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Quand Harpagon rencontre Shylock

Au final, après son petit larcin de bas étage, Joe avait dû faire un détour conséquent afin de vendre les cargaisons de thon volées. Eut-il eu la présence d'esprit de ne pas s'attaquer à des pêcheurs sur sa route que son magot aurait déjà été enterré en sécurité depuis longtemps. Mais sa cupidité était maladive, et puis, cela ne serait jamais arrivé si les pêcheurs pensaient à s'armer davantage.
C'était en tout cas ce que pensait Joe, et ce, bien qu'il fut entièrement responsable des conneries et autres atrocités qu'il perpétrait de plus en plus fréquemment. Cependant, le forban n'était pas du genre à ruminer ses erreurs passées pendant des jours entiers, c'était un pirate, et quoi qu'il arrive, il allait de l'avant sans jamais se retourner.

En l'occurrence, il n'alla pas exactement de l'avant, mais prit la barre et mit le cap à bâbord. Ayant siesté trop longtemps, il était allé à la dérive et devait rectifier le tir. Ne lâchant pas sa boussole du regard, il fit une moue légèrement contrariée. Ce n'était pas son genre de trop dormir lorsqu'il était en mer, mais ces derniers jours furent éreintants, et il n'avait pas eu l'occasion de se reposer depuis un moment.
Le temps qu'il avait passé à se rouler dans des liasses de billets, il n'avait pas fermé l'oeil de la nuit. Voilà où menait la l'extase de l'or quand on perdait pied. Toujours est-il que ce manque de sommeil avait quelque peu allongé son trajet, ce dont il se serait bien passé. La paranoïa commençait à prendre place dans sa cervelle embrumée par l'insomie latente, et Dieu sait qu'un pirate cupide, commençant à devenir paranoïaque lorsqu'il se balade avec près de cinquante millions de berries sur lui, ça pouvait être dangereux.

Mais avec la tête qu'il tirait, et l'alerte lancée par la marine relative à son évasion, personne n'aurait la bêtise de s'approcher de lui. Reprenant le cap initial, là où il désirait enfin enterrer son trésor, il ne tarda pas à faire une nouvelle rencontre.
Cette fois, pas de pêcheur, mais une petite caravelle.

- Passe ton chemin, passe ton chemin, passe ton chemin passe ton ch.... oh ! C'est quoi ce câble qui s'enfonce dans l'eau ?

Il avait eu beau essayer de s'auto-dissuader de s'approcher du bâtiment, le moindre prétexte avait suffit pour qu'il prenne le risque de foncer dans sa direction. Ce qui avait attiré son attention était un épais tuyau partant du pont du navire et s'enfonçant dans l'eau. Arrêtant son embarcation à côté, il se saisit à pleine main du tuyau, étudiant sa texture.

- Mmmmmh, c'est caoutchouteux, je me demande combien ça pourrait se vendre.

Les mauvaises habitudes font la vie dure. Déjà il songeait à perpétrer un nouvel abordage. Réfléchissant à un moyen de procéder, ne connaissant pas le nombre de personnes à bord, il fut interrompu par l'émanation de bulles à côté de son voilier. On aurait dit que l'eau entrait en ébullition à proximité.
Peu farouche, Joe se pencha par dessus bord, se demandant bien ce qui pouvait se passer, quand une main de fer sortit de l'eau pour l'attraper à la gorge.

- Lâche ce putain de tuyau bougre d'andouille !

Tout pirate sanguinaire qu'il était, le cafard était soudain plus disposé à obéir aux ordres lorsqu'on le serrait à la gorge. Lâchant le tuyau dont il comptait se servir pour escalader jusqu'au pont de la caravelle, la main relâcha son emprise immédiatement.
Ce qui venait de surgir de l'eau était un large homme à la tête cuivrée, Joe avait d'ailleurs reconnu la froideur du métal lorsqu'il fut étranglé. Scrutant le spécimen, le forban qui peinait à retrouver son souffle hurla :

- UN CYBORG ?! JE PEUX PAS BLAIRER LES CYBORGS !

