Le bateau, relativement petit, n'en était pas moins efficace. Il arborait trois voiles de taille correct, offrant une prise au vent pour le moins importante, si bien qu'il avançait à une moyenne de près de vingt-cinq nœuds. Sa proue n'abordait aucune décoration, pas plus que son pont, ou ses cabines, d'ailleurs. Pas de fioriture, pas d'extravagance, de l'efficacité. Le navire était à l'image de ses passagers, à savoir trois agents d'une agence gouvernementale, le Cipher Pol.
Enfin... Persé n'était pas officiellement un agent, mais ça ne changeait pas grand-chose à la situation actuelle. Il se trouvait dans la cambuse, en compagnie de Pierre et Jacques, agents de catégories 2 de leur état. Pierre était une authentique armoire à glace, le crâne rasé, approchant le mètre quatre-vingt-quinze. Sa voix profonde était très posé et ses gestes, bien que banals, laissaient entendre une efficacité redoutable. Jacques était également imposant, bien que moins que son camarade, mais il avait fait le choix de cheveux longs en queue de cheval. Ses gestes étaient moins assurés que ceux de son compagnon, mais son regard perçant ne laissait rien passer. Persé, battit en finesse contrastait étrangement avec eux, semblait un enfant au milieu d'adulte. Un enfant formé à repérer, manipuler, maîtriser et tuer, certes.
Il avait appris qu'il partait en mission il y a trois heures, et avait embarqué il y en a deux, et attendait actuellement son ordre de mission. Il semblait détaché, presque indifférent, mais ses doigts qui semblaient animés d'une vie propre ne laissaient aucun doute aux deux agents, qui comprenaient sans problème qu'il n'en pouvait plus d'attendre.
Bon, attaqua Pierre, inutile de te faire mariner plus longtemps. On part pour Logue town, et ton rôle et de nous fournir une distraction.
Quel type ?
J'y viens, fit-il tranquillement. Tu vas te rendre à une soirée mondaine et occuper Anna De Weiss pour la soirée. Tu devras attirer plus généralement l'attention des convives vers une heure trente. Évidemment, tu fais ça en douceur, le but c'est que personne ne se doute de rien, ni pendant, ni après. Voilà son dossier.
Persé récupéra la lourde pochette sur la petite table.
D'accord. Deux questions : quel sera mon identité et qu'est ce que je réponds si quelqu'un me demande qui m'a invité ?
Cette fois ci, ce fut Jacques qui répondit :
Tu t’appelleras Yoann Sterx, commerçant venu de West Blue. Tu as été invité par le marchand Hoop après avoir fait affaire avec lui. Tu es là depuis cinq jours et tu repars tôt le lendemain matin, tu es dans l'art et c'est ta première soirée du genre.
Je vois. J'ai un intérêt à connaître votre partie de la mission ou il vaut mieux que je fasse sans.
Rien de bien sorcier. On négocie avec le père, on fait jouer les faveurs et on se renseigne sur la révolution et ses soutiens. En parlant de ça, essaie de te renseigner aussi de ton côté, même si la distraction reste prioritaire.
Il vit le regard de Persé et se reprit : il n'y avait pas besoin de faire diversion pour des négociations.
Bon, d'accord, il va peut-être y avoir un peu de casse. C'est bon ! Oui, on va foutre un beau bordel, voilà, t'es content ?
Persé éclata de rire :
Tu m'explique comment tu as fait pour rentrer au CP en étant un aussi mauvais menteur ?
Jacques sourit puis le congédia.
De retour dans sa cabine, il coinça le dossier entre sa couchette et le mur puis se servi un verre d'eau. Il avait vite appris à ne rien laisser traîner, ne serait-ce qu'un instant, sur un bateau. Logue Town ... il leur faudrait une semaine pour l'atteindre. C'était à la fois beaucoup et terriblement peu. En une semaine, à partir de mots et de dessins, il devrait connaître Anna de Weiss presque aussi bien qu'elle-même et comprendre comment utiliser ces connaissances. Heureusement qu'il n'était que peu sujet au mal de mer...
