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L'heure du départ

- Eh Mad'moiselle, t'es charmante. Ca t'dirait une glace à la menthe ?

What ?

- J'en ai plein mon frigo. Chez moi. Juste toi moi.

Le client se met à rire sans raison apparente puis il s'endort tout à coup, faisant raisonner le bruit de sa tête tapant contre la table dans tout le restaurant presque vide à une heure si avancée.
Encore un ivrogne...
Je m'approche de lui et lui tape l'épaule violemment pour le réveiller.

- Vous payez ?

Le client sort de son sommeil difficilement, un filet de bave dégoulinant élégamment de sa bouche. Il me regarde de ses yeux fris et essaye de me toucher les fesses tout en parlant.

- Alors ma jolie ? On a décidé d'accompagner papa ?

Je lui attrape la main avant qu'elle ne touche sa cible et le plaque contre la table en bloquant son bras derrière son dos.

- Tu payes et tu dégages.

Je le libère de sa position pour qu'il puisse payer, ce qu'il fait très naturellement, et qu'il puisse s'en aller, ce qu'il fait aussi sans demander son reste. Je ramasse les Berrys en me rendant compte avec joie qu'il en a laissé bien plus que ce qu'il ne fallait, je place le surplus dans ma poche arrière et le reste dans la caisse du restaurant. Un gros pourboire de temps en temps ça ne fait pas de mal.

Depuis que le patron m'a embauché, il y a de cela trois mois, je mène une vie tranquille et sans aucun soucis. Je ne vole plus, ne me bas plus, j'achète ce que je mange et je dors dans une maison. Enfin, dans un grenier qui ne paye pas de mine mais avec un matelas et de l'eau à disposition. Autant dire que je n'ai jamais eu une vie aussi calme depuis bien longtemps.
Mais tout cela m'ennuie... Je ne vais pas mentir, trouver un train de vie stable n'est pas déplaisant, mais ce n'est pas la vie que je souhaite. Je veux d'une vie pleine de rebondissement où chaque jour mes compétences seront remises en jeux. Ou parfois je devrais me battre pour survivre comme je le faisais avant. C'est peut-être égoïste de penser ça mais je m'en fou. Mon but a toujours été et sera toujours de partir aussi loin que possible, de faire parler de moi, de laisser ma trace dans l'histoire et de, peut-être, revoir Vilma. Mais rester ici avec ce petit boulot et cette vie ne m'avancera à rien.

- Aoi, la table 6 s'il te plait !

Je vais vers les cuisines pour prendre le plat et je le ramène à la table où l'on m'observe avec insistance. De la méfiance et de la peur par apport à mon altercation de tout à l'heure ? Que nenni !
Très vite après avoir été embauché mon comportement envers les hommes et certains clients ont très vite été remarqué par certains types d'individus qui, je ne sais pour quelles raisons, aiment plus que tout me voir en colère et les remettre à leurs places. Des masochistes purs on peut le dire. Je sais qu'il attend que je lève la voix contre lui, il le veut, mais je trouve ça tellement glauque que je l'ignore, comme je le fais toujours. Mais faire ça fonctionne aussi chez eux il faut croire car très souvent je les vois revenir dans l'attente que je leurs dise quoi que ce soit.
On pourrait penser que serveuse est un métier facile mais mon dieu que c'est épuisant... Entre les délires chelous,  les tentatives d'attouchements et la population uniquement composée d'homme je peine à ne pas faire exploser ce restaurant et tous ces occupants avec.

Je me dirige une nouvelle fois vers les cuisines, non pas pour ramener un nouveau plat mais tout simplement pour partir parce qu'il ne reste presque personne, que j'ai passé une longue journée, et que je veux rentrer, tout simplement.
Je sais qu'il ne dira pas non, il ne m'a jamais dit non pour quoi que ce soit. Avec lui je suis libre de faire ce qu'il me plait, nous nous contentons des quelques règles élémentaires de courtoisie durant le travail mais pas plus.
La plupart des clients sont des habitués le connaissant d'avant son métier de cuistot, lorsqu'il était encore un marine respecté et craint. Aujourd'hui encore il l'est mais il n'a plus ce titre de marine cependant. Un vieux souriant, imposant, grand et avec les cheveux grisonnant dont on ne peut jamais connaitre le fond de la pensée.

- Patron, je pars, il est tard et il y a plus personne sauf des habitués.

- Très bien Aoi, à demain.

