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La diarrhée des anges

Alors je gambade à travers Bulgemore en songeant à toute cette merde qui remplit mes godasses.
Un petit bouquin sous l'aisselle, La Biographie de Wrath par Ankou. Offert par les ivrognes du Troquet qui pensaient que ça égayerait mon séjour, et ils avaient raison.

***
J'ai du acheter c'truc un soir où j'étais très bourré et que j'me souvenais pas que j'ai jamais appris à lire ! Tiens, p'tit cadeau !
C'est gentil.

Ce bouquin sera soit un filon d'informations, soit un torchon plein de merde. Dans tous les cas, ça m'fera de la lecture pour le trajet, et du papier-cul aussi peut-être. J'me sens à l'étroit. L'impression d'être intriqué dans quelque chose qui me dépasse...

***
Ouais, une belle ressource. La bio de Jack par son scribouillard Ankou. Et s'il est si bon capitaine que ça, m'étonnerait qu'elle soit objective, p'tete qu'elle m'apprendra rien de concret. Mais de simples indices sur sa personnalité, qui transparaîtront forcément à travers les récits d'ses promenades sanglantes, m'aideront à concevoir des plans fiables sans trop risquer d'me lourder. Connais ton ennemi comme toi-même, tout ça, et encore, mon esprit me fout bien plus la trouille qu'un gorille ivre mort, mes idées macabres ont pas encore fait la paix avec mon âme. Elles sont juste baillonnées et séquestrées dans un coin...

Mars me l'a bien dit. Si je joue au hors-la-loi involontaire qu'a bu un plein bol d'emmerdes et qui cherche à évacuer ce qu'il a avalé avant de s'en bouffer d'autres, j'ai mes chances. Mon rôle sera celui d'un homme-poiscaille timoré et paumé qui a très peur des pirates... et qui traîne 105 millions de prime comme une lourde épée de Damoclès qui lui caresse le cuir chevelu. 105 millions. Ça fait 105 fois mon salaire de l'époque. Frangin et moi aurions du partir sur un sea-trip de chasseurs de primes hommes-requins, duo stylé et efficace, qui engrange des fortunes en rayant des nuisibles, et en choisissant la teneur de leur Justice. On aurait même pu partager du gâteau avec la révo', car elle est là l'issue à cette labyrinthique énigme qu'est la Justice : un mélange onctueux de tout ce qui se fait de bon dans chacun des camps.

Trop tard pour regretter les bourdes d'orientation. J'divague, j'divague, et j'risque d'oublier de garder mon cap, tandis que j'me laisse emporter, une fois encore, par un courant qui me dépasse un peu. La Révolution s'est imposée à moi comme une évidence, mais la Marine aussi l'avait fait, il y a six ans, avant de peu à peu ne se révéler que comme étant un grossier mirage qui ne tromperait que des mômes aux mirettes obstruées par des idéaux.

On a beaucoup chié sur mes idéaux. Ils puent la merde désormais... J'y toucherai plus. M'en faut d'autres.

J'vais te retrouver, Tark ! On parlera ensemble de l'avenir qu'on envisage. Je sais que les geôles et les arènes n'ont pas pété les genoux à ta résolution d'apporter nos pierres stables à cet édifice bancal qu'est le Monde : au contraire, tu dois être bouillant d'une rage contenue qui ne demande qu'à être convertie en passion.

Bref, j'pensais pas que mon cul valait un investissement de 105 millions, le gouvernement est d'une rancune exacerbée quand on lui la met à l'envers. J'espère que l'appel de Jack n'est pas un horrible canular herissé de piques, un filet qu'il jette dans les océans pour pécher tous les primés les plus couillons avant de les revendre à la Mouette qu'il est censé servir...

... d'un autre côté, réfléchis, tocard, un appel aux brutasses aurait été plus efficace qu'un bête appel aux scientifiques pour une chasse aux primés. Il faut que j'claque ma parano, et cultive ma confiance. C'est ce qui décidera du bide, ou pas, de cette infiltration.

Alors je souris. Je souris à plein crocs en déambulant dans les plus étroites veines de cette grande cité cancéreuse. Je me force à sourire et ça me déchire les joues. Sans rire, littéralement. Si peu habitué à la manoeuvre que je viens de m'ouvrir l'intérieur de la joue avec l'un des rasoirs maladroits qui me sert de canine. Putain.


Dernière édition par Craig Kamina le Dim 14 Fév 2016, 04:52, édité 2 fois
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Un autre troupeau de marins qui galope dans la rue d'à côté. Plaqué contre un mur, j'avance à tâtons, petit à petit, très lente progression vers le port, en faisant très attention à ne pas être remarqué par le moindre rat. Ça fait dix minutes que j'me frotte à ce foutu mur pendant qu'à côté, le flux de petits soldats ne cesse de s'emballer. Vers le Nord, ou vers le Sud, ils trottent dans tous les sens, cette ville est sous une putain d'effervescence.

On n'est pas un jour comme les autres, m'étonnerait que ces tirs, ces explosions et ces hurlements soient quotidiens, à moins qu'on n'soit voisins de l'Enfer. Une espèce de bande-son ambiante qui envahit toute la cité, le même boucan tourne en boucle. C'est comme si de grandes batailles interminables faisaient rages d'un bout à l'autre de l'île. Je n'en ai traversée aucune mais je sais qu'elles sont là, quelque part, à m'attendre pour foutre en l'air tous mes efforts. Je tente de les contourner tant bien que mal, sans savoir à quoi j'ai affaire, sans savoir non plus si je suis sur la bonne voie. Toute l'histoire de ma vie, hinhin. J'erre en zig zaguant entre les affrontements.

J'avais pensé m'immiscer par les égouts sous forme de gadoue pour me laisser porter vers la mer, mais comme j'ai aucune idée d'à quoi ça ressemble là-dessous, le risque de noyade est un peu trop grand, pas envie d'obstruer mes poumons des fientes des Bulgemoriens, ils doivent déjà ressembler à des salières...

Ceci dit, clair que si j'continue à avancer à ce rythme, j'serai pas sur le port avant la nuit. Va falloir faire un choix.

Ça s'est calmé, je crois. Bulgemore hurle toujours, mais cette rue semble avoir retrouvé la paix. Pour combien de temps ? J'penche un museau timide pour m'assurer qu'elle soit déserte.

Elle l'est !
Et en face, une place, introduite par une petite entrée dérobée. Mon prochain point de passage. On progresse, lentement mais sûrement. Un petit escargot discret arrive plus souvent à destination qu'un lièvre traqué par une meute de loups.

Je me lance, ce n'est qu'une dizaine de mètres. L'affaire de quelques secondes. Mes godasses frappent le pavé, ma langue à l'abri dans ma gueule caresse la fissure sanguinolente que j'me suis dessiné tout seul, comme un grand, sur la paroi intérieure de ma joue souffreteuse. Le sang. Le sang est nauséabond. Le sang viole mes papilles et incendie mes sinus. Il s'immisce dans les creux de ma mâchoire, forme de petits marécages d'hémoglobine à travers ma bouche, qui doit devenir un odieux paysage de cauchemar aux cascades rouges et aux plaines pourpres.
Je teste une idée qui a fugacement salué ma cervelle. Mobilise mon logia pour convertir mes écailles en boue, puis m'inonde la bouche de pâte brune. Euh... Je n'ai plus cet odieux goût du sang, le voilà remplacé par la saveur âcre de la gadoue humide.

Je ne sais pas vraiment ce qui est le pire.

BANG

Une lourde détonation qui flotte à travers les secondes.
Un impact sous ma gorge, comme un coup de poing en plus vif et chirurgical. Des gouttelettes brunes giclent sous mes mirettes écarquillées.
Je connais cette sensation, c'est le baiser du plomb. Une balle vient de me perforer le cou, pourtant aucune âme folle ne traîne ses boulets dans cette rue, je suis seul.
Mon souffle s'interrompt un instant, ma cervelle rentre aussitôt en ébullition.
Encore un foutu sniper ?

Il n'a pas pu paner aussitôt que son tir ne m'avait pas égorgé. J'sais pas s'il est capable d'enrober ses cartouches dans un épais et mortel cocon de haki : j'vais pas rester pour lui demander. Par prudence, je me jette en avant tout en placardant mes biceps boueux devant mon crâne et mon cou, tentant de rejoindre plus vite le prochain sanctuaire. Vieux réflexe de soldat. Mes muscles se contractent, se crispent et se durcissent comme s'ils se changeaient en bois rongé par un filandreux stress. Et tandis que la fosse béante dans ma gorge se résorbe, je déglutis, invitant toute la boue qui me stagnait dans la bouche à venir visiter mon système digestif.

Ça, ça va me faire oublier le goût du sang.

BANG

Son fusil tonne à nouveau : cette fois-ci l'orage ne m'atteint pas, mais me frôle la gueule en me sifflant au passage dans les esgourdes. Est-ce qu'il essayait d'achever son job de boucher ? La réponse est plus vicieuse que j'pensais. La balle, en partant s'écraser sur les pavés dans un tintement strident, a explosé et libéré un nuage de sharpnels. De multiples grumeaux de fer viennent plonger dans mes pattes, mon bide, mon museau et l'un d'eux se paye même une tranche de mon oeil gauche. Et je vacille sous l'impact, perdant ma trajectoire, l'impression d'avoir encaissé tant bien que mal la charge d'un taureau. D'ignobles crevasses dessinées sur mon corps, elles se referment en gargouillant. Par terre, de la boue a giclée par flaques, intérimaire de mon sang. Si mon agresseur se posait des questions sur la nature de mon corps, ce festival de gadoue doit lui avoir ôté ses derniers doutes.

Si cette enflure maîtrisait le haki, j'étais mort et re-mort.

Puis à nouveau je trouve un refuge. Une place marchande striée de stands désertés. J'sais pas si j'me suis extirpé de la vue de ce rapace, mais j'imagine que puisque j'ai eu droit à quelques secondes de paix, je dois avoir atteint l'un de ses angles morts. La gorge, puis les sharpnels. Sérieusement ? C'est de l'exécution sans sommations. Quel fils de chacal dégénéré bute salement sans crier gare le premier criminel venu tout en arborant le plumage de la mouette ?

Pas la marine. Non, j'avais faux. Les marines sont de braves toutous. S'il en avait été un, il se serait contenté de signaler ma position à ses supérieurs, qui seraient venus me baver sagement leur protocole d'arrestation à la face. Ils doivent être au courant que je suis intouchable par des moyens conventionnels, en plus, on ne gaspille pas ses munitions en temps de guerre.

Un clebs du cipher pol ? Habituellement, ils préfèrent frimer devant leurs victimes en exposant le rokushiki, leur art martial de cirque. Peut-être que j'ai affaire à une équipe, une équipe couverte par un tireur d'élite. Mais ils m'auraient déjà fondu dessus si c'était le cas, non ? Pourquoi m'auraient-ils laissé déambuler dans les ruelles alors que c'est le lieu idéal pour créer des cadavres dans la plus grande intimité ?

Pas la marine. Pas le cipher pol. Il nous reste quoi, dans la famille des charognards ?

Un molosse chasseur de primes ? Probable. Ouais. Un bête touriste mal renseigné qui se contrefiche des dommages collatéraux. C'est leur genre de s'embusquer. Et d'oeuvrer en solitaire.

Peu importe, ma fine couverture vient de se faire déchiqueter. Je dois filer d'ici avant que ce cinglé ne devienne dangereux pour de vrai.

Mais... Mais si je me carapate sans le neutraliser... Cet excité pourrait me suivre et foutre en l'air ma mission.
Autant faire les choses bien, ne rien laisser derrière moi. Je vais dénicher son terrier, et lui montrer qui est le prédateur.
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Pendant ce temps, à quelques kilomètres de là, un ricanement sinistre effraye les mouettes.

