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Appeler un chat un chat

- Brr... une île hivernale... encore. C'est un complot...

Les bras serrés en tailleur contre mon torse, je progresse telle une fourmi dans l'étendue neigeuse, vêtue une nouvelles fois des vêtements chauds et douillets ponctuant en temps normal ma garde-robe en saison hivernale. Malgré la température basse, le temps reste malgré tout plus clément qu'à Drum, probablement une sorte de micro-saison expliquant la présence du soleil haut dans le ciel et l'absence du vent, de la grêle et de la neige pour un air sec et gelé. Ici, le printemps, l'été peut-être. Laissant derrière moi ma ligne d'empreintes de bottes, j'exhale des bouffées d'air de plus en plus lourdes à mesure que la cote s'incline davantage pour venir rejoindre le plateau de l'île. De temps à autres, je jette de rapides coups d’œil derrière moi pour dénoter la pente rejoignant la plage et l'embarcadère plus bas, qui semble être aussi proche maintenant qu'il ne l'était il y a quelques minutes. Cette impression de ne pas avancer...

- C'est loooooooong !

Je m'interromps temporairement le temps de glisser ma main à ma ceinture pour en détacher une gourde d'eau glaciale que je porte à ma bouche. J'avais beau être entourée de glace, une soif indescriptible me tenaillait les entrailles au fur et à mesure que je me dépensais dans l'effort. Puis je reprends ma route une fois une longue gorgée descendue pour finalement atteindre le sommet de la dune. Découvrant spontanément un nouveau paysage s'étendant à l'horizon, ma vision s'arrête bientôt à un conniffère sur lequel est placardée une lourde planche en bois.

- Laboratoire... Deux kilomètres... lis-je tout en déchiffrant les hiéroglyphes en pattes d'oie du scribe local et la lettre que je finis bien heureusement par identifier comme une flèche indiquant la droite de l'arbre.

Rabattant le col de mon manteau contre mon menton, après une courte hésitation inexplicable, je me dirige enfin vers l'est en direction d'une masse informe grise lointaine, dissimulée dans un brouillard tout ce qu'il y a de pas naturel et inhérent à l'endroit. Tout autour de la zone, le temps était plutôt clément mais là-bas spécifiquement, il semblait beaucoup plus orageux. Était-ce désiré ? Était-ce une expérience ? Ainsi, à peine avais-je fait le premier pas en la direction du centre de recherches que j'étais déjà bouffie de questions venant systématiquement m'occuper l'esprit durant la traversée de l'océan blanc. Et c'est finalement au bout d'un quart d'heure de marche supplémentaire que je pénètre dans le nuage gris presque sans m'en rendre compte, une baisse progressive de la luminosité m'informant simplement de mon arrivée sur les lieux. Tandis que je continue à avancer, des bâtiments gris et ternes ou bien rouillés apparaissent sur ma route, certains abandonnés, d'autres possédant de petits hublots laissant transparaître une source de lumière artificielle. Quelques pas supplémentaires me conduisent enfin dans ce qui ressemble le plus au centre du village gisant aux pieds de l'immense édifice qui se dresse plus loin, surplombant les petites habitations futuristes comme une gigantesque épée de Damoclès.

Le laboratoire de Bulgemore.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Sam 11 Juin 2016 - 18:28, édité 1 fois
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- Bon sang de mer...

Traquée, pressée, voilà que je me viande sans détour sur un obstacle invisible perdu dans la neige. Non, c'est pas que j'ai peur, mais mes agresseurs ont pas l'air du genre commode et au jeu de celui qui a le cœur le plus froid, ce sont sûrement eux qui gagnent. En temps normal, je serais confiante et je ferais facilement face à une dizaine de cabots métalliques avec des crocs en fer épais comme mon pouce, mais frigorifiée comme je suis, je préfère ne pas prendre de risques au cas où je pourrais être limitée dans mes mouvements.

