Shiki Yasutani
• Pseudonyme : Yōkai
• Age : Approche la trentaine à petits pas.
• Sexe : Homme.
• Race : Homme (originaire de Wanokuni).
• Métier : Sabreur/Mercenaire.
• Groupe : Civil (ex-Révolutionnaire).
• Age : Approche la trentaine à petits pas.
• Sexe : Homme.
• Race : Homme (originaire de Wanokuni).
• Métier : Sabreur/Mercenaire.
• Groupe : Civil (ex-Révolutionnaire).
• But : Purifier son style d'épée, retrouver ses frères d'armes.
• Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : Je ne sais pas encore. Il y a peut-être un fruit du démon qui me fait de l'oeil, mais je ne suis pas sûr et ce sera sans doute pour plus tard.
J'aimerais demander une capacité, sinon, qui fasse qu'entre les mains de Yōkai, n'importe quel sabre, même de facture mauvaise, se fasse octroyer certaines caractéristiques des meitous (pas ce qui dépend de l'arme en elle même, c'est-à-dire le Tranchant redoutable, l’Équilibre parfait et la Légèreté). Ce serait du au fait qu'il manie ses armes selon le style légendaire et parfait de Wadokuni/Adokuni.
• Équipement : Deux sabres d'assez mauvaise qualité, quatre sous, un paquet de tabac presque neuf, un kimono.
• Parrain : Aucun.
• Ce compte est-il un DC ? Non.
• Si oui, quel @ l'a autorisé ? Non, j'ai dit !
• Codes du règlement :
• Fruit du démon ou Aptitude que vous désirez posséder après votre validation : Je ne sais pas encore. Il y a peut-être un fruit du démon qui me fait de l'oeil, mais je ne suis pas sûr et ce sera sans doute pour plus tard.
J'aimerais demander une capacité, sinon, qui fasse qu'entre les mains de Yōkai, n'importe quel sabre, même de facture mauvaise, se fasse octroyer certaines caractéristiques des meitous (pas ce qui dépend de l'arme en elle même, c'est-à-dire le Tranchant redoutable, l’Équilibre parfait et la Légèreté). Ce serait du au fait qu'il manie ses armes selon le style légendaire et parfait de Wadokuni/Adokuni.
• Équipement : Deux sabres d'assez mauvaise qualité, quatre sous, un paquet de tabac presque neuf, un kimono.
• Parrain : Aucun.
• Ce compte est-il un DC ? Non.
• Si oui, quel @ l'a autorisé ? Non, j'ai dit !
• Codes du règlement :
Description Physique
Yōkai est un jeune homme pas trop grand, à la carrure fine et élancée. Mesurant ainsi un peu moins du mètre quatre-vingt pour une soixantaine de kilogrammes, il n'est donc clairement pas du genre à se faire remarquer dans la foule, dans laquelle il a pour habitude de serpenter comme une anguille, ce qui l'a maintenu en vie jusqu'alors. C'est ce qu'il a de plus (ou de moins, du coup) distinctif : c'est un homme effacé, qui ne prend pas de place, qui se fait discret, et ça se ressent dans sa posture et ses manières... Et ce ne sont pas ses cheveux couleur cuivre et ses yeux verts, peu extravagants dans un monde peuplé de "héros" au faciès haut en couleur, qui le trahiront.
Ce qui se démarque le plus chez lui est sans doute son accoutrement (c'est dire), qui témoigne de ses origines et de ses valeurs. En effet, Yōkai porte la plupart du temps un kimono ample aux teintes rouges, grises et oranges posé par-dessus un veston noir, ainsi qu'un hakama vert maintenu par une obi blanche, à laquelle pendent plusieurs sabres, comme il est de coutume dans son pays de naissance. L'assortiment de couleurs et de nuances fait que sa tenue reste tout de même sobre, malgré le fait qu'on le reconnaisse tout de même comme étant un samouraï assez facilement, et il se débrouille pour que ce soit ce qui se dégage de lui, quand bien même il devrait changer de tenue. Lorsqu'il sait qu'un combat inévitable l'attend, il porte une tenue plus matelassée aux teintes noires et dorées, vaguement dérivée de la tenue qu'il portait au sein du Tsurugi.
Être effacé ne l'empêche pas d'être élégant, et c'est aussi une des choses qui ressort de Yōkai au premier abord. Après tout, il s'agit d'un sabreur émérite dont le moindre mouvement est efficace et maintient son corps en alerte à chaque instant. Ses pas sont ainsi feutrés et légers lorsqu'il se déplace, et ce même si sa jambe droite le ralentit tout de même énormément. Si son corps nu se laissait entrevoir à l'avenir, on pourrait voir une large cicatrice tout le long de sa cuisse et jusqu'à ce qui reste de son genou : il s'agit-là d'une blessure de guerre qui l'a gravement handicapé et dont il commence à peine à se remettre, comme si son corps lui aussi traînait le fardeau de son passé.
La voix de Yōkai se situe entre le baryton et le ténor, ajoutant une touche de mystère à son personnage. Outre ses vêtements et ses armes, il ne porte pas de signe particulier supplémentaire, comme un tatouage, ou une boucle d'oreille et hormis son pas claudiquant, il n'a pas non plus de tics gestuels. Dans des situations exceptionnelles, il peut toutefois être aperçu en train de fumer une cigarette, lorsqu'il cherche à s'évader de la pression qui l'entoure.
Ce qui se démarque le plus chez lui est sans doute son accoutrement (c'est dire), qui témoigne de ses origines et de ses valeurs. En effet, Yōkai porte la plupart du temps un kimono ample aux teintes rouges, grises et oranges posé par-dessus un veston noir, ainsi qu'un hakama vert maintenu par une obi blanche, à laquelle pendent plusieurs sabres, comme il est de coutume dans son pays de naissance. L'assortiment de couleurs et de nuances fait que sa tenue reste tout de même sobre, malgré le fait qu'on le reconnaisse tout de même comme étant un samouraï assez facilement, et il se débrouille pour que ce soit ce qui se dégage de lui, quand bien même il devrait changer de tenue. Lorsqu'il sait qu'un combat inévitable l'attend, il porte une tenue plus matelassée aux teintes noires et dorées, vaguement dérivée de la tenue qu'il portait au sein du Tsurugi.
Être effacé ne l'empêche pas d'être élégant, et c'est aussi une des choses qui ressort de Yōkai au premier abord. Après tout, il s'agit d'un sabreur émérite dont le moindre mouvement est efficace et maintient son corps en alerte à chaque instant. Ses pas sont ainsi feutrés et légers lorsqu'il se déplace, et ce même si sa jambe droite le ralentit tout de même énormément. Si son corps nu se laissait entrevoir à l'avenir, on pourrait voir une large cicatrice tout le long de sa cuisse et jusqu'à ce qui reste de son genou : il s'agit-là d'une blessure de guerre qui l'a gravement handicapé et dont il commence à peine à se remettre, comme si son corps lui aussi traînait le fardeau de son passé.
La voix de Yōkai se situe entre le baryton et le ténor, ajoutant une touche de mystère à son personnage. Outre ses vêtements et ses armes, il ne porte pas de signe particulier supplémentaire, comme un tatouage, ou une boucle d'oreille et hormis son pas claudiquant, il n'a pas non plus de tics gestuels. Dans des situations exceptionnelles, il peut toutefois être aperçu en train de fumer une cigarette, lorsqu'il cherche à s'évader de la pression qui l'entoure.
Description Psychologique
Yōkai est quelqu'un qui semble distant, froid et réservé, mais ce n'est pas vraiment la réalité : il s'agit simplement de quelqu'un qui s'est refermé sur lui-même, et qui se montre très peu communicatif de ses émotions, et très peu empathique. Et pour cause, Yōkai a vécu de nombreuses années hanté par un passé bien trop lourd pour ses épaules, et dont il garde des séquelles. Il n'est d'ailleurs absolument pas enclin à en parler, ni même à révéler son propre nom. De manière générale, ce n'est pas quelqu'un de particulièrement bavard, ou même socialement à l'aise, et il n'apprécie pas énormément la compagnie des autres, trouvant refuge dans le silence et la solitude, et ce bien qu'il essaye de réapprendre à vivre depuis quelques temps.