Paniqué, toujours situé au bord de son voilier, il mit plusieurs coups de pieds au robot de cuivre qui flottait à côté de son embarcation. Ce dernier se protégeait la tête tant bien que mal, et entre deux cris de douleur parvint à en placer une, braillant avec plus de puissance que Joe ne hurlait de rage.

- Je suis pas un cyborg, je suis dans un scaphandrier crétin fini !

Soudain, Joe cessa de frapper le bougre qui avait surgit de l'eau. Un regard vide, la bouche entrouverte, il tourna la tête en direction du tuyau, puis regarda à nouveau l'homme dans le scaphandrier. Mettant quelques secondes à faire le lien entre les deux, il venait enfin de comprendre ce qui se passait et remit son pied sur le ponton de son petit navire.

- Ah ouais, un type dans un scaphandre.... Ça se tient.

Son interlocuteur grommela puis se saisit de l'échelle de corde située à tribord de la caravelle pour monter à son bord. Enlevant le casque il brandit le poing en engueulant le forban. Ce dernier s'excusa, lui faisant comprendre que par le passé, il avait eu de mauvaises expériences avec un cyborg, la paranoïa n'ayant pas aidé, le malentendu fut inévitable.
Si Joe s'était montré si conciliant et n'avait pas abattu cet homme qui se permettait de le réprimander, c'est parce qu'il savait qu'un scaphandre impliquait souvent la perspective de chasse aux trésors sous-marins. Ne connaissant rien à la plongée sous-marine, il comptait bien en apprendre un maximum et en profiter.
Sachant à présent que l'homme était seul à bord de sa modeste caravelle, le cafard lui demanda ce qu'un adulte de son âge pouvait chercher sous l'eau, se doutant bien qu'il s'agissait d'or.

- Eh bien mon garçon, tu ne vas pas me croire... J'ai perdu mes clés !
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Ayant été chaleureusement accueilli à bord de a caravelle, Joe s'était même vu servir un verre de liqueur de prune. Cela faisait un moment qu'il n'avait pas bu autre chose que de l'eau, le brevage lui redonna une vigueur insoupçonnée. Tout en dégustant le délicieux nectar, son hôte se présenta :

- Fredo Tchamdran ! Marchand ambulant de renommée in-ter-na-tio-nale !

- Connaît pas. Répondit séchement le cafard avant d'avaler une gorgée de liqueur.

Le marchand, bien que contrarié, ne se laissa pas déstabiliser et reprit :

- Voilà des années que j'écume les mers. Après une courte carrière dans la marine, qui m'a menée à Grand Line, j'ai été d'île en île pour marchander des spécificités régionales. Je possède un stock de marchandises venant de partout sur Grand Line ! D'où le nom de mon vaisseau !

Il pointa du doigt le mât de sa caravelle, où il était inscrit sur une plaque "Little Grand Line". Son histoire avait eu le don de capter l'attention du forban. Des richesses inestimables se trouvaient à bord de ce navire, et Fredo était seul à bord. A cet instant, Joe ignorait si les larmes qu'il avait aux yeux étaient dûes à la joie excessive qu'il ressentait en pensant à l'abordage, ou à la liqueur de prune, trop forte pour son palais. C'était la liqueur.
Toussotant, il n'arrivait pas à reprendre la parole et se contenta de pointer le scaphandrier du doigt.

- Oh ça ? C'est un équipement de mon vaisseau. Il n'y a besoin que d'un seul homme pour manoeuvrer cet engin, on pompe de l'air au préalable, et ensuite on peut plonger et respirer sans que personne n'ait à pomper en attendant.

Une invention ingénieuse.

- D'habitude, nous sommes cinq à bord, mais j'ai déposé mes camarades à proximité de Reverse Mountain le temps de retourner chez moi.