Alors que je progressais seule encore quelques minutes plus tôt, tranchant l'épais brouillard avec mon œil unique, perdue dans la purée de pois envahissant le paysage, j'avais rapidement dénoté des petits bruits étranges tapissant le silence régnant aux alentours. Puis s'en étaient rapidement suivis des étranges jappements obscènes, d'abord lointains puis bientôt proches, trop proches. Prêtant le phénomène aux mysticités de l'île, je ne m'étais pas davantage interrogée face à l'éventuelle existence d'une vie sauvage dans les environs et avais innocemment continué ma drôle de déroute dans le poudreuse, enchaînant lentement un pas après l'autre, peinant systématiquement à dégager mes jambes de la glace pilée qui me les mangeait à chaque fois pour me les restituer mouillées et frigorifiées. Brrr. Mais tandis que le paysage ne semblait étrangement plus se rapprocher depuis une bonne dizaine de minutes, fixé à l'horizon, de petits points rouges avaient spontanément commencé à poindre par paires dans l'immensité brumeuse du gris panoramique.

Contrairement à ce qu'aurait pu croire un amateur, la présence de loups dans un paysage froid, neigeux et désertique n'avait absolument rien de hors du commun. Je ne m'étais alors pas plus inquiétée de l'agglomération de prunelles incandescentes autour de moi, connaissant les bestioles pour ce qu'elles étaient : des bêtes craintives qui ne s'en prenaient qu'à plus faible qu'elles. Une simple mandale aurait alors suffit à les renvoyer chasser des lapins ou des renards loin de ma personne. Évoluant à leur encontre, je m'étais même préparée, le poing serré et le bras dégagé hors de ma poche si chaude et si confortable.

- Allez faire chier quelqu'un d'autre. C'est pas le moment. avais-je alors fait tout en me déplaçant vers le prédateur le plus proche.

Cependant ce que j'avais alors découvert n'était pas un simple loup comme je m'y attendais. Dénotant progressivement une mâchoire rectangulaire, froide, métallique, avec des dents à vous en faire pâlir un ours, je m'étais rapidement interrompue lorsque ma vision s'était étendue au point de voir la caboche en ferraille du robot dans laquelle étaient fixées les deux perles lumineuses visibles au loin. A peine avais-je alors entrepris de faire un pas en arrière que la chose m'avait attaquée, m'obligeant à esquiver de justesse avant d'envoyer ma jambe trancher en deux l'animal. Continuant à japper et montrer les crocs tout en rampant avec ses uniques pattes de devant, le loup ne semblait pas prêt à abandonner... et la vingtaine de congénères l'accompagnant non plus. Acculée par la meute qui se rapprochait inévitablement de moi, je m'étais alors mise à courir en direction de l'unique village, désormais discernable, se trouvant en contrebas de l'immense laboratoire.

- PUTAIN C'EST QUOI CETTE ÎLE ?!

Me redressant tant bien que mal pour reprendre ma course effrénée, je titube maladroitement dans la neige haute d'une cinquantaines de centimètres, irrémédiablement rattrapée par un premier coyote qui me saute sur la jambe et que je parviens à dégager violemment in extremis. Mais aussitôt le cabot se relève et deux acolytes supplémentaires surgissent du brouillard pour venir le seconder dans ses attaques. Me dépêtrant tant bien que mal dans la poudreuse, quelques rapides Jugon me permettent de broyer la matière métallique des bestioles avec mes poings, pour les renvoyer inertes ou handicapées dans leur duvet blanc. Rapidement, le proverbe "un de perdu, dix de retrouvés" se vérifie, tandis que la meute finit de me piéger dans un cercle infâme, peuplée d'une trentaine de monstres.

- Le froid, la neige et maintenant ça... Purée c'est pas ce pour quoi j'avais signé bon sang ! soupiré-je, désespérée, brandissant mes poings devant moi en position défensive, prête à en découdre tant bien que mal avec les carnassiers.

Soudain, perçant les aboiements et le bruit du vent, une voix grave s'élève non loin, salvatrice.

- Chacals, vous n'avez pas honte de vous en prendre à une pauvre femme ?
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"Sorti de nulle part". C'est la première fois que l'expression prend un sens aussi littéral. Enveloppé dans un manteau de brouillard, une silhouette venait soudainement de poindre à quelques mètres, comme tout droit sortie du sol, ou bien tombée du ciel, peu importe. Un homme d'âge moyen aux cheveux poivre et sel mais au visage étrangement lisse, rasé de frais, enroulé dans un trench coat aussi classique que pratique, brandissant le poing contre mes adversaires.