Je prends ma cape en passant près de l'entrée, l'enfile puis prends mon arc et sors enfin dehors. La fraicheur ambiante m'envahit agréablement et je l'accueille volontiers. J'aime bien la chaleur mais je préfère tout de même le vent glacial de ce début d'hiver. Je m'éloigne du restaurant dont une odeur alléchante s'échappe pour me rendre enfin chez moi.
La ville de nuit a des allures de bêtes sauvages, prête à se jeter sur toi à n'importe quel moment , à t'engloutir entier pour ne plus jamais te relâcher. C'est sans doute pour cela que j'aime bien plus la nuit que le jour. Car la nuit, tout semble plus dangereux, plus électrique, plus violent, me donnant l'impression de ne faire qu'un avec elle.
Les habitants se font rares mais les ivrognes et les personnes louchent beaucoup moins. Une femme voulant se faire de l'argent en vendant son corps à la nuit, un homme cherchant maladroitement la bagarre avec n'importe quel passant, des rires, des cris, du bruits et moi. Moi, laissant une trainée rouge à chaque pas, moi, faisant couper cours à toute discussion, moi et mon capuchon qui ensemble imposons une certaine forme de respect. Celui qui ne donne pas envie à qui que ce soit de venir nous chercher pour créer une bagarre.

Une fois enfin arrivé j'ouvre la porte devant mon bâtiment, et je grimpe les quatre étages pour arriver à mon domicile. Le bâtiment en lui-même ne paye pas de mine, un extérieur en brique, un intérieur en bois, , une odeur de poussière et un grand escalier délabré. J'entends des éclats de voix venant de l'étage du dessous mais je m'en contre-fiche. Les problèmes de couple de mes "voisins" ne m'intéresse pas.
J'ouvre la porte pour retrouver mon chez moi.
Une petite pièce entrecoupé de poutre bien usées par le temps, d'un plancher grinçant à chaque pas et de murs blancs craquelé ici et là. Un taudis pourrait dire certains, un havre de paix pour moi. Mon matelas, étalé au sol, semble m'ouvrir ses bras avec insistance et je me dirige vers lui sans même y faire attention. Je ne suis pas fatiguée, je ne trouverais sans doute pas le sommeil avant un bon moment, mais la sensation d'être allongé confortablement et quelque chose que j'aime plus que tout.
Une sensation qui t'empêche d'avancer, de devenir celle que tu devrais être. Qu'est ce que tu fais encore la Aoi ? Ce n'est pas toi qui t'étais promis de retrouver Vilma et de la surpasser ?

Entrant intérieurement dans un bataille entre mon envie qui veut profiter du confort et de cette vie facile et ma raison qui elle sait très bien ce que je veux réellement, je finis par sombrer dans une nuit sombre et sans rêve, une nuit froide et tristement banale.


Dernière édition par Aoi Fujita le Mar 01 Mar 2016, 20:42, édité 6 fois
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Je me réveille lorsque les premiers rayons du soleil traversent ma chambre. Les mains devant les yeux je m'habitue peu à peu à la lumière et une fois bien réveillée je m'assois sur mon lit.
Le restaurant n'étant ouvert que le soir je ne devrais y aller que dans quelques heures. Je me mets debout et ouvre en grand ma seule fenêtre qui laisse entrer un vent glacé bien qu'il ne fasse pas plus chaud de ma chambre. Le monde dehors s'active, discute avec entrain, joue, rit au final, rien d’anormal. En se fiant à la position du soleil il ne doit pas être plus de huit ou neuf heures. Autant dire que j'ai bien trop dormis et que je suis en retard.
J’enfile mes affaires d’entraînements, soit de vieux habits sales et crasseux, j'attrape ma cape que j'avais posé près de mon lit ainsi que mon arc bien décidée à essayer de rattraper la casse même si je sais déjà que je vais avoir le droit à un sermon.

En entrant dans la rue fourmillante de monde, j'ajuste comme à mon habitude mon capuchon sur le haut de mon crâne. La fraicheur ambiante me fait un bien fou, finissant de me réveiller et me faisant légèrement frissonner.
Je passe sur la place de l'obélisque et j'achète une pomme ainsi qu'un sandwich comme je le fais chaque jour depuis trois mois. Je garde le sandwich dans une main et croque à pleine dent dans la pomme, juteuse à souhait. Le gout acidulé de celle-ci est très vite remplacé par la douceur du sucre, ravissant mes papilles. Je continue de marcher, slalomant entre les habitations, les habitants, les vendeurs et les enfants riant aux éclats jusqu'à arriver à mon lieu d'entrainement qui n’est autre que la maison de mon patron.
Depuis mon embauche il s’occupe personnellement de moi, me permettant d’apprendre des techniques autres que le tir à l’arc, tel que le corps à corps. En trois mois mon corps a gagné autant de masse musculaire qu’en un an d’entrainement solitaire. Ma vitesse, mes réactions, ma puissance, toutes mes capacités se sont accrues de manière rapide. Bien sûr, gagner autant de force signifie que l’entrainement derrière n’est pas tout mignon et tranquille.
Les premières semaines, j’avais l’impression que mon corps n’allait jamais tenir la cadence. J’avais des courbatures absolument partout et un niveau de fatigue telle que le soir lors du travail il m’arrivait de m’endormir en plein service -ce qui me valait une engueulade-. Je ne m’étais jamais sentis si épuisée mais c’était sans compter sur ma persévérance. Chaque jour, j’allais aux entraînements et chaque jour je me prenais une bonne raclée. Et je ne pense pas qu’aujourd’hui non plus cela changera.

