Automne 1625, East Blue, en mer.
« Rudger, tu peux encore m’expliquer pourquoi je dois aller à cette réception ? »
« Vous savez très bien pourquoi Monsieur, vous devez y participer pour y assurer le bon déroulement, votre sœur et votre famille veulent vous faire confiance, quoi que vous puissiez en dire. Montrez leur donc vos bonnes résolutions depuis votre retour. »
« Mouais… N’y avait-il personne d’autres de plus compétent que moi dans le lot ? Un Marine par exemple ? »
« Miss Van Belt, l’hôtesse de cette soirée a requis la présence des Makuen, vous connaissez très bien les liens qui unissent vos familles depuis des générations. Etant le seul disponible en ce moment, vous avez été désigné. Vous ferez très bien l’affaire, ne vous inquiétez donc pas Monsieur. »
Je riais doucement dans mon esprit, non je ne connaissais pas les liens qui nous unissaient avec ces Van Belt, et je m’en foutais éperdument. Rudger, l’homme à tout faire des Makuen, ancien Marine lui-même, il est notre majordome depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Sans doute la personne la plus saine d’esprit que j’ai connu durant mon enfance, même si j’exagère peut-être. Je me laissais coiffer par Rudger tandis que j’enfilais veste et veston par-dessus une chemise blanche.
« Je suis obligé de porter ça ? J’ai l’air d’un pingouin là-dedans »
« Vous avez plutôt l’air de quelqu’un de distingué Monsieur, vous n’aviez tout de même pas l’intention de porter vos habits habituels si ? »
« Bah c’est dans cette tenue que je suis le plus à l’aise, en plus ce costume est particulièrement serré ; j’ai du mal à bouger »
« Ce n’est qu’une question de temps avant que vous puissiez vous mouvoir à votre aise »
« Est-ce que je peux au moins mettre mon chapeau ? Je vais me sentir nu… »
« Je vous l’interdis, mais si vous le voulez, portez donc ce tricorne »
Un tricorne à froufrou ? Bah voyons… Il a bien vu ma tronche ? Aucune chance que je mette ça sur le sommet de mon crâne. Je me regardais attentivement dans le miroir, j’avais moins l’air d’un clown que je ne le pensais. Je devais même admettre que j’avais une certaine allure dans ce costume. Cependant, quelque chose n’allait pas, je ne me sentais pas moi-même, comme si je regardais quelqu’un qui n’était pas moi mais qui me ressemblait traits pour traits. Je plaçais alors un dernier élastique dans mes cheveux, histoire de coller encore au rôle que j’allais jouer. Bien sûr, je n’étais pas particulièrement heureux de me rendre à Logue Town pour cette réception. Bien sûr que j’avais protesté. Comme je le pensais, ma famille n’utilisait pas ma personne ; mais le nom que je portais. Je savais pertinemment pourquoi Rudger m’accompagnait, le vilain petit canard ne devait pas jeter l’opprobre sur la famille. J’allumais rapidement une cigarette, à peine eus-je le temps d’inhaler que Rudger me l’arracha de la bouche avant de l’écraser au sol.
« Ça finira par vous tuer… »
« Possible, il faut bien mourir de quelque chose, ne crois-tu pas que c’est ma famille qui aura ma peau au final ? hmm ? » Dis-je en sortant une nouvelle cigarette.