Et si une partie des cabots semble avoir été interpellée par son intervention de pseudo-super-héros, l'autre moins dubitative continue malheureusement à me menacer sans équivoque, m'obligeant à passer à l'action sans pouvoir m'attarder davantage sur le look étrange de l'inconnu bien-pensant. Dix, douze, quinze... Des loups qui me font face, j'en dénombre une vingtaine : je ne le remarque que maintenant, mais tandis que certains se dressent encore sur leurs quatre pattes, d'autres sont en plus piteux état. La mâchoire arrachée, un ou deux membres manquants, une queue qui devait auparavant être présente pour l'esthétique depuis longtemps détachée... La masse aussi informe qu'infâme n'est qu'un ramassis de pièces détachées, de robots qui ont servi, qui ont vieilli et qui ont été abandonnés, déréglés, voués à chasser les étrangers, voire même peut-être les habitants.

Quoi qu'il en soit, cette rapide analyse me confère une vision moins pessimiste quant au combat qui se prépare, d'autant bien que cette marche forcée m'a obligée à m'échauffer, déliant mes muscles, fortifiant mes articulations. Enfin, le coup d'envoi est lancé, la meute se sépare, tantôt vers le dandy, tantôt vers moi. Le gaillard se fend alors d'un puissant coup de pied pour se propulser vers l'ennemi, réduisant dans son cri de guerre les deux boîtes de conserve sur son chemin en taule froissée. Je m'élance à mon tour, en parallèle, détruisant deux trois caboches de chiens métalliques me faisant face. Rapidement les coups pleuvent de toute part, effilochant l'acier, les poings s'égratignant sur le métal, se contusionnant pour baigner la neige de précieuses tâches rougeâtres.

***

- Ce... ce n'est pas tout à fait ce que j'espérais...

Dévisageant le gigantesque laboratoire s'étendant comme un énorme mur dans le paysage, je me dresse face au rempart aussi infranchissable que ses issues et ses entrées barricadés de planches épaisses et de plaques de métal. Abandonné, l'endroit était désert et mort, bien loin de l'idée que je me faisais du laboratoire dont m'avait parlé Ao. Était-ce encore une de ses farces ? C'était pour plaisanter encore une fois ?

- Ce n'est pas le laboratoire que vous recherchiez ? fait soudain l'inconnu - venu se placer à ma droite entre temps - avec un ton rieur légèrement perceptible et un regard contemplatif.

Invariablement, sa remarque m'amène à soupirer sans pour autant trouver quoi que ce soit à ajouter. C'était un homme courtaud qui était venu m'aider à me débarrasser de ces foutus robots, qui s'était pointé totalement à l'improviste et avait proposé de m'accompagner depuis lors. Manifestant une étrange sympathie, le bonhomme ne m'inspirait pas vraiment confiance, comme la plupart des gens qui s'avéraient être toujours trop gentils pour des raisons toujours très voilées. Malgré tout, après la lutte contre la meute de boites de conserves, je n'avais pas osé refuser sa compagnie, pouvant s'avérer très précieuse dans le cas d'une seconde rencontre infortunée. L'inconnu m'avait alors simplement demandé où je comptais me rendre et m'avait suggéré d'être mon guide jusqu'à ladite destination. Le laboratoire.

- Je m'attendais à quelque chose de plus... vivant. réponds-je tout en donnant un puissant coup de pied dans une motte de neige pour manifester ma frustration.

Quelle déception. Où était-il donc, ce laboratoire à la pointe de la technologie qui pouvait sensément me réparer ? Était-ce un leurre ? Si oui, pour quel objectif, pour quelle raison Ao voulait-il que je...

Puru puru puru puru...

Immédiatement stoppée dans mes pensées par la sonnerie de l'escargophone, m'obligeant un léger spasme de surprise, je m'empresse rapidement de sortir l'objet de l'une des nombreuses poches de ma veste. Oubliant presque que je ne suis pas seule, je me tourne vers ma droite à l'endroit où est censé être l'autre gusse, étrangement silencieux depuis deux bonnes minutes : et pour cause, il a disparu.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Jeu 9 Juin 2016 - 2:34, édité 1 fois
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Légèrement déboussolée par la disparition soudaine de mon guide, je jette de rapides coups d’œil à gauche, puis à droite, tandis que l'escargophone continue sa curieuse mélopée, signalant que la raison de l'appel doit être assez importante pour que mon interlocuteur soit aussi insistant. Voyant bien au bout d'une minute que je suis désormais belle et bien seule, j'ose enfin décrocher le combiné et répondre à ce qui s'avère être mon coordinateur.