J’ouvre la porte de sa maison et pose mon arc, mon sandwich ainsi que ma cape dans l’entrée.
Règle n°1 : Pas d’arc et de cape pendant les entrainements.
Règle n°2 : Tu apportes ta nourriture ou tu ne manges pas.
Je traverse le couloir dont les portes sont toutes fermées –comme toujours- et je sors dehors, dans le jardin qui ressemble plus à une salle d’entrainement d’extérieur. Il est déjà là et m’observe d’un œil accusateur.

- Je sais, je suis en retard…

- Tu sais ce que ça veut dire ?

Je ne dis rien, espérant éviter la punition qui m’attend et que je ne vais pas apprécier.

- Tu me fais 200 pompes et après 10 fois le tour du quartier.

Je soupire bruyamment mais dès le début de mon acte je sais que je n’aurais jamais dû le faire.

- Vu que tu as pas mal de souffle en réserve tu me feras 20 tours de plus.

Je ne dis rien, me contentant de m’accroupir pour commencer mes pompes.

En trois mois je ne connais toujours pas le nom de mon patron. Son passé reste très flou, il n’en parle jamais bien que j’ai finis par comprendre d’après quelques discutions que c’était un ancien marine, et il devait être plutôt bon quand on prend en considération son expérience de combat. Au début bien sûr les entraînements furent très durs. Je ne voulais pas l'écouter, c'était un homme après tout, pourquoi l'aurais-je fais, l'idée de m'entraîner avec lui m'était inconcevable mais au fil des jours j'avais fini par mettre ma fierté de côté pour accepter son offre. Après tout, je peux toujours essayer et si ça ne plait pas je lui ferais savoir m'étais-je dis.
Trois mois plus tard, me voilà toujours ici avec un actif de 78 défaites pour 0 victoires en combat. Ses entrainements ont fini par devenir ma source de canalisation. Je suis moins violente avec les autres -légèrement moins violente il ne faut pas abuser-, bien moins énerver contre le monde entier et mon aversion pour lui a finit par devenir une forme de respect. J'ai drastiquement évolué mais mon comportement respectueux ne s'applique que pour lui, les autres hommes sont toujours des moins que rien pour moi.
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A bout de souffle, je finis enfin le dernier tour du pâté de maison. Je retourne dans l’appartement du patron qui m’attend patiemment en mangeant un sandwich… mon sandwich.

- Excuse moi mais je crois que ce que tu manges m’appartient !

- Et ?

- Et je mange quoi moi juste comme ça ?

Le patron me regarde, imperceptible, puis il retire mon sandwich de sa bouche et me le tend.

- Tiens.

Je fais mine d’avoir un haut le cœur puis tends mes mains en signe de refus.

- Ca ira j’attendrais ce soir pour manger…

C'est la deuxième fois que cette scène se produit et déjà la première fois je l'avais très mal pris mais le fait qu'il le fasse une deuxième fois… Je me dirige vers les sacs de boxe pour éviter de trop me refroidir alors que je suis encore à chaud de mes entraînements précédents et je frappe dedans avec autant de hargne que possible.
Il m’agace réellement et je n’ai qu’une envie qui est de lui refaire le portrait. Que je lui montre que je ne suis pas une fille fragile et faible dont on peut facilement se moquer. Car je prends son acte comme une forme de moquerie. Mais il y a une différence entre vouloir et pouvoir et je sais qu'actuellement je suis loin d'avoir le niveau de le mettre à terre.

- Tes bras sont trop hauts, tu laisses trop d’ouverture et tes jambes sont trop raides.

Il est arrivé sans faire de bruit, comme une ombre. Je donne un dernier coup de poing dans le sac puis un coup de pied avant de me retourner vers lui.

- Vous avez fini de manger ? On peut commencer le vrai entrainement ?

- Tu es pressée ? Tu sais que la précipitation n’entraîne rien de bon n’est-ce pas ?

- Oui, oui, je sais, je sais.

