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Insecte sous verre

- Tu siffles plus beau merle ? On t'entend moins maintenant que t'es en cage !

Sur le trajet, Joe, désespéré, car si proche du but, avait proféré toutes sortes de menace possibles et imaginables à l'encontre de ceux qui l'escortaient jusqu'à la prison du QG de South Blue. Tout y était passé de "Je vais vous...." à "J'appartiens à l'équipage de....". Mais ses tentatives d'intimidation d'enfant de huit ans n'avaient pas convaincu grand monde. Elles prêtaient plutôt à rire en réalité, ce que firent de bon coeur les geôliers qui passaient lui apporter son repas.
C'était là le plus pitoyable pirate que les marines de South Blue aient jamais croisé. Et pourtant, aussi minable fut-il, le bougre leur avait mit des bâtons dans les roues, au point de se retrouver primé sur ordre du colonel Komamuri. On sous estimait le cafard à ses risques et périls.

Cela faisait maintenant deux jours qu'on l'avait jeté dans une cellule. Déjà les barreaux l'ennuyaient, ce qui était quelque peu dommage pour lui, puisqu'il était amené à les contempler jusqu'à la fin de ses jours. Tout du moins, en théorie.
Pour passer le temps, il tournait en rond. Le forban ruminait. Quand des marines passaient devant sa cage, ils n'étaient jamais capable de comprendre ce qu'il marmonait entre ses dents. On aurait cru un petit vieux qui parlait tout seul.

- Deux jours en cellule, c'est un peu tôt pour commencer à devenir schyzophrène...

Mais après tout, les gardiens n'y prêtaient pas attention. Joe était une vermine nuisible certes, mais du moment qu'il n'avait que la force d'un homme normal, alors il était négligeable. Un négligeable gardé par des négligeants. Sa cage se trouvait dans un immense corridor dont on ne voyait pas le fond, cela était autant dû à sa longueur qu'au manque de visibilité. En effet, pas de fenêtre avec barreaux dans la salle, mais uniquement une succession de meurtrière si peu épaisses qu'un homme n'aurait pu y passer le bras.
Les cages se jouxtaient les unes aux autres, parallèles à un couloir où circulaient les marines. Mais peu de monde passait.

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En étant amené ici, ou plutôt traîné ici, car peu disposé à la captivite, Joe était passé par une cour intérieure qui constituait la place centrale entre les quartiers disciplinaires, où était emprisonné Joe, les bureaux de l'administration du QG, constituant la bâtiment le plus élevé de tous, de l'infirmerie, et enfin, les quais.

Insecte sous verre 1454832658-plan-marine

Contrairement à différents forts de marine, le QG de South Blue n'était pas reculé vers le centre de l'île, mais avait un pied en mer afin de mobiliser plus rapidement ses garnisons. Le village se trouvait à quelques lieues vers l'Ouest.
Le cafard s'interrompit net dans sa marche effrénée des cent pas qu'il avait mené activement dans sa cellule. Ces deux jours à ruminer, il les avait passé à réfléchir à comment partir d'ici. Pointant le nez entre les barreaux de sa cellule, il regardait en direction de la porte du corridor, menant à l'extérieur.

- Arrêtes de te faire du mal petit, même si tu arrivais dehors, tu n'aurais aucune chance de déguerpir d'ici.

Se tournant vers le moustachu avachit sur sa couchette venant de lui faire cette remarque, Joe s'avança doucement mais surement en direction de sa cellule, s'accrocha avec les mains aux barreaux qui les séparaient et lui dit avec un regard et un sourire de fou furieux :

- Non seulement je vais foutre le camp d'ici, mais je te garantis que ces enfoirés seront au garde à vous pour me laisser partir.

L'ambition démesurée du cafard tétanisa son voisin, pourtant bien plus costaud que lui. Joe n'était pas dangereux en soi, mais sa perfidie et son ingéniosité ne connaissaient pas de limite quand il s'agissait de nuire, les deux combinés donnaient souvent lieu à un mélange détonnant.
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Première étape, sortir de cellule. Comme si cela était évident. Les prisonniers bénéficiaient chacun d'un seau pour faire leurs besoins, un gardien passait, et leur apportait deux repas par jour, quant à leur hygiène... Ils ne se lavaient pas quand ils étaient libres, la marine ne jugea alors pas primordial que cela change. En clair, en aucune circonstance les captifs ne pouvaient être escortés hors de leur cellule.

