Il a une drôle de gueule, le Barman. Il a le sourire qui tombe vers le bas pour amener la moitié de sa joue embrasser son menton. En haut de ses oreilles décollées, deux touffes de poils blondes persistent, mémoire d'une époque où ses cheveux n'étaient pas encore tombés sur ses épaules maintenant poilues.
Il a une drôle de gueule et une haleine fétide, le barman. Il y a un mélange d'alcool rance et de pourriture qui sort de son bec à chaque mot tant et si bien qu'à chaque verre commandé, on n'aimerait n'avoir aucune réponse. Mais on commande, quand même, parce que bar oblige, l'alcool coule dans les gosiers.
Le Monstre, lui, se contente de boire son thé en fermant le nez. Pendant ce temps, le barman frotte comme un acharné le comptoir crasseux. Ce sont des dizaines d'années de vie qu'il tente d'effacer en cet après-midi.
Dans un bar, les gens parlent et rient, mais pas ici. Parce qu'ici les gens parlent sans s'écouter et s'embrassent sans se toucher. Oh ils rient, les gens, oui. Il y a des rires gras, comme ceux du bûcheron de l'entrée avec sa pinte de bière. D'autres, plus petits, plus aigus, résonnent au creux des murs comme ceux de la gamine à siroter son verre de sirop. Dans les bras de son père, elle sourit de sa gueule d'ange, qu'importe les dents manquantes.
Dans ce bar, il y a comme une odeur de faux. Et quand le Monstre renifle, quand il sort son gros nez pour sentir autre chose que le bec du barman, c'est comme s'il s'attendait à voir les murs s'effondrer comme de vulgaires cartes. Et ce n'est pas que le bar qui sent faux. C'est toute la ville. Dès le port, il y avait les pêcheurs aux gueules de fleuristes et les fleuristes aux tatouages d'ancre sur les biceps.
Le Monstre a marché sans trop savoir où aller. Il a passé les rues avec les regards qui se retournaient, les becs qui se fermaient, et surtout, surtout les sourire qui s’envolaient. Dans ces rues, même le soleil se moquait du Monstre. Il le narguait de ses beaux rayons d'hivers pendant que le cachalot tremblait de froid sous les vents de mer. Il s'est réfugié à l’intérieur du premier café à la recherche d'un peu de chaleur.
Et le voilà à profiter du barman, le regardant étrangement. Les mirettes du gérant ne peuvent s'empêcher de suivre les mains du cachalot pendant que les siennes, de main, frottent vigoureusement le comptoir. Soudain le Monstre sent une paume lui frotter le dos. Il manque de sortir sa lame avant d'apercevoir le joli visage de Juliette, la fille du capitaine. Elle lui sourit de sa gueule d'ange avant de poser un panier sur le comptoir. A l’intérieur, bien emmitouflé dans un confortable coussin, le petit poulpe le salut.
-Une bière, s'il te plaît.
Le barman la regarde un instant, les yeux pleins d'envie, et puis regarde le Monstre, d'un air qui veut tout dire. Il la regarde encore, comme si les mots ne voulaient pas sortir, comme s'il cherchait les mots justes d'une phrase qu'on ne voudrait pas entendre. Il attrape un verre d'un geste instinctif avant de le remplir à la pression tout en continuant à dévisager Jule.
-Dis moi, Miss, un joli petit minou comme toi, ça devrait faire attention à ses fréquentation.
Il lance un regard du coin de l’œil vers le Monstre. Elle lui sourit, avance langoureusement sa main vers le visage du Barman avant de lui écraser la joue sur le comptoir. Elle prend bien attention à entendre chaque muscle de la mâchoire craquer avant de sortir de sa voix angélique.
-On dit pardon au Gentlefish, maintenant.
Le barman hurle.
-Je n'ai pas entendu. « Pardon Monsieur le Gentlefish ».
Il hurle encore, un mélange de pleur et d'excuse.
-Il va falloir parler plus clairement. Je n'entends rien mon minou.
Elle continue à écraser la gueule du pauvre imbécile, insistant encore un peu plus. Le bois craquelle, la joue pleure et le sang coule avant que ne s'élève distinctement d'étranges mots.
-C'est pas ma faute, madame, c'est pas ma faute ! C'est la faute à la rumeur ! La rumeur du Monstre. Je te jure madame, c'est la faute à la rumeur du Monstre !