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Est-ce une réelle partie de chasse lorsque la proie est un poisson ? Mon très cher fusil ne se recycle-t-il pas en canne à pêche pour cette unique occasion ? Un homme à écailles, je n'en ai jamais traqué ! J'ignorais qu'ils suintaient suffisamment de crasse sur leur cuir d'ovipare pour amortir -excusez moi du peu- mes BÉBÉS à l'acier soyeux !

Même mes shrapnels se sont contentés de le faire vaciller sans même aérer son corps poisseux d'élégants orifices !

A-t-il un truc, une forme de magie ? Est-ce une illusion commune chez les engeances de sa race ? Ou bien est-il affublé de l'un de ces pouvoirs spéciaux qui pimentent comme nul autre artifice une belle chasse dans les règles de l'art ?

Ho. Ho. Ho. Damnés volatiles. Pourquoi vous obstinez-vous à me bombarder de fientes ?
Splotch !

Et encore une, mordiable ! Par quels vautours ces nobles animaux ont-ils été élevés ?! Il me semble que mon rire les fait stresser.

Ho. Ho. Ho.
Splotch !

Oui, c'était cela.

Revenons à nos moutons. Ou plutôt, à nos poissons ! Rire intérieur. Quel farceur je fais lorsque je me sens si excité.

Si je n'arrive pas à le tuer, il me faudra le capturer vivant. Mais ça serait si long ! Si dangereux ! Si FASCINANT !

Je ne pensais pas que tu résisterais autant ! Je ne venais pas pour toi, petit poisson, mais pour Mars, ce sympathique colosse au sublime casque qui ornerait à merveilles ma collection de trophées ! Je croyais pouvoir te faucher très sobrement et vendre ta tête 105 millions de berrys au gouvernement et ta viande 20 millions à la poissonnerie la plus proche, mais... Oh ! Tu as forcément un truc, une astuce ! On n'ignore pas une balle dans la gorge comme on avale un petit four de travers ! Tu vas tout me dévoiler, Craig Kamina, tout, je veux TOUT savoir de toi ! Donnes-toi à fond, ne me déçois pas !

Tu crois que je ne te vois pas ? Comme c'est cocasse ! Je ne peux réprimer mon ricanement raffiné !

Ho. Ho. Ho.
Splurt !

Tu rases les murs, slalome entre les stands d'une pittoresque place marchande que les batailles sanglantes qui colorent la cité ont évidé de toute âme ! Quel délice. Tu te penses à l'abri ? Mais tu l'es, bien sûr ! Tu es à l'abri, tant que je te concède quelques secondes de répit ! Mais ! Attention ! Nous reprendrons très bientôt les festivités ! Craig Kamina, prends garde, mon doigt s'excite sur sa gachette ! Ho ! Pourrai-je le contenir assez longtemps pour que tu gardes confiance et espoir ? Pour que tu restes persuadé d'être à couvert ? Dépêches toi ! Vas-t-en ! Ou je vais... Roh !

Mes balles chéries se languissent déjà de toi, Craig Kamina !

BANG !
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BANG !

Encore ?! J'étais pas censé être dans un refuge ? Est-ce qu'il a déjà bondi vers une autre position ? Mon bourreau a tiré, mais sa balle n'en était pas vraiment une, elle a la forme d'un petit oursin qui bipe fébrilement à mes pieds, et qui mijote assurément quelque chose d'indigeste pour...

Oh... Non, ça serait quand même pas une...
... une putain de bombe ?!

Mes bottes crissent sur le sol, je détale, les mirettes imbibées d'une trouille sincère. Si une explosion me fait prendre feu, je risque de devenir un simple golem d'argile tétraplégique et de...

BROOOOUM !

Balayée négligemment comme une crotte arrachée à son trottoir, le souffle m'emporte tandis qu'une bouffée de flammes accoure pour me lécher le dos goulûment. J'sens cette bourrasque de feu immiscer ses brûlantes tentacules sous mes écailles, forçant sans peine le barrage que formait mon logia d'habitude ; je cuis.

RAAAH !

Je traverse un stand de part en part, mes propres morceaux me plaquent, mes membres se disloquent et mon museau éclate avec la même grâce qu'un fruit pourri, c'est mon propre corps qui refuse de constater dans quel état je l'ai mis. Pourvu que... je puisse régénérer tout ça... C'est le premier doute qui me torture alors qu'enfin je conclus mon vol plané sur un palot douloureux avec le pavé.

Je... Je dois pas rester là. Il va revenir. Mettre la deuxième couche. Mon dos est devenu un grill, une vaste plaine de pure souffrance. Mes nerfs à vif sonnent tous l'alerte rouge et inondent ma cervelle de panique. Mais si je reste là. Il va comprendre et recommencer. Il me ratera pas, si je reste là. Je rampe en gémissant et en poussant des gueulardes étouffées, comme une limace aliénée sur le sol, suintant de tout le pathétisme qui peut dégouliner de ce genre de spectacle. Puis, miracle, des filaments boueux sortent timidement de mes moignons, et commencent à valser ensemble, à s'entremêler, à se nouer, à copuler, pour petit à petit reconstruire mes membres.

Plus vite. Plus vite...

Mon dos... Mon dos ne cesse de me cramer... Quelques secondes depuis le drame mais il est toujours aussi bouillant... Posez des saucisses dessus et elles seront instantanément cuites à point... A moins que vous ne préférez vous découper une tranche de ma bidoche à moi ? Oooh, je délire... C'est signe que la Porte de la Mort est entrouverte et qu'une main osseuse risque de m'attraper par le col...

Non. Je peux décemment pas me laisser morfler comme ça... Mourir ainsi après avoir survécu à des dizaines d'enfers plus violents et dérangeants les uns que les autres ? C'est comme demander à un artiste d'exécuter son ultime show devant un public d'ahuris ingrats !

Je réapprends un petit peu à marcher lorsque mes jambes se remontrent. Ma main droite, l'humaine, la dénaturée, se crispe sur mon dos comme s'il lui appartenait. Je détale en tâtant les dégâts. Je détale sans vraiment savoir où me planquer. Je détale désespérement comme si ce bâtard avait des yeux partout dans la cité. Mon regard va et vient frénétiquement, mon museau se brandit comme celui d'une bestiole acculée qui se cherche une issue qu'il sait inexistante. Et j'la vois, cette maison, entrée entrouverte, qui m'appelle. Qui s'expose à moi comme l'unique sanctuaire viable. Une maison blanche derrière un stand de légumes bruns, du linge pend de la fenêtre du premier étage. C'est habité. Probablement habité par des civils, de la populace sans histoires et à qui je risque d'imposer les miennes.

Dans un réflexe malsain, je profite de cette porte ouverte pour pénétrer dans une baraque. Comme ça, au hasard. Peu importe mon choix, les conséquences seront toujours moins tragiques que si j'reste à camper dehors...
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Sur le pas de la porte de cette baraque que j'annexe pour me sauver la vie, je fais une rencontre qui m'arrache le coeur à la tenaille. Un papy me toise, les mirettes hagardes et choquées, la panique lisible sur son visage strié de grandes rides, tandis que je suis étalé à ses pieds, en état mi-larvaire mi-cadavérique.

Mais qu'est-ce que fous faites chez moi ? F'est quoi fa ? Fous avez brûlé ?

La porte ! Avant de négocier, j'dois m'assurer qu'il ne la fera pas péter !

La porte ! Il faut vous barricader, il y a un dingue là-dehors qui...
BANG !

La face ridée de l'ancêtre se disloque et éclate comme une pastèque, répandant son jus dans l'étroit couloir poussiéreux, ainsi que sur mon museau, aussitôt assailli par un profond dégoût teinté de terreur. La détonation stagne en écho sur le pallier, s'ajoutant à la malsaine symphonie de la chair qui se froisse en croassant, lorsqu'elle chute et percute la moquette.

Putain de merde.

Je redeviens subitement bipède, je galope avec la fougue d'une antilope coursée par la savane entière à travers le couloir, enjambant le corps charcuté du vieux. Il vient de se manger une balle en pleine tête, sous mes yeux, alors même que j'étais en train de l'alerter que dehors les flingues parlent plus fort que la raison.

Et il s'est fait buter. Juste buter, comme ça, sans raison, juste pour le plaisir de ce fils de catin qui ne veut pas se contenter de me détruire, mais qui veut aussi éroder mon esprit. Il veut...

il veut...
me briser ?
m'énerver ?
me rendre fou ?

Choses faites depuis trop longtemps. Tu payeras le prix fort pour avoir arraché la vie d'un innocent. J'en fais le serment. Je ne quitterai pas cette île avant d'être certain de t'avoir enfoncé ton canon dans le fion et pressé cette gâchette que tu sembles tant affectionner.

Tout est vraiment allé très vite. Il y a dix minutes, j'étais en promenade. Maintenant, j'ai de gros volcans sulfureux dans le dos, et ma cervelle est un magma de haine. Je veux ma vendetta.

Mais d'abord, il me faut survivre.

Je m'enfonce dans la baraque du vieillard que mon inconscience a condamné.

Y A QUELQU'UN ?!

Silence morbide. Soit je me retrouve seul escorté cadavre au faciès épluché, soit le reste de sa famille... gloups... a compris que la Mort avait frappé à leur porte et ne se sent pas de descendre lui proposer un café...

Mais avant d'autoriser les larmes à me visiter les joues, me faut me sortir de ce piège à rats. J'pense aussitôt à une tactique qui m'avait bien réussie, sur Kamabaka. Où puis-je m'infiltrer en étant assuré que le Mal n'emboîtera pas mes pas ? Dans les chiottes, évidemment. On en revient au plan des égouts.

Je suis rentré chez ce vieil homme, je lui amène mon merdier visqueux et répand sur son pallier ma vase ensanglantée, je permets à mon ennemi de lui prendre sa vie, puis je pars souiller ses chiottes. Je suis probablement le pire plombier du monde.

J'erre dans ses couloirs avec la démarche d'un zombie privé d'âme, dont les écailles calcinées deviennent une torture à elles-seules. Je pensais que la douleur s'évanouirait petit à petit, c'est le contraire. Je souffre davantage, à chaque seconde. A chaque seconde la chair brûlée se tape un festin de mes nerfs dépassés.

Le martyr. Un martyr coupable. J'ai été imprudent. J'ai été lent. Des gens meurent quand je suis imprudent et lent. J'vais pas aller chialer sur mon sort après ce qui est arrivé au... à...

Porte ornée d'un sobre "WC" peint à la main. Dans un élan de fureur, je l'explose de mon poing gorgé de frustration, sans ménager mon dos à vif.

Oh...

Et ce que je découvre roulé en boule dans les toilettes me fige, porte le coup fatal à mes ultimes espoirs de décoller d'ici sans plus d'horribles encombres.
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Ho. Ho. Ho.
Splurt !

Tu ne pourras pas camper dans la maison de ce cadavre éternellement ! Entends-tu les secondes qui courent, Craig Kamina ? Elles sont pressées. Elles n'ont pas des heures à te consacrer ! Tu n'es qu'un entracte avant le Finale de mon séjour !

La traque était intense et pleine de péripéties. Puis voilà ! Puis voilà que tu te réfugies lâchement chez un vieillard réduit en viande froide ! Encore, si tu l'avais boulotté, prédateur marin que tu es, j'aurais pu me délecter du spectacle avant de t'achever comme une bête... MAIS LA ! GRAAAH ! TOUT SE PASSE EN HORS-CHAMP ! Je TRÉPIGNE D'IMPATIENCE ! Quand vas-tu me montrer ce que tu mijotes ?!

Modiable ! Cet étrange requin terrestre est aussi coriace que contrariant ! As-tu apprécié mon introduction à ce long scénario de torture que je me bâtis à ton attention, Craig Kamina ?

