Quelques rayons de soleil viennent illuminer mon visage tandis que je m'étire fortement. Mes yeux encore tout collant s'entrouvrent doucement, mais les éclats lumineux m'obligent à vite les refermer en gigotant légèrement. Je pose mon vieux coussin sale et troué devant ma figure, avec l'intention de rester au lit un peu plus longtemps. Tout à coup, quelqu'un vient toquer frénétiquement à ma porte. N'ayant clairement pas l'envie d'aller lui ouvrir, je lui crie de repasser plus tard. Mais, l'espèce de crevure se tenant derrière la porte continue de frapper à cette dernière, l'air de dire "Dépêche-toi de te lever, connard !". Rassemblant les derniers fragments d'énergie vitale me restant, je décide finalement d'aller lui ouvrir, avec la ferme intention de lui carrer mon poing dans la bouche. En ouvrant la porte, c'est avec assez peu de surprise que je fais face à l'aubergiste.
Il me fait part des formules de salutations habituelles tandis que je bâille. Je lutte férocement contre mon envie de lui mettre une beigne tout en ne l'écoutant qu'à moitié, il m'informe que les douches sont ouvertes et que je dois déguerpir avant midi, dans moins de trois heures en somme. Après ça, il se dirige vers la chambre d'à côté, probablement pour réciter la même tirade qu'il vient de me dire. C'est avec fatigue et énervement que je referme la porte, avant de retourner me coucher. Était-ce vraiment nécessaire de me réveiller juste pour ça ?
Un peu plus tard, je sors de mon sommeil d'une manière bien moins brutale que précédemment. Je prends le temps d'enfiler mes fringues et me dirige vers les douches. Avant de sortir de la piaule, je cache ma sacoche et mon sabre sous le lit, on ne sait jamais. Redoutant de devoir me laver avec d'autres personnes dans ces douches collectives, c'est avec joie que je remarque qu'elles sont complètement vides. Je me lave et me sèche avec les objets mis à dispositions.
Cela doit bien faire plusieurs mois que je n'ai pas pris une douche digne de ce nom, j'ai l'impression de changer de peau. Les divers morceaux de peaux mortes et autres croûtes de sang tombent les unes après les autres.
En ressortant de la salle de bain, je me dirige vers ma chambre, une serviette autour de la taille. L'horloge clouée au mur indique qu'il est onze heure, ça va je suis large. Je m'habille tout de même assez rapidement avant de remarquer avec stupéfaction que mon sabre a disparu. Putain de merde, ça ne peut pas tomber à un autre moment. C'est obligatoirement quelqu'un qui me l'a pris, je n'ai pas pu le perdre. J'attrape ma sacoche en vérifiant son contenu, rien ne semble avoir disparu. Je sors de la pièce avec précipitation , en regardant une dernière fois si je n'ai rien oublié. J'accélère le pas jusqu'à l'accueil, où je vois l'aubergiste en train d'inspecter la lame de mon sabre.
En me voyant arriver, il range l'épée dans le fourreau et me la lance. Comment a-t-il osé subtiliser mon précieux sabre ? L'enfoiré ! Comment a-t-il osé rentrer dans mon espace privé, que J'AI payé avec MA thune ? Le salaud. Je serre mon sabre de toutes mes forces, une sorte de violente pulsion me donne envie de lui trancher la main, pour son vol. Mais il serait plus judicieux de passer mon chemin. Peut-être qu'il y'a une réglementation sur le port d'arme dans cette ville ? Après tout, c'est un instrument capable de ôter la vie assez facilement. Je ne sais pas... Alors que je bouillonne intérieurement, le réceptionniste semble pensif.
-Navré, c'était plus fort que moi ! J'avais remarqué votre sabre lors de votre arrivée hier, et j'ai voulu l'examiner de plus près.
-... Habituellement, ceux qui touchent à mes affaires sans mon autorisation perdent des doigts. Mais, allez savoir pourquoi, je vais faire une exception pour vous.
