Qu’est-ce que j’branle la moi ? À ouai, j’cherche à m’faire des tunes. Quand t’es mercenaire free-lance, tu dois te bouger le cul pour trouver des contrats. Et j’suis tellement con que j’ai pointé le bout d’mon nez au seul endroit où tu n’as vraiment pas besoin d’un garde du corps. Une île où tout le monde fait du karaté. Super. Pourtant, j’aime cette étrange atmosphère enivrante qui plane autour de l’île. Je n’sais pas, c’est comme si tout était en harmonie totale. Le genre respect des traditions et du savoir à l’ancienne. Comme si le temps était figé depuis plusieurs siècles. C’est vrai que les bâtiments sont vieux. Pas entrain de tomber sur eux-mêmes, mais anciens, sans technologies apparentes. Même les habitants sont du même type. J’suis l’seul en costard dans l'resto. Sont tous en kimono ou en tenue de combattant. C’est trop « parfait » comme un endroit. M’enfin, derrière une belle annonce publicitaire c’cache toujours une arnaque, c’bien connu.
Depuis l’balcon, la vue est imprenable. Il est bon ce verre de rhum. Ce resto aussi. Ça change de Las Camp tu m’diras. Le genre maisons délabrées, rue jonché de rats, ivrognes dormant sur les marches d’escalier. Enfin, bref, t’as compris, j’peux me permettre d’apprécier la vue sans sentir l’odeur des remontées d’égouts. Ici, ça sent les épices. Du style, odeur âcre et parfumée qui remonte dans tes narines comme de la fumée. Pas dégueu. Je crois que je vais rester sur ce balcon un bon moment. La nuit est chaude pour une fois, et la lune montre sa tête pour illuminer toute l’île. Ça fait que renfoncer la lumière des réverbères asiatiques parsemés partout en ville. Ça a d’la gueule quand même. Et pourtant ce moment de détente il se finit plus tôt que prévu. Le réflexe du type qui sent la castagne fait surface. J’en entends une, puis deux, puis trois… Quatre types qui se mettent des pains en contrebas. La ruelle est une véritable fourmilière en mouvement, et ils trouvent le moyen de se mettre sur la gueule. Et le pire dans l’histoire ? Sauf les quelques spectateurs entourant le combat, toute la foule les contourne sans même les regarder. Me dite pas que c’est une habitude chez vous ? C’porte bien son nom ce caillou. L’Île au Karaté.
Bon, j’commence à m’emmerder. Je me lève rapidement. Je paie l'addition. J’descends de l’étage pour rejoindre la ruelle bondée. Une fois le pied au sol, j’ressens toute l’effervescence de la ville. C’est agité, ça bouge de partout. Les restaurants improvisés et marchants à la sauvette se poussent les uns les autres dans les coins de rue. J’ressers ma cravate et commence à marcher le long de la rue principale. À observer brièvement dans les ruelles sous-jacentes, j’remarque de plus en plus de groupes de combat. Juste un arbitre et deux types face à face. Pas plus, ni moins. Là où certaines personnes tentent de véritablement te casser la gueule pour ta bourse, sur cette île, c’est uniquement pour la passion du combat. J’commence à aimer ce bout de caillou.
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À force de marcher, j’tombe au milieu d’une immense place publique. Animée que ça en peut plus, tellement la foule est dense. Sûrement le cœur de la ville. Et au loin j’entends beugler le môme. Sa voix porte, tellement que je pris bien deux minutes à arriver à lui. Une fois en face, j’lui lâche quelques pièces et j’prends mon journal. La Fête de la Lune hein ? C’est quoi c’machin ? Genre un événement national ? Je crois bien vu que j’ai l’article devant la gueule. Ils parlent d'une parade masquée à travers toute l’île. M’ouai. D’un concert à ciel ouvert gratuit. M’ouai. Un feu d’artifice visible à des kilomètres. M’ouai. Du tournoi annuel pour récompenser les karatékas du moment. Ils viennent de titiller ma curiosité. J’me réjouis déjà. Sauf que je n’avais pas vu la mention : ouvert uniquement sous présentation d’une licence et de l’accord de votre dojo. Les bâtards, je n’ai qu’une licence de chasseur de primes.
-- Alors, qui veut être le prochain hein ? Qui veut tâter à mon Docian ? Allez, faite pas vos filles!
Je lève les yeux de mon bout de papier. Je zieute entre une boutique de souvenirs et ramen. J’vois quoi ? Un gus en train de brandir une ceinture de catch comme un con. Il braille, il braille à l'intérieur d'un ring. La version du pauvre, des cailloux pour délimiter la zone de combat. Et ses pote à côtés qui attendent sur des chaises. Ça fait des paris sportifs à c'que j'vois.
-- Je mise ma ceinture d’une valeur 100 Berrys ? Qui tentera le coup ? Qui ?! Tenter votre chance!
Bon okay, je dois avouer qu’il me prend par les sentiments là. J’ai b’soin de fric. Enfin d’un job plutôt. Mais pour l’instant ça f’ra l’affaire.
Dernière édition par Vassili B. Levitch le Ven 22 Avr 2016 - 18:46, édité 1 fois