Les rares moments où Yōkai se sent vraiment bien sont quand il s'entraîne ou combat au sabre, discipline qui a une place particulièrement importante dans sa vie. Éduqué dans le respect des traditions de son pays d'origine, il est ainsi devenu un samouraï émérite et de ce fait doit inscrire tout ce qu'il fait dans son code d'honneur, son bushido. Le respect de cette étiquette lui est plus précieux que la prunelle de ses yeux, et il serait largement prêt à commettre le seppuku s'il venait à l'enfreindre, ce qui donne parfois lieu à des situations cocasses. Ainsi, il ne fuira jamais une cause qu'il juge juste ou une mission qu'il a accepté, de peur de jeter l'opprobre sur son honneur.
Yōkai est un homme hanté par son passé : la perte de ses parents l'a tellement marqué qu'il en est devenu un véritable démon et a œuvré la révolution en tant que machine à tuer. Il n'en a pas honte, mais n'en est pas fier non plus. Il a vu le monde sous ses coutures les plus sombres et désormais peu de comportements humains l'étonnent. L'esclavage, le meurtre, la misère... Il a connu tout ça, il a appris à vivre avec. Aussi, bien qu'il ait profondément changé après la perte de ses frères d'armes, il n'hésitera tout de même pas à ôter une vie si la sienne est en danger. Il fera d'ailleurs tout passer en second plan si cela peut l'empêcher de recouvrer la pureté de son escrime.
Les rares moments où Yōkai se sent vraiment bien sont quand il s'entraîne ou combat au sabre, discipline qui a une place particulièrement importante dans sa vie. Éduqué dans le respect des traditions de son pays d'origine, il est ainsi devenu un samouraï émérite et de ce fait doit inscrire tout ce qu'il fait dans son code d'honneur, son bushido. Le respect de cette étiquette lui est plus précieux que la prunelle de ses yeux, et il serait largement prêt à commettre le seppuku s'il venait à l'enfreindre, ce qui donne parfois lieu à des situations cocasses. Ainsi, il ne fuira jamais une cause qu'il juge juste ou une mission qu'il a accepté, de peur de jeter l'opprobre sur son honneur.
Yōkai est un homme hanté par son passé : la perte de ses parents l'a tellement marqué qu'il en est devenu un véritable démon et a œuvré la révolution en tant que machine à tuer. Il n'en a pas honte, mais n'en est pas fier non plus. Il a vu le monde sous ses coutures les plus sombres et désormais peu de comportements humains l'étonnent. L'esclavage, le meurtre, la misère... Il a connu tout ça, il a appris à vivre avec. Aussi, bien qu'il ait profondément changé après la perte de ses frères d'armes, il n'hésitera tout de même pas à ôter une vie si la sienne est en danger. Il fera d'ailleurs tout passer en second plan si cela peut l'empêcher de recouvrer la pureté de son escrime.
Biographie
Avant de se consacrer au présent de Yōkai, il est indispensable de s'intéresser à son passé, qui occupe malheureusement une trop grande partie de ses pensées.
Yōkai... Non, Shiki Yasutani est né sur Wanokuni, et plus précisément à Adokuni, au printemps de l'année 1599, de deux parents aimants et attentionnés qui officiaient en tant que samouraïs auprès d'un Daïmio de province. Sa petite enfance se déroule sans trop d'anecdotes. Il fut formé à l'art du sabre très jeune, comme tous ses camarades, par ses parents dont la maîtrise de l'épée était à l'égal de celle de leurs compatriotes, à savoir légendaire, mais aussi au respect des traditions ancestrales de leur pays. Bien qu'étant de profonds humanistes dont la générosité était démesurée, ses parents (ainsi que la plupart du fief dans lequel ils vivaient) voyaient d'un mauvais œil la prolifération alarmante des automates dans l'ensemble du pays, et ce bien qu'Adokuni en soit épargné grâce à ses traditions. Craignant cependant que cette gangrène technologique qu'ils supposaient malveillante ne parvienne un jour à traverser les frontières et à dénaturer la voie du samouraï, ils décidèrent de s'enfuir, suivis par un groupe de six autres familles partageant leurs peurs, avec leurs enfants sous le bras, et de parcourir les mers dans le but de transmettre leur savoir et leur culture. Lors de son départ d'Adokuni, Shiki a alors 8 ans. Il ne gardera que très peu de souvenirs de son pays natal.
La compagnie de samouraïs arpente les mers pendant une longue année, avant de finalement arriver sur les mers bleues, et de s'installer dans les calmes eaux australes, à Saint-Uréa. Plusieurs adultes et enfants ne survivront pas à la terrible traversée de Grandline, décédant en cours de route de maladie, ou à cause des terribles conditions climatiques. Comme les camarades de son âge, Shiki y perd un proche : un jeune frère qu'il n'aura pas appris à connaître. Cette épreuve soude les enfants expatriés restants bien plus encore, et ils deviennent très vite inséparables.
Dès leur arrivée, les adultes réaménagent une spacieuse bâtisse abandonnée de la frange, le quartier pauvre de l'île-ville, et y ouvrent un dojo de kenjutsu, dans le but de réaliser leur objectif et de transmettre leur savoir. Les journées passées à s'entraîner en compagnie de ses amis deviennent alors de véritables bouffées d'air pour un bien jeune Shiki qui peine à trouver ses repères. Cependant, il s'estime heureux, partageant de superbes moments avec sa famille. Bien entendu, cela ne dure pas. Confrontés à la triste réalité d'un monde qu'ils idéalisaient différemment, les adultes prennent conscience des horreurs pullulant sur les mers en dehors d'Adokuni, et qu'ils ne soupçonnaient pas : crime, déshonneur, armes, esclavage... Soucieux de propager leurs valeurs, ils ne s’étaient ainsi pas doutés une seule seconde que le reste du monde pouvait être pire que ce qu'ils avaient fui. Combattants dans l'âme et samouraïs dans le cœur, leur code d'honneur les empêche de rester les bras croisés. Aussi, ils commencent à former dans leur dojo les seules personnes qu'ils avaient rencontré dont les idéaux se rapprochaient des leurs : des agents révolutionnaires, qui les avaient approchés dans l'intention de les recruter. C'est ainsi qu'ils mettent un pied dans le bourbier qui leur coûtera la vie, non pas par haine du gouvernement, mais plutôt par amour de l'homme et de sa personne, par volonté de combattre le mal à la racine pour l'empêcher d'atteindre le pays qu'ils ont fui pour les même raisons. Bien évidemment, à l’époque, Shiki n’est pas au courant de tout cela.
Il l’apprend en 1611, alors qu’il a 12 ans… Et qu’il doit assister à l’exécution de ses parents, comme chacun de ses camarades. La grande Purge vient de frapper South Blue, menée d’une poigne de fer par le lieutenant-colonel Tahar Tahgel, et tous les affiliés révolutionnaires détectés par le gouvernement sont capturés et exécutés. Les enfants des expatriés d’Adokuni seront miraculeusement épargnés par la clémence d’un officier subalterne de Tahgel participant au raid sur le dojo, jugeant que leur jeune âge (entre 10 et 14 ans pour le plus vieux) les écarte d’être de potentielles menaces. Cet événement traumatisant marque la mort de l’innocence des jeunes adolescents, qui ne s’en remettront pas, et se retrouvent livrés à eux-mêmes dans une ville basse ravagée par les tirs d’artillerie et la mort d’êtres aimés. Leurs seuls repères disparaissent du jour au lendemain, et ils sont ainsi abandonnés, orphelins, loin de leur pays natal. La seule chose qu’il reste à ces sept jeunes samouraïs, désormais, sont les ruines de ce dojo dans lequel ils ont passé de si bons moments, dernier héritage de leurs parents. Ils décident alors de le rouvrir, afin d’honorer leur mémoire, et de perpétuer leur idéaux. Malgré leur très jeune âge, leur maîtrise du sabre est inégalée dans la mer australe, et ils commencent à œuvrer dans le but de restaurer l’endroit, à genoux dans la misère et ravalent leur rancœur. Seuls membres de leur école, les années qu’ils passent à s’entrainer sans relâche et à se crever à la tâche pour maintenir leur foyer en état les rapproche encore plus. Sans compter la haine éprouvée envers ceux qui ont tué leurs familles.
Mais plus rien n’est pareil qu’avant : le lieu ayant perdu toute sa chaleur, toute la joie de vivre qui y régnait et ne s’y trouvent plus que les fantômes de sept jeunes hommes désabusés et détruits par un monde bien trop cruel pour eux.