-Faut dire qu'un type avec un sabre à la taille qui passe dans mon auberge, c'est pas quotidien quoi ! Je m'y connais assez bien en forgeage, mon père était armurier. D'ailleurs, votre lame va pas tarder à se péter pour de bon.
-S-Sérieusement ?
-Il me semble qu'à force de trop l'aiguiser, vous avez en quelque sorte épuisé le tranchant. Je vous conseil de changer d'arme.
-Je verrais...Enfin, si mon sabre se casse en pleine capture de pirates, ça risque de chauffer pour moi haha !
-Vous êtes chasseur de primes ?
-Oui.
-On se sent vraiment protégé des pirates en ce moment, on a des Chasseurs de Primes et la Marine qui accostent !
-La Marine est ici ?
-Oh que oui, une section d'élite qui plus est, avec un lieutenant et tout. Vous pourriez aller encaisser une prime chez eux, si vous avez une.
-Hum...
-Remarquez, je ne sais pas trop comment ce système marche. Vous allez rire, mais je vous ai pris pour un pirate hier soir ! Même si mes doutes viennent tout juste de partir en fumée, il faut dire qu'il y'a de quoi être confus ! La dégaine de brigand, la démarche, le sabre et l'odeur... Après, vous, les chasseurs de primes, vous avez des conditions de travail très dures, toujours là à chasser les pirates et les criminels en mer, vous ne pouvez pas être propres tout le temps !
-On me le dis souvent en effet, à force de pourfendre du pirate, on en vient à porter leurs odeurs ignobles. Bon, ce n'est pas tout mais je dois y aller, le travail m'appelle !
-Bonne journée ! N'hésitez pas à venir vous reposer ici si vous refaites escale à Sirup !
Putain, je ne savais pas que j'étais autant grillé en tant que pirate. Heureusement que je suis fort en bobard ! Au moins, mon petit séjour ici m'a permis de me débarrasser de l'odeur. Mais ce qui me préoccupe réellement à l'heure actuelle est le fait que la Marine soit sur l'île. Je n'ai jamais vu de marines d'élite, ils doivent être bien plus fort que de simples marines si ils se font appeler "l'élite". Mais bon, ils n'ont pas mon signalement à ce que je sache, je ne risque donc rien, enfin je crois. Je devrais faire quelques emplettes, histoire d'avoir moins la dégaine d'un clochard et de moins attirer l'attention. Il faut aussi que j'aille acheter quelques provisions pour le moment où je mettrais les voiles. Je marche tranquillement dans le village, la plupart des regards se tournent vers moi, ou plutôt vers mon sabre. Si je voulais ne pas trop attirer l'attention, il faut dire que c'est raté. Je ne fais pas attention à ces gens et continue de marcher à la recherche d'un commerce quelconque. Après quelques minutes à traîner dans la rue, j'en trouve finalement un. En entrant, je vois un vieil homme assez méfiant derrière un comptoir et un petit garçon en train de porter des sacs, sûrement son petit fils. Il y'a quelques babioles sur des étagères, mais rien de vraiment intéressant pour moi. Je demande donc au vieillard des vêtements plutôt modeste, en lui filant ma taille.
Tandis qu'il cherche ce que lui demande dans la réserve en ronchonnant, le jeune garçon semble m'espionner assez mal, sûrement pour vérifier que je ne carotte rien sur leurs foutus étagères. Finalement, le commerçant me montre des habits assez sobres, une salopette grise avec une sorte de tunique en dessous. Vu qu'il n'y a pas d'endroit pour que je les essaie et qu'à l'oeil, ils ont l'air de m'aller, je décide de les prendre. Je demande ensuite si le vieux chnoque vend des boîtes de conserves, il me répond que oui, surtout du poisson. J'en prends cinq, ce qui me fait, avec les fringues, un total de trente-trois barrette. Une fois ressortis, un sac de toile contenant mes achats en main, je prends le chemin menant à la côte, pour y entreposer mes affaires et me tailler vite fait bien fait.