***
La somme de mes bourdes d'aujourd'hui a valu la vie d'un ancien marine, son uniforme traînait dans la salle de bain. Il y avait aussi des photos de ses enfants et de ses petits-enfants, si j'en jugeais par la farandole souriante qui ornait le lavabo. Des mômes et des moins-mômes en uniforme, des gradés et des mousses qui serraient leurs épaules. Une famille de marines.

Ouais. Ce psychopathe a tué un ancien collègue en lui grillant la cervelle depuis son terrier. Il l'a exécuté comme un lâche, pour son plaisir, pour son plaisir, pour son plaisir, pour tâcher de m'effrayer, ou bien de me rendre fou à lier. C'était un vétéran, je crois, un ex-soldat. Il méritait probablement une retraite paisible, mais il commit l'erreur de laisser sa porte entrouverte le jour de sa mort. Alors je m'engouffrai chez lui, accompagné de son ultime sentence.

Survivre à une carrière de marine pour finir banalement descendu... J'en ai les tripes qui fondent.

Je suppose que j'ai sa mort sur la conscience, une nouvelle chaîne qui me retient à mon passé.
Plus qu'à faire en sorte que sa mort ne soit pas tout à fait vaine, et qu'elle conduise à l'évincement de l'une de ces verrues qui rendent l'apparence de l'Humanité si laide.

Faute de chiottes, j'ai opté pour un voyage plus sûr à travers le lavabo, moins inondé. Sillonnant les canalisations sous forme d'une grosse coulante, j'ai semé mon tartre visqueux partout et donné du boulot aux plombiers pour au moins six générations, et je m'apprête à émerger d'un autre évier.

Évier qui gargouille, qui déborde, qui crache du marécage. Mes yeux qui flottent comme des cerises sur de la mousse au chocolat m'informent que je ne suis pas chez quelqu'un, on dirait de sordides chiottes publiques. Pile ce qu'il me fallait, à peu de choses près.

Je déborde, donc, m'extirpant sous forme de pâtes des intestins du lavabo. M'être changé en nutella nauséabond n'a pas éloigné la douleur, mais l'a dilué, l'a répandu uniformément dans tout mon corps... maintenant mes nerfs transmutés en gadoue sont tous assiégés par le même maux, une brûlure vrillante, y compris à l'intérieur de ma tronche où c'est un feu d'artifice de tous les diables qui m'incendie.

L'évier est plein à ras-bord de craig, il en reste encore. Je déborde sous forme de cascade sur le pavé crasseux et déjà accablé de saloperies des sanitaires. Au fur et à mesure que je me déverse sur le sol, une statue de boue émerge de la flaque. C'est Moi.

Mon dos sent encore le poisson frit. Tandis qu'il se recompose, la douleur revient chez elle. Dans mes épaules, dans ma colonne. Je crisse des crocs. Les coulisses de ma joue me font encore mal aussi, mais rien de comparable à l'éruption qui secoue mon dos. En faisant dégouliner quelques grosses perles de vase le long de mes omoplates, j'arrive un petit peu à apaiser la souffrance. Cette vase est fraîche, non, glaciale. Elle éteint un petit peu les ardeurs de ma blessure. Comment peut-elle être aussi froide ?

Hem. C'est flagrant. Ma brûlure contraste avec le froid grinçant du reste de mon corps. Pourquoi suis-je aussi glaçant ? Comme si ma température corporelle s'était barrée. Depuis quand je suis dans cet état ? Je l'avais pas remarqué. C'est comme si. Comme si que ma carcasse était morte mais que l'âme qui s'y abrite palpitait encore. Pourtant, je sens bien mon coeur rebondir sous ma poitrine, et mon sens de la douleur est plus sollicité que jamais. Je ne suis pas mort. Juste froid... Pourquoi ?

Mes jambes ont émergée du marais. Je peux de nouveau marcher. Aussitôt possible, aussitôt fait. Je tourne un instant dans les chiottes, fouille chaque cabine, inspecte les recoins, jette un coup d'oeil fugace dehors. Personne. C'est bien.

Et je reconnais le paysage dehors. Je suis à deux pas de la planque révo. Lorsque Gentil m'a escorté vers le Troquet, on a du contourner cet endroit. Ça aussi, c'est très bien.

Je pourrai appeler à l'aide si je n'arrive vraiment pas à me charger seul de ce chacal, mais, euh, ça ferait un peu mal au peu de fierté que j'ai. Après ce qu'il a fait pour me ronger et me tourmenter, je l'aurais mauvaise si un camarade étranger à ma douleur venait me voler ma revanche.

Du coup, je suis revenu en arrière... A l'autre bout de la ville. Le Soleil menace de se coucher d'un instant à l'autre, et j'ai toujours aucune idée ni d'où est le port, ni d'où est le sniper. Je dois faire vite. Je vais pouvoir sortir de nulle part, si je m'applique à me faire petit dans mes déplacements. Localiser ce salopard tandis qu'il m'aura perdu de vue, me rapprocher de lui puis le prendre par surprise, dans la pure tradition du squale qui s'infiltre en-dessous de son phoque avant de s'en prendre une gourmande bouchée.

Je vais resurgir ailleurs, comme une ombre sinueuse qui suit la course du Soleil, alors qu'il s'attend probablement à ce que je me sois barricadé dans la baraque de sa victime à ruminer. J'ai retrouvé un simili d'avantage. Maintenant, je dois faire regretter à mon ennemi de ne pas m'avoir tué lorsqu'il en avait eu, maintes fois, l'occasion.
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Je me sens en danger, follement. Ce charognard, lorsqu'il commencera à douter de ma présence dans la baraque qu'il surveille, commencera à faire coulisser son regard que je devine globuleux à travers la ville. Et s'il est haut perché, il risquera à tout moment d'me localiser tandis que je déambule à sa recherche. C'est évident, j'dois le trouver avant qu'il ne se charge de poser ses mirettes et son viseur sur moi. De préférence, avant même qu'il ne commence à se poser des questions sur ma position.

Je dois profiter du précieux cadeau d'imprévisibilité que me file mon pouvoir. J'ai probablement quelques minutes, une dizaine ou bien moins, avant qu'il ne lâche la lunette de son fusil pour mirer ailleurs. Je dois en profiter pour moi aussi prendre un peu d'altitude, de hauteur sur cette tragédie qu'on écrit à deux.

Pas la moindre connaissance de la ville, je dois improviser, vite dénicher un moyen de grimper sur les toits. Là-haut j'aviserai. Je connais rien d'mon ennemi, si ce n'est qu'il a très probablement une portée monstrueuse, et que ses munitions sont susceptibles de m'incinérer vif. C'est pas un simple tireur d'élite au talent laborieux et fardé d'un matos bas de gamme. Il a un esprit vicelard et parvient à traduire tout son sadisme par chacun de ses tirs. Il aurait pu me buter oui, j'étais une cible insouciante, il aurait pu enclencher les hostilités dans les flammes et j'aurai péri dans un bûcher de plomb sans rien paner à ce qui m'arrive. Mais il l'a pas fait, j'ai eu de la chance d'avoir affaire à un sadique -quand on en vient à se trouver veinard d'affronter des tarés, c'est qu'on mène clairement pas une vie saine-.

Baissant ma garde, je me balade dans la rue en reluquant partout frénétiquement, et j'omets totalement que j'suis recherché et considéré comme un massacreur d'innocents par les coupables. Si la populace m'aperçoit par ses fenêtres et me choppe en ligne de mire, je donne pas cher des cendres de mon anonymat. Pas vraiment le temps de prendre des pincettes. Au pire ils me prendront pour une hallucination furtive qui court partout en boitant et en geignant.

Une échelle ! En bois croûteux, festin de termites, de gros barreaux manquent à l'appel, mais une échelle tout de même. Je l'ai aperçue, embusquée derrière un amas de détritus, et je lui fonce dessus, ayant trouvé l'Amour. Elle a l'air aussi bancale que moi, aussi rongée aussi, mais je devrais bien pouvoir poser mon pied sur un ou deux de ses barreaux avant qu'elle n'implose.

Je la choppe délicatement, évitant de la laisser rebondir contre le mur ou la benne entre lesquels elle est coincée, on va pas la malmener alors que le gros du travail reste à venir, la pauvre. Je la relève, elle est plus grand qu'à première vue, mais la taille ne fait pas tout. Je la cale contre le mur de la baraque du fou sans-coeur qui l'a jetée à la poubelle.

Elle atteint presque le toit, ça ira. J'espère qu'elle cédera pas en cours de trajet.

Mon peton s'abat sur le premier barreau. Semble stable.
J'empoigne l'échelle et me hisse au prochain barreau, en pilonnant le premier de tout mon poids. Tant d'échelons manquant que je vais être forcé de grimper par petits bonds.
Krrrr...
Fais-moi une fleur, tiens encore. Encore juste un petit peu.
Je progresse à tâtons, trois barreaux stables consécutifs. L'échelle gémit, souffre sans craquer.
....krrr...
Quand je marche dans la vallée de l'ombre de la mort, Je ne crains aucun mal.
...rrrrr...
Car tu es avec moi. Ta houlette et ton bâton me rassurent.
KRRR-RRRK...
Tiens bon ma grande, en ce jour de sacrifice au nom d'une Cause qui n'est pas la tienne, je te sers les barreaux en haletant et en priant, je t'accompagne dans la souffrance.
...RAAARK...
Je touche bientôt les tuiles du paradis, très chère. Bientôt le repos. Bientôt la paix. Bientôt tu rejoindras le panthéon des très rares échelles qui ont dépassé leur condition de simple outil pour sauver des vies.
RAAAK !
Et je ne t'oublierai pas.

Je me hisse sur le toit tandis que l'échelle se fend en un atroce craquement, un ultime râle déchirant, avant de s'effondrer sur le pavé dans un fracas soulevant un gros nuage de poussière et de copeaux de bois.
Je pensais pas qu'elle tiendrait jusqu'à ce que je parvienne là-haut. Merci l'Échelle, ta mort ne sera pas vaine.

Lorsque le silence retombe et que le deuil s'achève, je grimpe au sommet des tuiles, en veillant à ce que ce sang et cette boue que je répands en traînée, comme une vulgaire limace agonisante qui rêverait de devenir un magnifique escargot, ne me fasse pas glisser, ne gâche pas mes efforts.

Enfin perché tout en haut sur le toit, je fustige l'horizon de mon regard vitreux. Et il ne me faut guère longtemps pour l'apercevoir, lui si prétentieux qu'il n'a pas jugé nécessaire de se camoufler plus que ça sur les toits.

Une ombre verte suspendue tout en-haut d'un clocher, le clocher de tout à l'heure, celui qui accueillait le pote Vince. Cette enflure a pris sa place. De gré ou de force ? Se sont-ils croisés, ou Vince avait-il déjà quitté les lieux avant que ce rejeton de bulldog incestueux n'annexe l'église ? Vais-je devoir ajouter un autre odieux assassinat sur le compte de ce salopard ? Il ne pourra jamais payer l'addition salée que je vais venir lui apporter. Il ne payera jamais assez cher sa cruauté. Et sa bêtise.

Son poste d'observation n'est pas si loin d'ici, une dizaine de toits, encerclant plusieurs vastes places, des places qui deviendront de véritables champs de tir au pigeon s'il me choppe tandis que je les traverse. Tandis que je fixe cette silhouette disgracieuse, un lointain reflet me chatouille les yeux, une fausse note sur la partition de ma vengeance qui s'annonçait bien mélodieuse. Le soleil enrhumé de Bulgemore est venu cogner contre du verre, une loupe, des lunettes, qu'est-ce que j'en sais...

Qu'est-ce que j'en s...
Un léger reflet...
... la lunette de son fusil ?
Il m'a repéré ?

***
Or donc tu étais là-bas...
... puis tu es réapparu ici.
Comment ? Ça viole la logique la plus élémentaire ! On ne peut pas berner un tireur de ma trempe au point de gambader deux kilomètres sans capter mon attention ! Ta silhouette, de plus, serait reconnaissable entre mille ! Comment aurais-je pu te manquer ?!