- Salut Sweetsong, ça fait un petit moment.

- A qui le dis-tu, Enrod. Tu as du nouveau pour moi ?

Marquant son sempiternel temps de silence, signalant la gravité des éléments à transmettre, je me retrouve à patienter pendant une longue minute avant que le bureaucrate ne me réponde enfin.

- Potentiellement. Ao m'a dit que tu te rendais sur Bulgemore.

- Sans blague ? fais-je ironiquement, me doutant bien que le directeur avait bien quelque chose derrière la tête pour m'envoyer dans le coin avec un prétexte aussi bidon ; il connaissait mon point faible, en usait et en abusait.

- Tu y es ? questionne la voix sans prêter attention à mon timbre cynique.

- Ouep, envoie la sauce.

- Bien, alors accroche-toi bien car la mission que je vais te confier risque d'être particulièrement difficile... Et pour bien te mettre dans le bain, voilà l'actu' : actuellement, quatre équipages des Sunset Pirates font voiles vers Bulgemore.

Instantanément hébétée, je devine le coordinateur s'imaginer mon expression de stupéfaction au bout du fil. Les Sunset Pirates forment la plus grande flotte pirate qui existe, malgré tout les équipages qui la composent sont éclatés aux quatre coins du monde, dont une partie dans le Nouveau Monde. De fait, les regroupements sont assez rares, mais souvent très destructeurs, préoccupant généralement les hautes sphères de la Marine pour établir un plan de bataille. Bien évidemment, le Cipher Pol n'a pas grand chose à faire là-dedans en général... Alors pourquoi m'en parler ?

- C'est tout frais d'il y a quelques jours, on ne sait pas grand chose actuellement, mais juste assez pour pouvoir se préparer au pire. Un agent infiltré nous a récemment communiqué des infos à propos de plans d'une arme antique sur lesquels les pirates ont réussi à mettre la main. Les quatre équipages concernés auraient alors récupéré tout un tas de matériels durant leurs pillages quotidiens avant de subitement mettre les voiles vers le laboratoire de Bulgemore.

- Il y aurait un truc dans le coin laissé par Vegapunk qui pourrait les intéresser, tu crois ?

- Hum. Notre informateur n'a pas réussi à tout saisir, mais il leur manquerait apparemment une pièce vitale du puzzle. Et ce serait un Cœur de Pacifista.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Nous avons eu la même réaction en apprenant ça, surtout qu'il n'y a pas masse d'informations à ce sujet. Seuls quelques spécimen existent encore, mais la plupart ont été remplacés dans les nouveaux modèles. Il s'agit, grosso-modo, de moteurs permettant aux vieux Pacifista de fonctionner. Et je ne sais pas comment ils se sont débrouillés, mais ils ont appris qu'il y en avait un dans l'un des laboratoires de Bulgemore.

- Ça m'étonnerait, l'endroit est totalement désert et à l'abandon. soupiré-je à mon interlocuteur, effectuant une rapide ronde près des murs aux entrées calfeutrées par de lourdes planches en bois.

- Pas exactement.

Dressant automatiquement l'oreille face à pareille nouvelle, je me surprends à trop serrer le combiné et faire souffrir le petit animal, attendant scrupuleusement que le coordinateur continue sa phrase.

- Il existe deux ailes du laboratoire réhabilitées. Une au nord et une à l'ouest. Cependant notre contact sur place t'en dira plus à ce sujet. D'ailleurs je tiens à te prévenir, tu ne travailleras pas seule sur ce coup-là.

- Ah ?

- Une équipe de CP9 a été dépêchée pour protéger le laboratoire et plusieurs régiments de la Marine sont en route pour être déployés sur les plages. Bien évidemment, on est pas à l'abri que ça ne soit pas suffisant, c'est pourquoi ta mission est de retrouver le Cœur de Pacifista dans l'aile nord et de le protéger.