En marchant, j'aperçois au loin la taverne que j'ai visité hier. Il doit être environ midi et je n'ai rien becté de la journée. C'est décidé, j'y vais ! L'ambiance est quasiment la même qu'hier, il n'y a pas trop de gens, surtout des hommes seuls qui ont l'air de broyer du noir. En me voyant rentrer, le serveur semble me reconnaître et se dirige vers moi. J'ai à peine posé mon sac au sol qu'il me demande déjà ce que je veux commander. Je demande une tarte aux poireaux et un peu de vin rouge, histoire de ne pas naviguer en étant trop lourd. Alors que je m'installe, je remarque que le nain d'hier est de nouveau ici. Il a l'air de ne pas trop faire attention à moi, moi non plus d'ailleurs. Je fais cependant assez attention à lui pour remarquer qu'il semble mal-à-l'aise. Il regarde le fond de sa choppe d'un air mélancolique. A part cela, je ne fais pas gaffe aux autres gens.
Quelques minutes plus tard, le serveur me ramène finalement mon repas, que je déguste convenablement cette fois-ci. Alors que je savoure vigoureusement ma tarte, il semble y'avoir de l'agitation un peu plus loin. On dirait que le nain et le tavernier se disputent, enfin, c'est plutôt le nain qui engueule le tavernier. Le ton commence à monter, et dans ces situations, y'a des mots qui risquent de se faire regretter, je sais de quoi je parle. Vais-je intervenir ? Sûrement pas ! Pour une fois que ce n'est pas moi qui m'engueule. Soudain, deux hommes se lèvent et commence à sermonner le nain barbu, qui commence à baisser la voix. Evidemment, j'aurais reconnu ces uniformes entre mille ! La Marine ! Au moins, je ne suis pas vraiment surpris, je m'attendais à les trouver là. Après un échange entre le tavernier et les marines, ces derniers accompagnent le petit homme jusqu'à la sortie. Le nabot se laisse faire, comme si il se dirigeait vers la potence. Après quoi, les marines retournent à leurs places en ricanant.
En tout cas, c'est une bonne affaire que d'assister à une pièce de théâtre pareille et de manger en même temps ! Après avoir payé mon addition de deux mille pièces, je me tire de la taverne sans autres formes de procès. J'avais juste peur que les marines ne m'embêtent par rapport au sabre ou au contenu de ma sacoche, mais il n'en est rien. Je retrouve le chemin que j'ai emprunté pour arriver au village. Comme hier, personne a l'horizon, une simple route en terre qui est censé vous indiquer où se trouve un village fréquenté. Cela doit faire maintenant une bonne dizaine de minute que je marche et la maison du vioc n'est pas encore en vue. De plus, le sac en toile commence à me peser sur l'épaule et je remarque, maintenant que je suis propre, que mes vêtements puent la mort. Je m'éloigne du chemin pour essayer mes nouveaux vêtements derrière un arbre.
Alors que j'enfile la salopette, une sorte de lézard arrive et commence à fouiller dans ma sacoche, en faisant beaucoup de bruits. Un coup de pied administré avec un grand élan lui fait comprendre que, putain, on ne touche pas à mes affaires. C'est quoi cette île de voleurs ? Je fais quelques mouvements de jambe avec ma salopette, elle a l'air de m'aller juste-juste. Après avoir raccroché ma sacoche et mon sabre à leurs places habituelles, une très mauvaise surprise montre le bout de son nez. Un canon de pistolet se loge au niveau de mon torse. Je n'ai même pas le temps de réagir, tout va si vite. Je comprends juste que je dois lever les mains en l'air. Je reconnais la personne en face de moi, c'est le nain de tout à l'heure. Il a le nez qui pisse le sang et semble très énervé. Peut-être que les Marines l'ont passés à tabac. Bordel, la journée a pourtant si bien commencé...
Dernière édition par Waylon A. Rendão le Mar 26 Juil 2016 - 3:35, édité 8 fois