Sept ans s’écoulent. Les jeunes samouraïs ont le regard terne, vide. Ils sont perdus. Ils n’arrivent à avancer qu’en faisant ces inlassables séries de coupes au sabre, perfectionnant leur art sans jamais émousser leurs crocs. Nous sommes alors en 1618, et une nouvelle révolution émerge, se prétendant plus forte et plus radicale que la précédente. Alors forcément, leur dojo est une fois de plus approché par des agents cherchant à se former. Mais Shiki et ses frères d’armes refusent. Bien que marchant dans leur pas, ils ne sont plus comme leurs parents, ils n’ont pas leur humanisme. Leur âme comme leurs lames se sont noircies et teintées de haine. Consumés par la rage, ils se détournent de leur engagement d’enseigner la voie du sabre et les valeurs du pays des samouraïs, et s’engagent activement dans la révolution, en tant que combattants, formant ainsi à l’époque la plus redoutée des unités tactiques révolutionnaire des mers du sud : le "Tsurugi", l’épée. Escouade particulièrement violente et meurtrière composée seulement d’eux sept, ils multiplient les opérations, leur style d’escrime à la fois inconnu et légendaire devenant aussi craints que la fameuse Peste Bleue de 1580. Les sept jeunes samouraïs perdent petit à petit leurs noms et identités. Pour la révolution, ils ne sont plus que le Tsurugi. Pour les civils qui ont la chance d’être témoins et survivants de leurs actions, ils sont renommés les "Yōkai", les monstres, les fantômes, en raison de leurs apparitions mystérieuses et empestant la mort. Pour eux-mêmes, ils ne sont plus que le bras de la vengeance.
Ils passent ensemble quatre ans à se battre pour l’armée révolutionnaire. Quatre ans de guérilla, d’épées teintées de sang, de mort omniprésente. Puis tout s’arrête brutalement en 1622. Shiki, ou plutôt désormais Yōkai, a alors 23 ans. Et le Tsurugi essuie sa première et dernière défaite militaire. S’étant retrouvé au front du putsch de la frange de Saint-Uréa, les sept samouraïs font clairement leur poids dans la balance et deviennent alors des cibles prioritaires pour le gouvernement… Et les traîtres à sa solde qui ont noyauté l’action révolutionnaire depuis bien longtemps et se réveillent maintenant. Menant une partie des troupes à l’assaut des remparts, le Tsurugi se retrouve pris au piège et tombe alors dans une embuscade. Pris de court, ne comprenant pas comment des informations sur leur opération aient pu fuiter, ils se laissent décontenancer et séparer les uns des autres par les manœuvres ennemies. Ils ne se rendent compte individuellement que trop tard, quand ils commencent à crouler sous le nombre d’assaillants, qu’il s’agit d’un stratagème pour ébranler leur plus grande force : leur unité. Quand Yōkai comprend ce qu’il se passe, il tente à tout prix de se regrouper avec ses frères d’armes, et se retrouve sous le feu de tirs d’artillerie. Une explosion sourde survient non loin de lui, et d’un coup, c’est le noir total. Il pense que c’est la fin.
Yōkai ne se réveille pourtant pas au paradis. Plutôt en enfer, même. Quand ses yeux se rouvrent, c’est en effet le plafond d’un taudis et non du ciel qui se dévoile à lui, et des visages inconnus qui le fixent. Et on lui raconte tout ce qui s’est passé. Comment il a été laissé pour mort sur le champ de bataille après avoir été touché à la jambe par des éclats d’obus, comment il a été rapatrié par le peu de survivants jusqu’au Cimetière d’épaves… Et comment son unité a été décimée. Nouvel événement traumatisant pour Yōkai, tant pour son esprit que pour son corps, cette fois-ci. Faute de moyens médicaux décents, sa jambe ne peut être correctement soignée, et il met plusieurs mois avant d’être capable de se lever à nouveau. Des mois d’une longue inertie ou il ne peut rien faire d’autre que de ressasser son passé, que de se demander pourquoi la vie lui ôte une à une toutes ses attaches. Perdre ses parents avait été un coup de surin pour Yōkai. Mais perdre ses amis, ses grands frères qui l’avaient consolé et lui avaient appris à endurer, ses petits frères qu’il avait protégé, ses frères d’armes pour qui il aurait été prêt à mourir… C’était trop. Brisé, le jeune homme anonyme n’est plus qu’à l’image du lieu dans lequel il se trouve : une épave.
Plus d’un an s’écoule sans que Yōkai ne soit capable d’émettre ne serait-ce que le simple son de sa bouche. Il survit, un peu comme tout le monde, en grignotant la ferraille et le bois des bateaux échoués. Il continue de pratiquer l’escrime régulièrement, mais sa jambe est douloureuse et handicapante, et il est incapable de se mouvoir comme auparavant. Son identité, son honneur, son art… Il pense avoir tout perdu, quand il découvre à nouveau une lueur d’espoir. Lorsque l’armée révolutionnaire débarque avec la volonté de reformer la cellule du Cimetière d’épaves, un agent de passage le reconnait, et lui raconte avoir été présent le jour fatidique de la chute du Tsurugi, qu’il a été témoin de ce qu’il s’était passé, et que non, Yōkai n’est pas le seul survivant de son unité. Il lui explique alors que dans le chaos de la bataille, il a vu plusieurs silhouettes être emmenées comme lui, ou parvenir à s’enfuir. Le fait de savoir que ses frères puissent être encore en vie insuffle à nouveau le bonheur dans le cœur du jeune homme. Malheureusement, l’agent lui apprend aussi une nouvelle bien sombre : après une enquête interne ayant pour but de débusquer d’éventuelles taupes restantes et d’éviter qu’une telle tragédie se reproduise, ils étaient arrivés à la conclusion que seul un des membres du Tsurugi avait pu révéler le plan des opérations à la marine et orchestrer un guet-apens pour ses propres camarades. Cette annonce scellera le regain de détermination de Yōkai.
Ne voulant pas croire aux accusations de l’agent révolutionnaire, étant persuadé qu’aucun de ses frères ne pourrait faire une chose pareille, il décide de prendre la mer, en solitaire, en 1623. Quittant la révolution et changeant de nom, devenant un mercenaire vagabond, une sorte de rônin, il se met ainsi en quête de retrouver ses amis disparus, pour avoir le bonheur de les savoir en vie, et le poids en moins sur le cœur de les savoir innocents. Il se remet également à pratiquer le sabre bien plus intensément, et jure de se tenir à son code d’honneur, de redevenir le samouraï admirable et respectable qu’il rêvait d’être étant enfant, avant que le sort ne s’acharne sur lui. Avant que les ténèbres ne s’insinuent dans son cœur et le shrapnel dans sa jambe. Avant qu’il ne perde son escrime élégante et légendaire.
Il cherche ses frères un long moment, sans succès, avant de se rassurer : les liens qui les unissent sont trop puissants pour être brisés si facilement, et le destin les réunira sans doute un jour, quoiqu'il puisse se passer.
Yōkai... Non, Shiki Yasutani est né sur Wanokuni, et plus précisément à Adokuni, au printemps de l'année 1599, de deux parents aimants et attentionnés qui officiaient en tant que samouraïs auprès d'un Daïmio de province. Sa petite enfance se déroule sans trop d'anecdotes. Il fut formé à l'art du sabre très jeune, comme tous ses camarades, par ses parents dont la maîtrise de l'épée était à l'égal de celle de leurs compatriotes, à savoir légendaire, mais aussi au respect des traditions ancestrales de leur pays. Bien qu'étant de profonds humanistes dont la générosité était démesurée, ses parents (ainsi que la plupart du fief dans lequel ils vivaient) voyaient d'un mauvais œil la prolifération alarmante des automates dans l'ensemble du pays, et ce bien qu'Adokuni en soit épargné grâce à ses traditions. Craignant cependant que cette gangrène technologique qu'ils supposaient malveillante ne parvienne un jour à traverser les frontières et à dénaturer la voie du samouraï, ils décidèrent de s'enfuir, suivis par un groupe de six autres familles partageant leurs peurs, avec leurs enfants sous le bras, et de parcourir les mers dans le but de transmettre leur savoir et leur culture. Lors de son départ d'Adokuni, Shiki a alors 8 ans. Il ne gardera que très peu de souvenirs de son pays natal.
La compagnie de samouraïs arpente les mers pendant une longue année, avant de finalement arriver sur les mers bleues, et de s'installer dans les calmes eaux australes, à Saint-Uréa. Plusieurs adultes et enfants ne survivront pas à la terrible traversée de Grandline, décédant en cours de route de maladie, ou à cause des terribles conditions climatiques. Comme les camarades de son âge, Shiki y perd un proche : un jeune frère qu'il n'aura pas appris à connaître. Cette épreuve soude les enfants expatriés restants bien plus encore, et ils deviennent très vite inséparables.