En vérité je ne l’écoute même pas, me dirigeant vers le centre du jardin. Celui-ci est exceptionnellement grand pour se situer dans Saint-Urea. Une partie a été aménagé avec des équipements divers et variés pour améliorer la musculature. Barres de tractions, poids, sac de frappe, tapis,… Le reste constitue mon lieu de prédilection : le tatami de combat. Ici, il n’est donc pas question de petites fleurs et de potager mais d’un véritable lieu d’entraînement.
Le patron me suit de près puis ce met en position. Une position que je connais très bien maintenant et dont je connais les points faibles. Ses côtes ne sont pas protégées, ses tibias peuvent facilement recevoir des coups, mais son visage, ses bras et son torse son inaccessibles.
Je me mets moi aussi dans une position me permettant de protéger la majorité de mon corps, surtout mes jambes, et d’éviter ses Uppercuts que j’ai déjà eu l’occasion de gouter et qui m’ont mis KO en quelques secondes.

- Tu es prête ?

- Plus que je ne le serais jamais.

Et ainsi, le combat commence.
Dans les combats, le plus important est de frapper en premier et de ce fait, d'infliger le plus de dégâts possible à l’adversaire de façon à le mettre en mauvaise posture. Mais connaître le moment opportun pour frapper est une autre histoire. Si on le fait sans réfléchir, la personne en face peut facilement éviter et infliger un coup, mais si on attend trop, l’adversaire peut quant à lui frapper en premier et de manière réfléchie. Il faut donc réfléchir vite et bien.
J'opte donc pour un Front-Kick bas pour lui toucher les mollets et essayer de le ralentir. Il pare mon coup de manière attendue et j'en profite pour lui assener un coup de pied en marteau qui consiste à toucher la tête par le haut l'arrière du pied. Il se recule et évite ainsi le coup de justesse.

- Pal mal ton enchainement, si tu te battais comme ça tous les jours les combats seraient bien plus intéressants !

Je ne bronche pas et reste en position m'attendant à recevoir un assaut de sa part ce qui ne tarde pas à arriver. Il commence par un coup de coude horizontal en direction de mon visage que j'évite sans soucis pour ensuite m'attraper le cou et ainsi me donner un coup de genoux en plein dans les cotes que je n'évite pas.
J'encaisse la douleur et lui assène un coup de pied bas qui le fait basculer en arrière, lui faisant lâcher prise et me permettant de me reculer. Respirer me fait désormais un mal de chien mais ce n'est surement pas un petit coup comme celui-ci qui me mettra à terre. Je profite du moment où il se relève pour lui donner un coup de coude sur le haut du crâne en sautant mais il s'écarte légèrement juste avant l'impact ce prenant l'attaque dans l'épaule. Je l'entends grogner et je prends ça comme un petit signe de victoire mais je sais que je suis très loin de le mettre Hors d'état de nuire.

Il me pousse violemment en arrière, me faisant vaciller mais je ne tombe pas. Malheureusement mon attention est tellement portée sur le fait de ne pas tomber que je n'ai pas faits attention au fait qu'il revient la charge. Il commence par me donner un coup de pied direct dans l'abdomen me coupant net la respiration et juste avant que je ne tombe il enchaîne avec un uppercut. Je sens un gout de fer dans ma bouche et ma langue qui me fait affreusement mal. Je viens juste de me la mordre... Quelle intelligence vraiment !

Je tombe à terre dans un gémissement et je roule sur le côté pour éviter son coup de pied. Je me relève en vitesse sans lui laisser l'occasion de faire quoi que ce soit et nous nous regardons fixement quelques instants.

- Pas trop en miette ? Tu peux déclarer forfait tu sais ?

Je crache du sang avec de m'essuyer la bouche et de me remettre en position de défense.

- Déclarer forfait ? Je suis blessée que tu puisses penser une seule seconde que je le fasse.

Maintenant je dois surtout la jouer sécurité. Encore un coup bien placé et je ne pense pas pouvoir me relever. Il faut donc je le mette KO rapidement et sans me recevoir de coup.
Que c'est beau de rêver Aoi...
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Adossée à la façade extérieur de la maison j'observe les passants sans faire attention au coup d'oeil qu'ils me lancent. En même temps je suis dans un sale état ce qui ne m'était pas arrivé depuis un bon moment. L'arcade sourcilière ouverte, la lèvre fendue, un nombre incalculable d'hématomes et une désagréable impression d'avoir un oeuf sur le haut du crâne. Je me suis faite salement laminer. Pour comprendre comment tout cela s'est passé il faut retourner quelques minutes en arrières.

