Midi, le soleil tape dans le score et nous envoûte sous sa chaleur. Les mouettes jactent au-dessus de nos têtes, nous signalant la fin du voyage. Armé de sa longue-vue, l'un des hommes se crève les cordes vocales pour nous signaler l'approche de la terre. Alvel est en vue …
Cela fait maintenant plusieurs jours que j'en rêve, cette terre nourrit par le sang des pirates du monde est un havre de paix pour nous autre, un sanctuaire que le gouvernement peine à trouver nous laissant la liberté d'y faire nos affaires et d'y souffler un peu. Enfin, c'est ce qu'on m'a laissé entendre dire.
Derrière un tas de roche plus coupante les unes que les autres, le Sanbi se fraye un chemin jusqu'à bon port, laissant les vagues lui caresser la coquille. Brave bête.
Humant l'air des quais, l'odeur délicieuse et jouissive du saké me baise les narines. Enfin, une île sur laquelle on peut se comporter normalement. L'alcool va couler à flot cette semaine et personne ne pourra m'en empêcher. Même si parfois, le capitaine tente désespérément de contrôler a dépendance à cette liqueur, le besoin s'en fait sentir à chaque instant.
Débarquant alors sur le débarcadère, on sillonne doucement ce dernier, analysant le moindre fait et geste des locaux. Non pas qu'on ai pas confiance, mais un peu quand même. Qui sait, nos ennemis sont peut-être plus proches que ce que l'on croit après tout. Un bon pirate est un pirate tuant d'autre pirate pour son propre désir personnel, de vrais égoïstes.
Alors, prudence est le mot d'ordre.
Et c'est d'un bref coup d'oeil à Shoma, laissant les autres débarquer du monstre marin, que je lui fais signe. Notre présence ici étant bien précise, nous ne pouvons perdre plus de temps. Alors, lui adressant quelques mots, je quitte le port en direction de la ville, en recherche du KGB, le chantier navale du pirate à crête.
- Juusei, le chantier navale est sur la berge ! Pas dans la ville !
Trop tard, j’suis déjà parti.
Fight in a Club
L'architecture de la ville reste classique. Du moins, moderne ? J'en sais rien et j'm'en fout. Le truc, c'est que tous ces pavés ornant le sol de la ville est bien emmerdant. Ça facilite pas trop la marche.
Plusieurs gars me fixent tour à tour, durant mon ascension, comme quoi je suis connu même ici. C'est ça d'avoir une prime à quatre-vingts millions de berrys, les autres vous regardent telle l'idole dont ils ont toujours rêvé.
- Hey l’étranger t’es qui ?!
A croire que certains de lisent pas les journaux ou ne regardent pas les avis de recherche. Mais ce n'est pas un mais plusieurs vieux poch'trons, puant la liche à des kilomètres à la ronde qui m'accostent, des fioles de liqueurs un peu partout dans les poches.
Les dents plus belles que les touches d'un piano, certains n'ont plus les moyens de becqueter la moindre miette. Ces pauvres hommes atteints d'anorexie n'ont plus qu'la picole pour tenir le coup. Normal qu'ils soient tous arrachés. Mais leur accoutrement m'fait croire que la pauvreté ici, c'est aussi rare qu'un obèse dans un fast-food.
Et comme prudence est le mot d'ordre, je recouvre Hyakujuunoou avec la toile de jute qui normalement, me couvrait la tête, préférant qu'on me reconnaisse ou qu'on m'accoste en tant qu'étranger plutôt que de convoiter mon bien le plus précieux. Ce serait bête de le perdre alors que j'viens d'l'acquérir.
Revêtant alors ma capuche, je pose la main sur l'épaule du vioc, le poussant à terre.
Moi un étranger ? J'suis vexer. Moi qui croyais être un minimum connu par delà ces mers de malheur. Quenini. Alors, il va falloir inverser la tendance, faire en sorte que le monde sache qui je suis et quelles sont mes intentions. Inquiéter la bourgeoisie du monde est une chose, devenir une véritable menace à leurs yeux en est une autre.
Quand je vois ces hommes mourants de pauvreté, cela me donne quand même une envie de vengeance. L'injustice est cruelle et l'intolérance l'est encore plus. Un jour, je reviendrais embourgeoiser ces hommes.
Fait chier, ça doit être mon côté révo qui ressort …
Puis cette balade intellectuelle se termine dans un bar, ne changeant en rien cette équipe gagnante.
Les charpentes de chêne au-dessus de nos têtes, les tables rondes dont la moitié reste fendue à cause des querelles des uns et les coups de colère des autres, le parquet empeste la liqueur à plein nez, en voilà une bien belle auberge. Les chants des voyageurs animent la maison tandis que le barman tente de satisfaire tout ce beau monde.
L'art de la cuite 2.0 dirait-on.
Un verre de saké plus tard, j'choppe la bouteille pour m'installer au fond de la salle, balançant une poignée de berry au patron. Et m'abreuvant l'gosier comme il se doit, j'pense à rien, admirant le spectacle des habitués du coin.
Les torgnoles volent et se propagent, tandis que les dents s'écrasent contre le sol noyés dans une flaque de sang. Deux, trois coups de batte plus tard, le taulier rappelle ses troupes à l'ordre; Ici on est là pour cuver, pas pour s'foutre sur la gueule. Ce que j'appelle une bonne parole.
- Si vous voulez aller vous battre, aller en bas.