Dès leur arrivée, les adultes réaménagent une spacieuse bâtisse abandonnée de la frange, le quartier pauvre de l'île-ville, et y ouvrent un dojo de kenjutsu, dans le but de réaliser leur objectif et de transmettre leur savoir. Les journées passées à s'entraîner en compagnie de ses amis deviennent alors de véritables bouffées d'air pour un bien jeune Shiki qui peine à trouver ses repères. Cependant, il s'estime heureux, partageant de superbes moments avec sa famille. Bien entendu, cela ne dure pas. Confrontés à la triste réalité d'un monde qu'ils idéalisaient différemment, les adultes prennent conscience des horreurs pullulant sur les mers en dehors d'Adokuni, et qu'ils ne soupçonnaient pas : crime, déshonneur, armes, esclavage... Soucieux de propager leurs valeurs, ils ne s’étaient ainsi pas doutés une seule seconde que le reste du monde pouvait être pire que ce qu'ils avaient fui. Combattants dans l'âme et samouraïs dans le cœur, leur code d'honneur les empêche de rester les bras croisés. Aussi, ils commencent à former dans leur dojo les seules personnes qu'ils avaient rencontré dont les idéaux se rapprochaient des leurs : des agents révolutionnaires, qui les avaient approchés dans l'intention de les recruter. C'est ainsi qu'ils mettent un pied dans le bourbier qui leur coûtera la vie, non pas par haine du gouvernement, mais plutôt par amour de l'homme et de sa personne, par volonté de combattre le mal à la racine pour l'empêcher d'atteindre le pays qu'ils ont fui pour les même raisons. Bien évidemment, à l’époque, Shiki n’est pas au courant de tout cela.
Il l’apprend en 1611, alors qu’il a 12 ans… Et qu’il doit assister à l’exécution de ses parents, comme chacun de ses camarades. La grande Purge vient de frapper South Blue, menée d’une poigne de fer par le lieutenant-colonel Tahar Tahgel, et tous les affiliés révolutionnaires détectés par le gouvernement sont capturés et exécutés. Les enfants des expatriés d’Adokuni seront miraculeusement épargnés par la clémence d’un officier subalterne de Tahgel participant au raid sur le dojo, jugeant que leur jeune âge (entre 10 et 14 ans pour le plus vieux) les écarte d’être de potentielles menaces. Cet événement traumatisant marque la mort de l’innocence des jeunes adolescents, qui ne s’en remettront pas, et se retrouvent livrés à eux-mêmes dans une ville basse ravagée par les tirs d’artillerie et la mort d’êtres aimés. Leurs seuls repères disparaissent du jour au lendemain, et ils sont ainsi abandonnés, orphelins, loin de leur pays natal. La seule chose qu’il reste à ces sept jeunes samouraïs, désormais, sont les ruines de ce dojo dans lequel ils ont passé de si bons moments, dernier héritage de leurs parents. Ils décident alors de le rouvrir, afin d’honorer leur mémoire, et de perpétuer leur idéaux. Malgré leur très jeune âge, leur maîtrise du sabre est inégalée dans la mer australe, et ils commencent à œuvrer dans le but de restaurer l’endroit, à genoux dans la misère et ravalent leur rancœur. Seuls membres de leur école, les années qu’ils passent à s’entrainer sans relâche et à se crever à la tâche pour maintenir leur foyer en état les rapproche encore plus. Sans compter la haine éprouvée envers ceux qui ont tué leurs familles.
Mais plus rien n’est pareil qu’avant : le lieu ayant perdu toute sa chaleur, toute la joie de vivre qui y régnait et ne s’y trouvent plus que les fantômes de sept jeunes hommes désabusés et détruits par un monde bien trop cruel pour eux.
Sept ans s’écoulent. Les jeunes samouraïs ont le regard terne, vide. Ils sont perdus. Ils n’arrivent à avancer qu’en faisant ces inlassables séries de coupes au sabre, perfectionnant leur art sans jamais émousser leurs crocs. Nous sommes alors en 1618, et une nouvelle révolution émerge, se prétendant plus forte et plus radicale que la précédente. Alors forcément, leur dojo est une fois de plus approché par des agents cherchant à se former. Mais Shiki et ses frères d’armes refusent. Bien que marchant dans leur pas, ils ne sont plus comme leurs parents, ils n’ont pas leur humanisme. Leur âme comme leurs lames se sont noircies et teintées de haine. Consumés par la rage, ils se détournent de leur engagement d’enseigner la voie du sabre et les valeurs du pays des samouraïs, et s’engagent activement dans la révolution, en tant que combattants, formant ainsi à l’époque la plus redoutée des unités tactiques révolutionnaire des mers du sud : le "Tsurugi", l’épée. Escouade particulièrement violente et meurtrière composée seulement d’eux sept, ils multiplient les opérations, leur style d’escrime à la fois inconnu et légendaire devenant aussi craints que la fameuse Peste Bleue de 1580. Les sept jeunes samouraïs perdent petit à petit leurs noms et identités. Pour la révolution, ils ne sont plus que le Tsurugi. Pour les civils qui ont la chance d’être témoins et survivants de leurs actions, ils sont renommés les "Yōkai", les monstres, les fantômes, en raison de leurs apparitions mystérieuses et empestant la mort. Pour eux-mêmes, ils ne sont plus que le bras de la vengeance.
Ils passent ensemble quatre ans à se battre pour l’armée révolutionnaire. Quatre ans de guérilla, d’épées teintées de sang, de mort omniprésente. Puis tout s’arrête brutalement en 1622. Shiki, ou plutôt désormais Yōkai, a alors 23 ans. Et le Tsurugi essuie sa première et dernière défaite militaire. S’étant retrouvé au front du putsch de la frange de Saint-Uréa, les sept samouraïs font clairement leur poids dans la balance et deviennent alors des cibles prioritaires pour le gouvernement… Et les traîtres à sa solde qui ont noyauté l’action révolutionnaire depuis bien longtemps et se réveillent maintenant. Menant une partie des troupes à l’assaut des remparts, le Tsurugi se retrouve pris au piège et tombe alors dans une embuscade. Pris de court, ne comprenant pas comment des informations sur leur opération aient pu fuiter, ils se laissent décontenancer et séparer les uns des autres par les manœuvres ennemies. Ils ne se rendent compte individuellement que trop tard, quand ils commencent à crouler sous le nombre d’assaillants, qu’il s’agit d’un stratagème pour ébranler leur plus grande force : leur unité. Quand Yōkai comprend ce qu’il se passe, il tente à tout prix de se regrouper avec ses frères d’armes, et se retrouve sous le feu de tirs d’artillerie. Une explosion sourde survient non loin de lui, et d’un coup, c’est le noir total. Il pense que c’est la fin.
Yōkai ne se réveille pourtant pas au paradis. Plutôt en enfer, même. Quand ses yeux se rouvrent, c’est en effet le plafond d’un taudis et non du ciel qui se dévoile à lui, et des visages inconnus qui le fixent. Et on lui raconte tout ce qui s’est passé. Comment il a été laissé pour mort sur le champ de bataille après avoir été touché à la jambe par des éclats d’obus, comment il a été rapatrié par le peu de survivants jusqu’au Cimetière d’épaves… Et comment son unité a été décimée. Nouvel événement traumatisant pour Yōkai, tant pour son esprit que pour son corps, cette fois-ci. Faute de moyens médicaux décents, sa jambe ne peut être correctement soignée, et il met plusieurs mois avant d’être capable de se lever à nouveau. Des mois d’une longue inertie ou il ne peut rien faire d’autre que de ressasser son passé, que de se demander pourquoi la vie lui ôte une à une toutes ses attaches. Perdre ses parents avait été un coup de surin pour Yōkai. Mais perdre ses amis, ses grands frères qui l’avaient consolé et lui avaient appris à endurer, ses petits frères qu’il avait protégé, ses frères d’armes pour qui il aurait été prêt à mourir… C’était trop. Brisé, le jeune homme anonyme n’est plus qu’à l’image du lieu dans lequel il se trouve : une épave.