Il hésita un instant à se rendre sur le pont pour étudier le dossier, puis renonça. Trop de bruit, trop de monde, trop de soleil. Il s'allongea sur sa couchette, sous le hublot, et ouvrit le dossier. Comme d'habitude, il était découpé en plusieurs parties : la première comprenait des photos d'elle sous tous les angles et dans un large panel de tenues, ainsi que des descriptions sur sa façon de réagir aux émotions, de bouger, ses tics... La seconde avait trait à son environnement, sa famille... Bref, son cadre de vie. On y trouvait depuis les banalités sur la date de naissance (18 ans) et la profession des parents (nobles), jusqu'à des points bien plus précis, comme l'organisation exacte de sa chambre, de celle de ses parents, de ses amis... Venait la biographie et enfin la psychologie. Ce premier et rapide tour lui confirma au moins une chose : pour avoir un dossier d'une telle précision, il fallait que sa famille intéresse tout particulièrement le CP. Potentiel soutiens révolutionnaire ? Informateurs d’importance ? Bandits reconvertis ? Impossible à dire.
Il prend la première partie, et se donne la journée pour arriver à la maîtriser. Il a juste à pouvoir la repérer sans erreurs du premier coup d’œil, quel que soit sa tenue, rien de plus.
Le dossier commence par une photo. Elle recouvre toute la page et on y voit Anna, de trois quarts, avec en fond une pièce d'un luxe épuré. Son sourire n'est pas parfaitement naturel, comme si elle s'efforçait de faire bonne impression. Ses yeux sont dans le vague, et semblent le regarder sans le voir. Elle est assise sur une chaise toute simple, comme pour faire ressortir sa beauté, les mains posées sur les cuisses, en petite fille modèle, même si ses doigts semblent agités sur l'image fixée.
Elle porte une robe longue, courant jusqu'au bas de ses chevilles. Les manches s’arrêtaient dans le creux des coudes en forme en un nuage de dentelle fine. La robe est d'un jaune pâle, avec quelques décorations simples turquoise. La coupe exemplaire suit la courbe de ses épaules et de ses formes, suggérant beaucoup de choses mais ne montrant rien, laissant avec efficacité courir l'imagination. Elle offrait un décolleté timide qui s’arrêtait juste avant la naissance des seins, dévoilant une peau délicate et lumineuse. Au creux de sa gorge se trouvait un joyau. Une améthyste enchâssé dans un cercle d'or, attirant le regard sur son coup dénudé et lui donnant un air de fragilité. Ses doigts fin ne sont pas vernis et, détails surprenant, ses pieds sont nus.
Ses cheveux, d'un roux éclatant, étaient simplement relâches dans son dos et couraient jusqu'au creux de son dos, entourant un visage ovale dans lequel se voyait encore les rondeurs de l'enfance. Sa bouche a été peinte en carmin par une main que l'on devine maladroite, de même que les pâles tentatives d'apporter un peu de couleur à ses joues. Elle avait un petit nez, légèrement retroussé, des oreilles rondes sur lesquels tenaient encore quelques mèches rebelles, quelques taches de rousseur et des yeux d'un bleu profond, presque océan.
Un détail attira son attention, en bas de la photo. La date. La photo datait d'une semaine à peine. Par les démons, comment se faisait-il que cette fille ai un dossier pareil ?! Impossible à savoir pour le moment, même si cela éclairerait pas mal de points. Il se renseignerait auprès des deux autres lors du prochain repas. Enfin... la photo en disait tout de même long. Bien sûr, la seul base d’une photo ne suffisait pas. On peut être, paraître être, vouloir être ou même vouloir paraître. Il était cependant à peu près sûr que la jeune fille était riche (sans blague), et surtout qu'elle venait de faire ou s’apprêtait à faire son entré dans le monde. Non, réalisa-il soudain. À faire son entrée dans le monde en tant qu'adulte. Ses manières, autant qu'il puisse en juger, étaient parfaites. Non, son problème venait de ses parures. Elles le mettaient mal à l'aise. Elle avait déjà dû assister à quelques soirées pour apprendre à se comporter, probablement habillée de manière discrète et sobre, et elle s’apprêtait maintenant à affronter les regards. Ce n'était que des suppositions, mais un rapide passage dans la biographie sembla la confirmer.