Prenant un air grave, il marqua un temps de silence, bu un verre de liqueur resservant Joe qui n'attendait que ça. Déglutissant avec peine, il reprit enfin son discours.

- Je comptais déposer quelques denrées dans mon coffre fort chez moi à Bliss, mais... Pensant jeter par dessus bord des couverts sales, ma clé qui y fut mêlée tomba à l'eau.

Alors que Joe, pour le moins surpris, allait lui demander pourquoi cet idiot jetait ses couverts sales dans la mer, il eut la réponse avant même d'avoir posé la question.

- Oh ça va ! D'habitude c'est pas moi qui fait la vaisselle à bord, donc j'ai improvisé.

Voilà ce qui arrive quand on passe une vie à être assisté à ne jamais faire les tâches ménagères. Cet incident eu le don de faire pouffer le forban, il faut dire qu'il y avait de quoi rire. Quand le cafard cessa de pouffer, ce fut pour se mettre à rire de bon coeur, tant et si bien qu'il se roulait sur le dos tellement l'hilarité était palpable suite à la narration de cette histoire.
Fredo ne semblait pas trouver ça drôle, et ignorant le fou rire qui faisait bruit de fond, il poursuivit.

- Mais même manoeuvrable par une personne, je ne peux pas stocker assez d'air... Et je ne peux pas demander de l'aide à mes camarades, car disons que d'un point de vue comptable.... Mieux vaut qu'ils ne connaissent pas l'existence du coffre.

Sifflotant un petit air innocent, frottant ses mains nerveusement, et levant les yeux au ciel l'air de rien, le marchand semblait quelque peu gêné. Mais le cafard connaissait cet air, c'était celui du radin qui s'en mettait plein les fouilles, détournant le gros des profits pour lui, et ne laissant pas grand chose à ses subalternes. Tous ses capitaines par le passé agissaient de la sorte, alors depuis le temps, il connaissait la musique.
Mais cette histoire était plus que réjouissante. Une cargaison rare, un coffre remplit de trésors dont la clé sommeillait au fond de la mer. L'occasion était trop belle.

- N'aie crainte mon brave ! Le bon samaritain que je suis va te venir en aide ! Contente toi de pomper pour me donner de l'air, et j'irai la récupérer ta clé !

Le "bon samaritain" se remit une rasade de liqueur de prune. Il comptait bien profiter de la chance qui se présentait à lui. Si dans un premier temps il avait pensé à tuer le marchand pour lui piquer ses richesses, il envisageait à présent de le suivre jusqu'à Bliss et de dévaliser son coffre une fois celui-ci ouvert. Joe le sentait, le jackpot n'était pas loin, mais il ne savait pas encore ce qui l'attendait sous l'eau.
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- Oublies pas ! Tu tires un coup sur le cable si tu trouves quelque chose, et deux si tu veux remonter !

Joe leva les yeux au ciel avant d'enfiler le casque en cuivre du scaphandre. D'une voix caverneuses il répondit sur de lui :

- Ça va, je suis pas un gamin, je peux retenir des consignes aussi simple.

Confiant, il l'était. Pourtant, jamais il ne s'était adonné à une telle joyeuseté. La plongée sous-marine ne s'improvisait pourtant pas, mais l'insouciance des idiots pouvait passer pour du courage selon les points de vue. Le cafard avait passé treize ans sur les mers, ce n'était pas un petit séjour en dessous qui allait le faire paniquer.
Déambulant tant bien que mal, croulant sous le poids du scaphandre, il se mit sur le rebord, et leva les bras, prenant la pose pour effectuer un joli plongeon. Mais le forban fut frappé violemment sur le sommet du scaphandre, le bruit du coup résonnait dans toute la combinaison.

- Mais t'es pas bien espèce de trou du cul ?! On plonge pas comme ça avec un scaphandre, tu dois descendre verticalement.

Joe se retourna vers lui, ouvrit l'écoutille de son casque pour lui témoigner un nouveau regard vide.