L'hypothèse de la fuite en creusant était exclue, le sol de l'immense corridor était un amas de pierres qu'il était impossible de transpercer sans outillage adéquat. De toutes manières, Joe n'avait pas la patience pour ce genre d'excentricité.
Ne restait alors qu'à sortir en ouvrant la porte de la cellule. Certes, l'acier de chaque cage n'était pas récent, cependant, ce n'était pas donné au premier venu de pouvoir le tordre ou même le fendre. Les barres métalliques étaient épaisses de plus de cinq centimètres et étaient enfoncées profondèment dans le sol.

C'est en gardant les yeux sur la serrure qu'il ne voulait quitter des yeux, tel une bête qui se rongerait la patte pour échapper à un piège à loup, que le cafard, à l'aide de ses dents, incisait la peau de son avant bras droit.

- Bordel Rispon ! Mais qu'est-ce qu'il est train de foutre ton voisin ?!

Rispon, le forban qui plus tôt avait apostrophé Joe ne trouva pas les mots pour répondre. On avait toujours du mal à décrire les facéties de plus fou que soi. Le cafard en train de dévorer sa propre chair avait de quoi laisser coi.

- Nnngh... C'est bon je les ai héhé.

Retirant sa bouche sanguinolente de son avant bras dégoulinant d'hémoglobinei, Joe tenait entre ses incisives deux aiguilles de suture. Avant de se faire capturer, il avait prit soin de les insérer sous sa peau afin de s'en servir plus tard. Il les avait d'ailleurs enfoncées très profondément, si bien qu'un large morceau de peau avait dû être arraché pour les retirer.
Portant ses mains enchaînées à sa bouche, il se saisit des ustensiles et se rua vers la serrure. Il se voyait déjà dehors. Son plan était simple. Ouvrir la porte, déverrouiller ses fers, courir dehors et partir à la nage. Une fois sous l'eau, il serait difficile de le repérer pensait-il, tout ce qu'il aurait à faire, c'est le contour de l'île, voler des vêtements de civil, un bateau pouvant être manoeuvré par une personne, et à lui la liberté.
Oui, il s'y voyait déjà.

- Bordel de... pourquoi cette putain de serrure résiste ?

Seulement, compte tenu de taille épaisse des des loquets, deux malheureuses petites aiguilles ne suffiraient certainement pas à en avoir raison. L'une d'elle finit même pas se briser. La mâchoire tremblante, les yeux exorbités, le cafard n'avait rien vu venir. Tout son plan partait à l'eau. Lui qui était si sûr de lui il y a quelques instants s'apprêtait à fondre en larme.

- Amateur....

Rispon s'allongea sur sa couchette et fit face au mur. Ce n'était pas la première fois qu'un blanc bec parlait de sortir, pourtant, jamais il n'avait vu une évasion depuis les dix ans qu'il était ici.
Un tel échec fit rire ses compagnons d'infortune tout le long du couloir. Leur ricanement cinglant résonna si fort qu'un de leurs gardiens, qui passaient tous leur temps au centre administratif à travailler à d'autres postes de travail, vînt rejoindre les quartiers disciplinaires afin de les engueuler comme il se devait.
Annonçant à tous qu'ils pourraient s'asseoir sur leurs trois prochains repas, il s'apprêtait à partir, le calme revenu, quand il s'aperçu de quelque chose de troublant.

- Mais.... Mais espèce de débile fini ! On a pas idée de se ronger le bras pour pouvoir enlever ses fers !

Joe était assis à même le sol, recroquevillé contre ses genoux. Si sa blessure avait commencé à cicatriser, il était couvert de sang et en avait mit plein sa cellule, ce qui expliquait pourquoi il se sentait un peu nauséeu.
Lorsque le gardien pénétra sa cellule, et l'attrapa par l'arrière du col, Joe se laissa baloter, ne réalisant pas ce qui était en train de lui arriver.

- Demeuré va ! Si un gradé te voit dans cet état, c'est sur moi que ça va retomber. Zou, à l'infirmerie.