Je venais de me remettre debout et j'étais prête à tout donner pour essayer, je dis bien seulement essayer de mettre à terre mon patron.
Alors que je m'apprêtais à me jeter sur lui pour tenter un croche bas suivi d'un poing il m'attrapa par le col et me jeta par terre. Mon poids plume n'aidant pas je m'écrasais au sol de manière totalement inattendu et, ne pouvant rien faire, je me pris un coup de pied dans le ventre puis dans la foulée un magnifique crochet dans le visage. La chute m'ayant ouverte l'arcade sourcilière, son crochet suffit à me mettre KO en me fendant la lèvre par la même occasion.
Sous le coup du choc je n'avais rien fait me contentant d'essayer de respirer tant bien que mal. Puis très vite, une très forte envie de vomir l'intégralité de mon petit déjeuner, soit une pomme, se fit ressentir et j'eu tout juste le temps de tourner la tête pour me vider les intestins sur le tapis de combat.

Jamais il ne m'a combattu de façon si violente et réelle. Je m'étais pris une dérouillée mais j'avais l'impression d'avoir appris autant de choses quand une semaine d'entrainement juste avec ce face à face. J'avais été en situation réelle face à quelqu'un d'expérimenté et je sais à présent à quoi m'en tenir réellement.

Je sens un mouvement près de moi et sans même tourner la tête je comprends que c'est le patron qui se tient là. Son aura est tellement perceptible que n'importe qui peut ressentir sa présence.

- Alors ? Pas trop mal au point ?

Il m'a soigné, enfin il a surtout épongé mon sang et vérifié que je ne méritais pas de point de suture avant de me laisser sortir.

- J'ai connu des jours meilleurs on va dire.

Soudainement, l'envie d'en savoir plus sur lui me vint. J'en avais assez d'affronter un inconnu.

- Dites-moi, comment-vous vous appelez ? Et surtout, une question que je me pose depuis un petit bout de temps, pourquoi vous êtes cuistot alors que vous étiez marine ?

Il ne dit tout d'abord rien puis, sortant une cigarette de sa poche et tirant un longue bouffée après l'avoir allumé il finit par me répondre.

- Lazare.

- Comme quoi Lazare fait bien les choses.

Après avoir rigolé pendant quelques secondes et mettre fait assommer il reprend.

- Tu as fini par comprendre que je faisais parti de la marine. Mais c'était il y a bien longtemps. Certes, j'allais souvent au front, j'étais plutôt bon dans mon domaine qui était la défense mais étrangement, plus le temps passait, plus je ne me sentais pas à ma place. Les décisions du gouvernement me plaisaient de moins en moins et j'ai fini par quitter la marine, en bon terme tout de même. Mais aujourd'hui encore, je suis contre une grande majorité des actions du gouvernement. Et je suis devenu cuistot tout simplement parce que j'aimais cuisiner et que j'étais pas trop mauvais.

- Mais, si vous faisiez parti de la marine, pourquoi entrainer une délinquante aspirant à devenir pirate ? C'est illogique. Vous aidez ce pourquoi vous vous êtes battu.

- Je n'ai plus rien à voir avec la marine dorénavant, si quelqu'un pouvait changer ce qui si déroule ça ne me dérangerait pas le moins du monde. Je t'aide avant tout parce que tu as du potentiel, un réel potentiel, et que je trouve ça dommage que tu le gâches. Ce que tu deviendras par la suite ne me regarde pas, je m'en fou même, mais je veux seulement que tu exploites toutes ces facettes de toi que tu ne connais pas, pour aider les autres si possible. Et je tenais aussi à te dire que tu as déjà fait des progrès ahurissant en quelques mois. Il m'aurait fallu bien plus de temps pour apprendre ce que tu as appris et pour obliger quelqu'un de mon niveau à se servir de toutes ses capacités pour me mettre KO.

Tout en me frottant la bouche où le sang séché me colle aux lèvres, je ne montre pas que je suis fière de moi. J'ai l'impression qu'il est fier et qu'il attend beaucoup de moi. Il ne va pas être déçu, j'ai l'intention de me faire connaitre. Mais ma façon de faire ne va sans doute pas trop lui plaire...
Une pirate n'est le plus souvent pas très règlo et ne cherche pas à faire dans la douceur mais surtout dans la légalité. Même s'il dit que son passé de marine est derrière lui je pense qu'intérieurement il préférerait que je devienne une gentille fille docile, ce servant de ses nouveaux atouts pour le plus grand nombre.
Mais non. Non je ne deviendrais pas gentille. Non je ne rejoindrais pas la marine. Non je n'aiderais pas les pauvres dans le besoin.
Et oui. Oui je tuerais sans froid s'il le faut. Oui je continuerais à voler. Oui je resterais la fille sauvage d'avant mais plus forte et dangereuse.