« Vous ne comprenez pas que votre père et votre sœur sont aussi rudes dans votre intérêt, ils font de leur mieux mais vous n’en avez jamais fait qu’à votre tête »
« On ne va pas repartir là-dessus Rudger, tu connais très bien le fond de ma pensée »
« Etre libre de ses choix n’empêchent pas d’avoir des obligations, et vous en avez plus que quiconque »
« Tu as mis le doigt sur le bon mot : obligations ; voilà pourquoi je suis parti, et pourquoi je partirais encore »
« Il serait peut-être temps que vous agissiez en adulte responsable… »
« Responsable ? Je serais devenu un adulte responsable si on ne m’avait pas mis la bride au cou durant toutes ces années ! »
« A quoi bon vous faire changer d’avis, sûrement un trait génétique »
Une demi-heure plus tard, nous accostions au port de Logue Town. Enfin, je pouvais fouler le sentier des vaches après cette longue navigation. Quelques étirements aidèrent mes muscles endoloris à se remettre d’aplomb. Puis, je regardais le ciel, ce début de soirée promettait d’être agréable. Rapidement, je croquais dans une pomme, petit encas que je m’étais réservé, tout en scrutant l’avis de recherche… Pancho Sanza tête mise à prix pour sept millions de berrys. Ma foi, somme tout à fait rondelette. Pourquoi regardais-je la photo de ce type ? Simple, très simple en fait ; nous devions éviter que ce gars fasse du grabuge. Apparemment, il voulait la tête de Catherina Van Belt pour je ne sais quelle raison. Un type assez dangereux pour qu’une douzaine de chasseurs de primes aient reçu leurs cartons d’invitation dans la foulée. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la présence des Marines est interdite à l’intérieur ; il aurait été beaucoup plus simple qu’un contingent Marine s’en occupe. Sûrement un caprice des Van Belt, du moins le pensais-je.
Je traversais ainsi la ville en compagnie de Rudger, nous passions alors devant la place de l’échafaud, celle-là même où Gold Roger, l’homme le plus libre au monde, est décédé. Cette vision, cette pensée, j’imaginais le premier roi des pirates à l’heure de son exécution, délivrer son message de liberté au monde entier. Un frisson me parcourut le corps, j’aurais vraiment aimé faire partie de cette génération ou même de la pire génération que ce monde ait connue. Mon sang en ébullition, je ne pensais qu’à une seule chose à cet instant, mon propre destin m’attendait quelque part ; je voulais être comme eux, libre. Je refoulerais mes désirs et mes envies ce soir, mais je saurais saisir la bonne opportunité en temps et en heure. Dix minutes plus tard, nous arrivions devant ce gigantesque hôtel appartenant aux Van Belt. Je savais que cette soirée mondaine n’allait pas du tout être à mon goût, être en compagnie de notables, nobles ou autres bourgeois n’était vraiment mon activité favorite. Au moins il y aurait des petits fours…
Nous fûmes stoppés à l’entrée par deux gardes que je qualifierais plus de videurs qu’autre chose. Les armoires à glace nous demandèrent alors de leur présenter nos cartons d’invitation ; ce que nous fîmes sans protester. Tandis que nos noms furent barrés de la liste des invités, les gardes nous offrirent un masque à chacun. Une soirée déguisée ? Bah voyons…Mon sourcil droit s’arqua tandis que je fixais Rudger. Il avait apparemment eu la même réaction que moi. Cela allait donner l’opportunité à Pancho Sanza de se glisser dans la foule si jamais il réussissait à passer la sécurité. Je soupirais tout en haussant les épaules ; nous pénétrions l’hôtel. Je restais sans voix devant autant de faste et de luxe, nos hôtes avaient visiblement les moyens. Tout n’était que démesure, comme ces deux escaliers en colimaçon finement sculpté dans ce que je voyais être de l’Adam qui entouraient une imposante porte, telles de magnifiques colonnes. Des tableaux de grands maîtres siégeaient ici et là tandis que derrière cette grande porte se trouvait la salle des fêtes. Rudger prit les devants et m’incita à entrer en premier. Il y avait foule, il semblait que la plupart du gratin d’East Blue avait été convié. Les invités s’affairaient dans leurs activités, rires et brouhaha couvraient presque entièrement l’orchestre symphonique qui animait cette soirée. Personne ne portait son masque, sans doute fallait-il attendre un discours, une annonce ou encore l’entrée de nos hôtes. Rudger me donna un léger coup de coude.