Reprenant ses esprits, le cafard avait consevré ses aiguilles dans le creu de sa main gauche. Ébloui par le soleil qu'il n'avait pas vu depuis longtemps, ce fut le déclic : Il était dehors. Et bien qu'il intégra le bâtiment de l'infirmerie, pourtant réservé aux marines blessés, à présent il était sur d'une chose : il n'aurait pas deux occasions comme celle-ci, il lui faudrait alors en tirer le meilleur parti.
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Puisque le bâtiment était en principe réservé pour les blessés de la marine, le gardien traina Joe tout au fond, là où on ne pouvait faire attention à lui. Là où il y avait le moins de monde. Sachant qu'aucun médecin n'accepterait de soigner un forban, le marine préféra s'occuper des soins par lui même.

- Espèce d'abruti ! Tu recommences ça, je t'assure que tu pourras entamer une grève de la fin non consentie pendant un mois.

Si la marine de South Blue prohibait les châtiments physiques à l'encontre des prisonniers, la privation de repas à titre de sanction disciplinaire était autorisée, et même souvent, abusée. On a pas idée à quel point même le plus terrible des pirates peut devenir docile une fois privé de nourriture.
Le gardien, caché avec son prisonnier derrière un rideau prévu à cet effet, appliqua un bandage autour de l'avant bras du cafard. Ce dernier n'offra aucune forme de résistance. A moins qu'il ne fut à l'article de la mort, cette docilité était de mauvaise augure.

- Chef, pourquoi y'a un de vos collègues qui cherche à regarder derrière le rideau ?

Paniqué, le gardien tourna la tête afin de constater les dires de son captif. Ce fut là la dernière chose qu'il fit. A peine la tête tournée, Joe enfonça ses deux aiguilles d'un coup sec dans la nuque du malheureux marine. Sa mort fut foudroyante, dans un hoquet absurde, il convulsa quelques secondes avant de s'effondrer raide mort. Il y avait assez de bruit dans toute l'infirmerie pour couvrir le son de sa chute. Toujours derrière le rideau, Joe prit tout son temps, se saisit des clés de sa victime afin de défaire les menotes d'acier qu'il avait au poignet.

- Aaaah, la vache ça soulage !

Soupira t-il avec aise. Mais il n'avait pas le temps de flemmarder. Se déshabillant au plus vite, il échangea ses vêtements de bagnard avec l'uniforme marine du cadavre. Parmi les ustensiles de soin qui l'entouraient, il posa un sparadrap sur la cicatrice allant de sa joue droite à l'arrête nasale, car le rendant trop facilement identifiable. Il en profita pour débarbouiller le sang autour de sa bouche.
Suite à cela, à l'aide d'une de ses aiguilles, il traça une cicatrice similaire à la sienne sur le visage de celui qui fut son gardien.
Posant délicatement la casquette de marine sur sa propre tête, il s'adonna au sarcasme :

- Dire qu'il aura fallu que je me fasse jeter en prison pour retrouver une casquette comme celle que j'avais. Qu'est-ce qu'on ferait pas pour la mode hinhin.

Mais il n'était pas question pour le moment d'écrire "pirate" sur le couvre chef, il était audacieux, mais pas totalement stupide. Passant un bras du cadavre par dessus ses épaules, il prit une profonde inspiration et tira le rideau, traversant toute l'infirmerie. Quand des regards inquiets semblaient l'interroger sur l'état du détenu qu'il transportait péniblement, il trouva à leur répondre :

- Je lui avais dis que c'était difficile la privation de repas. Mais moi on ne m'écoute jamais.

Cette tirade suffit à dissiper tous les malentendus, faisant même ricaner certains. Si on lui avait dit un jour qu'il irait faire rire des marines en transportant la carcasse d'un de leurs collègues sous leurs yeux, il n'y aurait pas cru. Comme quoi, tout arrive.
En sueur, Joe réussit à retourner aux quartiers disciplinaires afin de jeter le poids mort qu'il avait sur les bras dans la geôle qui fut la sienne. Le marine ne pesait pourtant que quatre-vingt malheureux kilos, mais cette promenade avait suffit à éreinter le cafard.
Reprenant son souffle, il leva la visière de sa casquette et fit un clin d'oeil à Rispon, son voisin de cellule d'antan.

- Oh le fils de pute !

Réajustant sa casquette de sorte à ce qu'on ne puisse observer son regard, le forban fit demi tour, et fier de lui répondit :

- Je t'en prie, appelle moi Joe.