- Ça n'irait pas plus vite de le détruire, plutôt ?

- On y a pensé, cependant la détonation serait violente et risquerait pas mal d'endommager la structure. En plus ça serait purement suicidaire pour la personne qui chercherait à le faire, les chances de survies sont très minces. Je te transmettrai un rapport sur une explosion de ce type qui a eu lieu il y a plusieurs années... M'enfin bref, un chef d'équipe du CP9 devrait prendre contact avec toi assez rapidement. Tu le reconnaîtras à coup sûr : ce n'est pas un homme qui passe inaperçu. Je reviendrai vers toi lorsque j'aurai plus d'éléments. Bon courage, Sweetsong.

- Noté, merci.

Gotcha.

Peinant encore à avoir pieds dans le flot d'informations qui me submerge, je reste pantoise à l'idée de devoir collaborer avec le CP9. Même si mon ancien partenaire appartenait à cette aile du Cipher Pol, les agents y travaillant ne bénéficiaient pas d'une très bonne réputation. Souvent qualifiés de fous, de sauvages, de tortionnaires, ils s'apparentaient davantage à des assassins. Cependant, je dois dire que si cette idée m'aurait totalement déplu quelques années auparavant, elle me semblait pourtant assez routinière aujourd'hui. Si les agents du CP9 étaient réellement comme cela, alors pas grand chose me séparait d'eux.

Zieutant une dernière fois la bâtisse, j'entreprends de faire demi-tour pour regagner le village un peu plus bas, celui que nous avions contourné avant d'atterrir ici. Il existait donc une partie du laboratoire encore en activité : cela ravivait mon enthousiasme en me disant que je n'étais pas venue pour des clopinettes, même si une mission avait finalement, comme de par hasard, pointé le bout de son nez. Sur le chemin du retour je me questionne cependant quant à l'inconnu suspect qui m'avait amenée dans le coin avant de disparaître, suspectant son identité sans en être sûre. A la bonne heure, au bout de quelques pas dans la neige, une voix grave vient finalement résonner dans mon dos.

- Alors, vous avez trouvé ce que vous cherchiez ?

- Oui et je sais aussi qui vous êtes. fais-je après m'être retournée de façon vivace pour regarder le gaillard droit dans les yeux, dénotant un soupçon d'amusement là où, pour un chef d'équipe du CP9, j'aurais plutôt pensé trouver un éclat glacial d'amertume comme il existait chez Kaitô.

- Alors allons boire un verre.


Dernière édition par Annabella Sweetsong le Lun 28 Mar 2016 - 3:32, édité 3 fois
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Chaud, froid, chaud ou froid ? Repoussant frénétiquement les plis de ma veste avant de la resserrer à nouveau autour de mes épaules, j'essaye de garder la tête froide tandis que les à-coups de la chaufferie et les souffles d'air frais viennent perturber la température ambiante.

- C'est l'histoire d'un monsieur du CP9 et d'une madame du CP8 dans une taverne... Quand soudain des pira-

Même pas en rêve. Habitée par un vide sidéral délestant mes pensées, je me surprends à laisser libre cours à la petite voix qui se fait de plus en plus rare dans le coin, me ramenant à une condition d'être humain qui ravive la gêne et la douleur lorsque je la surprends à poindre dans mon crâne.

- Je ne suis pas sûre de tout avoir saisi, je ne suis même pas sûre de vous croire. fais-je tout en effaçant d'un geste dédaigneux de l'index le cercle de bière formé par le dessous de ma chope.

A ces mots je m'empresse de porter la boisson à ma lèvre desséchée pour en descendre goulument la moitié par une bonne rinçade, rapide et nette. Puis me vient l'idée de jeter enfin un coup d'oeil à l'environnement autour de nous. Une taverne, certes, mais une taverne déserte, davantage habitée par des rongeurs que des soulards avides de leurs alcool. Il faut dire qu'il est encore tôt aussi, le jour vient à peine de se coucher et me voilà rancardée dans une mission lugubre où je me vois contrainte d'être mise sous la tutelle d'un bonhomme du CP9.