Plus d’un an s’écoule sans que Yōkai ne soit capable d’émettre ne serait-ce que le simple son de sa bouche. Il survit, un peu comme tout le monde, en grignotant la ferraille et le bois des bateaux échoués. Il continue de pratiquer l’escrime régulièrement, mais sa jambe est douloureuse et handicapante, et il est incapable de se mouvoir comme auparavant. Son identité, son honneur, son art… Il pense avoir tout perdu, quand il découvre à nouveau une lueur d’espoir. Lorsque l’armée révolutionnaire débarque avec la volonté de reformer la cellule du Cimetière d’épaves, un agent de passage le reconnait, et lui raconte avoir été présent le jour fatidique de la chute du Tsurugi, qu’il a été témoin de ce qu’il s’était passé, et que non, Yōkai n’est pas le seul survivant de son unité. Il lui explique alors que dans le chaos de la bataille, il a vu plusieurs silhouettes être emmenées comme lui, ou parvenir à s’enfuir. Le fait de savoir que ses frères puissent être encore en vie insuffle à nouveau le bonheur dans le cœur du jeune homme. Malheureusement, l’agent lui apprend aussi une nouvelle bien sombre : après une enquête interne ayant pour but de débusquer d’éventuelles taupes restantes et d’éviter qu’une telle tragédie se reproduise, ils étaient arrivés à la conclusion que seul un des membres du Tsurugi avait pu révéler le plan des opérations à la marine et orchestrer un guet-apens pour ses propres camarades. Cette annonce scellera le regain de détermination de Yōkai.
Ne voulant pas croire aux accusations de l’agent révolutionnaire, étant persuadé qu’aucun de ses frères ne pourrait faire une chose pareille, il décide de prendre la mer, en solitaire, en 1623. Quittant la révolution et changeant de nom, devenant un mercenaire vagabond, une sorte de rônin, il se met ainsi en quête de retrouver ses amis disparus, pour avoir le bonheur de les savoir en vie, et le poids en moins sur le cœur de les savoir innocents. Il se remet également à pratiquer le sabre bien plus intensément, et jure de se tenir à son code d’honneur, de redevenir le samouraï admirable et respectable qu’il rêvait d’être étant enfant, avant que le sort ne s’acharne sur lui. Avant que les ténèbres ne s’insinuent dans son cœur et le shrapnel dans sa jambe. Avant qu’il ne perde son escrime élégante et légendaire.
Il cherche ses frères un long moment, sans succès, avant de se rassurer : les liens qui les unissent sont trop puissants pour être brisés si facilement, et le destin les réunira sans doute un jour, quoiqu'il puisse se passer.
Test RP
Pas un jour ne s’écoule sans que je ne pense à eux. A ce qu’on a fait. A ce qu’on a enduré. A quel point ils me manquent, tous…
Le passé, c’est quelque chose de terrible. Cela a beau être derrière soi, on a beau se dire que, de toute façon, le ressasser est inutile puisqu’on ne pourra jamais le changer… Et pourtant, on le porte quand même comme un fardeau sur ses épaules, tous les jours. Comme une tache d’encre indélébile sur un vêtement. Alors comment ? Comment fait-elle pour arborer un sourire si pur et si innocent, alors que moi je garde ce même regard triste, terne, mort ?
C’est une petite fille adorable, tout en jupettes et pompons et froufrous, qui sautille de partout comme une puce et s’émerveille d’un rien. Ses cheveux blonds bouclés ceignent son visage tout rond et mignon et vont de pair avec les grandes billes bleues qu’elle a dans les yeux. Et ce sourire… On y voit la joie de vivre, on y voit l’espoir… Du haut de ses sept ans, je crois qu’elle a déjà plus compris le sens de la vie que moi.
Je les ai retrouvées il y a un peu moins d’un mois, elle et sa mère. Deux bouts de femmes qui luttaient pour s’en sortir, l’une a grand coup de sourires et de rires d’enfant et l’autre… En assumant ses responsabilités d’adulte et en s’accoquinant avec des individus peu respectables. Elle n’avait pas eu le choix. Son mari était mort fièrement au combat, pour sa patrie, et la maigre somme qu’elle avait reçu en consolation s’était bien vite amenuisée. Alors elle s’était endettée, ou plutôt, elle s’était faite prendre au piège de la spirale, telle une joueuse a une partie de cartes où elle était bien trop honnête pour en comprendre les règles tacites. Elle n’en voyait plus le bout, c’était devenu le serpent qui se mord la queue. Un serpent venimeux qui n’hésitait pas à menacer ce qu’elle avait de plus cher au monde pour la faire céder. Un serpent que j’ai décapité.
Je contemple mes mains légèrement tachées de sang. Il n’y a pas si longtemps de ça, j’aurais pu tous les découper sans que toutefois la moindre goutte d’hémoglobine ne jaillisse. Des tranches nettes, propres, pures, bien différentes des batardes que ma lame ne dessert aujourd’hui. Enfin. Ce qui compte, c’est qu’ils soient tous morts. J’ai peut-être mis un mois, mais au moins, je suis certain de n’avoir rien laissé au hasard. Elle n’a plus à se préoccuper de rembourser l’argent, s’il n’y a plus personne pour le réclamer.
Je lance un dernier regard à cet enfant qui joue. Et moi ? Pensez-vous que ma dette est réglée, parce que vous n’êtes plus de ce monde, hm ? Je ne sais pas ce que je peux faire de plus, en guise de repentir. Je ne peux pas aller la voir. Elle ne me connait pas, elle ne m’a jamais vu, et je pense que c’est mieux ainsi. De toute manière, je ne pourrais pas lui demander pardon. Je ne pourrais pas la regarder dans les yeux. Je ne pourrais pas lui expliquer pourquoi j’ai dû tuer son père. Je m’en souviens comme si c’était hier encore.
1619. Royaume de Saint-Uréa.
La nuit est fraiche. Une légère brise parcourt les ruelles d’une frange encore animée malgré l’heure, et fait grincer doucement les volets d’une fenêtre de la taverne dans laquelle nous sommes. Fièrement dressés, le regard sombre et droit, nous nous tenons en attente, nos armures de combat revêtues et nos sabres prêts à être dégainés, tous les sept. Dans un silence de mort qui n’est brisé que lorsqu’un petit homme chauve sort de l’arrière-boutique, une pile de paperasse coincée sous le bras.
– Ah, bien ! Le dernier est finalement arrivé.
Machinalement, nous tournons tous la tête vers notre camarde aux cheveux de miel, Kazuro, qui esquisse une moue de dédain. Nous soupirons. Sora prend une mine renfrognée. Aie, vont-ils encore se rentrer dans le lard ?
– Arriver en retard aux entraînements c’est une chose, Kazu’. Arriver en retard pour notre première mission à Saint-Uréa, c’en est une autre. Tu déshonores la réputation du Tsurugi.
– Cause toujours, pète-sec.
– Seppuku ! Seppuku ! Je m’écrie en brandissant le poing. Des éclairs fusent de leurs yeux, tandis qu’ils portent la main à la garde de leurs épées respectives.
– Allons, allons, calmez-vous messieurs, ce n’est pas bien grave. De toute manière, votre réputation n’est déjà plus à faire, ne vous inquiétez pas… Il marque une pause, trifouillant dans ses papiers. Ah, voilà ! Savez-vous pourquoi vous avez été convoqués ?
– Une mission d’extradition, c’est ça ?
– D’extraction, Sadao.
– Ah, oui.
– C’est exactement ça. Tenez, vous avez un résumé de la situation sur ces fiches. Dit alors le petit chauve en nous tendant des petites feuilles cartonnées, que nous prenons le temps de lire. La mission consiste à infiltrer un complexe pénitencier des chiens de pierre pour y libérer un agent double, dans le but d’éviter qu’il ne dénonce d’autres agents plus haut-placés de la révolution. Autrement dit, du grand classique. Par contre, quelque chose me chiffonne…
– « S’infiltrer » ? Désolé mais vous avez fait appel à la mauvaise unité. On ne sait pas vraiment faire dans la discrétion, nous. Et Sora a raison. En toute honnêteté, nous sommes un peu bons à rien, sans nos sabres. La seule chose qu’on sait faire, c’est aller quelque part, et trancher tout ce qui s’y trouve. Mais ça, on le fait bien. Alors si pour vous, « s’infiltrer » peut vouloir dire « ne pas laisser de témoin », alors oui, ça peut se faire. Sinon…
Il ne termine pas sa phrase, mais nous acquiesçons tous. Sora a toujours parlé comme s’il était notre leader, et on s’en est toujours bien accommodés, bien que nous nous considérons tous comme étant sur un pied d’égalité. C’est le plus âgé d’entre nous, et certainement le plus dextre à l’arme. Alors forcément, nous le voyons tous un peu comme un grand-frère, avec les bons comme les mauvais côtés, ce dernier étant son perfectionnisme à la limite de l’antipathie… Et ses tentatives embarrassantes de nous faire passer un groupe de héros de conte pour enfant.