Tu m'as drôlement bien eu, Craig Kamina, ma curiosité est piquée à vif. Je meurs d'envie de découvrir le secret de ce tour de passe-passe ! Tu n'as pas pu t'extirper de ton refuge sans tomber dans les serres de mon regard d'aigle, encore moins pu traverser la ville ! Tu as quelque chose de plus qui t'a permis de me glisser entre les mains, mon excitant poisson frétillant !

Ho. Ho. Ho.
Splurt !
Oh oui ! Tu n'es pas un poisson comme les autres !

Serait-ce une forme de téléportation ? Ou es-tu capable d'ouvrir de fallacieux passages secrets ? Mordiaaaable, que pourrait être la véritable nature de cette distrayante magie ?! Je remarque que tu n'as profité de ce maigre avantage que tu as conquis pour fuir ! Veux-tu ma vie, Craig Kamina ? Veux-tu cette vie de valeur et cette tendre chair enrobée dans un délicieux coulis de peau ? Peut-être que je t'ai sous-estimé, et que le défi que tu sembles m'adresser là tiendra davantage de la déclaration de guerre qu'une simple invitation à te calciner vif !

Amuses-moi, Craig Kamina ! Jouons à chat.
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BANG !

Tête la première, je me jette du haut de mon toit en me couvrant le museau. Une violente gerbe de flammes lèche les tuiles où je me tenais. Et ce brasier ne se tire pas sagement après avoir manqué sa proie, non, il dévore la baraque, certain que ses habitants vont avoir des suées, les voilà sous un bûcher qui exhale déjà une fumée opaque et moqueuse. Je m'éclate en contrebas et dans un effet de succion à faire dégueuler les poneys, mon dos, devenu un véritable piano à douleur, reste collé au pavé froid, qui m'en arrache des morceaux.

J'peux plus contenir ces larmes qui prennent d'assaut mes joues, tandis que mes crocs crispés s'emboîtent et se mordent à m'en bouffer les gencives. J'ai mal, et mal, dans le style, aussi mal qu'un lépreux qu'on épile à la cire.

Passé ce feu d'artifice de souffrances et d'pleurnicheries, je mate l'oeuvre de mon taré, enfin, notre oeuvre commune, plutôt.

Je peux pas, non. J'peux pas encore impliquer des innocents dans cette apocalypse qui me court après le cul. Mais si je rentre là-dedans, ce feu va me transformer en golem d'argile. Et je vais clamser, plus cuit et rude qu'un pot. En plus, si je fais patienter l'autre psycho, maintenant probablement au courant qu'je l'ai repéré, il risque de poser un lapin à son chasseur et changer de position pendant que je joue au saint-bernard soldat du feu.

Dilemme broussailleux qui m'infeste l'esprit au pire moment putain.
Écoute ton instinct. Que te conseille-t-il ?
De les sauver en pétant les vitres du premier étage puis leur demander de te sauter dessus-dedans ?
Qu'est-ce qu'il peut être con, l'instinct.
Non sérieusement, c'est une idée top, en fait.

Je forme une balle de boue que je tasse dans ma palme. Elle ressemble à une énorme crotte de nez. Même fumet, même look. Mais elle est beaucoup plus rigide et puissante. En gueulant à m'en claquer les cordes vocales comme celles d'un ukélélé désaccordé, je la balance pour pulvériser la fenêtre du premier étage. Tandis qu'bien sûr, les rues jusque là désertées par la peur de la balle perdue se gonfle par la curiosité collective des moutons sans bergers.

Ma boule part à la rencontre de la vitre qui se relève au dernier moment et... PUTAIN ! POURQUOI TU OUVRES TA FENÊTRE A CE MOMENT-LA, TOCARD ?! Ma boule part à la rencontre de ses dents, et l'assomme dans un palot fougueux.

-MAIS !
-Qu'est-ce que vous faites ?!
-VOUS BRÛLEZ SA BARAQUE PUIS VOUS LUI JETEZ DES CAILLOUX QUAND IL ESSAYE DE SE SAUVER ?!
-Assassin !
-Hiiiiii ! Appelez la marine !

La fenêtre se rabat aussitôt après, comme une guillotine sur le cou de mes derniers espoirs. J'ai foutu ce poissard raide KO ? Il est étalé sur sa moquette à attendre que le feu lui ronge les chaussettes ? J'PEUX PAS ACCEPTER QU'IL CREVE AUSSI CONNEMENT !

Une grosse brute me choppe par le bras.

Arrêtez ! Faut aller l'sauver !
-Joues pas à ça avec moi, sale poiscaille, ou j'te jure que je bouffe ta tête de thon !

Je le laisse me prendre le bras -comprendre, seulement le bras- en me tirant avec force de son emprise, puis me précipite vers la porte de la maison qui commence à prendre des allures de crématorium.

-AAAAAAH !
-Vous lui avez arraché le bras ?!
-JE SAIS PAAAAAAH !

J'le presse de repousser, mon membre, parce qu'une fois au coeur du four, il sera trop tard. Déjà lorsque j'enfonce la porte d'entrée d'une épaule hargneuse, déjà je pose un genou au sol pour faire le deuil de ma colonne vertébrale achevée brutalement, ensuite je deviens instantanément une fontaine d'abondantes gouttes de vase, tout juste aussi élégant et rassurant qu'une statue de cire ambulante dont la chair fond, de putrides amas bulleux me giclent des pores, ça a la texture du pus tout en empruntant le fumet de la terre calcinée, deux senteurs qui me sont bien familières à moi qui écumait les champs de batailles du temps où la Mort m'était encore un tabou et non pas une succulente amante bien plus tentante que cette vieille gourgandine de Vie.

Clamser ? Faudra bien le faire un jour. Allez magnons nous, tandis que les flammes n'ont pas encore tout annexé. J'me précipite vers l'escalier, la tête et les idées enfumées, sachant que c'est peut-être la dernière gaffe que j'ferai de ma vie, avant le Grand Décompte de mes bourdes qui jugera de si je mérite le paradis des simplets ou l'enfer des andouilles.

Au premier étage, le plafond pleut. Grignoté par le brasier qui donne une crinière de flammes à la baraque, le toit s'effondre peu à peu, une poutre par-ci, une averse de planches par-là, j'avance à tâtons dans un brouillard épais sur une moquette maculée de feu et de débris. J'aurais aimé pouvoir noyer tout ça sous un torrent de gadoue, mais mon logia ne me répond plus, je crois que la chaleur le flagelle, et moi avec ; je surprends ma viande se craqueler, comme si je me déséchais à toute berzingue, comme si toute l'eau de mon corps me fuyait désésperement.

C'est bondé d'images macabres que j'fais irruption dans une minuscule chambre convertie en four, un lit boulotté par un grand feu de joie dégageant une fumée plus noire que mon âme, un troupeau de planches incandescentes en guise de tapisseries, et cet enfer déchaînant une symphonie et une odeur toute droit sortie d'un pet de Démon, des craquements sinistres d'une maison bouffée par son propre toit, les crépitements forcenés du feu qui se gave de la vie de sa victime tout en dégageant d'immondes relents de souffre qui partent marquer mes sinus au fer rouge.

Ouais, sa victime. J'en aperçois la silhouette étalée au pied du lit. J'relève mon col pour en faire un masque de fortune, m'éviter de gonfler mes poumons de cette crasse noire qui inonde la pièce. J'me précipite sur ses côtés, tâte son pouls de mes doigts argileux. Une faible pulsation lutte pour ne pas s'éteindre, et le cou lui-même est croûteux, maculé de pustules, déjà brûlé au troisième degré ?!

J'retrouve la vitre que j'ai tenté de briser. Je l'ouvre, en toussant comme un damné sous mon masque de tissu, j'crois que j'ai des fragments de terre caillée plein la gorge. Plus l'temps, ou on va y passer tous les deux. J'enfile le type sur mon épaule comme un gros sac à patates grillées, puis je saute,

puis mon corps se débarrasse de tout son poids d'un coup alors que je flotte dans l'air glacé,
j'ai peur d'être mort durant un instant, comme si mon âme avait décidé de filer à l'anglaise,
je laisse mes paupières me recouvrir mes douloureux yeux secs,
un peu comme si le rideau tombait,
un peu comme si ma tragédie se finissait sur une note de légèreté,
d'absolue légèreté,
un esprit délivré de son enveloppe charnelle méprisable...
de son réceptacle poisseux laid et profané par la folie de son âme pourrie,
mes gants ont brûlés, ma palme sèche à l'air libre, l'autre chose que j'ai pointant au bout de l'autre bras aussi,
cette main humaine que je me suis greffée n'est plus qu'une vieille relique de mes tourments oubliés,
et
je
redecends ?!

BLAM !

Ouch.

Viens de me bouffer le pavé à pleins crocs. Une pichenette ridicule comparée à l'orchestre de douleur qui fait vibrer mon corps.

-Vous...
-Waw... C'était impressionnant...
-Il est vivant ?

C'est à moi qu'vous causez ? J'ai le cerveau fondu. Ou bien lui aussi a séché. Peut-être que c'est plus qu'une grossière boule de terre cuite. Me souviens pas de... ce que j'étais censé faire...

-Laissez-moi l'ausculter ! Je suis son infirmier !
-'chier ! Ils foutent quoi, les pompiers ?!
-Si ça se propage aux maisons d'à côté, on est cuits !
-Foutue bataille ! Ils nous emmerdent avec tout ces combats ! Vous êtes de quel côté, vous ?

Euh... C'est une bonne question. Ah oui. La révolution. L'infiltration. Jack. J'avais un bouquin. Aucune idée d'où il a disparu, j'ai du le lâcher pendant qu'on me...

traquait !

Où est-il ?!
-Qui ?!
-Vous-Vous avez une main humaine ?!
-Quelle horreur !

J'dois pas rester ici. Tout ces dommages collatéraux que j'panse avec peine... C'est eux qui vont finir par me tuer. Pas ce foutu sniper. Cette culpabilité morbide qui n'accepte pas qu'on meurt par ma faute. C'est elle qui me portera le coup fatal, un jour ou l'autre.
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CLAP ! CLAP ! CLAP !

Oh oui, tu mérites une ovation, poiscaille. Prendre le temps de sauver un négligeable dommage collatéral alors que ton aileron est sur le point d'être réduit en une succulente soupe ! Tu es un parfait imbécile dont les veines regorgent du sang des héros ! Je te l'avoue, Craig Kamina : je tombe amoureux de TOI !

Ho. Ho. Ho !
Splurt !
Split !

Tu le sais, pas vrai ? Tu connais ma cachette, tu vas vouloir grimper dans la tour du terrible dragon pour sauver ta princesse ! OH N'AIES PAS PEUR, MON VAILLANT POISSON ! Je ne bougerai pas d'ici, ça enlèverait tout le sel de cette pêche, et je suis un amateur des traques épiques avant d'être un malheureux chasseur dénué de tout sens esthétique. Oh, s'il y a un ange pour nous observer là-haut, il doit se régaler de notre escarmouche, impatient que l'un de nous deux le rejoigne pour lui serrer une franche poigne de mains emplie de respect !

Un formidable poisson, qui ne cesse de s'insinuer entre les mailles de mes filets !
Voici une fascinante recrue que tu me présentes là, Vince !


Ah ! Tu es encore inconscient ? Ton matelas de glu est donc si confortable pour que tu t'y prélasses des heures durant ? Oh. Peu m'importe, jeune turlupin minable, tu m'as opposé bien trop peu de résistance pour que je daigne investir une nouvelle seconde à penser à toi. Oh ! Voilà ! Je pense à autre chose ! Entends-tu ce fougueux clairon résonner dans mon âme ? Il sonne le début, le VRAI COMMENCEMENT, de la chasse la plus grandiloquente de ce siècle !

Restes ainsi héroïque, Craig Kamina ! Te voici convié à la plus fantastique des chasses à courre !
Les anges nous regardent...
Ils demandent notre sang !