C'est une étrange île que ce royaume. Le barman s'essuie la gueule tachée de sang, tout heureux d'avoir été lâché. Il a le sourire plus discret que quelques secondes avant. Le Monstre et Jule le regardent comme on mire une étrangeté. Il a les mains qui tremblent, le barman, il a la gueule blafarde et ses gestes si saccadés qu'il lui faut plusieurs dizaines de secondes avant de s'apercevoir que deux regards sont encore posés sur lui. Quand il se remet à parler, c'est avec la voix chavirant :
-Pitiez Miss... Me refait pas ça. Ça fait un mal de chien..
-Hmm. Dis m'en plus, sur la rumeur.
-Et vous ne me frapperez plus ?
-Hmm. C'est d'accord.
-C'est promis ?
-Hmm. Oui. Promis.
-Bon, bon, bon...
Le barman s'assoie sur un tabouret, se gratte le front un moment avant de prendre sa respiration comme avant une grande course.
-C'est qu'il y a beaucoup de rumeurs, ici. Et que souvent elles sont fausses. Mais celle là, je serais presque prêt à jurer sur ma petite qu'elle est vraie.
Il avance sa trogne vers Jule avec un regard qui se voudrait mystérieux. Mais avec son sang séché sur les joues, sa mâchoire tordue et son haleine fétide, la Miss est plus écœurée qu'intriguée.
-On dit qu'un Monstre rode en ville. On dit qu'il apparaît la nuit, dans les ruelles vides. On dit même qu'il ne faut plus se promener seul passé minuit, au risque de se faire avaler...
Cette fois, Jule semble avoir retrouvé sa curiosité.
-Tu veux dire que... Que vous avez retrouvé des restes humains ?
-Non, non, non, les corps d'humains il les emporte, mais … Mais on retrouve toutes les nuits des cadavres de chats, parfois même de chiens, et de GROS chiens !
-Hmm. J'en ai assez entendu.
-Attendez, je n'ai pas fini, vous ne savez pas ce que m'a dit le père Carlouet la nuit dernière !
Mais le Monstre est déjà parti, cette fois le petit Shishou posé sur son crane et accompagné d'une Jule toujours intriguée par cette histoire. Lorsque la porte claque pour les laisser se faire manger par le froid, elle sort une tige de son veston qu'elle pose au bord de ses lèvres.
-Vous y croyez, vous, à cette histoire ?
Shshou sourit.
-Bien sûr qu'on y croit, Jule. Toutes les histoires ont au moins une infime partie de vraie.
-Hmm. Au pire des cas, c'est un rat plus gros que les autres.
Jule fait tomber ses lèvres vers le bas.
-Vous n'êtes pas drôles, tous les deux.
Plus loin, à quelques mètres de là, une femme fume sa clope. Une longue tige de tabac industrielle brûle au bord de ses douces lèvres. Elle tire une jolie fumée blanche avant de saisir la cigarette de ses doigts manucurés. Les jambes croisées, le joli minou emmitouflé dans un grand manteau rouge, les cheveux blonds tombant jusqu'au creux de ses reins, elle regarde, discrètement, le Monstre. A côté, un gamin sourit bêtement. Vingt printemps ne doivent pas être passés dans sa vie. Il a la gueule d'ange de ceux qui n'ont rien vu de leurs yeux mais le corps de celui qui aime à soulever des poids. Il a le crâne rasé de prêt et des yeux bleus à faire chavirer les cœurs. Il tapote les épaules de la belle avant de se lever.
-J'vais me le faire, p'tite sœur.
Il a tout de même une drôle de gueule, le gamin, et même avec sa tête d'ange, même avec ses beaux yeux bleus et ses muscles moulant le marcel, il a une allure qui en ferait marrer plus d'un. Peut être est-ce son bonnet de pêche bloqué sur son crâne chauve, ou son jean troué et trop petit qui laisse entrevoir des soquettes blanches, mais rien y fait, quand l'inconnue se retourne vers lui, c'est par un sourire amusé qu'elle répond.
-Ouai, je vais m'le faire.
Le gamin a un main bloquée dans le jean et l'autre qui remue dans le vide.
-Je vais m'le faire et ses 100 millions de berrys, ils seront pour toi, p'tite sœur.
Le gamin sourit, fier de lui. Le gamin sourit et le Monstre aussi. Parce qu'une bonne dizaine de mètres ont beau les séparer, la voix du gamin a beau être assez faible pour ne pas être entendue de l'homme poisson, l'empathie a des avantages. Alors lorsque le Monstre repart vers le port et qu'il croise le gamin, lorsque les deux épaules se cognent, le Monstre se dit qu'à bien y réfléchir, ce gamin est plus drôle que méchant.