- Vertica... DE HAUT EN BAS SI TU PRÉFÉRES !

Fermant l'écoutille du casque, Fredo alla se poster derrière la pompe et autorisa enfin le cafard à sauter. La pénétration dans l'eau se fit verticale.
Impassible, Joe s'enfonçait. Regardant vers le bas, il voyait déjà le fond, seulement le ciel était gris, et l'eau particulièrement sombre. Difficile de chercher une clé au milieu de la mer quand on n'y voyait rien à deux mètres devant soi.
Mais il verrai cela une fois qu'il aurait atteint le fond. En attendant, des petits poissons curieux s'approchaient et se heurtaient à lui. Il y avait de tout, même un thon de South Blue que Joe, avide, chercha à attraper à main nue, il n'y avait pas de petit profit quand on était cupide à ce point. Ne parvenant évidemment pas à attraper le moindre poisson, il commençait à gesticuler pour éloigner tous les spécimens curieux qui l'entouraient et commençaient à entraver sa vision.
Puis, baissant à nouveau la tête pour voir si il était bientôt arrivé au fond, la surprise fut au rendez vous.

- M... Merde comment que je suis censé faire pour lui dire me remonter ?!

Lui qui se vantait il y a cinq minutes de connaître les consignes par coeur, il était bien embêté.
Plus haut, sur la caravelle, le marchand vit des bulles remonter à la surface, c'était le signe que l'idiot qu'il avait jeté à l'eau commençait à paniquer.

- Je savais que ce crétin oublierait le signal pour remonter, je le savais !

Signal ou pas, il amorça la manivelle pour remonter le plongeur.

- Ouf ! Il pèse son poids l'animal.

Suant à grosses gouttes en essayant de remonter Joe, c'est le regard écarquillé qu'il observa ce qu'il venait de sortir de la mer. Joe, qui gesticulait les bras, avait à son pied un requin qui le tenait fermement de sa large mâchoire. Heureusement, les bottes étaient en cuivre, et le scaphandre ne fut pas pénétré par les dents acérées du squale.

- Bah oui mon gars, dans la mer, y'a des petits poissons, pis y'en a des gros Ah Ah !

Prenant son temps pour aller chercher un fusil en cale, il visa la tête du requin, et lui fit lâcher prise après lui avoir tiré dans le crâne. Joe se sentait soudain plus léger et arrêta de crier. Soudain, il était moins chaud pour explorer les profondeurs aquatiques.
Il s'apprêtait à émettre quelques réserves quand le marchand lui annonça :

- Allez c'est reparti !

Bien que Joe hurla "noooooon" à en perdre le souffle, le son ne parvint pas jusqu'aux oreilles de Fredo, qui, de toutes manières, n'aurait pas prêté attention aux larmes de son cobaye.
Le cafard fut alors plus vigilant durant sa descente. Il regardait partout autour de lui, ayant peur de ce qui pourrait surgir d'un de ses angles morts. Mais cette fois, pas de requin en vue, excepté celui qui flottait mort à la surface. Enfin, il avait atteint le fond de la mer. S'agenouillant, il était temps de passer aux choses sérieuses. Déblayant de la main les petits cailloux, il cherchait la clé.

- Qu'est-ce que tu cherches monsieur le robot ?

Joe se figea. Était-ce une hallucination ? Il venait pourtant d'entendre quelqu'un parler au fond de l'eau. Levant la tête doucement, de peur de ce qu'il risquait de découvrir. Il vit devant lui une sirène qui, peu farouche, lui adressa un sourire en lui faisant coucou de la main. Paniquant, car ayant remarqué sa queue de requin en premier lieu, Joe finit par se calmer en voyant qu'elle avait l'air amicale.

- C'est le trésor au fond de l'eau que tu cherches comme ça ? C'est pas ici qu'il est, il se situe à....

Alors qu'elle allait lui révéler l'emplacement d'un trésor sous-marin, le cafard fut soudain remorqué à la surface.
Une fois sorti de l'eau, Fredo lui dit qu'il avait vu des bulles et en avait déduit que son plongeur avait paniqué.