– On fera avec ce que vous nous proposez. Nous n’avons pas vraiment le choix, de toute manière, la situation est assez critique et il faut faire quelque chose, et vite.
– Alors on y va. Tsurugi… Assemble !
Un grand silence s’installe, et nous imitons tous Kazuro avec son regard dédaigneux – même le petit chauve – en direction de Sora. Yusuke lui donne une petite tape sur l’épaule, et nous partons en route en jetant un œil aux cartes qui nous ont été fournies.
Des détails de l’opération ? Aucune importance, elle s’est déroulée rapidement comme prévue et dans le carnage le plus absolu. Nous avons beau être une bande de jeunes hommes pouvant avoir l’air marrants, sympathiques, chacun avec nos défauts risibles et nos qualités… Mais lorsqu’on nous parle de nos parents ou qu’une épée se trouve dans nos mains et un ennemi dans nos yeux, nous devenons des monstres. Et les gardes masqués de Stanhope en ont fait les frais. Leurs corps jonchent les allées par dizaines, n’affichant bien souvent pour blessure qu’un mince liseré écarlate au niveau du cou, sans autre trace de sang, notre marque. Nous traquons et exterminons méticuleusement les derniers encore debout, comme des bêtes assoiffées de sang, ce qui nous laisse relativement tranquilles à la recherche de notre cible, en attendant que leurs renforts n’arrivent.
Nous finissons par le trouver, dans les tréfonds d’un dédale de couloirs souterrains. Nous constatons rapidement qu’il est grièvement blessé : une large balafre sanguinolente lui entaille le flanc. D’un signe de la tête et avant même de lui adresser un mot, Sora invite Akito à l’examiner de plus près, et le verdict tombe bien vite : ce sont vraisemblablement les marques d’une torture qui a déjà commencé. Ce qui nous pose deux problèmes. Premièrement, comment réussir à le sortir de là, et deuxièmement…
– Que leur avez-vous dit ?
– Eurgh… Moi aussi, je suis content de vous voir…
– Je ne me répèterai pas une seconde fois, que leur avez-vous dit ? Il insiste tandis que notre interlocuteur tousse une gerbe de sang. Néanmoins, il a raison. Nous devons être fixés sur les informations qui ont pu filtrer, car cela pourrait drastiquement changer notre nombre de cibles… Et aussi peut-être nos chances de nous en sortir.
– Rien… Rien ! Je vous le jure !
– Et ces blessures, alors ? Vous voulez nous faire croire qu’ils vous ont torturé et jeté ici sans que vous ne leur crachiez rien ?
– Non… N-non ! C’est un mal… Entendu ! Je me suis fait ça… En tombant… Dans les escaliers ! Il halète. Sa respiration devient de plus en plus pénible. Sora se passe lentement la main sur le visage.
– Vous êtes sérieux, là ?
– Oui, et Sora n’est pas sourd !
– Il a dit « malentendu », pas « malentendant », Sadao.
– J-je vous jure que c’est la vérité ! Je suis tombé dans les escaliers alors qu’ils m’amenaient à la salle de torture, et me suis empalé sur l’épée d’un des gardes ! Vu que j’étais inconscient ils m’ont remis la, vous devez me croire !
Notre capitaine se passe une seconde fois lentement la main sur le visage, cette fois-ci en se frottant les yeux, comme pour sortir d’un mauvais rêve. Bon. Il semblerait qu’il soit sincère. Nous nous lançons quelques échanges de regards avant d’acquiescer d’un commun accord.
– Ça va, on vous croit. Vous pouvez marcher ?
– J-je… Je peux essayer… Souffle-t-il en essayant de se dresser sur ses jambes. Sans succès. Je ne suis pas médecin, mais je crois même qu’il vient d’aggraver la blessure en forçant. Hhhh… Non… Je crois que vous allez devoir me donner un coup de main… Il continue en tendant la main vers Sora, qui commence à faire la même chose… Avant de la porter à la garde de son sabre. Q-qu’est-ce… Que…
– Je suis désolé. On ne peut pas risquer que vous nous handicapiez à ce point. Les renforts sont sur le point d’arriver, et nous avons besoin de toutes nos facultés pour nous frayer une sortie. Et si un seul de mes frères venait à mourir, je ne me le pardonnerais jamais. Nos ordres sont de veiller à ce qu’aucune information ne fuite… Pas de garantir votre survie. Il termine froidement sa phrase.
Nous ne disons pas un mot, parce que nous pensons exactement la même chose. S’il fallait décimer la moitié du monde et les dieux pour sauver ne serait-ce qu’un seul de nos compagnons, nous le ferions sans hésiter. Mais ce n’est pas la seule raison de notre mutisme. L’autre, c’est qu’aucun d’entre nous n’approuve forcément cette décision non plus, ou plutôt n’aurait le courage de le faire. Nous sommes des samouraïs, des hommes d’honneur… Tuer nos ennemis de nos lames est aussi machinal pour nous que respirer mais… Au cours d’un combat à la loyale. Ici… Ce n’est ni plus ni moins qu’une exécution, que Sora s’apprête à commander. Qu’un meurtre.
– S… S’il vous plait ! J’ai… Une femme… Et une petite fille… Elles ont besoin de moi… ! Essayez, au moins !
Nous ne lui répondons pas. Certains ferment même les yeux. Et puis, Sora me pose la main sur l’épaule.
– Shiki, peux-tu le faire, mon frère ? Tu es celui, qui, d’entre nous, a la plus pure des lames. Ma surprise est de taille. J’ouvre légèrement la bouche, mais aucun mot ne sort. Mes pensées mettent quelques secondes à s’agencer dans ma tête. Notre homme commence à avoir les joues couvertes de chaudes larmes.
– Ce serait un déshonneur que je tue un homme à terre, désarmé. Je ne peux pas le faire. Et je pense que nous partageons tous le même avis. Je lance quelques regards aux autres.
– Nous comprenons tous… Mais nous n’avons pas le choix. Le temps presse. Chaque instant que nous perdons à parler ici pourrait coûter la vie à l’un d’entre nous. Et je ne pourrais jamais supporter une telle chose si elle se produisait.
– Aucun d’entre nous ne le pourrait, Sora.
Cruel dilemme. Que faire ? Nous nous sommes promis de ne jamais nous abandonner. Est-ce que cela vaut le coup de bafouer notre honneur ? Pourquoi dois-je choisir entre les deux dernières choses qu’il me reste au monde ? Je plonge mon regard dans celui du garde qui nous implore de l’épargner, puis dans celui de chacun de mes frères. Et je fais un choix.
– Vous avez été capturé par l’ennemi. Un vrai guerrier se trancherait le ventre pour sauver son honneur, et n’oserait pas compromettre celui de ses frères. Je lui mon premier sabre à ses pieds, et dégaine l’autre. Je vais vous laisser dix secondes pour choisir votre mort : seppuku, ou exécution. Dans tous les cas, quand j’aurai terminé mon décompte, vous mourrez sans aucune souffrance, sans aucune trace. A vous de choisir si j’aurai l’honneur d’être votre kaishakunin… Ou votre bourreau.
Je me mets en position, et commence à compter à voix haute. J’ai fait mon choix : mes frères. Et ils l’ont approuvé, en ne m’interrompant pas dans mon discours. L’art ancestral du sabre d’Adokuni est le plus noble, le plus pur qu’il soit. Nos parents nous racontaient quand nous étions enfants que les premiers samouraïs l’avaient développé dans le but de purifier l’âme de leurs ennemis en les décapitant en un éclair, sans douleur ni saleté. La légende dit même qu’ils étaient tellement en harmonie avec leur lame qu’ils pouvaient « entendre » l’âme de leur adversaire, et que leurs coups étaient si précis qu’ils pouvaient la couper net sans toucher son enveloppe charnelle. Nous sommes les dignes héritiers de cet art, et quoiqu’il se passe dans quelques instants, j’estime lui faire un grand honneur en proposant d’assister la recouverte du sien, en mettant ma lame a son service. Une lame qui part droit vers son cou et le traverse plus vite que la lumière lorsque le son du dernier chiffre sort de ma bouche… Et que son corps s’effondre au sol.