Il a une drôle de gueule et une haleine fétide, le barman. Il y a un mélange d'alcool rance et de pourriture qui sort de son bec à chaque mot tant et si bien qu'à chaque verre commandé, on n'aimerait n'avoir aucune réponse. Mais on commande, quand même, parce que bar oblige, l'alcool coule dans les gosiers.
Le Monstre, lui, se contente de boire son thé en fermant le nez. Pendant ce temps, le barman frotte comme un acharné le comptoir crasseux. Ce sont des dizaines d'années de vie qu'il tente d'effacer en cet après-midi.
Dans un bar, les gens parlent et rient, mais pas ici. Parce qu'ici les gens parlent sans s'écouter et s'embrassent sans se toucher. Oh ils rient, les gens, oui. Il y a des rires gras, comme ceux du bûcheron de l'entrée avec sa pinte de bière. D'autres, plus petits, plus aigus, résonnent au creux des murs comme ceux de la gamine à siroter son verre de sirop. Dans les bras de son père, elle sourit de sa gueule d'ange, qu'importe les dents manquantes.
Dans ce bar, il y a comme une odeur de faux. Et quand le Monstre renifle, quand il sort son gros nez pour sentir autre chose que le bec du barman, c'est comme s'il s'attendait à voir les murs s'effondrer comme de vulgaires cartes. Et ce n'est pas que le bar qui sent faux. C'est toute la ville. Dès le port, il y avait les pêcheurs aux gueules de fleuristes et les fleuristes aux tatouages d'ancre sur les biceps.
Le Monstre a marché sans trop savoir où aller. Il a passé les rues avec les regards qui se retournaient, les becs qui se fermaient, et surtout, surtout les sourire qui s’envolaient. Dans ces rues, même le soleil se moquait du Monstre. Il le narguait de ses beaux rayons d'hivers pendant que le cachalot tremblait de froid sous les vents de mer. Il s'est réfugié à l’intérieur du premier café à la recherche d'un peu de chaleur.
Et le voilà à profiter du barman, le regardant étrangement. Les mirettes du gérant ne peuvent s'empêcher de suivre les mains du cachalot pendant que les siennes, de main, frottent vigoureusement le comptoir. Soudain le Monstre sent une paume lui frotter le dos. Il manque de sortir sa lame avant d'apercevoir le joli visage de Juliette, la fille du capitaine. Elle lui sourit de sa gueule d'ange avant de poser un panier sur le comptoir. A l’intérieur, bien emmitouflé dans un confortable coussin, le petit poulpe le salut.
-Une bière, s'il te plaît.
Le barman la regarde un instant, les yeux pleins d'envie, et puis regarde le Monstre, d'un air qui veut tout dire. Il la regarde encore, comme si les mots ne voulaient pas sortir, comme s'il cherchait les mots justes d'une phrase qu'on ne voudrait pas entendre. Il attrape un verre d'un geste instinctif avant de le remplir à la pression tout en continuant à dévisager Jule.
-Dis moi, Miss, un joli petit minou comme toi, ça devrait faire attention à ses fréquentation.
Il lance un regard du coin de l’œil vers le Monstre. Elle lui sourit, avance langoureusement sa main vers le visage du Barman avant de lui écraser la joue sur le comptoir. Elle prend bien attention à entendre chaque muscle de la mâchoire craquer avant de sortir de sa voix angélique.
-On dit pardon au Gentlefish, maintenant.
Le barman hurle.
-Je n'ai pas entendu. « Pardon Monsieur le Gentlefish ».
Il hurle encore, un mélange de pleur et d'excuse.
-Il va falloir parler plus clairement. Je n'entends rien mon minou.
Elle continue à écraser la gueule du pauvre imbécile, insistant encore un peu plus. Le bois craquelle, la joue pleure et le sang coule avant que ne s'élève distinctement d'étranges mots.
-C'est pas ma faute, madame, c'est pas ma faute ! C'est la faute à la rumeur ! La rumeur du Monstre. Je te jure madame, c'est la faute à la rumeur du Monstre !
C'est une étrange île que ce royaume. Le barman s'essuie la gueule tachée de sang, tout heureux d'avoir été lâché. Il a le sourire plus discret que quelques secondes avant. Le Monstre et Jule le regardent comme on mire une étrangeté. Il a les mains qui tremblent, le barman, il a la gueule blafarde et ses gestes si saccadés qu'il lui faut plusieurs dizaines de secondes avant de s'apercevoir que deux regards sont encore posés sur lui. Quand il se remet à parler, c'est avec la voix chavirant :
-Pitiez Miss... Me refait pas ça. Ça fait un mal de chien..