Sortir de la cellule. Check.
Sortir de la prison : Check.
Trouver un moyen pour échapper à la vigilance de la marine : Check.
Maintenant, il fallait trouver une embarcation, mais surtout, sans se presser. La moinde hâte aurait pu attirer l'attention être dommageable.

- Mmmh... Avant, je pense que je vais reprendre mes armes.

Plus. Il lui en fallait toujours plus. La liberté ne lui suffisait pas, il lui fallait son équipement. Aucun pirate n'était assez fou pour se balader dans un QG de marine déguisé en mouette. Personne sauf Joe Biutag.
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Il sifflotait. Bien qu'il avait entièrement conscience du degré d'idiotie dont il était en train de faire preuve, mais il sifflotait malgré tout. Ce n'était pas parce qu'il était guilleret, bien au contraire, c'était pour tenter de de passer pour quelqu'un de détendu. Intérieurement, il était mort de trouille. Seulement, il tenait trop à cet armement rare qu'il avait obtenu au cours des dernières années, et se voyait mal poursuivre la piraterie en solo sans.
Toutes les trentes secondes, réglé comme une horloge, il épongeait d'un revers de manche la sueur qui perlait sur son visage. Le moindre regard anodin suffisait à doubler la fréquence de sa pulsation cardiaque. Plus il s'enfonçait dans le bâtiment administratif, là où étaient centralisés plusieurs sections de marine de South Blue, plus il se décomposait.

Mais ses affaires étaient entreposées dans le local des effets des prisonniers. Sa vision était trouble. Avoir perdu trop de sang et cette pression ne l'avait pas laissé au meilleur de sa forme. C'est avec beaucoup de mal qu'il pu lire le plan du bâtiment.

- Tch... Troisième étage évidemment, ça ne pouvait pas être la porte à côté.

Il était essoufflé. Pensant qu'il récupérerait ses forces assez rapidement après avoir porté le cadavre du marine dans sa cellule, il se rendait bien compte que sa santé était assez atteinte.

- Putaaaaaain, j'aurais pas dû enfoncer ces aiguilles si profondèment.

Arracher tant de peau avec les dents comme il l'avait fait lui avait fait perdre près d'un demi litre de sang. A chaque pallier qu'il escaladait, il effectuait une pause, faisant mine de lire le plan d'évacuation en cas d'incendie pour qu'on ne se doute de rien.
Le troisième étage fut atteint. Posant fébrilement la main sur la porte de la pièce qu'il venait enfin de trouver, il espérait que celle-ci fut ouverte. Qui aurait laissé un tel entrepot ouvert à tous ?

- Chiasse chiasse chiasse, triple chiasse... Comment je vais faire ?

L'idée de repartir sans ses armes ne lui avait même pas traversé l'esprit. Affaibli par la perte de sang, en territoire hostile, il conserva son idée fixe : son équipement.
Se trainant jusqu'à ce qui semblait être une officier de marine de permanence, il baissa sa visière et engagea la conversation.

- On m'a ordonné de venir récupérer les affaires d'un détenu pour analyser si son armement avait servi à commettre un meurtre au Royaume de Bliss.

Jetant un rapide coup d'oeil à ce qui se présentait comme un marine, la demoiselle lui demanda sèchement :

- Qui ça "on" ?

C'est qu'il était dans un QG de marine, pas à la taverne du coin. On ne pouvait pas tranquillement berner son monde sans apporter patte blanche au préalable, l'administration était assez méticuleuse. Joe devait répondre vite, mais il ne connaissait personne à la marine. Soudain, sa mémoire lui fila un coup de main.

- Komamuri !

Hurla t-il presque.

- Le colonel Komamuri, il est celui qui a affronté le dit détenu à Suna Land il y a quelques jours.

Jamais il n'y avait eu d'affrontement entre les deux hommes. Joe s'était contenté de se servir de la marine pour accomplir ses basses besognes, pendant qu'il fuyait en les narguant, ne manquant pas au passage de tuer plusieurs marines et d'occasionner des dégâts particulièrement lourds à leur flotte.

- Ah oui... Suna Land... Sale histoire.

Joe surenchérit presque immédiatement.