BANG ! BANG !
*clic*
BANG !

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Un mur, un mur de feu. Des explosions. Encore des cris, une ville saignée par la guerre se faire en prime casser son dernier souffle par un psychopathe persuadé d'être à l'abri au sommet de sa tour d'ivoire, alors qu'il me suffit d'en attendre l'entrée pour réduire sa triste existence à néant. Je dois l'effacer. Le monde est assez moche comme ça sans surcharger le décor de cette infecte... pollution verte.

Ouais il a une ombre verte. Sa sale tête se précise tandis que j'approche à tâtons de son repère. J'vois un farfadet chapeauté, affublé de trois gros yeux vitreux et d'un sourire qui siffle dans le vent comme les prémices d'un orage, j'affronte donc une espèce de petite araignée hystérique.

Il prend un démoniaque plaisir à faire pleuvoir les flammes sur la cité, très conscient que j'pourrai pas sauver tout le monde, et que si j'essayais, j'y laisserais probablement aussi mon cuir. Certaines de ses balles ne me visent même pas : il flingue tout et n'importe qui erre autour de moi, dans l'unique visée de m'rendre complètement dingue, de m'enrager ou d'me faire commettre une erreur. Mais je sais que le pire est derrière moi, que ma grosse erreur était de sous-estimer la démence de cet enculé.

J'arrive devant l'une de ces places que j'apercevais de loin. Et je sais comment la traverser. J'ai étudié de nombreux moyens de me servir de ma fange comme d'une tromperie pour berner ce genre de chasseurs aux yeux de faucons. Mes pores secs bavent une gadoue crasseuse, de la tête au pied, je me transforme en une fontaine de merde noire. De chacun de mes orifices dégouline mon marais, si bien que je finis vite totalement recouvert d'un compact confiture brune. Mais je ne l'emporte pas avec moi, cette épaisse couche de crotte, je m'en extirpe comme d'un cocon, puis je m'envole comme un papillon,

laissant derrière moi un golem froid dénué d'âme, relié par le nombril à ma colonne vertébrale par un fin tentacule qui emprunte en tout point la texture et la forme d'un cordon ombilical.

Cette chose, mon enfant éphémère, commence à se mouvoir, elle avance sans volonté, emboîte mes pas parce que son maître lui ordonne.

Je recommence la manoeuvre. Encore. Si je ne peux pas me protéger de son regard, alors je vais devoir le tromper. La vue est bien le sens le plus traître, j'en ai fais maintes fois l'amère expérience.

Parmi les rangs de mes duplicatas boueuses et grossières, j'me fonds en une flaque rampante. La souffrance qui assaille mon corps s'en retrouve à nouveau diluée. Et mes golems commencent à chialer une vase noire et ensanglantée... Si je laisse la douleur distraire ma volonté, le coeur creux de mes bestioles va s'effondrer sur lui-même. Restons zen. Restons centré. Mais restons haineux.

Une dizaine d'abominations marchent sur la place. Leurs gorges se disloquent, ils gargouillent en choeur.

***

Je ne m'attendais pas à ce que les poissons soient à ce point experts en illusions ! Qu'est-ce donc que cette truculente légion de golems qui glissent vers mon beau donjon ?! On dirait qu'ils chantent ! Toi aussi, Craig Kamina, vois-tu notre affrontement comme la danse chaotique de deux âmes d'artistes en peine ?! OOOH ! Je le savais ! Tu me COMPRENDS ! Tu convertis la souffrance en courage, tu métamorphoses la plus crue des laideurs en un SUBLIME paysage horrifique !

Oui ! OUIII ! Nous sommes faits pour nous entendre.
Voyons donc ce que me réservent ces créatures, lorsque mon tendre fusil leur embrasse leurs gluantes carcasses.

BANG !
Sprotch !


Elles se contentent d'exploser ? Décevant. Pas de surenchère dans l'infâme ? J'aimerais que tu pousses ta démarche un peu plus profondément, Craig Kamina ! J'aimerais que tu me colles nez à nez à ta vision de l'horreur. Tout cela est bien faible, tes dernières performances m'ont fait espérer mieux. Je déclenche donc un festival de boue là-dessous ! Tes poupées implosent une à une en giclant leur glaireuse peau à travers la place, la repeignant couleur marron ténébreux !

Ho. Ho. Ho !
Spliirt !

Ce n'est finalement pas si ennuyeux que ça. Je te dois une surprise, Craig Kamina ! Tout ces étonnants cadeaux que tu m'offres de bon coeur, je ne pourrai pas les accepter sans t'emballer à mon tour une petite curiosité faite maison dans un joli paquet vert... Patientes deux secondes, je te pries ! Et ne regardes pas, ou ce ne sera plus une surprise !

Je sens que nous convergeons vers une formidable apogée ! Alors, que dis-tu de ça ?
BANG !
Et si mon beau cadeau t'arrachait les pattes, te feras-t-il sortir de ta cachette ?
Il s'engouffre dans la tête de l'une de tes statues. C'est ce qu'on appelle mettre du plomb dans la cervelle !

Ho. Ho. Ho.
Spurt !

Oh, que de subtilité en ce jour de traque sauvage !

***
ENCORE UNE MINE ?!

Je l'entends, elle bippe à ma gauche. Il a du fourrer l'un de mes golems de sa saloperie, mais j'ai aucune idée duquel. Et donc elle peut me cuire vif à tout moment, je le sais, il sait que je le sais, il veut me forcer à pointer la tête hors de mon confortable terrier de vase, qui rampe dans les longues traînées que mes créatures larguent en avançant.

Plan B. Me faut vite un plan B avant qu'il ne se décide à tout faire péter.
Plan B.
Plan B avant qu'il ne me plombe pour de vrai.
Ah...
Oups...
Faute de concentration et de sang-froid, qui étaient les deux assurances-vies des golems, les voici qui s'écrasent tous, éclatent, ou s'effondrent, retournent tous en même temps à leur statut original de grande flaque bulleuse et triste. J'entends le bip bip de la mine se noyer quelque part dans le grand marais produit par le décès simultané de mes copains.

Faisons pas durer le suspense. Si tu veux exploser, foutue bombe, fais-le maintenant ! Ou bien tais-toi à jamais.

Bip... Bip... Bip...

On dirait qu'elle a décidée de la fermer. Mais je sais pas si peut toujours péter, entièrement immergée dans le bain de boue.
Peu m'importe à vrai dire, car il est temps de déguerpir. Arrivé au bout de la place, je réintègre ma forme bipède et écailleuse originelle, tandis que derrière moi la place est tapissée d'un profond lac de boue agitée de remous, d'étranges asticots gigotent un peu partout dans ma merde, et des dizaines de bulles se forment paisiblement ici et là.

C'était la plus pathétique des explosions qui m'a été donnée de voir. Mon marais l'a digéré sans broncher, et maintenant, il rote bruyamment. Un gargouillement sinistre s'échappe des abysses, et rebondit sur les baraques alentours, un écho jouissif qui se démultiplie pour produire un concert de cris d'estomac, une fanfare pour fêter une première victoire contre ce fils de catin !

***
R...
Re...
RÉPUGNANT !
COMMENT DONC MA MINE S'EST NOYÉE SI VITE DANS TON DISGRACIEUX MARAIS ?!
Je retiens la leçon, Craig Kamina ! Il faut que je rende mes munitions étanches et imperméables ! Sinon, oh, à quel honteux gâchis je te fais participer, et dans quel bourbier d'humiliation je m'empêtre désormais !

Tu es très bientôt au pied de ma tour. Tes étonnantes simagrées m'ont tant bernée que te voici désormais aux portes de ma tanière ! De la tanière de l'horrible assassin qui n'hésite pas à pilonner des innocents, tu te souviens ?!

Profites d'un petit instant de répit, tu l'as bien mérité. Mon corps n'est plus seulement excité, je suis en une véritable TRANSE ! OH, NOUS VALSONS ADMIRABLEMENT BIEN TOUS LES DEUX, CRAIG KAMINA ! ÉPOUSES-MOI, ET JE TE PROMETS UNE ÉTERNITÉ DE CHASSES INCESSANTES ! TOI LA PROIE ! MOI LE PRÉDATEUR ! PUIS L'INVERSE ! ÇA NE S'ARRÊTERA JAMAIS ! NOUS SOMMES FAITS L'UN POUR L'AUTRE ! NOUS SOMMES FOURBES ! TENACES ! NOUS SOMMES PAREILS A DEUX ÉTOILES JUMELLES, NOTRE LUMIERE MACABRE OCCULTE LE RESTE DE L'UNIVERS, nous peuplons ce ciel rouge de tout le sang que nous versons, MÊME LE SOLEIL FUIT EN CONTEMPLANT NOTRE CARNAGE ! Et dans notre danse endiablée, nous changeons de rôle aussi facilement que les acteurs d'une tordante pièce de théâtre !

NOUS ÉCRIVONS cette pièce ! Oh ouiii ! Il restera dans quelques siècles de braves troubadours pour CHANTER notre BATAILLE !

Viens à moi. Montes dans ma tour ! Je n'en peux plus de t'attendre ! Je vais t'accueillir comme il se doit : parmi un orchestre saugrenu de flammes, de plombs, et de cris perçants ! Vince va m'aider à clôturer cette partie de chasse d'une façon... inoubliable. N'est-ce pas, Vince ?

Le soleil se couche. Et avec lui s'en iront tes derniers espoirs, Craig Kamina. Puis le rideau s'abattra sur une scène... déserte... et ravagée...
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La dernière ligne droite, mais pas un seul tir, pas le moindre bang, pas une seule flamme pour venir me lécher les plaies. Le calme plat, angoissant, suffocant. Il m'attend, c'est certain. Je traverse la place le coeur alourdi par l'anxiété. Il fait mijoter quelque chose là-haut. Une explosion, sûrement, ou quelque chose de plus vicelard et d'original, à l'image de son apparence de stupide gnome.

Je reste sur mes gardes cependant, mais je ne vois plus son canon pointer au sommet du clocher. L'église est en face de moi et je rejoindrai bientôt son angle mort. S'il avait voulu me flinguer, il l'aurait déjà fait. Peut-être qu'il veut me rencontrer, à sa cruelle façon. Je vais répondre à son invitation dans tous les cas, pas d'alternatives. Le meilleur moyen de désamorcer un piège, c'est encore de tomber dedans, pas vrai ?

Les mouettes s'agitent tout là-haut, elles rient sinistrement, et bombardent la zone de fientes. On dirait qu'elles sentent le drame s'approcher à grands pas lourds. La porte de l'église, entrouverte, laisse un filet d'air répugnant s'immiscer jusque dans mes naseaux. C'est un fumet que je reconnais, que j'ai côtoyé et avec lequel j'ai appris à exister en communion. C'est le fumet de la Mort.

Je plaque ma palme sur la lourde porte, la pousse délicatement, les esgourdes aux aguets, prêt à reculer ou bondir en retraite au moindre cliquetis suspect. Mais mis à part un puissant grincement qui emballe mon coeur d'un étrange stress, rien ne se produit, et je pénètre le lieu sacré.

Lieu sacré qui m'accueil avec le corps d'un curé, affublé d'une grosse fosse dans le crâne de laquelle dégouline une cascade d'hémoglobine séchée. Je suppose que c'est lui qui puait. Lieu sacré ? Il n'a plus rien de saint et de serein. C'est devenu la tanière d'un meurtrier vulgaire qui n'a jamais contenu la moindre once d'humanité. Si Dieu posait un oeil sur cet endroit, il a du détourner son regard de dégoût depuis longtemps.

J'avance entre les bancs, impatient d'en finir. Rien. Personne. Un néant sidérant. Je pense que mon poulet attend dans le clocher que je monte le plumer. Mes yeux se promènent d'un bout à l'autre de la bâtisse, rien, encore rien, toujours rien. Je me doute qu'il va tâcher de me piéger. Mais je n'ai aucune idée d'où, et de comment. Je dois me contenter de faire gaffe où je marche, et aux portes que j'ouvre, histoire de pas me recevoir de seau d'eau sur la tête.