Au final, j'ai toujours senti qu'il voulait que j'aide les autres, qu'il essayait de dompter la sauvage petite fille que je suis toujours. Et lui n'a sans doute pas compris que je cherche seulement à devenir plus forte avant de prendre la mer. Si je suis si gentille avec lui c'est uniquement pour cette raison. Après tout, c'est un homme alors pourquoi aurais-je de l'affection pour lui ? Je lui voue du respect mais seulement pour sa force de combat que je suis bien obligée d'admettre.

Tandis que je continue à penser tranquillement Lazare, de son nom que je connais à présent, me fait une proposition des plus surprenante.

- Aoi, ça te dirais de prendre la mer et de partir pour Tanuki ?
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Tout d'abord bouche bée, je me mets en position de défense immédiatement. Une proposition si soudaine est tout sauf normal et voir quelque chose que je désire autant me tendre les bras me semble d'autant plus louche.

- Pour ? Pourquoi devrais-je partir pour Tanuki ?

Il se frotte le menton où une petite barbe commence à apparaitre, cherchant surement les mots justes. Et il peut les chercher, ce n'est pas comme ci j'allais sauter sur l'occasion ! Enfin oui. Mais non.

- Comment dire... Je t'ai appris tout ce que je pouvais sur les connaissances brute du corps à corps, ce qu'il te reste à apprendre ne pourra t'être inculqué que par l'expérience que tu acquerras au fil du temps. Tu sais te battre mais, face à quelqu'un comme moi ayant un bon paquet d'année au compteur tu n'avais aucune chance, même avec des connaissances égales.

Ce qu'il me dit tient la route. C'est même logique et tout à fait normal. Une jeunette de 14 ans face à un vieux de... 50 ? 60 ans ? Enfin face à un vieux était déjà un combat couru d'avance, d'autant plus quand le vieux en question est un ancien marine.

- Vous pensez donc que j'ai déjà tout appris ? Mais alors pourquoi Tanuki ? Et puis, je ne connais rien de cette île...

- Tanuki est la ville où j'ai grandi, j'ai quelques connaissances là-bas dont une jeune femme qui pourrait t'aider à... à trouver ta voie ? Je ne sais pas comment dire ça mais cette femme à un don pour savoir tout de suite le meilleur pour toi. Et c'est tout ce que je te souhaite. Je l'ai contacté il y a quelques jours et elle serait ravie de te rencontrer. Et Tanuki est une petite île sans histoire, une île de mouton.

Il est sérieux ?
Je me tourne vers lui et en effet, son visage est on ne peut plus sérieux.
J'avais donc raison, il veut que je devienne une gentille petite... bergère ? Il y a des moutons si j'ai bien compris ce qu'il vient de me dire. Je vois d'ici la femme style grand-mère sénile pour qui tout le monde doit être ami avec tout le monde.

- Ma petite Aoi ! Que tu es mignonne ! Tu as tout d'une parfaite gentille fille ! Allez viens là pour devenir une gentille petite fille adorable !
Tout cela en me touchant de ses mains fripées...


Ah ! Un frisson me parcours l'échine et j'essaye de ne plus penser à ce scénario. Ce qui est, il faut l'avouer, difficile. Je n'ai rien contre les personnes âgés ! Mais je ne supporte qu'ils me touchent.

- Vous voulez donc m'envoyer sur une île de... mouton ? pour que je rencontre une de vos connaissances ? C'est quoi le piège ?

Je sens qu'il y en a un.
J'allai sûrement y aller, bien sûr.
Je n'allais pas écouter la grand-mère et m'enfuir, d'autant plus que Tanuki étant une île d'élevage sans histoire de ce que j'ai compris, je pourrai aisément voler un navire pour m'enfuir.

- Il n'y en a aucun, parole de marine. Tu rencontreras mon amie et vous discuterez quelques temps. Puis te sera libre de tes mouvements. Je ne t'oblige en rien, tu peux tout aussi bien rester ici.

Partir ne me fait ni chaud ni froid. Je ne pense pas encore avoir pris conscience de l'ampleur de sa proposition et de ce fait de la chance qui m'est offerte.

- Si j'accepte, je partirai quand ?

- Un navire marchand emportant une cargaison de viande de mouton devrait amarrer demain dans la matinée pour lever l'ancre tard dans la soirée. Si tu acceptes, je les préviendrai qu'une invitée surprise sera de la partie jusqu'à Tanuki. Ces marchands sont très aimables, cela m'étonnerait qu'ils refusent.