– Tu as fait ce qu’il fallait faire, Shiki. Tu l'as fait pour lui, et pour nous. Merci.
Je ne dis rien. Oui, je l'ai fait pour nous, mais pour personne d'autre. Entre nous sept, c'est à la vie à la mort. Un serment qui traversera les éons. Une douleur qui nous unit si intensément qu'elle nous permet de braver tous les défis, tant que nous combattrons dos à dos, en ayant confiance les uns dans les autres.
– Dépêchons nous. Les chiens rappliquent.
…
Le passé, c’est quelque chose de terrible, et j’assume le mien. Je ne le regrette pas non plus. Les choses se sont déroulées comme ça, et pas autrement. Et si je pouvais le changer, est-ce que je le ferais ? Je n’en suis pas trop sûr. C’était une époque où je me considérais encore heureux, avec eux à mes côtés… Malgré toutes les atrocités que nous avons commises. Car il n'y avait pas d'honneur dans ce que nous faisions, pas d'amour. Rien que de la haine.
Je lève la petite bouteille de saké que je tiens entre mes doigts au ciel, en sa mémoire.
En son honneur.
Le passé, c’est quelque chose de terrible. Cela a beau être derrière soi, on a beau se dire que, de toute façon, le ressasser est inutile puisqu’on ne pourra jamais le changer… Et pourtant, on le porte quand même comme un fardeau sur ses épaules, tous les jours. Comme une tache d’encre indélébile sur un vêtement. Alors comment ? Comment fait-elle pour arborer un sourire si pur et si innocent, alors que moi je garde ce même regard triste, terne, mort ?
C’est une petite fille adorable, tout en jupettes et pompons et froufrous, qui sautille de partout comme une puce et s’émerveille d’un rien. Ses cheveux blonds bouclés ceignent son visage tout rond et mignon et vont de pair avec les grandes billes bleues qu’elle a dans les yeux. Et ce sourire… On y voit la joie de vivre, on y voit l’espoir… Du haut de ses sept ans, je crois qu’elle a déjà plus compris le sens de la vie que moi.
Je les ai retrouvées il y a un peu moins d’un mois, elle et sa mère. Deux bouts de femmes qui luttaient pour s’en sortir, l’une a grand coup de sourires et de rires d’enfant et l’autre… En assumant ses responsabilités d’adulte et en s’accoquinant avec des individus peu respectables. Elle n’avait pas eu le choix. Son mari était mort fièrement au combat, pour sa patrie, et la maigre somme qu’elle avait reçu en consolation s’était bien vite amenuisée. Alors elle s’était endettée, ou plutôt, elle s’était faite prendre au piège de la spirale, telle une joueuse a une partie de cartes où elle était bien trop honnête pour en comprendre les règles tacites. Elle n’en voyait plus le bout, c’était devenu le serpent qui se mord la queue. Un serpent venimeux qui n’hésitait pas à menacer ce qu’elle avait de plus cher au monde pour la faire céder. Un serpent que j’ai décapité.
Je contemple mes mains légèrement tachées de sang. Il n’y a pas si longtemps de ça, j’aurais pu tous les découper sans que toutefois la moindre goutte d’hémoglobine ne jaillisse. Des tranches nettes, propres, pures, bien différentes des batardes que ma lame ne dessert aujourd’hui. Enfin. Ce qui compte, c’est qu’ils soient tous morts. J’ai peut-être mis un mois, mais au moins, je suis certain de n’avoir rien laissé au hasard. Elle n’a plus à se préoccuper de rembourser l’argent, s’il n’y a plus personne pour le réclamer.
Je lance un dernier regard à cet enfant qui joue. Et moi ? Pensez-vous que ma dette est réglée, parce que vous n’êtes plus de ce monde, hm ? Je ne sais pas ce que je peux faire de plus, en guise de repentir. Je ne peux pas aller la voir. Elle ne me connait pas, elle ne m’a jamais vu, et je pense que c’est mieux ainsi. De toute manière, je ne pourrais pas lui demander pardon. Je ne pourrais pas la regarder dans les yeux. Je ne pourrais pas lui expliquer pourquoi j’ai dû tuer son père. Je m’en souviens comme si c’était hier encore.
1619. Royaume de Saint-Uréa.
La nuit est fraiche. Une légère brise parcourt les ruelles d’une frange encore animée malgré l’heure, et fait grincer doucement les volets d’une fenêtre de la taverne dans laquelle nous sommes. Fièrement dressés, le regard sombre et droit, nous nous tenons en attente, nos armures de combat revêtues et nos sabres prêts à être dégainés, tous les sept. Dans un silence de mort qui n’est brisé que lorsqu’un petit homme chauve sort de l’arrière-boutique, une pile de paperasse coincée sous le bras.
– Ah, bien ! Le dernier est finalement arrivé.
Machinalement, nous tournons tous la tête vers notre camarde aux cheveux de miel, Kazuro, qui esquisse une moue de dédain. Nous soupirons. Sora prend une mine renfrognée. Aie, vont-ils encore se rentrer dans le lard ?
– Arriver en retard aux entraînements c’est une chose, Kazu’. Arriver en retard pour notre première mission à Saint-Uréa, c’en est une autre. Tu déshonores la réputation du Tsurugi.
– Cause toujours, pète-sec.
– Seppuku ! Seppuku ! Je m’écrie en brandissant le poing. Des éclairs fusent de leurs yeux, tandis qu’ils portent la main à la garde de leurs épées respectives.
– Allons, allons, calmez-vous messieurs, ce n’est pas bien grave. De toute manière, votre réputation n’est déjà plus à faire, ne vous inquiétez pas… Il marque une pause, trifouillant dans ses papiers. Ah, voilà ! Savez-vous pourquoi vous avez été convoqués ?
– Une mission d’extradition, c’est ça ?
– D’extraction, Sadao.
– Ah, oui.
– C’est exactement ça. Tenez, vous avez un résumé de la situation sur ces fiches. Dit alors le petit chauve en nous tendant des petites feuilles cartonnées, que nous prenons le temps de lire. La mission consiste à infiltrer un complexe pénitencier des chiens de pierre pour y libérer un agent double, dans le but d’éviter qu’il ne dénonce d’autres agents plus haut-placés de la révolution. Autrement dit, du grand classique. Par contre, quelque chose me chiffonne…
– « S’infiltrer » ? Désolé mais vous avez fait appel à la mauvaise unité. On ne sait pas vraiment faire dans la discrétion, nous. Et Sora a raison. En toute honnêteté, nous sommes un peu bons à rien, sans nos sabres. La seule chose qu’on sait faire, c’est aller quelque part, et trancher tout ce qui s’y trouve. Mais ça, on le fait bien. Alors si pour vous, « s’infiltrer » peut vouloir dire « ne pas laisser de témoin », alors oui, ça peut se faire. Sinon…
Il ne termine pas sa phrase, mais nous acquiesçons tous. Sora a toujours parlé comme s’il était notre leader, et on s’en est toujours bien accommodés, bien que nous nous considérons tous comme étant sur un pied d’égalité. C’est le plus âgé d’entre nous, et certainement le plus dextre à l’arme. Alors forcément, nous le voyons tous un peu comme un grand-frère, avec les bons comme les mauvais côtés, ce dernier étant son perfectionnisme à la limite de l’antipathie… Et ses tentatives embarrassantes de nous faire passer un groupe de héros de conte pour enfant.
– On fera avec ce que vous nous proposez. Nous n’avons pas vraiment le choix, de toute manière, la situation est assez critique et il faut faire quelque chose, et vite.
– Alors on y va. Tsurugi… Assemble !
Un grand silence s’installe, et nous imitons tous Kazuro avec son regard dédaigneux – même le petit chauve – en direction de Sora. Yusuke lui donne une petite tape sur l’épaule, et nous partons en route en jetant un œil aux cartes qui nous ont été fournies.
Des détails de l’opération ? Aucune importance, elle s’est déroulée rapidement comme prévue et dans le carnage le plus absolu. Nous avons beau être une bande de jeunes hommes pouvant avoir l’air marrants, sympathiques, chacun avec nos défauts risibles et nos qualités… Mais lorsqu’on nous parle de nos parents ou qu’une épée se trouve dans nos mains et un ennemi dans nos yeux, nous devenons des monstres. Et les gardes masqués de Stanhope en ont fait les frais. Leurs corps jonchent les allées par dizaines, n’affichant bien souvent pour blessure qu’un mince liseré écarlate au niveau du cou, sans autre trace de sang, notre marque. Nous traquons et exterminons méticuleusement les derniers encore debout, comme des bêtes assoiffées de sang, ce qui nous laisse relativement tranquilles à la recherche de notre cible, en attendant que leurs renforts n’arrivent.