-Hmm. Dis m'en plus, sur la rumeur.
-Et vous ne me frapperez plus ?
-Hmm. C'est d'accord.
-C'est promis ?
-Hmm. Oui. Promis.
-Bon, bon, bon...
Le barman s'assoie sur un tabouret, se gratte le front un moment avant de prendre sa respiration comme avant une grande course.
-C'est qu'il y a beaucoup de rumeurs, ici. Et que souvent elles sont fausses. Mais celle là, je serais presque prêt à jurer sur ma petite qu'elle est vraie.
Il avance sa trogne vers Jule avec un regard qui se voudrait mystérieux. Mais avec son sang séché sur les joues, sa mâchoire tordue et son haleine fétide, la Miss est plus écœurée qu'intriguée.
-On dit qu'un Monstre rode en ville. On dit qu'il apparaît la nuit, dans les ruelles vides. On dit même qu'il ne faut plus se promener seul passé minuit, au risque de se faire avaler...
Cette fois, Jule semble avoir retrouvé sa curiosité.
-Tu veux dire que... Que vous avez retrouvé des restes humains ?
-Non, non, non, les corps d'humains il les emporte, mais … Mais on retrouve toutes les nuits des cadavres de chats, parfois même de chiens, et de GROS chiens !
-Hmm. J'en ai assez entendu.
-Attendez, je n'ai pas fini, vous ne savez pas ce que m'a dit le père Carlouet la nuit dernière !
Mais le Monstre est déjà parti, cette fois le petit Shishou posé sur son crane et accompagné d'une Jule toujours intriguée par cette histoire. Lorsque la porte claque pour les laisser se faire manger par le froid, elle sort une tige de son veston qu'elle pose au bord de ses lèvres.
-Vous y croyez, vous, à cette histoire ?
Shshou sourit.
-Bien sûr qu'on y croit, Jule. Toutes les histoires ont au moins une infime partie de vraie.
-Hmm. Au pire des cas, c'est un rat plus gros que les autres.
Jule fait tomber ses lèvres vers le bas.
-Vous n'êtes pas drôles, tous les deux.
Plus loin, à quelques mètres de là, une femme fume sa clope. Une longue tige de tabac industrielle brûle au bord de ses douces lèvres. Elle tire une jolie fumée blanche avant de saisir la cigarette de ses doigts manucurés. Les jambes croisées, le joli minou emmitouflé dans un grand manteau rouge, les cheveux blonds tombant jusqu'au creux de ses reins, elle regarde, discrètement, le Monstre. A côté, un gamin sourit bêtement. Vingt printemps ne doivent pas être passés dans sa vie. Il a la gueule d'ange de ceux qui n'ont rien vu de leurs yeux mais le corps de celui qui aime à soulever des poids. Il a le crâne rasé de prêt et des yeux bleus à faire chavirer les cœurs. Il tapote les épaules de la belle avant de se lever.
- John Ycoy:
-J'vais me le faire, p'tite sœur.
Il a tout de même une drôle de gueule, le gamin, et même avec sa tête d'ange, même avec ses beaux yeux bleus et ses muscles moulant le marcel, il a une allure qui en ferait marrer plus d'un. Peut être est-ce son bonnet de pêche bloqué sur son crâne chauve, ou son jean troué et trop petit qui laisse entrevoir des soquettes blanches, mais rien y fait, quand l'inconnue se retourne vers lui, c'est par un sourire amusé qu'elle répond.
- Eva Ycoy:
-Ouai, je vais m'le faire.
Le gamin a un main bloquée dans le jean et l'autre qui remue dans le vide.
-Je vais m'le faire et ses 100 millions de berrys, ils seront pour toi, p'tite sœur.
Le gamin sourit, fier de lui. Le gamin sourit et le Monstre aussi. Parce qu'une bonne dizaine de mètres ont beau les séparer, la voix du gamin a beau être assez faible pour ne pas être entendue de l'homme poisson, l'empathie a des avantages. Alors lorsque le Monstre repart vers le port et qu'il croise le gamin, lorsque les deux épaules se cognent, le Monstre se dit qu'à bien y réfléchir, ce gamin est plus drôle que méchant.
Dernière édition par Ishii Môsh le Sam 20 Fév 2016 - 16:19, édité 1 fois