Je n'ai en aucun cas un bon souvenir des marchands sur les navires. Après tout, lors de ma fuite de la nouvelle Réa à bord d'un bateau marchand j'avais failli être vendu pour redevenir une esclave et j'avais dû éliminer le capitaine et son abruti d'acolyte.
Mais après tout, je l'ai déjà fais une fois et comparé à cette époque, je suis bien plus forte physiquement et mentalement. S'il le faut, je réitérerais l'expérience bien que ne le souhaite pas pour les marchands.

L'offre de Lazare est alléchante il faut l'avouer mais il y a quand même quelques zones d'ombres. La plus grosse d'entre elle étant : pourquoi enverrait-il une fille comme moi, imprévisible et pas très douce, sur une île sans histoire ? Je ne vais pas accepter si facilement, il faut que je pèse le pour et le contre avant tout.

- Je suis d'accord, je vais partir pour Tanuki.

Parfois je me surprends à moi-même en voyant à quel point je suis une abrutie. Ma raison intime fermement à mon envie de la fermer très sérieusement et je suis totalement de son avis.

- Parfait. Ce soir, pas de service pour toi tu t'en doutes. J'irais voir les marchands demain matin lorsqu'ils arriveront et je leurs expliquerais. Tu devras être au magasin avant la tombée de la nuit que je t'emmène jusqu'au navire car je doute que tu saches lequel prendre une fois au port.

Il me donne une grande tape dans le dos, me faisant grimacer de douleur avec toutes les contusions que j'ai déjà, montrant à quel point il tient à moi. Peut-être me considère-t-il comme une fille pour lui ? Brrrr, je préfère ne pas y penser. Vivre sans père me va parfaitement !

- On c'est déjà très bien entrainé pour aujourd'hui, va donc chez toi, tu dois préparer tes affaires...

Mes affaires ? Il sait tout aussi bien que moi que je n'en ai presque aucune

-... et surtout tu dois te reposer pour être en forme pour demain. Tu en as pour un petit bout de temps en mer une fois que tu seras partis.

Je ne sais pas trop quoi faire... Le remercier ? Partir sans rien dire ?
Même si cela change grandement de mon habitude qui est de l'ignorer j'opte pour l'option "Se retourne et faire un léger signe de main". Ce n'est pas un merci juste un au revoir. De toute façon je le reverrai demain et, si je suis vraiment bien luné, peut-être que je pourrais lui dire merci. Mais cela reste encore très largement à voir.
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Je parcours les ruelles de cette ville qui est dorénavant comme une maison pour moi et que je quitterai demain. Les gens vaquent à leurs occupations quotidiennes, me jetant de temps à autre un regard interrogatif.
J’ai même fini par oublier que je m’étais blessé au visage et que je n’ai toujours pas mis la capuche de ma cape ce que je m’empresse de faire.

Cette ville va-t-elle me manquer ? Je ne saurais le dire tout de suite. Sans doute mais mon envie de parcourir le monde est bien trop importante pour que je me refrène pour si peu. Un brin de nostalgie s’emparera surement de moi de temps en temps mais en arrivant sur Tanuki je serais libre de mes mouvements.
Il faudra que je me trouve quelqu’un pour m’emmener sur les mers et ne pas dériver bêtement mais j’y arriverais. Je le sens. Je sais que mon destin changera dès le moment où je quitterais le sol pierreux de cette ville que j’ai à de multiples reprises maudit, puis adoré.

Je rentre chez moi et observe cette pièce qui dans quelques jours appartiendra surement à quelqu’un d’autre. Tout à coup las de cette petite pièce, je ramasse mes quelques vêtements et les empiles dans un sac de fortune. Je me rends ensuite dans la salle de bain où je constate avec effroi qu'en effet je fais vraiment peur à voir.
En plus de mon arcade sourcilière gauche où du sang séché recouvrait l’ouverture un joli œil au beurre noir commençait à faire son apparition. Ma lèvre inférieure a doublé de volume en plus d’avoir bien rougi. Je me déshabille pour prendre une douche bien méritait en voyais déjà des formes vertes apparaître sur mes côtes et mes cuisses. Il ne m’a vraiment pas loupé.

Restant sous l’eau jusqu’à ce que l’eau chaude disparaisse je ne pense à rien. En fait je ne pense pas à grand chose depuis la proposition de Lazare.
Je m’habille avec ma tenue habituelle en prenant garde à bien bander ma poitrine qui, à mon grand malheur, grandit un peu plus chaque jour. Un véritable calvaire.
Une fois cela fait je sors dehors me prendre à manger pour le soir, rentre, observe les passants dont leurs vies me font penser à une petite pièce de théâtre puis je mange le repas acheté plus tôt et je pars me coucher sans parvenir à trouver le sommeil immédiatement. Comment penser un seul instant que ma vie changera demain ?