Dans le fond, derrière l'autel, un escalier en colimaçon grimpe vers les cieux, perçant à la manière d'un tire-bouchon le toit de l'église. C'est sûrement le seul accès au clocher qui n'implique pas une laborieuse escalade et des prises de risques inconsidérées. Chaque seconde que je perds peut lui permettre de mieux peaufiner son plan, j'dois pas me perdre en songes creux.

Je monte dans la tour...
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Encore, toujours, rien, juste des marches que je gravis lentement. Planté ensuite devant cette petite porte en bois croûté, qui doit donner sur le clocher, je me doute que le piège m'attend derrière. Les solutions pour l'éviter défilent, aucune n'arrive à me convaincre. Si je défonce la porte plutôt que l'ouvrir calmement, peut-être que ça cassera son plan ? Mais si il a prévu que je tente de l'enfoncer, il aura adapté son traquenard en conséquences... J'enfonce mon regard dans la serrure. J'y vois la lumière du jour mourante qui baigne une petite pièce au centre de laquelle trône un siège tourné devant un petit bureau.

J'entends aussi des bips. Les bips caractéristiques de ses foutues mines hérissées de pointes.

Je pousse la porte délicatement. J'entends un infime crissement, les gongs hurlants à la mort le supplantent en grande partie. Avant que je n'ai eu le temps de me rendre compte que le Diable aime se nicher dans ce genre de détails qui ne squattent pas longuement l'esprit...

... une averse de pâte gluante s'abat sur ma face dans un vacarme étourdissant, glisse sur mes écailles puis se durcit suffisamment lorsqu'elle parvient à ma taille pour rendre mes bras aussi réactifs que deux bûches sciées vives. Il. M'a. Eu.

Et comme j'le craignais, il a aussi emprisonné Vince dans sa toile. Ligoté dans un rouleau de câbles qui m'inspirent plus un coriace fétichisme du bondage qu'une simple façon de s'assurer que sa proie reste zen, il est en bonus recouvert de ces oursins bippeurs à qui je dois un dos rougeaud qui shlingue le poisson frit.

Puis, le voilà. Le némésis. Ayant soigné sa mise en scène, et moi ayant malgré moi bien collaboré à que tout suive avec respect ses putains d'élans dramatiques, il apparaît à moi en laissant pivoter sa chaise roulante.

Craig Kamina ! Tu m'as fais languir !

Un farfadet tout vêtu de vert, au menton strié et boursouflé comme un vulgaire cul, un agaçant sourire barrant un visage austère. Et ses mirettes bien planquées au chaud derrière d'épaisses loupes. Ce fils de catin semble tout droit venu d'une autre dimension, et il me tarde de l'y renvoyer, mais avant de lui avoir arraché sa bonne humeur en lui enfonçant son haut-de-forme bardé de fientes de mouettes dans le gosier.

Ho. Ho. Ho.

Ce rire... C'en est vraiment un ? Mes sphincters se sont relâchés un instant. J'ai cru qu'j'allais souiller mon slip d'une peur intestine. Ça ressemble davantage à une menace de mort qu'à une manifestation de joie, faut se l'avouer.

Tu y étais presque. C'est vraiment dommage ! Tu devais te douter que je soignerai ton accueil, pourtant ! Ne me dis pas que tu m'as sous-estimé... Ça me briserait le coeur, oooh ! ... mais ce serait un petit peu excitant, d'un autre côté...
Qu'est-ce que tu as fais à Vince ?
Comme tu peux le constater, c'est mon otage ! Si tu tentes quoi que ce soit...

Ho. Ho. Ho. Boum !

Un den den flanqué d'un énorme bouton rouge sur la coquille. Donc c'est un détonateur. Ce charlot est décidément beaucoup trop bien équipé pour être un amateur.

Tu es un chasseur de primes ?
Eh oui ! Je suis surpris que tu l'aies deviné seul ! S'était-on déjà vu ?
Non. Juste reconnu les méthodes.
Max Spark, Rasoir, pour t'asservir, mon jeune poisson !
La B.N.A. ?
Elle-même !
Donc, ces morts, ce chaos... C'était pour l'argent. Tu es un rat au service d'une meute de rats.
PAS DU TOUT ! NON !
C'ÉTAIT POUR RIRE ! POUR PARTAGER MON SURPLUS DE JOIE ET D'ADRÉNALINE AVEC TOI, INGRAT !

Il est déphasé. J'préfère largement avoir affaire à un tueur... qu'à un fou. Ce taré ne va pas être facile à dompter, mais je semblais le fasciner tout à l'heure. Si je le suivais dans ses sinueux délires, peut-être que... que je pourrai me créer des occasions...

C'est vrai que tu m'as pris de court.
N'est-ce pas ? Tu n'étais pas la proie que j'avais prévu d'asservir aujourd'hui, figure toi !
Ah oui ?
Je visais Mars ! Tu dois le connaître ?
Ouais.
Mais ! Mais mais mais... Heureux don du hasard... Tandis que je balayais l'île de mon viseur, je t'ai calé au centre de ma croix. Décidant d'attraper l'occasion, j'ai pressé la gâchette. Je voulais te percer la gorge et t'observer te noyer dans ton propre sang ! Ce genre de spectacle court mais gratifiant dont on ne lasse pas !
Ça aurait été super.
Mais, surprise ! Tu n'es pas mort. Ma balle t'a traversée nonchalamment, elle a refusée de te tuer ! comme si au fond d'elle...
... comme si elle savait...
... à quel point t'abattre si vite aurait été un effroyable gâchis...


Comment me délivrer sans mettre en péril Vince ? De toute façon, s'il le fait exploser, certain que j'y passe aussi. Y a assez de mines pour transformer la tête du clocher en une grosse allumette incandescente. Toutes mes issues semblent bloquées...

Tu m'écoutes ?
Toujours.
Tu es si... distant. Et si énigmatique, poisson ! Dis moi, est-ce que ta race entière est ainsi, ou ce n'est... que toi... qui transporte tant de ce... savoureux mystère... ?
Vous n'en trouverez pas deux, des comme moi.
OH ! TU SAVAIS ! TU SAVAIS CE QUE MON ÂME SOUHAITAIT ENTENDRE !
Vince gâche nos retrouvailles...
Hum ?
... Il est étranger à ce chapitre que l'on écrit, vous et moi.
Ho. Ho. Ho. Je ne laisse rien au hasard, Craig Kamina. De plus, il transporte lui aussi une prime alléchante !

Ça suffit, ça mène à rien. J'fais que retarder sa lassitude. Quand il en aura marre de rigoler avec moi, il me neutralisera pour de bon, et ça pourrait se traduire par une mort incendiaire. J'dois faire avancer l'intrigue. Amener le point final, dans sa gueule de préférence.

Ceci dit, je partage ta déception ! J'aurais apprécié un tête à tête ultime... final... Le climax de notre journée...
Mais je suis tout collé, donc il n'y en aura pas.

Je dois continuer à capter son attention en lui parlant de ce qui le fait jouir. En attendant, un filament de vase s'infiltre dans la colle. Puis un autre. Puis encore un. Je vais tenter de sucer cette chieuse de glu avec mon marais. Pas d'autre plan.

Tu ne voudrais pas me libérer pour me combattre pour de vrai ?
C'est tentant, mais... Oh, ouvres les yeux, Craig Kamina ! Malheureusement, je t'ai DÉJA vaincu ! La frayeur que tu m'as injectée dans les nerfs en parvenant jusqu'ici, m'acculant épiquement dans ma tanière, était jubilatoire ! Elle me suffit AMPLEMENT !

Les veines du marais s'étendent à travers le cloaque de colle. Elles s'y immiscent comme de gourmandes sangsues boulottant cette glu dégueulasse, elles gagnent peu à peu du terrain, et libèrent mes bras annexés. Mais je les tiens à carreaux. Avoir des bras, c'est bien, encore faut-il savoir comment s'en servir à bon escient. Je tripote un peu le sarcophage de glu qui m'oppresse la poitrine. Elle est faible, friable, mon marais lui a déjà graillé sa consistance. Je pourrais m'en libérer en la brisant à palmes nues.

C'est une main humaine que tu avais là ?
Euh, oui.
Je l'ai vue plusieurs fois lorsque je t'observais gambader dans la ville ! Es-tu un espèce de bâtard ? Un rejeton incestueux de mère Nature ? Mi-poisson mi-humain ?
Pas du tout, je me suis juste greffé une main humaine. J'aurais pu te la montrer de plus près, si elle n'était pas prisonnière dans cette...
Une TENDRE et CONFORTABLE colle superforte de mon invention ! Inutile d'insister, tes mignons petits biceps ne la dérangeront pas ! Et j'aurai tout le temps de contempler ton oeuvre tordue lorsque je t'aurai abat... Euh... Quoi ?

De petits blocs de colle se dissolvent et chutent pathétiquement sur le plancher. Ma vase l'a rongée de l'intérieur, un cancer boueux, des termites impitoyables, c'est tout le cercueil de glu qu'il prévoyait pour moi qui va bientôt tomber en ruines, laissant libre cours à la fureur des morts.

Mais... Comment... as-tu...
C'est un secret.

Mon poing fuse depuis les entrailles des stalagmites de colle, qui explosent en morceaux, en concert avec le pif du farfadet, une immense méduse de vase s'étale sur son visage en prime, lui roulant un palot fougueux.

HMMMH ! HMMMMH !

Le den den détonateur lui échappe des mains, et vient rejoindre la mienne au milieu d'une averse de glu fondue, de boue sinistre et de sang de meurtrier.

Un Finale à ton image. Crade et obscène.

Que les mouettes témoignent de la sentence que je réserve à ceux qui piétinent des vies avec la même indifférence que les pâquerettes d'une plaine d'été : à ceux qui ont perdu leur âme mais qui n'ont jamais essayé de la retrouver. A ceux qui se prélassent dans le sang des Autres et qui le considèrent comme le matelas des Seigneurs. Les Tueurs. Les Sadiques. Les Joueurs. Comme pour chacune de mes vengeances personnelles, je rangerai au placard ma conscience et mes habits de grand enfant pour revêtir ma tenue d'inquisiteur.

Pour chaque innocent que tu as fauché sous mes yeux, je te gorgerai d'un litre de ma boue, la diarrhée des anges.
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Tandis qu'il se débat avec ma méduse amoureuse, je m'en vais débarrasser Vince de ces encombrants oursins et de cet hideux cordage qui le font ressembler à un plateau de fruits de mer. Par prudence, j'envoie aussi un doigt tâter son pouls. Faible et fragile, comateux funambule au-dessus d'un précipice, mais son palpitant lutte encore, donc son cas est encore à prendre en compte dans mes prochains calculs. J'ai une équation à résoudre, une particulière complexe qui m'arrache des suées. Tout doit converger en son décès, son décès propre et purificateur.

Mais où est son sniper ? Que devient un tireur sans son fusil ? Et comment comptait-il me résister, dans le cas où il se passait ce qu'il se passe actuellement, uniquement fourbu de ces deux couleuvres rachitiques qui lui servent de bras ? Je me refuse à croire que ce type est l'abruti complet que son apparence me décrit. Sinon il ne serait pas chasseur, il ne serait pas rasoir de la BNA, il n'aurait pas accès à un si fourbe matos, il ne serait même pas en vie pour venir me chier une marée noire dans les bottes.

Hmmmfffgnnnyaaaa !

Max Spark -nom complet pour seulement deux syllabes, y avait des restrictions de budget à sa naissance ?- est parvenu à virer la flaque de gadoue qui lui léchait le visage. En un temps record, j'dois l'avouer. Il l'a jetée par terre avec hargne, avant de métamorphoser sa bouche en mitrailleuse à mollards. Patience, tu en boufferas bien plus dans quelques minutes, salopard.