« Allez donc vous présenter à notre hôtesse » me dit-il en me désignant Mademoiselle Van Belt.
Je m’approchais donc d’elle avec toute l’assurance que je pouvais avoir. La demoiselle brune discutait et semblait s’amuser comme une petite folle. Son sourire naturel était à tomber, finalement je passerais peut-être une bonne soirée. Elle portait une robe rouge sans manches sertie de pierres précieuses, un corset à lacets affinait encore sa taille de guêpe tandis qu’un fin châle en satin de soie recouvrait son dos nu. Elle était élégante à souhait et le charmeur que j’étais ne se satisferait pas d’une simple vue. Je me rapprochais encore un peu avant de me placer devant mon hôtesse du soir et respectueusement courber légèrement l’échine, la main gauche dans le dos.
« Mademoiselle Van Belt… Klaus Makuen à votre service ; j’essaierais de faire en sorte que votre soirée soit la plus agréable possible »
« Klaus ! Quel plaisir de vous compter parmi nous ! J’ai été agréablement surprise en apprenant votre venue. Dites-moi combien d’années s’est-il passé depuis notre dernière rencontre ? »
« Je ne saurais le dire… » Dis-je en marquant un temps d’arrêt.
« Nous étions tous deux des enfants, vous étiez toujours très discret, mais je vois que l’âge vous a donné une certaine assurance »
« Je vous retourne le compliment, vous êtes à la fois sereine et ravissante »
« Flatteur ! » S’exclama-t-elle en riant. Un homme s’approcha alors d’elle lui chuchotant quelques mots à l’oreille. « Je suis ravie de vous avoir vu Klaus, mais je dois finir les préparatifs de dernières minutes. J’espère que nous aurons le temps de bavarder un peu plus amplement »
« Avec grand plaisir… » Dis-je en m’inclinant une nouvelle fois.
La brune en robe rouge prit congé tandis que je revenais vers Rudger. Des tables avaient été dressées ici et là aux coins et recoins de la grande salle. Des mets tous aussi salivants les uns que les autres ne demandaient qu’à être attaqué. Je ne me fis d’ailleurs pas prier.
« Tu pourrais nous en dire plus sur notre hôtesse ? »
« Que voulez-vous savoir ? Ne me dites pas que… »
« Doucement Rudger, je suis curieux, rien de plus »
Je voulais juste en savoir un peu plus, je ne voudrais pas me retrouver l’air idiot devant elle et une question à laquelle j’aurais su répondre. Mais bien sûr certaines de mes pensées au sujet de cette demoiselle étaient légèrement épicuriennes. A peine Rudger avait-il eu le temps de commencer sa phrase que Catherina fit son apparition sur la scène à côté des musiciens. Sa déclaration fut très brève, tellement que je n’en retins pas un traitre mot. Tout le monde portait maintenant son masque, ce que je fis à mon tour. Bien que cette soirée soit le théâtre de l’amusement, je n’avais pas le temps de me gaver de petits fours. Je devais rester vigilant, attentif au moindre individu suspect. Du monde s’avança sur la piste, plusieurs groupes virevoltaient, dansaient, changeaient de partenaires. Bien que le style musical ne fût absolument pas à mon goût, ces danseurs et danseuses avaient un certain charme. Je bougeais régulièrement d’endroit, Rudger en fit de même, nous avions alors un champ de vision bien plus étendu sur la salle. Il était difficile d’y voir clair affublé de ce masque au nez crochu. Tellement que je percutais quelqu’un qui s’était installé pas très loin des deux gigantesques portes battantes.
