avait voulu répliquer mais les larmes qui lui montaient aux yeux l’en empêché. Pour que personne ne le voit pleurer il s’enfuit en courant, remonta sur le pont, et là, surprise, Clotho et quelques marines l’attendaient de pied ferme. Land eut un mouvement de recul. Mince, ils savaient qu’il était descendu les voir sans autorisation.

-Ne t’inquiète pas, je savais que tu allais aller leur parler. Tu avais quelque chose d’important à leur dire n’est-ce pas ? Tu sais, si j’avais vraiment voulu que personne n’entre je n’aurais pas placé un seul homme à garder l’entrée. Ils sont enfermés et je sais que tu ne les délivreras pas, j’ai confiance en toi alors …

Le jeune homme sécha prestement ses larmes tout en râlant. Décidément, c’était quoi cette sale manie d’avoir toujours un coup d’avance sur lui ? ça en devenait lassant à la fin !

Un long silence s’installa. Tout le monde savait qu’était venu le temps de l’ultime question. Celle où le lieutenant allait proposer au jeune orphelin d’intégrer la marine. Un truc du genre ‟Pourquoi ne pas faire un bout de chemin avec nous Land” où ‟Tu sais, il reste de la place sur le bateau…”. Mais personne ne voulait prendre les devants. Puis Clotho se décida.

-Dis … Tu ne penses pas que se serais mieux si …

-Est-ce que vous savez ce qui est arrivé à mon père ?

Ah ! Cette fois il ne l’avait pas vu venir le lieutenant ! S’en était satisfaisant. En effet, ce dernier ne savait plus quoi dire, il restait là, à regarder le jeune homme sans comprendre réellement le sens de la question … Ou plutôt sans en avoir vraiment la réponse.

- Ne vous fatiguez pas, j’ai compris … Bon ben, je retourne chez moi. J’ai été heureux de faire votre connaissance et tout et tout … Adieu du coup.

Et il partit. Sans se retourner pour que les hommes à la mouette ne le voient pas pleurer. Il valait mieux qu’il parte avant qu’on lui propose d’intégrer le navire. Car si c’était le cas il n’aurait pas pu refuser. C’est vrai, durant cette affaire il avait pris un certain plaisir à chasser les méchants, mais surtout il avait eu enfin, pour la première fois, l’impression de faire partie d’un tout, d’un groupe où il avait une place. Et en même temps quelle place ? celle du larbin ? celle de celui à qui on ne fait pas confiance ? Et puis il y avait cette histoire avec son père … Le Pigeon avait raison, ils n’étaient pas sincères et il ne fallait pas qu’il les rejoigne. C’est donc à regret, sans laisser le temps aux hommes en blanc de répliquer, qu’il retourna chez lui … Seul.
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Land ! Voilà ce que j'aurais voulu crier quand je l'ai vu s'enfuir. Mais je ne l'ai pas fait. J'ai senti que ce ne serait pas approprié. L'enfant peut fermer un chapitre de son histoire, enfin. Il a passé du temps ainsi, il va falloir qu'il réapprenne à vivre autrement. J'ai été à sa place, je sais donc ce qu'il peut ressentir. Je n'aurais pas aimé qu'on me vole ma fin, alors je lui laisse la sienne. Il a toujours sa maison, même si celui qui lui a vendu l'a volé/arnaqué. Le gouvernement pourrait la réclamer comme dû. Mais sur une île perdue comme celle-ci, il n'aurait aucun intérêt.

On nous a envoyé pour une mission de routine. On a finit par démanteler un réseau un peu organisé, coupable de vols, recèle, arnaque, abus de faiblesse, vol, effraction avec intention de revendre, violence, kidnapping, menaces de mort, trafic de maison, maltraitance sur enfants, extorsion, cambriolage. Le juge va se faire une joie en se saisissant du dossier. Du pain béni, il n'a qu'à prononcer la sentence, rien de plus. La défense pourra faire ce qu'elle veut, même en passant des accords pour se dénoncer les uns les autres, ils finiront en prison. Ou dans la marine d'élite en reconversion, peut-être. C'est ça qui me dégoute dans cette marine, ils prennent n'importe qui.

Une fois les civils remerciés, on quitte l'île. Direction Inu Town, on rentre sur l'île "civilisée". Quant au contenu de mon rapport, je ne change pas grand chose. Je fais passer Land pour une victime plus qu'un complice. La justice ne lui demandera pas de compte, voyant en lui le pauvre orphelin qui s'est fait arnaquer par des professionnels. Le pauvre petit enfant dont ont abusé les méchantes grandes personnes.


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