Nous finissons par le trouver, dans les tréfonds d’un dédale de couloirs souterrains. Nous constatons rapidement qu’il est grièvement blessé : une large balafre sanguinolente lui entaille le flanc. D’un signe de la tête et avant même de lui adresser un mot, Sora invite Akito à l’examiner de plus près, et le verdict tombe bien vite : ce sont vraisemblablement les marques d’une torture qui a déjà commencé. Ce qui nous pose deux problèmes. Premièrement, comment réussir à le sortir de là, et deuxièmement…
– Que leur avez-vous dit ?
– Eurgh… Moi aussi, je suis content de vous voir…
– Je ne me répèterai pas une seconde fois, que leur avez-vous dit ? Il insiste tandis que notre interlocuteur tousse une gerbe de sang. Néanmoins, il a raison. Nous devons être fixés sur les informations qui ont pu filtrer, car cela pourrait drastiquement changer notre nombre de cibles… Et aussi peut-être nos chances de nous en sortir.
– Rien… Rien ! Je vous le jure !
– Et ces blessures, alors ? Vous voulez nous faire croire qu’ils vous ont torturé et jeté ici sans que vous ne leur crachiez rien ?
– Non… N-non ! C’est un mal… Entendu ! Je me suis fait ça… En tombant… Dans les escaliers ! Il halète. Sa respiration devient de plus en plus pénible. Sora se passe lentement la main sur le visage.
– Vous êtes sérieux, là ?
– Oui, et Sora n’est pas sourd !
– Il a dit « malentendu », pas « malentendant », Sadao.
– J-je vous jure que c’est la vérité ! Je suis tombé dans les escaliers alors qu’ils m’amenaient à la salle de torture, et me suis empalé sur l’épée d’un des gardes ! Vu que j’étais inconscient ils m’ont remis la, vous devez me croire !
Notre capitaine se passe une seconde fois lentement la main sur le visage, cette fois-ci en se frottant les yeux, comme pour sortir d’un mauvais rêve. Bon. Il semblerait qu’il soit sincère. Nous nous lançons quelques échanges de regards avant d’acquiescer d’un commun accord.
– Ça va, on vous croit. Vous pouvez marcher ?
– J-je… Je peux essayer… Souffle-t-il en essayant de se dresser sur ses jambes. Sans succès. Je ne suis pas médecin, mais je crois même qu’il vient d’aggraver la blessure en forçant. Hhhh… Non… Je crois que vous allez devoir me donner un coup de main… Il continue en tendant la main vers Sora, qui commence à faire la même chose… Avant de la porter à la garde de son sabre. Q-qu’est-ce… Que…
– Je suis désolé. On ne peut pas risquer que vous nous handicapiez à ce point. Les renforts sont sur le point d’arriver, et nous avons besoin de toutes nos facultés pour nous frayer une sortie. Et si un seul de mes frères venait à mourir, je ne me le pardonnerais jamais. Nos ordres sont de veiller à ce qu’aucune information ne fuite… Pas de garantir votre survie. Il termine froidement sa phrase.
Nous ne disons pas un mot, parce que nous pensons exactement la même chose. S’il fallait décimer la moitié du monde et les dieux pour sauver ne serait-ce qu’un seul de nos compagnons, nous le ferions sans hésiter. Mais ce n’est pas la seule raison de notre mutisme. L’autre, c’est qu’aucun d’entre nous n’approuve forcément cette décision non plus, ou plutôt n’aurait le courage de le faire. Nous sommes des samouraïs, des hommes d’honneur… Tuer nos ennemis de nos lames est aussi machinal pour nous que respirer mais… Au cours d’un combat à la loyale. Ici… Ce n’est ni plus ni moins qu’une exécution, que Sora s’apprête à commander. Qu’un meurtre.
– S… S’il vous plait ! J’ai… Une femme… Et une petite fille… Elles ont besoin de moi… ! Essayez, au moins !
Nous ne lui répondons pas. Certains ferment même les yeux. Et puis, Sora me pose la main sur l’épaule.
– Shiki, peux-tu le faire, mon frère ? Tu es celui, qui, d’entre nous, a la plus pure des lames. Ma surprise est de taille. J’ouvre légèrement la bouche, mais aucun mot ne sort. Mes pensées mettent quelques secondes à s’agencer dans ma tête. Notre homme commence à avoir les joues couvertes de chaudes larmes.
– Ce serait un déshonneur que je tue un homme à terre, désarmé. Je ne peux pas le faire. Et je pense que nous partageons tous le même avis. Je lance quelques regards aux autres.
– Nous comprenons tous… Mais nous n’avons pas le choix. Le temps presse. Chaque instant que nous perdons à parler ici pourrait coûter la vie à l’un d’entre nous. Et je ne pourrais jamais supporter une telle chose si elle se produisait.
– Aucun d’entre nous ne le pourrait, Sora.
Cruel dilemme. Que faire ? Nous nous sommes promis de ne jamais nous abandonner. Est-ce que cela vaut le coup de bafouer notre honneur ? Pourquoi dois-je choisir entre les deux dernières choses qu’il me reste au monde ? Je plonge mon regard dans celui du garde qui nous implore de l’épargner, puis dans celui de chacun de mes frères. Et je fais un choix.
– Vous avez été capturé par l’ennemi. Un vrai guerrier se trancherait le ventre pour sauver son honneur, et n’oserait pas compromettre celui de ses frères. Je lui mon premier sabre à ses pieds, et dégaine l’autre. Je vais vous laisser dix secondes pour choisir votre mort : seppuku, ou exécution. Dans tous les cas, quand j’aurai terminé mon décompte, vous mourrez sans aucune souffrance, sans aucune trace. A vous de choisir si j’aurai l’honneur d’être votre kaishakunin… Ou votre bourreau.
Je me mets en position, et commence à compter à voix haute. J’ai fait mon choix : mes frères. Et ils l’ont approuvé, en ne m’interrompant pas dans mon discours. L’art ancestral du sabre d’Adokuni est le plus noble, le plus pur qu’il soit. Nos parents nous racontaient quand nous étions enfants que les premiers samouraïs l’avaient développé dans le but de purifier l’âme de leurs ennemis en les décapitant en un éclair, sans douleur ni saleté. La légende dit même qu’ils étaient tellement en harmonie avec leur lame qu’ils pouvaient « entendre » l’âme de leur adversaire, et que leurs coups étaient si précis qu’ils pouvaient la couper net sans toucher son enveloppe charnelle. Nous sommes les dignes héritiers de cet art, et quoiqu’il se passe dans quelques instants, j’estime lui faire un grand honneur en proposant d’assister la recouverte du sien, en mettant ma lame a son service. Une lame qui part droit vers son cou et le traverse plus vite que la lumière lorsque le son du dernier chiffre sort de ma bouche… Et que son corps s’effondre au sol.
– Tu as fait ce qu’il fallait faire, Shiki. Tu l'as fait pour lui, et pour nous. Merci.
Je ne dis rien. Oui, je l'ai fait pour nous, mais pour personne d'autre. Entre nous sept, c'est à la vie à la mort. Un serment qui traversera les éons. Une douleur qui nous unit si intensément qu'elle nous permet de braver tous les défis, tant que nous combattrons dos à dos, en ayant confiance les uns dans les autres.
– Dépêchons nous. Les chiens rappliquent.
…
Le passé, c’est quelque chose de terrible, et j’assume le mien. Je ne le regrette pas non plus. Les choses se sont déroulées comme ça, et pas autrement. Et si je pouvais le changer, est-ce que je le ferais ? Je n’en suis pas trop sûr. C’était une époque où je me considérais encore heureux, avec eux à mes côtés… Malgré toutes les atrocités que nous avons commises. Car il n'y avait pas d'honneur dans ce que nous faisions, pas d'amour. Rien que de la haine.
Je lève la petite bouteille de saké que je tiens entre mes doigts au ciel, en sa mémoire.
En son honneur.
ONE PIECE REQUIEM ©
Dernière édition par Yōkai le Mer 27 Avr 2016 - 2:46, édité 7 fois