- Je ne vous le fais pas dire, j'y étais, je n'ai pas tout à fait récupéré

Alors, le visage de son interlocutrice sembla s'illuminer. Jusque là, le scepticisme était clairement affiché sur son visage. Cet homme louche, la casquette profondément enfoncée sur son crâne, comme si il ne voulait pas qu'on le reconnaisse, en sueur qui plus, elle commençait à avoir des doutes sur sa provenance. Mais ce simple mensonge de Joe suffit à dissiper le malentendu qui n'en était pas un. En se faisant passer pour blessé en service, il pouvait ainsi justifier le visage cadavérique et moite qu'était devenu le sien.
La jeune marine alla lui ouvrir la porte patientant à l'entrée le temps que le cafard reprenne ce qui était à lui. Fouillant dans la pénombre, il parvint après quelques minutes à mettre la main sur son anorak. Le soulevant pour le peser, il essuya un sourire fourbe. Ses armes étaient encore à l'intérieur.

- Oh, le prisonnier dont vous parliez, c'est ce Joe Biutag ? J'en ai connu des vermines en écumant les mers, mais lui, c'est une catégorie à part.

Sans lui répondre, Joe se contenta de sourire, un sourire peu rassurant d'ailleurs, mais il s'enorgueillissait de cette réputation.

- Enfin, vous devriez vous reposer, après une mission aussi éreintante sur Suna Land, il ne faut pas trop forcer.

Alors qu'il commençait à reprendre la route, le lourd manteau sur les bras, il se retourna afin de conclure la conversation.

- Ne vous inquiétez pas pour moi, je compte prendre des vacances loin d'ici, j'ai une petite île de rêve qui m'attends héhé.

La saluant, il reprit sa route. Les escaliers furent moins difficile à descendre qu'à monter, cela dit, sa vue encore trouble manqua de le faire chuter à deux reprises.
Arrivé au rez-de-chaussée, il n'emprunta pas la sortie qui menait à la cour intérieure entre les trois bâtiments principaux du QG, mais prit la direction qui menait au village, là où se trouvait le seul autre embarcadère de cette île.
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- Du repos putain, il me faut du repos...

Sur le petit chemin qui menait au village, Joe pestait. Son manteau était lourd comme jamais. Rien n'avait été ajouté dedans, mais les forces du cafard diminuaient petit à petit. Son dernier repas remontait à il y a plus de six heures, et il devait se nourrir et dormir afin de récupérer de sa perte de sang de tout à l'heure. En enfilant son anorak, il ressemblait moins à un marine, mais cela semblait alléger Joe, qui devait porter le poids sur ses épaules, et non pas à bout de bras.
Fouillant les poches du pantalon qu'il avait volé, il trouva un autre prétexte pour se plaindre.

- Ma parole, il a fallu que je pique le futal d'un gueux, il a même pas 100 berries dans ses poches...

Ce n'était pas par cupidité qu'il lui fallait de l'argent, mais pour s'acheter un repas. Tant pis, il lui faudrait prendre son mal en patience. Peut-être croiserait-il un enfant à qui voler son goûter.
Lâche et fourbe, vous vous souvenez ?

Enfin il venait d'atteindre le village qui n'était pourtant qu'à cinq cent mètres du QG. Il avait semblé au cafard avoir marché dix kilomètres, chancelant par moment, marcher devenait un exercice coriace. Mais il tenait bon. Traversant le village, sous les regards inquiets des habitants, il avait beau avoir la parure d'un marine, tout le monde voyait bien que quelque chose clochait avec lui. Un homme vînt se mettre sur sa route.

- Vous allez bien monsieur ?

Lui ressortant l'excuse de la blessure de guerre lors de la bataille de Suna Land, son interlocuteur devint plus confiant face au forban.

- Mais où allez vous comme ça ?

Trop pressé de foutre le camp, car sentant ses forces le quitter, Joe fut hâtif dans sa fuite en avant, et annonça à l'homme qu'il lui fallait un navire pour une personne afin de s'entraîner en vue d'un exercice de marine prochain. L'homme resta silencieux un instant. Il était assez grand et bien batit, une cinquantaine d'année environ, un visage paisible, ce dernier annonça tout guilleret :

- J'en ai un moi de mono place à voile ! Faut pas vous inquiéter, je vais vous le prêter.

La générosité populaire. Joe aurait volontiers pleuré devant la beauté du geste si il n'avait pas eu autant envie de gerber devant la naïveté excessive de ce villageois. Le suivant jusqu'à l'embarcadère en retrait du village, il lui suffirait d'allonger le bon samaritain et de s'enfuir. Le bateau qui lui fut présenté était rudimentaire, mais il avait une voile, cela rendrait la fuite bien plus agréable.