RAAARRRGH ! IMPERTINENT PETIT POISSON ! C'est ainsi que tu traites tes bienfaiteurs ?!
Euh...
Ton escapade aurait été si ENNUYEUSE sans moi ! Je mériterais bien une petite offrande en échange... Une petite offrande en forme de coeur de poisson ingrat...

Vraiment déphasé. Il a transformé le centre-ville de Bulgemore en un véritable parc d'attraction pour psychopathes. Il a fait faire des montagnes russes à mon coeur, et mon âme a traversé un interminable palais des horreurs.

Ho. Ho. Ho.
Alors tu auras ton combat singulier, Craig Kamina. A la loyale, sans fioritures. Seulement nos deux teintes de sang qui se mélangent sur le parquet.

J'considère avoir déjà bien assez causé avec cette chiasse de vautour. Il est temps de lui enfoncer son chapeau dans un orifice pas vraiment taillé pour ça. Avec un peu de pot, ça lui fera ravaler son rire.

Mes fidèles tentacules surgissent de mon dos, grouillantes. Je laisse mon masque de simple requin se dissoudre pour révéler ma vraie nature en ces circonstances haineuses : mon museau se fond en un imposant serpent boueux au bout duquel pointent tous azimuts des crocs acérés qui servent à dessiner des jugements dans la chair des coupables.

Merde. Tu vas me forcer, Spark, à encore me souiller de sang. Tu vas me forcer à tuer.
Ça n'a pas l'air de t'effrayer.

Ho. Ho. Ho.

Tu me ris à la trogne. C'est ce que tu planques un plan B, comme je le craignais.

Sublime ! Ton goût pour l'ignominie en vient à sculpter ton propre CORPS ! Craig Kamina, voici que tes secrets me murmurent leur chagrin. Ils auraient préférés que tu les gardes plus longtemps...

Un nuage aux reflets multicolores, grossièrement peint à la gouache. Il lui apparaît ainsi, au-dessus de la tête, dans un "pop" qui m'inspirent du champagne que l'on débouche, hilares. J'ai toujours une très forte envie de lui faire goûter à la moindre nuance âcre de cette souffrance dont il a gavé la ville. Mais ce nuage est probablement un sarcastique Coucou crié par un fruit du démon retors. Si j'y réponds mal... Je suis foutu.

As-tu peur de mon imagination voluptueuse, Craig Kamina ?

Que veux-tu dire par-là ? La souris verte se gausse. Elle câline ce doute qui m'assaille. Le fait ronronner de plus en plus fort. Un pouvoir ayant trait à l'imagination ? Ça peut autant être de la daube que la pire des horreurs. Qu'est-ce que je devrais...

Je tiens en respect un poisson hérissé de tentacules avec un simple nuage ! Comme c'est cocasse. Ho. Ho. Ho !

C'est pas faux. Après tout, c'est qu'un nuage. J'imagine mal comment il pourrait me guillotiner.
Eh. L'un de mes excroissances serpentines fuse en gargouillant en sa direction. Sans détour, elle veut envahir les conduits respiratoires de ce clown. Voyons si elle y parvient.

Quelle agressivité. Tu as les angles si tranchants !

Son nuage obéit à ses ordres. Il semble commander ses mouvements et ses actes à la manière d'un chef d'orchestre, ondulant son poignet dans des torsions complexes.

Et il anticipe parfaitement la trajectoire de mon appendice vaseux : son étrange nuage l'intercepte.
Et le malheureux tentacule se fait chaparder deux de ses dimensions. C'est devenu... une ligne ?
La douleur me submerge. Mon corps se fait violer. Son harmonie éclate : je deviens un objet. Ce que je craignais de pire me tombe dessus comme un interminable éboulement de honte. Je deviens un objet, et, hilare, il s'approprie mon être pour en faire le hochet de son esprit tordu.
Mes joues s'arrachent à leur mâchoire.
Mon museau s'aplatit et se dilate,
je sens mes crocs aiguiser surnaturellement leurs angles.
Mes pattes ?! Noyées dans un horrible pilier rectangulaire. Je ne les sens même plus. Leur présence ne s'est pas éloignée, je les sais ici, camouflées entre deux plans ; mais leur structure spatiale semble hérétique, j'ai l'impression qu'elles ont infiltré une quatrième dimension que mes mirettes obstruées par un filtre bleu ne sont absolument pas capables de discerner.
Mes bras rétrécissent... à l'excès... Ce ne sont plus que de ridicules petits moignons... triangulaires...
Mon être entier se rétracte, je m'y sens tant à l'étroit que j'ai peur d'exploser sous la pression de mon propre esprit...
Et mon esprit...
Lui aussi...
Lui aussi se fracture en un parallélogramme hésitant.
Je me sens... anguleux... A la fois atrocement plat...

La diarrhée des anges 1455334341-craigmarais

Je ne suis plus un être vivant, mais un concept qui le suggère.
Je suis abstrait.
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Ho. Ho. Ho !

Il repousse mes tentacules devenues factices comme de malheureuses lignes droites inoffensives. Plus aucun contrôle sur mon corps, parti en vadrouille dans les contrées de l'absurde. Je ne peux même plus ordonner à mon logia de lâcher l'affaire... Des filaments bruns continuent à me gicler de partout sans autorisation...

Te voici devenu une définition de l'Art, Craig Kamina ! Je t'ai rendu à 100% tel que je t'aimais : envoûtant et secret.

Il se dirige vers la cloche, le sourire étiré jusqu'aux esgourdes.

Afin de signaler que nous arrivons au bout du dernier acte notre tragédie, je vais la faire sonner trois fois !

Il se jette sur la corde et la tire frénétiquement.

DING

Aucun résultat. Parviens pas à me libérer de son emprise. Je tente de me liquéfier, mais ça ne fait que rendre la structure de mes jambes plus irrationnelle. Comme si le marais s'étalait sur un autre plan, inaccessible à mes mirettes larmoyantes.

DONG

Quelle douleur. Elle n'est qu'à peine physique.

DING

Le gros de mon Mal est métaphysique. C'est comme si mon existence avait été reniée, violée, et réduite à l'état de simple Idée.

DONG

Et que tout menaçait de disparaître dans un infini désespoir désormais, car je suis à la merci de tout ce que pondra l'imagination ténébrante de ce taré.

DING

Que les témoins prennent acte de ma victoire !

DONG !

J'en ai fini avec toi, Craig Kamina !
Le temps d'aller chercher mon fusil, et je mettrai un terme à tes souffrances. Je me demande de quelle couleur est le cerveau d'un cabillaud ?!

Ah ! Je ne crois pas, non, je refuse que ça se finisse sur une ultime humiliation. Ce serait vomir sur tout ce pour quoi je me suis battu en vingt-six ans. Je n'ai même pas fêté mon dernier anniversaire. J'étais trop occupé à convertir mes remords... en haine... je m'enfermais dans moi-même et me nourrissait des déchets de mon passé. C'était ainsi que je tenais bon. Les regrets me rendaient la vie tandis que mes émotions se décomposaient lentement dans leur tombeau de désillusions. Mais maintenant qu'ENFIN je perçois le soleil se lever derrière mon horizon pollué par les tourments... Voilà l'orage qui surgit de nulle part pour réduire en cendres mes espoirs ?! Mon Destin maudit me colle aux fesses. Inexorablement, il me suit partout et charrie d'intenses malaises, comme une trace brune au fond d'un slip.

Craig... ? C'est toi ?
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Qu'est-ce qui t'es... arrivé ?

Pauvre punk qui émerge de son KO. Trop enfoncé dans son coltard pour m'être utile. J'ai beau forcer mes lèvres à remuer au bout de cette longue et plate route de boue gelée, elles n'émettent qu'un grossier piaillement strident, comme seule une flûte percée au bec pourrait baver.

Il t'a eu toi aussi... Spark ?

Je tord mon moignon pointu pour lui désigner une direction. Mes épaules portées disparues, ça revient à remuer un poignard dans une fracture, mes articulations n'existent même plus, j'suis qu'un origami froissé qu'on s'apprête à balancer dans la cheminée. Mais s'il comprend le message, mon âme réjouie fera un petit peu taire mes os hurlants à la mort.

... il est par-là ? Bouge pas.

Ah ! Je risque pas d'aller très loin dans cet état. Des larmes de gouache me dégoulinent des deux cercles parfaits qui ont remplacé mes pupilles, qui m'incendient les orbites comme si on m'avait énuclée pour remplacer mes mirettes par des perles sans anesthésie. Le simple fait d'avoir été vu en train de souffrir transformé en amas de polygones bourre mon coeur d'une profonde honte. J'aurais du. Procéder autrement. J'aurais du. M'attendre à ce que ce fou réserve d'autres tours sous son chapeau ridicule... Je pouvais m'en douter, il avait la sournoiserie gravée à même son visage de mulot myope, ce mec est une affiche de promo en l'honneur des pires versants de l'humanité.

Et maintenant je vais clamser sans avoir pu donner le moindre sens aux cadavres d'innocents qui parsèment la ville là en-bas. J'me visualise déjà le crâne troué et fumant comme un puits minier, étalé, aplati sur le plancher, alors que mon tortionnaire a pris soin de m'extraire ma perspective et tout ce qui fait de moi une bestiole de chair et d'os avant de m'abattre de la plus cruelle des manières.

T'en fais pas, j'le forcerai à te rendre ton relief.

Qu'il tente de me rassurer en me tapotant l'épaule, échauffant mon angle droit douloureux.

***
Oh, je doute...
Ça s'est passé vite, trop vite...
Et si je le libérais une petite seconde pour lui laisser l'occasion d'écrire un digne épilogue à son existence de poisson misérable ?

...
Non ! Finissons-en comme nous avons commencé, dans cette valse sanglante de tourments qui a fait DANSER Bulgemore !
Mon cher fusil était resté à patienter sur le balcon du clocher, solidement rivé à la balustrade, le temps que j'organise mes délicieux malices. Le voici de retour entre mes mains, frétillant d'impatience d'exécuter le plus beau des renégats de cet îlot !

Le sourire grandiloquent ! J'amorce un gracieux demi-tour pour revenir au chaud auprès de mon poisson, mais la calleuse paluche d'un punk exécrable que je ne connais que trop bien s'amourache de mon col et me soulève d'un bon petit mètre !

Ho. Ho. Ho ! Déjà debout, looser ?
Splurt !

Ooooh je frissonne ! Mes nerfs sèchent sous un ardent stress ! Les gros doigts dégoûtant de ce petit cochon rebelle viennent souiller le profond vert de ma redingote. Comme c'est poisseux ! Comme c'est répugnant ! Comme c'est indécent ! Vince est de ces roturiers démesurément arrogants à l'échelle des navrants faits d'arme qu'ils ont accompli, qui ne sont gages d'aucune fierté pour les gentlemans suffisamment éduqués pour savoir que Révolution rime avec Extermination, et que s'en vanter est une invitation au premier bon chasseur de vous loger une balle dans votre cerveau de primate décoloré.

Ces déchets là ne se recyclent pas et ne deviennent jamais rien de bon ! J'aurais mieux fait de le réduire en cendres dès que j'ai aperçu la dégoûtante coiffure qu'il croit de bon goût d'arborer !
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J'vais t'effacer cet odieux sourire de ta bouche, Max, en te faisant bouffer chacune de tes dents. Le juge a prononcé son verdict.
Ho. Ho. Ho. Et comment rendras-tu son élégante forme originelle au poisson, mon bon génie ?
Si j'te fous KO ou si je te bute, cette foutue malédiction s'annulera. C'comme ça que se contrent tous les fruits vicelards de ce genre.
Oh ! Je suis impatient de découvrir la façon dont tu vas t'y prendre pour me neutraliser, blanc-bec !