Sur les autres photos, qui semblaient relater plutôt sa vie courante, Anna se retrouvait le plus souvent vêtues d’habits amples, à la fois confortables et discrets. Habillée ainsi, on pourrait presque la prendre pour une adolescente. Il semblait également que ce soit pour elle une habitude d'être pieds nus. À aucun moment, ses cheveux n'étaient attachés, et, quand elle riait, des étoiles braillaient dans ses yeux. Oui, la robe avait visiblement été choisie et commandé pour l'occasion, et se serait sans doute dans cette tenue qu'elle viendrait ...
Persé reposa le dossier. Voilà plusieurs heures déjà que celui-ci n'était plus éclairé que par sa lampe. Il prit une feuille et se mit à dessiner, les yeux fermés. Il n'avait jamais été très bon en dessin, mais le résultat était plutôt ressemblant. Un sourire flotta un instant sur ses lèvres, puis il prit le dessin et le jeta par le hublot, derrière lequel l'attendait les flots noirs. Demain, il s'occuperait de la psychologie. Il s'allongea sur sa couchette et ne tarda pas à rejoindre les ombres.
Demain. Demain, ils atteindraient Logue Town. Demain, il retrouverai le bruit, les cris, les gens. Demain. Cette nuit, elle, lui appartenait encore. Ses pieds nus se posèrent sur le bois en dessous de sa couchette. Ses mains se posèrent sur le rebord de son lit, se crispèrent légèrement sur le cadre, puis ses bras se détendirent, l'aidant à se relever. Il décala légèrement son centre de gravité vers l'avant, souleva son pied gauche, se laissa doucement tomber en avant et reposa son pied, plus loin, savourant le grain des planches sur sa peau. Pour la première fois qu'il était à bord, il prit vraiment conscience du doux roulis du navire. Se penchant de concert, il amplifia le mouvement. Il fit quelques pas ainsi puis cessa le jeu, reprenant sa course tranquillement, en direction du pont.
Il poussa doucement la porte, sans que celle-ci émette ne serait-ce que l'ombre d'un grincement et posa un pied, puis l'autre sur le pont. Il avança d'une démarche glissée vers les haubans, sans alerter aucun des hommes de quarts. Il s’arrêta un instant pour observer les eaux noires qui filaient le long de la coque, puis leva les bras et les enroula dans les cordages. Prenant appuis sur eux, il souleva ses pieds, les soulevant au-delà même de son visage, avant de prendre appuis et de se détendre, allant chercher plus hauts le maillage. Ses pieds retournèrent chercher les cordes, il décala son bassin, changea les prises de ses mains et se déplia pour aller saisir plus hauts les haubans. Il recommença, encore et encore, la corde frottant contre la plante de ses pieds, irritant ses doigts. Enfin, ses derniers se saisirent du nid de pie. Il se hissa fluidement à l’intérieur et fit face à la nuit, le vent coulant dans ses cheveux, le long de son corps, entre ses doigts. En bas, sans qu'il puisse les voir, les vagues se brisaient contre la coque grondant doucement dans l'immensité.
Anna de Weiss. Il attaqua, lentement, d'étirer ses jambes. Il avait l'impression de la connaître depuis toujours. Ses bras se déplient lentement. Il savait tout d'elle. Ses doigts dansent dans les airs. Il connaissait le moindre de ses secrets. La caresse du vent se fit plus insistante. Peut-on connaître quelqu'un à ce point sans devenir, ne serait-ce qu'un peut, lui-même ? Ses doigts se refermèrent sur les manches de ses poignards à sa ceinture. Si il fermait les yeux, son visage lui apparaissait. Il dansa une danse de mort, tranchant l'air de ses lames. Et pourtant, il ne ressentait rien pour elle qu'une vague pitié. Le vent se renforça encore et le bateau se mit à danser avec lui. Était-ce normal d'y être à ce point insensible ? Sa lame trancha la gorge d'un adversaire imaginaire tandis qu'il évitait une rafale d'une pirouette. Et puis pourquoi se soucierai-il de la norme ? Ses appuis se déplacèrent et des rafales de ses coups affrontaient les lames du vent. Il laissa ses doutes s'envoler et se fondit avec le vent.