Et là, ma visite improvisée se transforme en curieuse petite infiltration. Si on veut s'entamer la tronche à grand coup d'savate, c'est en bas que ça se passe. C'pourrait-il que … ? Nan, j'ai dû mal comprendre.
Mais s'échappant d'une porte juste à côté de moi, penser être condamnée, un bougre apparaît défiguré, aussi violet qu'une aubergine. Le genre de mec qui croit pouvoir se battre mais qui s'fait étaler en un rien de temps. Ces potes le raccompagnent dehors, le rassurant; il vient de perdre cinquante mille berry. Triste.
Cuité à pas plus de vingt pour cent, ma curiosité dantesque m'emmène derrière cette porte.
C'est d'abord un couloir en pierre accueillant pas mal de bête à huit pattes que je traverse pour enfin, découvrir au sous-sol de c'te baraque, la folie d'un fight club.
Le sang et la sueur embaument cette pièce totalement insonorisée tandis que pas plus de cent personnes siègent autour du ring. En son centre, une femme et son cobaye. D'après les dires, ce serait le onzième à tenter d'lui refaire une beauté ce soir. Pas mal, mais in d'impressionnant.
Comme simple visiteur, je m'place dans l'fond et admire le spectacle, le douzième homme s'apprête à monter sur le ring. Quant au onzième, ce dernier se fait tirer par-dessous les cordes imbiber de sang, la gueule fracassée.
Pauvre de lui, se faire détruire par une femme …
- Numéro 12, c’est à toi !
Ce dernier grimpe sur le plateau et la danse commence.
Une seconde.
Une seule seconde suffit à étaler le morveux. Cette gamine cache décidément bien des ressources et semble commencer à s'attirer les foudres de la foule. Tous ne voient pas d'un bon oeil qu'une femme étale douze mecs d'affiler sans même en ressortir avec la moindre cicatrice.
Ça fait jaser et la misogynie grandit plus vite que l'engin qu'ils ont tous entre les jambes.
Quand on est rendu à ce stade, je pense qu'il vaut mieux s'arrêter là. Mais la rouquine balaye les critiques d'un simple regard défiant l'assistance et fait bien entendre son droit de rester sur le ring tant qu'elle n'essuie pas une défaite. C'est écrit dans les règles et c'est ce que me fait remarquer l'ivrogne agonisant dans son vomi juste à côté de moi. Utile …
Et s'il est vrai que le gagnant à l'droit à un tour de manège gratuit en plus, alors j'dois bien l'reconnaitre, que j'ai l'droit à ma part du gâteau.
Alors, tel un gamin, je grimpe au sein de la caravelle dégageant à grand coup de pompe le déchu.
- Je suis volontaire … Si c’est ce qu’il te faut pour te faire descendre d’ici et pour que j’empoche … combien déjà ? Ah ouais, cinq millions de berry.
Elle mise gros à chaque combat, ce qu'il fait augmenter son potentiel cagnotte pour la fin de soirée. D'après l'ivrogne, c'est la règle. Reste sur le ring jusqu'à ce que la cloche finale sonne et l'argent est à toi. Alors, théoriquement, si je gagne et que la cloche finale sonne, les biffetons sont à moi.
- Tu mise gros sur ta victoire petite, je serais pas comme tous ces types si ça peut te rassurer.
- Ca tombe bien, j’en avais marre des p’tites frappes amène toi ! me dit elle, un cigare entre les lèvres.
Relevant alors cette cape cachant mon identité, je me mets à mes aises. Elle, remonte les bretelles qui retiennent sa brassière de combat et monte sa garde. Mais alors qu'on commence à tournée au sein des cordages, l'alarme ultime résonne, me faisant quitter le tapis. Sauf que la rouquine m'en dégotte une bonne avant que je franchise le pas, me faisant redresser la mâchoire.
Est-ce que j'avais lu entièrement les règles ? Même pas. J'en connaissais aucunes d'ailleurs.
- Si un combat est entamé et que cette putain de cloche résonne, on doit finir la combat. J’pensais pas que t’étais illettré pour ne pas pouvoir lire de simples règles comme celle ci …
- Héhéhé, si c’est les règles; alors on va bien s’amuser.
- J’pense bien aus*
Un simple coup de boule sur son joli minois et la voilà déséquilibrer, alors qu’elle parlait. Son corps de petite fille s’effrite contre le tapis jusqu’à atterrir de l’autre côté de la salle.
-Pleure pas, j’ai même pas forcé.
Les regards se tournent vers moi, stupéfaits parce que je viens d'accomplir, m'applaudissant en grande pompe. Et c'est tel un dieu vivant que j'sors du ring, les bras montés en l'air grâce à deux spectateurs. À croire qu'ils n'ont jamais vu ça de leur vie …
Traversant la salle, je me hâte devant elle afin de mettre les choses à plats.
- Tu ne me connais peut être pas encore, mais je compte monter un équipage. Rejoins-moi et peut être que j’t’apprendrais deux trois trucs sur l’art du combat …
C’est alors, les yeux écarquillés réfléchissant un sentiment d’inquiétude, qu’elle se relève, me pousse et s’échappe de l’auberge en courant.
Quoi de plus bizarre que la bizarrerie ?
- Tenez vos cinq millions, monsieur … ?
Encore sous le choc de sa réaction, j’en oublie presque les gains du combat. Mais cette petite me laisse dans le doute … Comment peut-elle quitter la rencontre sans même saluer son adversaire ? Quelle mauvaise foie. Peut être est elle mauvaise perdante, sait-on jamais …