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Avec les aiguilles qu'il avait conservées dans ses mains, Joe avait percé des trous dans les poches intérieures de son manteau. Ainsi, il n'avait plus à ouvrir son épais anorak pour dégainer, ce qui lui faisait gagner des secondes précieuses, en plus d'un effet de surprise certain. En effet, qui pouvait s'attendre à ce qu'un homme sorte de sa poche un mousquet à triple canons aux barrilets aussi longs ? Ou même un lance grenade ?
Ne voulant faire de bruit, le cafard comptait assommer le bougre qui était en train de défaire le noeud qui attachait son bateau quand :

- Joe Biutag... Moi qui te croyais en prison.

Tournant légèrement la tête vers la droite, un marine, seul, le tenait en joug mousquet à la main.

- On s'est croisé y'a quelques temps en mer. Tu venais d'aborder un vaisseau de touristes.

N'étant pas peu fier d'un tel exploit, même si il n'avait pas tiré le gros lot ce jour là, le cafard sourit en coin. Ce sourire ne fut pas partagé. Le visage du marine devînt hargneux, ses yeux humides.

- Un ami à moi était dans la barque que tu as bombardée avec ton foutu canon portable...

Du tac au tac, visage candide, bien que légèrement maladif, Joe lui demanda :

- Ah oui ? Et comment il va ?

Sachant pertinemment quelle était la réponse à sa question, qui était en réalité une provocation, le marine hurla à s'en déchirer les cordes vocales.

- TU VAS CREVER FUMIER !

Joe n'en espérait pas tant. Un ennemi qui voyait rouge, on en faisait ce qu'on en voulait. Après l'avoir titillé sur son ami mort, il savait son adversaire à fleur de peau. Puisque le cafard ne pouvait pas dégainer plus vite qu'un homme avec un pistolet braqué sur lui, il se saisit en vitesse de l'homme serviable qui lui offrait son bateau en l'attrapant par le col, et le jeta sur le marine.
Celui-ci, surpris par le mouvement brusque de Joe tira, tuant le pauvre homme sur le coup.
Paralysé par l'horrible crime que le forban venait de lui faire accomplir, le marine vengeur savait qu'il n'aurait pas le temps de recharger, déjà, Joe sortait son mousquet amélioré de la poche large de son manteau et tira un coup de feu à son tour.

- Couillon va. Voilà ce qui arrive quand on a des sentiments.

Pour Joe, même les sentiments les plus ardents et les plus purs ne pouvaient vaincre le calcul méthodique du monstre à sang froid qu'il savait être quand les circonstances l'exigeaient.
Si le marine n'avait pas appelé les renforts, c'était pour avoir l'occasion d'abattre Joe sans forme de procès. En serait-il resté à l'idéal de Justice qu'arbore la marine sur son étendard, il serait vivant et victorieux. La vengeance l'avait mené à la tombe.

Sans se préoccuper de telles considérations, Joe déposa au plus vite les deux cadavres dans le rafiot et prit le large. Les coups de feu avaient surement alerté les habitants de la présence d'un individu dangereux sur l'île, tant qu'ils ne trouvaient pas de cadavre, sans doute ne demanderaient-ils pas d'aide au QG. Cela permettait au cafard de gagner de précieuses minutes d'avance.

- Je ferai pas ça tous les jours....

Avachit dans l'embarcation qui partait à la dérive, son estomac le travaillait, et il n'y avait aucune provision à bord. Tout ce qui le maintenait conscient, c'était ces chiffres qu'il avait ruminé ces trois derniers jours.

N 48°, 57', 39'' – O 64°, 31', 27''


Ces coordonnées, il les avait retenu par coeur. Jamais il n'oublierait l'emplacement de son trésor. Le navire était équipé d'une boussole, mais pas de provisions. Observant les deux cadavres sur le pont, le forban resta de marbre quelques minutes avant de s'exclamer :

- Eh puis merde, j'ai trop faim !
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Moins de deux heures après s'être évadé du QG de South Blue, le cafard avait fait escale sur une minuscule île, le temps de faire un feu de bois. Avec un peu de mal, il avait fait naitres de petites flammes en frictionnant une baguettes contre du bois sec. Enfin il allait pouvoir faire cuire sa viande. Tandis que les mets qu'il avait découpé avec une écorce étaient en train de cuire, il se remémora l'un de ses capitaines lui ayant narré une histoire où ce dernier avait été contraint au cannibalisme pour survivre sur une île déserte en attendant les secours.
Ce genre d'incidents pouvait arriver en mer.