Enfin... Persé n'était pas officiellement un agent, mais ça ne changeait pas grand-chose à la situation actuelle. Il se trouvait dans la cambuse, en compagnie de Pierre et Jacques, agents de catégories 2 de leur état. Pierre était une authentique armoire à glace, le crâne rasé, approchant le mètre quatre-vingt-quinze. Sa voix profonde était très posé et ses gestes, bien que banals, laissaient entendre une efficacité redoutable. Jacques était également imposant, bien que moins que son camarade, mais il avait fait le choix de cheveux longs en queue de cheval. Ses gestes étaient moins assurés que ceux de son compagnon, mais son regard perçant ne laissait rien passer. Persé, battit en finesse contrastait étrangement avec eux, semblait un enfant au milieu d'adulte. Un enfant formé à repérer, manipuler, maîtriser et tuer, certes.
Il avait appris qu'il partait en mission il y a trois heures, et avait embarqué il y en a deux, et attendait actuellement son ordre de mission. Il semblait détaché, presque indifférent, mais ses doigts qui semblaient animés d'une vie propre ne laissaient aucun doute aux deux agents, qui comprenaient sans problème qu'il n'en pouvait plus d'attendre.
Bon, attaqua Pierre, inutile de te faire mariner plus longtemps. On part pour Logue town, et ton rôle et de nous fournir une distraction.
Quel type ?
J'y viens, fit-il tranquillement. Tu vas te rendre à une soirée mondaine et occuper Anna De Weiss pour la soirée. Tu devras attirer plus généralement l'attention des convives vers une heure trente. Évidemment, tu fais ça en douceur, le but c'est que personne ne se doute de rien, ni pendant, ni après. Voilà son dossier.
Persé récupéra la lourde pochette sur la petite table.
D'accord. Deux questions : quel sera mon identité et qu'est ce que je réponds si quelqu'un me demande qui m'a invité ?
Cette fois ci, ce fut Jacques qui répondit :
Tu t’appelleras Yoann Sterx, commerçant venu de West Blue. Tu as été invité par le marchand Hoop après avoir fait affaire avec lui. Tu es là depuis cinq jours et tu repars tôt le lendemain matin, tu es dans l'art et c'est ta première soirée du genre.
Je vois. J'ai un intérêt à connaître votre partie de la mission ou il vaut mieux que je fasse sans.
Rien de bien sorcier. On négocie avec le père, on fait jouer les faveurs et on se renseigne sur la révolution et ses soutiens. En parlant de ça, essaie de te renseigner aussi de ton côté, même si la distraction reste prioritaire.
Il vit le regard de Persé et se reprit : il n'y avait pas besoin de faire diversion pour des négociations.
Bon, d'accord, il va peut-être y avoir un peu de casse. C'est bon ! Oui, on va foutre un beau bordel, voilà, t'es content ?
Persé éclata de rire :
Tu m'explique comment tu as fait pour rentrer au CP en étant un aussi mauvais menteur ?
Jacques sourit puis le congédia.
De retour dans sa cabine, il coinça le dossier entre sa couchette et le mur puis se servi un verre d'eau. Il avait vite appris à ne rien laisser traîner, ne serait-ce qu'un instant, sur un bateau. Logue Town ... il leur faudrait une semaine pour l'atteindre. C'était à la fois beaucoup et terriblement peu. En une semaine, à partir de mots et de dessins, il devrait connaître Anna de Weiss presque aussi bien qu'elle-même et comprendre comment utiliser ces connaissances. Heureusement qu'il n'était que peu sujet au mal de mer...