« Veuillez pardonner ma maladresse ! Vous n’avez rien ? » Dis-je en m’apercevant que la personne que j’avais bousculé n’était ni plus ni moins qu’une jeune demoiselle. Décidément…
« Rudger, tu peux encore m’expliquer pourquoi je dois aller à cette réception ? »
« Vous savez très bien pourquoi Monsieur, vous devez y participer pour y assurer le bon déroulement, votre sœur et votre famille veulent vous faire confiance, quoi que vous puissiez en dire. Montrez leur donc vos bonnes résolutions depuis votre retour. »
« Mouais… N’y avait-il personne d’autres de plus compétent que moi dans le lot ? Un Marine par exemple ? »
« Miss Van Belt, l’hôtesse de cette soirée a requis la présence des Makuen, vous connaissez très bien les liens qui unissent vos familles depuis des générations. Etant le seul disponible en ce moment, vous avez été désigné. Vous ferez très bien l’affaire, ne vous inquiétez donc pas Monsieur. »
Je riais doucement dans mon esprit, non je ne connaissais pas les liens qui nous unissaient avec ces Van Belt, et je m’en foutais éperdument. Rudger, l’homme à tout faire des Makuen, ancien Marine lui-même, il est notre majordome depuis aussi longtemps que je m’en souvienne. Sans doute la personne la plus saine d’esprit que j’ai connu durant mon enfance, même si j’exagère peut-être. Je me laissais coiffer par Rudger tandis que j’enfilais veste et veston par-dessus une chemise blanche.
« Je suis obligé de porter ça ? J’ai l’air d’un pingouin là-dedans »
« Vous avez plutôt l’air de quelqu’un de distingué Monsieur, vous n’aviez tout de même pas l’intention de porter vos habits habituels si ? »
« Bah c’est dans cette tenue que je suis le plus à l’aise, en plus ce costume est particulièrement serré ; j’ai du mal à bouger »
« Ce n’est qu’une question de temps avant que vous puissiez vous mouvoir à votre aise »
« Est-ce que je peux au moins mettre mon chapeau ? Je vais me sentir nu… »
« Je vous l’interdis, mais si vous le voulez, portez donc ce tricorne »
Un tricorne à froufrou ? Bah voyons… Il a bien vu ma tronche ? Aucune chance que je mette ça sur le sommet de mon crâne. Je me regardais attentivement dans le miroir, j’avais moins l’air d’un clown que je ne le pensais. Je devais même admettre que j’avais une certaine allure dans ce costume. Cependant, quelque chose n’allait pas, je ne me sentais pas moi-même, comme si je regardais quelqu’un qui n’était pas moi mais qui me ressemblait traits pour traits. Je plaçais alors un dernier élastique dans mes cheveux, histoire de coller encore au rôle que j’allais jouer. Bien sûr, je n’étais pas particulièrement heureux de me rendre à Logue Town pour cette réception. Bien sûr que j’avais protesté. Comme je le pensais, ma famille n’utilisait pas ma personne ; mais le nom que je portais. Je savais pertinemment pourquoi Rudger m’accompagnait, le vilain petit canard ne devait pas jeter l’opprobre sur la famille. J’allumais rapidement une cigarette, à peine eus-je le temps d’inhaler que Rudger me l’arracha de la bouche avant de l’écraser au sol.
« Ça finira par vous tuer… »
« Possible, il faut bien mourir de quelque chose, ne crois-tu pas que c’est ma famille qui aura ma peau au final ? hmm ? » Dis-je en sortant une nouvelle cigarette.