- Trinquons. fait ce-dernier tout en levant son verre.

Essuyant son verre plus loin, derrière le comptoir, le tenancier nous jette de rapides regards furtifs. J'imagine bien qu'il n'est pas coutume de recevoir des visiteurs dans ce trou paumé au milieu de nul part, enseveli sous trois tonnes de neiges et privé de chauffage. Brrr. Je resserre le col de ma veste, avant de lever mon verre aussi bien qu'un sourcil interrogateur à mon interlocuteur.

- Pourquoi ?

Ou "pour quoi". Une question qui méritait d'être posée depuis un petit moment déjà. Depuis que le bonhomme m'avait secourue de la meute de cabots métalliques, depuis qu'il avait soudainement disparu pour réapparaître ensuite, depuis que j'avais reçu l'appel de mon coordinateur pour me dire de trouver un truc bizarre et dangereusement explosif dans un laboratoire désaffecté et poussiéreux, hanté par des machines avides de sang frais.

- Pour notre vie.

Un frisson glacial me parcourt le dos, un réflexe humain au ton et à l'expression du "vieillard", si l'on peut se permettre de l'appeler ainsi.
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Blablabla stratégie, blablabla tactiques, blablabla champ de bataille, blablabla...

Tel était le résumé que je me faisais intérieurement des trois longues heures passées dans cette bicoque sombre, glaciale et humide où je m'étais faite bassiner par le vieil homme à la néanmoins haute stature et à la voix caverneuse. L'alcool aidant, je n'avais retenu que peu de choses de notre discussion, si ce n'était son nom : James Larson.C'était ensuite avec difficulté que j'avais réussi à dissimuler mon manque d'enthousiasme aussi bien que mon mépris à son égard tandis qu'il m'expliquait son plan d'actions tout en m'efforçant de me garder de lui lancer : "gardez ces paroles pour les pantins de la Marine qui iront se faire charcuter sur les plages". A vrai dire, les champs de bataille, les guerres, les tranchées et tutti-quanti, je n'y connaissais rien et ne voulais rien savoir : ce n'était pas mon domaine de prédilection. Rapidement, le fait qu'un chef d'équipe du CP9 puisse me tenir de tels propos en sachant très bien que nous ne serions probablement pas amenés à faire front si les régiments de la Marine faisaient correctement leur travail m'avait tout bonnement fatiguée. Si, du vieillard, je n'en pensais pas spécialement du bien auparavant, j'étais désormais plus sûre d'avoir principalement à faire à ces généraux pusillanimes et incontinents, planqués derrière leurs palissades dans leurs grandes tentes et fomentant quelconques stratégies avec des petits pions en bois sur une grande maquette trop travaillée.

De fait, c'était rentré dans une oreille et ressorti par l'autre, je n'avais rien retenu.

Rien d'autre que ma mission : retrouver le Cœur de robot et me planquer avec, courir s'il le faut et dézinguer tous ceux qui voudraient s'en approcher. Au sein du Cipher Pol, les missions de protection de témoins, de haut-placés et autres pigeons m'avaient toujours déplu : devoir coller aux basques de bonhommes même pas aptes de se torcher eux-mêmes me faisait tout simplement vomir, cependant tel était mon métier. Mais au moins cette fois-ci, la protection ne s'effectuait pas sur une personne vivante, mais un objet, décuplant donc mes responsabilités morales face à quelque chose ne pouvant ni se déplacer, ni faire preuve de déraison et se jeter dans un stupide piège pour y crever. Je prenais donc la tâche avec légèreté, avec innocence et avec probablement trop de confiance sans même me douter de la tempête qui s'approchait. Agissant de façon égoïste et enfantine, j'avais alors jugé posséder assez de temps pour pouvoir me restaurer une dernière nuit dans une auberge miteuse aux fenêtres mal calfeutrées laissant s'effilocher de menus courants d'air se glissant furtivement sous les plis de mes draps et remontant le long de ma colonne vertébrale pour enfin venir me chuchoter à l'oreille les atrocités monstrueuses de mes cauchemars nocturnes.

La nuit venait à peine de s'achever que le vent s'était levé...

...et avec lui, les voiles noires et les pavillons, haut-levés, des Sunset Pirates.
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