Il hésita un instant à se rendre sur le pont pour étudier le dossier, puis renonça. Trop de bruit, trop de monde, trop de soleil. Il s'allongea sur sa couchette, sous le hublot, et ouvrit le dossier. Comme d'habitude, il était découpé en plusieurs parties : la première comprenait des photos d'elle sous tous les angles et dans un large panel de tenues, ainsi que des descriptions sur sa façon de réagir aux émotions, de bouger, ses tics... La seconde avait trait à son environnement, sa famille... Bref, son cadre de vie. On y trouvait depuis les banalités sur la date de naissance (18 ans) et la profession des parents (nobles), jusqu'à des points bien plus précis, comme l'organisation exacte de sa chambre, de celle de ses parents, de ses amis... Venait la biographie et enfin la psychologie. Ce premier et rapide tour lui confirma au moins une chose : pour avoir un dossier d'une telle précision, il fallait que sa famille intéresse tout particulièrement le CP. Potentiel soutiens révolutionnaire ? Informateurs d’importance ? Bandits reconvertis ? Impossible à dire.
Il prend la première partie, et se donne la journée pour arriver à la maîtriser. Il a juste à pouvoir la repérer sans erreurs du premier coup d’œil, quel que soit sa tenue, rien de plus.
Le dossier commence par une photo. Elle recouvre toute la page et on y voit Anna, de trois quarts, avec en fond une pièce d'un luxe épuré. Son sourire n'est pas parfaitement naturel, comme si elle s'efforçait de faire bonne impression. Ses yeux sont dans le vague, et semblent le regarder sans le voir. Elle est assise sur une chaise toute simple, comme pour faire ressortir sa beauté, les mains posées sur les cuisses, en petite fille modèle, même si ses doigts semblent agités sur l'image fixée.
Elle porte une robe longue, courant jusqu'au bas de ses chevilles. Les manches s’arrêtaient dans le creux des coudes en forme en un nuage de dentelle fine. La robe est d'un jaune pâle, avec quelques décorations simples turquoise. La coupe exemplaire suit la courbe de ses épaules et de ses formes, suggérant beaucoup de choses mais ne montrant rien, laissant avec efficacité courir l'imagination. Elle offrait un décolleté timide qui s’arrêtait juste avant la naissance des seins, dévoilant une peau délicate et lumineuse. Au creux de sa gorge se trouvait un joyau. Une améthyste enchâssé dans un cercle d'or, attirant le regard sur son coup dénudé et lui donnant un air de fragilité. Ses doigts fin ne sont pas vernis et, détails surprenant, ses pieds sont nus.
Ses cheveux, d'un roux éclatant, étaient simplement relâches dans son dos et couraient jusqu'au creux de son dos, entourant un visage ovale dans lequel se voyait encore les rondeurs de l'enfance. Sa bouche a été peinte en carmin par une main que l'on devine maladroite, de même que les pâles tentatives d'apporter un peu de couleur à ses joues. Elle avait un petit nez, légèrement retroussé, des oreilles rondes sur lesquels tenaient encore quelques mèches rebelles, quelques taches de rousseur et des yeux d'un bleu profond, presque océan.
Un détail attira son attention, en bas de la photo. La date. La photo datait d'une semaine à peine. Par les démons, comment se faisait-il que cette fille ai un dossier pareil ?! Impossible à savoir pour le moment, même si cela éclairerait pas mal de points. Il se renseignerait auprès des deux autres lors du prochain repas. Enfin... la photo en disait tout de même long. Bien sûr, la seul base d’une photo ne suffisait pas. On peut être, paraître être, vouloir être ou même vouloir paraître. Il était cependant à peu près sûr que la jeune fille était riche (sans blague), et surtout qu'elle venait de faire ou s’apprêtait à faire son entré dans le monde. Non, réalisa-il soudain. À faire son entrée dans le monde en tant qu'adulte. Ses manières, autant qu'il puisse en juger, étaient parfaites. Non, son problème venait de ses parures. Elles le mettaient mal à l'aise. Elle avait déjà dû assister à quelques soirées pour apprendre à se comporter, probablement habillée de manière discrète et sobre, et elle s’apprêtait maintenant à affronter les regards. Ce n'était que des suppositions, mais un rapide passage dans la biographie sembla la confirmer.