« Vous ne comprenez pas que votre père et votre sœur sont aussi rudes dans votre intérêt, ils font de leur mieux mais vous n’en avez jamais fait qu’à votre tête »
« On ne va pas repartir là-dessus Rudger, tu connais très bien le fond de ma pensée »
« Etre libre de ses choix n’empêchent pas d’avoir des obligations, et vous en avez plus que quiconque »
« Tu as mis le doigt sur le bon mot : obligations ; voilà pourquoi je suis parti, et pourquoi je partirais encore »
« Il serait peut-être temps que vous agissiez en adulte responsable… »
« Responsable ? Je serais devenu un adulte responsable si on ne m’avait pas mis la bride au cou durant toutes ces années ! »
« A quoi bon vous faire changer d’avis, sûrement un trait génétique »
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Une demi-heure plus tard, nous accostions au port de Logue Town. Enfin, je pouvais fouler le sentier des vaches après cette longue navigation. Quelques étirements aidèrent mes muscles endoloris à se remettre d’aplomb. Puis, je regardais le ciel, ce début de soirée promettait d’être agréable. Rapidement, je croquais dans une pomme, petit encas que je m’étais réservé, tout en scrutant l’avis de recherche… Pancho Sanza tête mise à prix pour sept millions de berrys. Ma foi, somme tout à fait rondelette. Pourquoi regardais-je la photo de ce type ? Simple, très simple en fait ; nous devions éviter que ce gars fasse du grabuge. Apparemment, il voulait la tête de Catherina Van Belt pour je ne sais quelle raison. Un type assez dangereux pour qu’une douzaine de chasseurs de primes aient reçu leurs cartons d’invitation dans la foulée. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la présence des Marines est interdite à l’intérieur ; il aurait été beaucoup plus simple qu’un contingent Marine s’en occupe. Sûrement un caprice des Van Belt, du moins le pensais-je.
Je traversais ainsi la ville en compagnie de Rudger, nous passions alors devant la place de l’échafaud, celle-là même où Gold Roger, l’homme le plus libre au monde, est décédé. Cette vision, cette pensée, j’imaginais le premier roi des pirates à l’heure de son exécution, délivrer son message de liberté au monde entier. Un frisson me parcourut le corps, j’aurais vraiment aimé faire partie de cette génération ou même de la pire génération que ce monde ait connue. Mon sang en ébullition, je ne pensais qu’à une seule chose à cet instant, mon propre destin m’attendait quelque part ; je voulais être comme eux, libre. Je refoulerais mes désirs et mes envies ce soir, mais je saurais saisir la bonne opportunité en temps et en heure. Dix minutes plus tard, nous arrivions devant ce gigantesque hôtel appartenant aux Van Belt. Je savais que cette soirée mondaine n’allait pas du tout être à mon goût, être en compagnie de notables, nobles ou autres bourgeois n’était vraiment mon activité favorite. Au moins il y aurait des petits fours…
Nous fûmes stoppés à l’entrée par deux gardes que je qualifierais plus de videurs qu’autre chose. Les armoires à glace nous demandèrent alors de leur présenter nos cartons d’invitation ; ce que nous fîmes sans protester. Tandis que nos noms furent barrés de la liste des invités, les gardes nous offrirent un masque à chacun. Une soirée déguisée ? Bah voyons…Mon sourcil droit s’arqua tandis que je fixais Rudger. Il avait apparemment eu la même réaction que moi. Cela allait donner l’opportunité à Pancho Sanza de se glisser dans la foule si jamais il réussissait à passer la sécurité. Je soupirais tout en haussant les épaules ; nous pénétrions l’hôtel. Je restais sans voix devant autant de faste et de luxe, nos hôtes avaient visiblement les moyens. Tout n’était que démesure, comme ces deux escaliers en colimaçon finement sculpté dans ce que je voyais être de l’Adam qui entouraient une imposante porte, telles de magnifiques colonnes. Des tableaux de grands maîtres siégeaient ici et là tandis que derrière cette grande porte se trouvait la salle des fêtes. Rudger prit les devants et m’incita à entrer en premier. Il y avait foule, il semblait que la plupart du gratin d’East Blue avait été convié. Les invités s’affairaient dans leurs activités, rires et brouhaha couvraient presque entièrement l’orchestre symphonique qui animait cette soirée. Personne ne portait son masque, sans doute fallait-il attendre un discours, une annonce ou encore l’entrée de nos hôtes. Rudger me donna un léger coup de coude.