- Espèce de tête de .....

Voyant que Joe avait l'air en forme, le marchand déclara alors guilleret :

- Bon bah c'est reparti !

Ne laissant pas le temps au forban de l'insulter comme il se devait pour lui avoir fait perdre une occasion de s'enrichir, le marchand le remit à l'eau immédiatement. On en était à la troisième plongée, et toujours pas de clé à l'horizon.
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- Petite sirèèèène, youhoooou ?

Rien à faire, elle était partie. Les bras balants, à nouveau, il était en train de se laisser couler. On ne pouvait pas dire qu'il avait beaucoup oeuvré jusque là. Ses larmes de déception d'avoir loupé un trésor sous-marin séchèrent vite compte tenu de la rage ardente qui les firent presque s'évaporer au contact de sa peau.
A nouveau, il était tout au fond de l'eau. Cette fois, il essuya une moue dubitative. Cela faisait près d'une heure que le marchand avait fait tomber sa clé, et Joe se demandait si depuis le temps, le courant ne l'avait pas éloignée de là où elle était tombée. Levant la tête, il observa la silhouette des bateaux, patientant un instant, il finit par voir que le vent faisait tanguer les deux embarcations vers l'Est. Ce fut donc vers l'Est que se dirigea Joe, scrutant le sol, mais levant le nez au cas où la sirène reviendrait.

Soulevant ici et là une pierre ou deux pour voir si la clé ne s'était pas glissée dessous, il ne trouva rien de bien concluant. S'arrêtant un instant, il soupira, il s'était pas mal éloigné du bateau, bientôt le cable serait trop tendu pour poursuivre sa route. S'apprêtant à faire demi-tour, sa mesquinerie infantile le poussa à mettre un coup de pied à un crabe qui était pourtant tranquille. Ce dernier en guise de contre-attaque le pinça au pied, en vain, la combinaison était trop solide. Frustré, l'animal s'en alla.

- Qu'est-ce qu'il a l'air con ce crabe, avec sa démarche bizarre, ses pinces et sa clé sur le dos, tssss.

Reprenant sa route en direction du bateau, il s'arrêta net, tétanisé par sa bêtise.

- Oh putain ! La clé !

Une course poursuite d'une vitesse rare s'engagea alors sous l'eau. C'est à près de deux kilomètres à l'heure que se déplaçait le cafard pour rattraper la clé de son futur butin. Le crabe semblait se déplacer avec davantage de facilité. Alors, Joe, qui n'avait plus beaucoup d'allonge, décida de jouer le tout pour le tout, et se laissa tomber en avant.
Ce fut probablement la chute la plus lente du monde, il mit trois bonne secondes avant de s'écraser au sol, et, les bras tendus en avant, se saisit de l'infâme crustacé.

A bord, Fredo sentit deux coups secs tirés sur le cable. Se demandant si Joe l'avait fait exprès ou non, il décida de le remorquer malgré tout. Et c'est victorieux, le bras glorieusement brandit en l'air, la clé en main, que le forban sortit de l'eau.

- C'est pas la bonne clé gamin.

De rage, Joe la jeta à l'eau. Le marchand poussa alors des hurlements à réveiller un mort.

- Mais je plaisantais bougre d'andouille ! Combien de clés crois-tu qu'il y ait sous mon bateau ?! Tu y retournes !

Sans même un deuxième avis de son plongeur, le scaphandre tomba à l'eau pour la quatrième fois. Habitué, Joe ne trouva qu'à murmurer dans sa combinaison de plongée :

- Je vais prendre mon temps pour le torturer une fois que son coffre sera ouvert... Oh que oui, ça va me détendre !
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Après une longue exploration sous-marine, Joe était à nouveau à bord de la caravelle. Sorti de la combinaison, il se sentait poisseux à force mariner dans sa propre sueur, et à devoir respirer son haleine en plus de tout.
Mais la clé était récupérée, et c'était là tout ce qui comptait. Le reste de la bouteille de liqueur de prune fut vidé pour fêter l'occasion. Les deux compères discutèrent longuement, l'effet de l'alcool aidant pour sociabiliser, Joe, trop grande gueule avec un coup dans le nez, lui parla de son trésor à bord.