J'incante un autre de mes délicieux nuages planant au sommet de mon haut-de-forme, tandis que mes doigts se glissent sur la gâchette de mon précieux fusil ! Troublé par la double-offensive que je mijote, Vince me projette, avec une rustre sauvagerie qui n'est pas sans m'émoustiller, contre le sol, que je percute en ricanant nerveusement.

Ho. Ho. Haïe.
Split !

Oh. Ces discourtois volatiles choisissent bien mal leur moment pour relâcher leurs sphincters. Je crache d'esthétiques dartres de sang, qui se répandent arbitrairement sur le pavé blanc défoncé du balcon. J'applaudirais cette belle improvisation abstraite, si je n'étais pas en si mauvaise posture.

Oh ! Mais je n'ai guère Mal. Geindre sous la douleur, c'est une humiliante fantaisie de minable. Je ne me permettrais pas même de détériorer mon sourire pour un si négligeable mal de dos.

Tu perds de ta superbe, le nain. Je pensais que tu aurais le sang vert...
Épargne moi tes vaseuses plaisanteries, chenapan !

Mais il ne se taira pas sans un peu d'aide, naturellement. Lui qui se croit à la place d'un roi dominant un piteux valet, je lui mords les mollets à pleines dents. Belle pioche, car il se cambre en poussant d'adorables petits cris de souris !

EEEERK !

Saisissant à nouveau mon fort amical fusil de sniper, je me permets un gracieux swing comme seuls les gentlemans de haute ascendance tels que moi savent maîtriser. La crosse vient à la rencontre de ces deux balles de golf que je devine pendouiller sous cet entrejambe vulgaire ! Une frappe autant technique que critique.

WAAAAH !

Je suis un professionnel, mon malheureux Vince ! Ce n'est guère un juge punk à la manque qui remettra ce titre en cause. Tu ne mérites décemment pas un sort similaire à mon ami Craig Kamina, devenu chef d'oeuvre modelé de la main de l'un des plus grands gentilhommes de notre décadente ère. Je ne gaspillerai pas les ressources insondables de mon artistique fruit du démon : et me contenterai de t'achever, d'une pointe dans la cervelle, comme l'on abat les bovins malades.

Le temps de redresser mon fusi... Oh.

D-Dommage...
Ho. Ho. Ho. Tu abuseras donc jusqu'au bout de ma patience ?
Gnn... Gnnnn...
LÂCHES CE CANON !
Hahaha, aucune force dans les bras. Dès qu'on se rapproche de toi, ça devient aussi facile que de coller la fessée à un sale gosse.

Retarde ton inévitable damnation ! Tu ne réussiras qu'à me rendre moins compatissant sur la nature sordide du Coup de Grâce que je te réserve !

Est-ce qu'un "sale gosse" se promènerait-il avec de tels jouets, scélérat ?

Tout en continuant à m'accrocher à mon fusil qu'il tente de m'arracher des mains, je parviens à extirper une petite balle noire obsidienne d'une poche intérieure de ma redingote.

C'est...
Vous aviez déjà fait connaissance !

Que je lui hurle au visage tout en lui jetant ma mine, qui hérisse ses affectueux picots tout en s'accrochant à sa ridicule crête !

Putain !
Le gentil poisson t'a sauvé de la première salve. Mais si j'ai décidé que tu finiras carbonisé, c'est que TU FINIRAS CARBONISÉ !

Je le laisse se débattre vainement avec mon fusil : je me contente de shooter dans le chargeur pour le faire tournoyer, ce qui a pour effet d'envoyer la crosse percuter la joue de cet idiot de Vince, avant de retourner sagement entre mes gardiennes mains, quelle savoureuse ironie ! Mais j'entends les anges rire jaune tout là-haut, ils réclament la suite et en ont ASSEZ que de hideux personnages secondaires volent le temps d'antenne des véritables héros, pas vrai Craig Kamina ?!

D'un habile bond, je pars me pendre à la girouette du clocher, un magnifique panorama que m'offre cette hauteur. Je me sens comme un aigle contemplant des centaines de mulots effrayés par ma prestance !! Les gens paraissent si petits, ridicules et exécrables de là-haut !!

Dis-moi, Vince ? Quel temps fait-il en bas ? Je prévois un explosif orage !
REDESCENDS, SALE CLOWN !
PRENDS GARDE ! Je tiens ta vie entre mes gants ! N'oublies pas ce qui sonne dans tes drôles de cheveux !
Tu me prends pour un débile ?! Craig t'a arraché le détonateur tout à l'heure ! Et tu ne l'as pas ramassé !
Ah, euh...

... il marque un point.

EH BIEN, JE SUIS TOUJOURS LE PLUS HAUT D'ENTRE NOUS ! AH !
Chier...

Et solidement fixé à ma girouette, j'ai tout le temps de dégainer mon fusil pour canarder cet horrible juge d'égouts !

Ho. Ho. Ho !
Splortch !

Eh... Oh ! Pourquoi ?! Pourquoi je glisse ?! Ma prise n'est plus sûre. Je m'étais suspendu sans heurts, mais voici que, au-dessus de ma tête...
Une fiente. Une FIENTE SUR MES MAINS QUI A TRANSFORMÉ MES DOIGTS EN AUTANT DE SAVONNETTES ! F-FOUTUS VOLATILES ! BÂTARDS INCESTUEUX DE VOS CHAROGNES DE...

YAAAAAAH !
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Hooo... J'ai traversé le toit ? Qu'est-ce qu... Cette grotesque piscine de boue ?! Elle m'avale !
C'est normal.
Craig Kamina ?! Tu as brisé le sort ?
En me dégringolant dessus tête la première, tu es tombé inconscient quelques secondes. Ça m'a suffit à reprendre du volume et créer cette flaque qui te servira de tombeau.

Mon tortionnaire paraît bien autant pathétique que misérable alors que nos rôles se sont inversés, et que je suis installé au premier rang pour assister à sa noyade dans la plus nauséabondes des indignités. Il patauge un moment au milieu de grands halètements dans le bassin de fange, ils font tous ça, le temps de prendre conscience que lorsqu'ils se débattent avec la fatalité, le marais les engloutit d'autant plus vite et voracement. C'est à mon tour de créer des chef d'oeuvres sinistres.

Mais ! Tu ne vas tout de même pas patienter là à me mirer me noyer, preux héros ?!

Si tu savais. Si tu savais à quel point le qualificatif de héros ne m'a jamais sied au teint. Un Héros n'est rien que le martyr des faibles qu'ils hissent comme un bouclier face aux implacables assauts des faibles. Et mon âme ensanglantée tâche les souvenirs de mes glorieuses défaites. Je ne suis ni un martyr, ni un héros. Simplement le hochet du Destin : qui me mordille, ou me lance à la figure de ses bêtes noires. Tu as grandement manqué de chance, Max Spark, ainsi que de lucidité, pour ainsi te retrouver sur ma route tandis que j'y étais lancé comme un taureau en rut. Je vais te piétiner et tes os de rats pousseront de petits tintements lorsque mes sabots s'abattront dessus.

Je dois m'assurer que tu ne nuises plus jamais, et que plus jamais tu ne représentes un danger pour mes fragiles écailles. J'en suis désolé, mais ça, c'est un caprice qui nécessite ta mort, ta mort crade et irrévocable.

MORDIABLE ! JE N'ARRIVE PAS A M'EN SORTIR ! TU VAS VRAIMENT ME LAISSER CREVER ICI ?!
Si tu as d'ultimes mots à adresser au monde, c'est le moment. Bientôt ta poitrine sera immergée et causer va devenir un douloureux calvaire.
Ne-Ne fais pas ça ! Je te donnerai de l'argent, PLEIN d'argent, puis je te laisserai retourner en PAIX dans tes marais !
Tu devrais accepter ta Fin et t'employer à partir dignement.
Mais je ne VEUX PAS PARTIIIIIR !

La faune de cette planète est d'une variété vertigineuse, mais c'est face à la Mort qu'elle déniche la plus plate des harmonies. Toute bestiole qui peut entendre un coeur danser la salsa sous sa poitrine sait que son séjour parmi les vivants se conclura sur un plongeon dans l'abîme. Moi, je suis de ceux qui ont eu suffisamment de fois l'occasion de sentir la glaciale poigne osseuse de la Faucheuse se poser sur mon épaule pour que ça finisse par ne devenir qu'une routine. Je me blesse, j'agonise, je me relève, puis je poursuis ma vie, bardé d'une nouvelle balafre.

Mais lui n'est pas un radieux funambule, comme moi, il est tout juste qu'un timide équilibriste du Dimanche qui se répugne à regarder en bas. Regarde en bas, Maxou, regarde le précipice dans lequel tu t'apprêtes à chuter. Tu y as poussé beaucoup de monde, et aujourd'hui, tu t'apprêtes à rejoindre tes victimes. Ça ne guérira pas la ville de tes horreurs odieuses, mais au moins, ça atténuera un peu la douleur qu'elles ont causé. Des espèces de soins palliatifs...

On ne peut pas absoudre celui qui ne se repent pas. Et tu n'es clairement pas le genre de type à être familier des remords.

Craig ! Attends !

C'est Vince qui est parvenu à se frayer un chemin parmi le labyrinthique dédale érigé par les débris du toit.

Le tues pas !

J'oubliais... Vince a été juge. Vince est révo' désormais. Vince abhorre la peine de mort.

On vaut mieux que ça !

Tu en es sûr ? Pourquoi pas, après tout. J'ai souvent l'impression d'être une âme de hippie bloquée dans un corps de bourreau.

Hum. Tu en ferais quoi ? Si on ne le neutralise pas, il ne s'arrêtera pas de tuer, tu sais ?
Si ce n'est que ça, je peux déclarer une trêve provis...
Ta gueule.
Nous avons des geôles. Nous avons des prisonniers de guerre.

Il me bave ça tout en arrivant à mon niveau, me calant une main amicale sur l'aileron. Inutile de me caresser, ça fera pas mieux passer la pilule dégueulasse.

Un prisonnier... de guerre ? C'est un sort pire que la mort, ça.
Nous traitons humainement les nôtres.
Mouais. Tu délègues juste l'exécution à Mars, alors...
J'ai une mission, m'assurer qu'on ne déraille pas malgré ce contexte qui fait parler les canons avant les Hommes. Fais-moi confiance. On s'assurera que ce salopard ne nuise plus, mais on n'exécutera personne arbitrairement. Libère-le, s'il te plaît.

Tsssk. Voilà que j'ai l'impression d'être le mauvais bougre de l'histoire maintenant. L'extrémiste attardé piloté par ses émotions haineuses. J'étais pas très loin du berserk sanguinolent, il est vrai. Vaut mieux que j'laisse la réflexion à ceux qui ont gardé la tête froide. Je rentre dans mon marais, j'attrape Spark par les aisselles, qui commençait à avaler de la boue en gargouillant, et l'envoie sur Vince, qui le réceptionne de ses deux bras maigrelets. Fou comment ce nain est léger. Dire que c'est ce minuscule cloporte qui a violé mon intégrité métaphysique. On n'est jamais sûr de rien dans cet horrible monde.

Bien. Tu as toi aussi une mission...
Ouais, avec tout ça... J'ai pris un peu de retard...
Tu sais comment capter Jack ?
Ouais, j'allais sur le port, au 42 rue Sakazuki.
C'est pas loin du tout de la plage où le boss t'a trouvé échoué, ça !
Oh, ça va me rappeler de bons souvenirs alors.
C'est une cabane à l'entrée du quai n°4, tu pourras pas la manquer, elle est totalement délabrée. J'pensais qu'elle était abandonnée.
Parfait. Je m'y connais en cabane glauque.
Tu dois y être pour quand ?
Pour le coucher du soleil.
Merde, il fait presque nuit !
J'dois me grouiller ouais. Au revoir.
Mais tu... Tu vas te jeter du haut du balcon ?
Pas l'temps pour les escaliers !
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