« Allez donc vous présenter à notre hôtesse » me dit-il en me désignant Mademoiselle Van Belt.
Je m’approchais donc d’elle avec toute l’assurance que je pouvais avoir. La demoiselle brune discutait et semblait s’amuser comme une petite folle. Son sourire naturel était à tomber, finalement je passerais peut-être une bonne soirée. Elle portait une robe rouge sans manches sertie de pierres précieuses, un corset à lacets affinait encore sa taille de guêpe tandis qu’un fin châle en satin de soie recouvrait son dos nu. Elle était élégante à souhait et le charmeur que j’étais ne se satisferait pas d’une simple vue. Je me rapprochais encore un peu avant de me placer devant mon hôtesse du soir et respectueusement courber légèrement l’échine, la main gauche dans le dos.
« Mademoiselle Van Belt… Klaus Makuen à votre service ; j’essaierais de faire en sorte que votre soirée soit la plus agréable possible »
« Klaus ! Quel plaisir de vous compter parmi nous ! J’ai été agréablement surprise en apprenant votre venue. Dites-moi combien d’années s’est-il passé depuis notre dernière rencontre ? »
« Je ne saurais le dire… » Dis-je en marquant un temps d’arrêt.
« Nous étions tous deux des enfants, vous étiez toujours très discret, mais je vois que l’âge vous a donné une certaine assurance »
« Je vous retourne le compliment, vous êtes à la fois sereine et ravissante »
« Flatteur ! » S’exclama-t-elle en riant. Un homme s’approcha alors d’elle lui chuchotant quelques mots à l’oreille. « Je suis ravie de vous avoir vu Klaus, mais je dois finir les préparatifs de dernières minutes. J’espère que nous aurons le temps de bavarder un peu plus amplement »
« Avec grand plaisir… » Dis-je en m’inclinant une nouvelle fois.
La brune en robe rouge prit congé tandis que je revenais vers Rudger. Des tables avaient été dressées ici et là aux coins et recoins de la grande salle. Des mets tous aussi salivants les uns que les autres ne demandaient qu’à être attaqué. Je ne me fis d’ailleurs pas prier.
« Tu pourrais nous en dire plus sur notre hôtesse ? »
« Que voulez-vous savoir ? Ne me dites pas que… »
« Doucement Rudger, je suis curieux, rien de plus »
Je voulais juste en savoir un peu plus, je ne voudrais pas me retrouver l’air idiot devant elle et une question à laquelle j’aurais su répondre. Mais bien sûr certaines de mes pensées au sujet de cette demoiselle étaient légèrement épicuriennes. A peine Rudger avait-il eu le temps de commencer sa phrase que Catherina fit son apparition sur la scène à côté des musiciens. Sa déclaration fut très brève, tellement que je n’en retins pas un traitre mot. Tout le monde portait maintenant son masque, ce que je fis à mon tour. Bien que cette soirée soit le théâtre de l’amusement, je n’avais pas le temps de me gaver de petits fours. Je devais rester vigilant, attentif au moindre individu suspect. Du monde s’avança sur la piste, plusieurs groupes virevoltaient, dansaient, changeaient de partenaires. Bien que le style musical ne fût absolument pas à mon goût, ces danseurs et danseuses avaient un certain charme. Je bougeais régulièrement d’endroit, Rudger en fit de même, nous avions alors un champ de vision bien plus étendu sur la salle. Il était difficile d’y voir clair affublé de ce masque au nez crochu. Tellement que je percutais quelqu’un qui s’était installé pas très loin des deux gigantesques portes battantes.
« Veuillez pardonner ma maladresse ! Vous n’avez rien ? » Dis-je en m’apercevant que la personne que j’avais bousculé n’était ni plus ni moins qu’une jeune demoiselle. Décidément…
Dernière édition par Klaus Makuen le Mar 24 Mai 2016 - 18:34, édité 1 fois