- Un trésor ?! Laisse moi donc te le rafler.

Soudain le regard du cafard se fit vif et aiguisé, il n'aimait pas qu'on plaisante avec l'argent, surtout le sien. Le marchand, se doutant bien depuis le début qu'il avait à faire à un pirate, ne semblait pas décontenancé pour autant.

- Façon de parler trou du cul ! Mais j'ai à bord des marchandises qui valent la peine de dépenser quelques berries, suis moi voir dans la cale.

Les deux hommes titubèrent tant bien que mal et parvinrent à descendre l'échelle en direction de la cale sans qu'aucun ne chute en route. Un exploit en soi. Des marchandises de toutes sortes pendaient et trainaient partout, c'était un vrai foutoir. Des armes, des bibelots, des oeuvres d'art probablement volées, on pouvait y trouver de tout. Fredo se saisit d'un mousquet à canon double.

- Dis voir toi qui écume les mers, ça pourrait te servir ça non ?

Sans sourciller, Joe fouilla sa poche et sortit son mousquet à triple canon, manquant de faire tomber les yeux du marchand hors de leur orbite. Ce dernier voyait bien qu'il avait à faire à un connaisseur d'armes. Tout ce qu'il pouvait éventuellement lui vendre de plus précieux que les armes que le cafard avait déjà sur lui, c'était éventuellement des pistolets et fusils chromés or. Mais rien qui ne pouvait tenter le forban.

- Je m'avoue pas vaincu mon gars, ça, tu vas pas me dire que tu en as déjà sur toi !

Et il sortit un coquillage.

- Le meilleur marchand du monde, c'est Fredo Tchamdran !

Appuyant sur le sommet du coquillage, une phrase identique à celle qu'il venait de prononcer, aussi bien dans l'intonation que la sonorité venait de se faire entendre. C'était le même dispositif que Joe avait pu observer sur le vaisseau du capitaine Pinof lors de sa courte escale à Calm Belt. Fier de lui, il fit savoir au marchand qu'il en avait déjà vu, l'informant même qu'il connaissait d'autres modèles qui pouvaient faire du vent, ou bien de la brume.

- Eh beh, tu as vu du pays toi... Ça, c'est ce qu'on appelle des Dials.

De dessous un bureau, il sortit une caisse remplie de coquillage, ces "Dials" comme il les appelait, de formes et de couleurs différentes.

- On en trouve sur les îles célestes, j'en ai visité plusieurs, mais pas toutes cela dit. Les Dials ont cet effet qu'ils peuvent enregistrer tout type de choses. Des sons, des souffles, des odeurs, des chocs, des liquides, de la lumière, de l'éléctricité, du feu, et que sais-je encore... D'habitude, je les vends trois fois le prix qu'on les trouve là bas. Mais pour le coup de main que tu m'as donné, je veux bien m'engager à te les vendre au prix pratiqué chez eux.

Toisant Joe qui regardait très intéressé le contenu de la caisse, Fredo ajouta.

- Envers et contre tout, tu m'as l'air d'un type malin. Sur les îles célestes, les types les plus astucieux arrivaient à fabriquer des armements foutrement surprenant grâce à ces Dials, je suis sûr que tu pourrais faire de même.

Le cafard, qui leva enfin la tête, sourit en coin. Il pouvait acheter des Dials maintenant, et s'en équiper assez vite pour l'aider à tuer le marchand quand il aurait ouvert son coffre chez lui. Là, il pourrait reprendre son argent au passage. S'efforçant de faire en sorte que son sourire ne devienne pas aussi vicieux qu'il l'était à l'accoutumée, il se contenta de répondre avec un certain tact :

- Marché conclu, un plaisir de faire affaire avec toi.
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- Je vais prendre celui-ci.... Pis... Non pas ça... Plutôt celui là, ouais, ça pourrait m'être utile !