Le lendemain, ma journée se déroule au ralentit. Pas d’entrainement, rien de prévu jusqu’au soir et donc tout autant de temps libre.
Je décide de me balader dans la ville que je ne reverrais pas avant longtemps.
La place de l’Obélisque où j’ai rencontré pour la première fois Ethan, le port où j’ai pu revoir Vilma, les multiples arbres dispersaient dans la ville m’ayant servit de couchage, la taverne où les marchands ont voulu me vendre puis quelques mètres plus loin, la boutique où je les ai tué. Des places me remémorant bon nombres de souvenirs, plus ou moins joyeux mais toujours très enrichissants.
Le coucher du soleil arrive bien plus rapidement que ce que je pensais et je rentre chez moi en prenant mon petit sac puis sors de la pièce qui était il y a encore quelques secondes ma chambre pour me rendre vers le restaurant où Lazare doit m’attendre.

Je marche sans réellement en prendre conscience et, arrivé au restaurant, je retrouve un Lazare fumant une nouvelle cigarette et m’attendant.

- Enfin là ? J’ai cru que tu allais me faire faubond.

- C’est totalement débile, pourquoi je ferais ça ?

- Parce que tu aurais peur de quitter cette ville peut-être ?

Il n’en a pas l’air mais il est tout de même assez perspicace. En fait je pense que c’est ça, j’ai peur de quitter Saint Urea. Je n’ai que 14 ans, découvrir le monde est quelque chose qui m’émerveille mais qui me terrifie à la fois. Ici je connais toutes les rues, j’ai un train de vie, je suis normal en quelque sorte. Mais si je pars je sais que je repartirais à la case départ.
Mais malgré tout je veux partir car je sais que ça ne m’apportera rien de rester ici, que je ne suis plus une gamine apeuré et faible, que j’ai un réel besoin de partir à l’aventure.
Je ne lui réponds pas, attendant qu’il finisse sa cigarette pour que nous nous mettions en route ce que l’on ne tarde pas à faire.

Nous ne parlons pas, ce qui ne me dérange pas, et je ne fais que le suivre vers le port puis vers un petit navire d’où une très forte odeur de sang de fait sentir.

- Voilà votre navire ma chère.

Je monte à bord pour découvrir un pont rougeâtre à certain endroit. Trois voile, une trappe pour aller dans la soute, et rien d’autre de bien particulier. Le logo du bateau -une tête de mouton que c’est original- se retrouve sur une majorité d’endroit.
Les membres de l’équipage arrivent un à un jusqu’à se retrouvait au complet au nombre de huit. Trois femmes et cinq hommes. Le plus jeune doit avoir dans les 16 ans et la plus vieille le même âge que Lazare à quelque chose près. C’est d’ailleurs elle qui s’approche de moi et qui me tend la main. Une femme de ma taille, quelques rides marquant son visage, des cheveux coupé cours bien gris.

- Cassiopée, capitaine de ce navire ravi de te rencontrer.

Je lui tends la main, tout d’un coup détendu. Le capitaine est une femme, je n’aurais pas pu rêver mieux !

- Le plaisir est partagé. Merci de m’accepter à bord.

- Tu dormiras en soute avec les autres membres de l’équipage. Je te préviens tout de suite, l’odeur de la viande et du sang et omniprésente alors ne soit pas surprise.

J’acquiesce prête à accepter toutes les contraintes qui me seront exposées. Je devrai aider sur le pont pour le nettoyage puisque nous en avons pour quelques jours de voyage, Tanuki se situant sur North Blue. Je m’apprête à descendre dans la soute lorsque la capitaine dit que nous allons lever l’encre mais je m’arrête me souvenant uniquement maintenant de la présence de Lazare. Je devrais le remercier après tout.
Je me retourne mais ne vois personne.
Il est déjà parti ?
Légèrement déçu je pose mes affaires sur mon couchage qui est un hamac puis remonte sur le pont et me met à l’arrière. Le bateau se met à partir une petite dizaine de minute plus tard et j’observe la ville se rétrécir et s’éloigner peu à peu. Soudain, je remarque au loin une forme familière.
Il est revenu. Lazare se tient sur le quai du port et me regarde m’éloigner. Je ne lui fais aucun signe, je n’essaye pas de crier pour lui dire au revoir ou merci. Je l’observe simplement tout en m’éloignant.
J’observe cette ville, qui était devenue ma maison, disparaître et une légère pointe de tristesse s’empare de moi.
Je reviendrai. J'en fais la promesse
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