Sur les autres photos, qui semblaient relater plutôt sa vie courante, Anna se retrouvait le plus souvent vêtues d’habits amples, à la fois confortables et discrets. Habillée ainsi, on pourrait presque la prendre pour une adolescente. Il semblait également que ce soit pour elle une habitude d'être pieds nus. À aucun moment, ses cheveux n'étaient attachés, et, quand elle riait, des étoiles braillaient dans ses yeux. Oui, la robe avait visiblement été choisie et commandé pour l'occasion, et se serait sans doute dans cette tenue qu'elle viendrait ...
Persé reposa le dossier. Voilà plusieurs heures déjà que celui-ci n'était plus éclairé que par sa lampe. Il prit une feuille et se mit à dessiner, les yeux fermés. Il n'avait jamais été très bon en dessin, mais le résultat était plutôt ressemblant. Un sourire flotta un instant sur ses lèvres, puis il prit le dessin et le jeta par le hublot, derrière lequel l'attendait les flots noirs. Demain, il s'occuperait de la psychologie. Il s'allongea sur sa couchette et ne tarda pas à rejoindre les ombres.
Demain. Demain, ils atteindraient Logue Town. Demain, il retrouverai le bruit, les cris, les gens. Demain. Cette nuit, elle, lui appartenait encore. Ses pieds nus se posèrent sur le bois en dessous de sa couchette. Ses mains se posèrent sur le rebord de son lit, se crispèrent légèrement sur le cadre, puis ses bras se détendirent, l'aidant à se relever. Il décala légèrement son centre de gravité vers l'avant, souleva son pied gauche, se laissa doucement tomber en avant et reposa son pied, plus loin, savourant le grain des planches sur sa peau. Pour la première fois qu'il était à bord, il prit vraiment conscience du doux roulis du navire. Se penchant de concert, il amplifia le mouvement. Il fit quelques pas ainsi puis cessa le jeu, reprenant sa course tranquillement, en direction du pont.
Il poussa doucement la porte, sans que celle-ci émette ne serait-ce que l'ombre d'un grincement et posa un pied, puis l'autre sur le pont. Il avança d'une démarche glissée vers les haubans, sans alerter aucun des hommes de quarts. Il s’arrêta un instant pour observer les eaux noires qui filaient le long de la coque, puis leva les bras et les enroula dans les cordages. Prenant appuis sur eux, il souleva ses pieds, les soulevant au-delà même de son visage, avant de prendre appuis et de se détendre, allant chercher plus hauts le maillage. Ses pieds retournèrent chercher les cordes, il décala son bassin, changea les prises de ses mains et se déplia pour aller saisir plus hauts les haubans. Il recommença, encore et encore, la corde frottant contre la plante de ses pieds, irritant ses doigts. Enfin, ses derniers se saisirent du nid de pie. Il se hissa fluidement à l’intérieur et fit face à la nuit, le vent coulant dans ses cheveux, le long de son corps, entre ses doigts. En bas, sans qu'il puisse les voir, les vagues se brisaient contre la coque grondant doucement dans l'immensité.
Anna de Weiss. Il attaqua, lentement, d'étirer ses jambes. Il avait l'impression de la connaître depuis toujours. Ses bras se déplient lentement. Il savait tout d'elle. Ses doigts dansent dans les airs. Il connaissait le moindre de ses secrets. La caresse du vent se fit plus insistante. Peut-on connaître quelqu'un à ce point sans devenir, ne serait-ce qu'un peut, lui-même ? Ses doigts se refermèrent sur les manches de ses poignards à sa ceinture. Si il fermait les yeux, son visage lui apparaissait. Il dansa une danse de mort, tranchant l'air de ses lames. Et pourtant, il ne ressentait rien pour elle qu'une vague pitié. Le vent se renforça encore et le bateau se mit à danser avec lui. Était-ce normal d'y être à ce point insensible ? Sa lame trancha la gorge d'un adversaire imaginaire tandis qu'il évitait une rafale d'une pirouette. Et puis pourquoi se soucierai-il de la norme ? Ses appuis se déplacèrent et des rafales de ses coups affrontaient les lames du vent. Il laissa ses doutes s'envoler et se fondit avec le vent.
Dernière édition par Persé le Lun 29 Fév 2016 - 17:34, édité 1 fois