Comme un gosse dans un magasin de jouets, Joe fouillait la caisse, sortant divers dials. Au préalable, Fredo lui avait expliqué en détail comment chaque dispositif fonctionnait, et quelles étaient leur propriété. En tout, le cafard en avait pour quarante deux millions de berries d'achats. Ce n'était pas donné, mais peu importe, il comptait récupérer son argent plus tard en dévalisant le marchand.
Avec tout cet argent, il s'était acheté, en tout et pour tout, neuf dials, ayant une idée précise de ce qu'il comptait faire de ceux-ci.

Ils ne furent pas trop de deux pour déplacer les quarante deux millions du voilier à la caravelle. La transaction effectuée, la cale du navire de Joe paraissait soudain bien vide. Comptant ce qui lui restait, à savoir quatre millions de berries, il en conclut qu'il n'avait même pas cinquante millions de berries pour commencer. Malgré tout ce temps qu'il avait passé entouré de ses berries, il n'avait jamais eu la patience de les compter. Le forban préférait ne rien savoir et vivre dans l'illusion d'être plus riche qu'il ne l'était réellement.

Rangeant ses dials nouvellement acquit, il retourna sur le pont de son navire et salua le vieux marchand.

- On se reverra bien assez tôt, je compte moi aussi faire une escale à Bliss, le hasard fait bien les choses non ?!

En réalité, le hasard n'avait rien à voir là-dedans, mais il fallait bien justifier la raison pour laquelle il allait coller au train de Fredo jusqu'à chez lui, trompant ainsi sa vigilance, pour le cambrioler plus facilement. A cet instant, il n'avait qu'une seule hâte, c'était humer l'odeur des billets du coffre qu'il convoitait depuis un moment. Si, comme il s'en doutait, il y avait effectivement la fortune d'une vie entière à marchander sur Grand Line dans ce coffre, alors il n'aurait pas assez d'un petit voilier pour tout transporter.

La caravelle mit le cap vers le royaume de Bliss, Joe le suivait à moins d'un mile derrière. Le vent ne lui était pas trop défavorable, il pouvait ainsi poursuivre jusqu'à quai sans être séparé de sa proie. Tout du moins, aussi longtemps qu'aucun inconvénient ne se mettrait sur sa route.

Bien évidemment, le voyage ne se déroula pas sans accroc. L'inconvénient qui se mit sur son chemin était du genre à hisser un drapeau à tête de mort et faire cracher les canons pour faciliter un abordage.
Ce n'était pas un, mais deux vaisseaux pirates qui s'approchaient de la caravelle. Cruel dilemme pour le cafard, lui qui pensait récupérer son argent dépensé en masse pour acheter ses dials, il se doutait bien à présent que tous ses berries finiraient dans les coffres des boucaniers qui s'approchaient. Les deux navires n'étaient pas non plus des galions, mais Joe se voyait mal les envoyer par le fond à lui tout seul. Par conséquent, il dû se rendre à l'évidence, il fallait non seulement tirer un trait sur le coffre de Bliss, mais en plus, il ne reverrait jamais son trésor dépensé trop rapidement.

- Deeeeeeeeeeeeeeemi-tour !

Ne voulant se mêler pour rien au monde à l'abordage, qui allait avoir lieu sur la caravelle de celui avec qui il avait vidé une bouteille d'alcool, le cafard préféra la fuite. Alors que les deux bateaux pirates seraient occupés à mettre à sac les cales de Fredo, Joe serait déjà loin.

S'étant pas mal éloigné, Joe entendit au loin tonner un coup de canon. Il fallait croire que Fredo avait tenté de résister, et qu'à présent il devait être en train de rejoindre les abysses, sans scaphandre cette fois.
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