Sans hésiter, une fois cuit, Joe dévora la viande qu'il convoitait depuis peu.

- Mmmmmh ! Le capitaine avait raison, ça a le même goût que le poulet ! Qui l'eut cru ?

Puis, observant les cadavres calcinés et déchiquetés, d'où il avait arraché certains muscles, le forban, sans pitié, tout en mâchant son repas dit en ricanant :

- Je m'étais attendu à ce que ça ait un goût de mouette ahahahah !

Après s'être remplit la panse d'une viande plus digeste qu'il ne l'aurait cru, Joe avait reprit des forces. S'emparant de quelques larges morceaux d'écorces, il retourna en mer après avoir éteint son feu et abandonné les deux carcasses encombrantes.
Il n'était plus loin de cette île tant convoitée. Bien que succomber au cannibalisme aurait rendu fou n'importe qui de sain d'esprit, le cafard avait déjà oublié cet épisode qu'il trouvait anecdotique. Dans son esprit, seuls les berries occupaient une place importante.

- Un demi milliard muhahaha ! Se répétait-il sans cesse.

Plus il approchait de son but, plus il le hurlait fort. Jusqu'à ce qu'il aperçut les rivages d'une île correspondant aux coordonnés.
Aucune habitation à signaler, aucune terre déterrée. Joe décida de débarquer. Cette fois, c'était dans un silence de mort qu'il approchait son trésor. Le moment de vérité était si proche. A l'aide des écorces, il creusa la terre meuble. Cela prit des heures. Existait-il en ce bas monde pour un pirate, une épreuve plus terrible que de ne pas trouver un trésor qu'on a longtemps recherché à partir d'une carte ?

* Dong *

Joe pâlit. Sa quatrième écorce était presque totalement brisée, et enfin, il venait de heurter un morceau de métal. Dégageant la terre autour, il n'y avait plus de doute possible, il s'agissait d'un coffre. La respiration du boucanier se fit de plus en plus saccadée. Il mit près d'une heure à dégager la terre partout autour de l'ouverte du coffre. Son dernier obstacle fut un cadenas qui, bien que rouillé, résistait encore aux coups de pieds frénétiques du forban.
Sortant de ses poches les aiguilles qu'il avait enfoncées dans la doublure de son manteau, il les inséra dans la serrure, puis, bidouillant tant bien que mal, finit par déverrouiller le coffre.

- Je savais que ces saloperies finiraient par ouvrir une serrure, je le savais !

Tremblant, il resta un instant à contempler le coffre. Ce n'était plus un coffre à ses yeux, c'était une jeune vierge qui lui offrait son pucelage, un pucelage d'un demi milliard de berries.
Délicatement il ouvrit le coffre, s'attendant à être aveuglé par le brillant de l'or et des pierres précieuses.

- Des liasses ?

Il semblait presque déçu. Comptant le nombre de berries par liasse, multipliant le nombres de liasses par leur nombre en hauteur, en largeur et en longueur, il parvint à la seule conclusion possible.

- J'ai trahi Nnoles et failli finir mes jours en prison pour moins de cinquante millions...

Le vent souffla, il commençait à faire nuit et Joe rsetait là, à genou devant ce trésor qui n'était pas à la hauteur.

- BAHAHAHAHAHAHA ! Rien à foutre ! Cinquante millions c'est toujours bon à prendre !!!

Bien qu'épuisé après avoir creusé si longuement, il fit plusieurs voyages pour transporter ses liasses jusqu'au pont de son navire, une fois celui-ci entièrement recouvert, il s'allongea dedans, et, comme les enfants qui faisaient une silhouette d'ange dans la neige, fit de même dans les liasses de berries. La fortune souriait enfin aux audacieux, et Dieu sait qu'il avait fait preuve d'audace depuis qu'il agissait comme pirate solitaire.
Si il festoyait pour le moment, bientôt, il partirait enterrer son magot ailleurs, et reprendrait la chasse aux berries. Il lui en fallait plus... toujours plus.
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