Johny Delablanche est un homme tranquille. Un marine bien sûr, mais un marine tranquille. Il a vu trop de sang couler et trop d'hommes mourir pour encore vouloir se battre. Alors quand ses amis vont s'enivrer dans les bars et casser la routine à coups de poings, lui préfère s'allonger sur le port, un livre dans les mains et une clope aux lèvres. Oh bien sûr sa lame sera toujours à sa ceinture et ses réflexes de soldats seront toujours aussi efficaces, mais à quoi bon ? S'il a choisi cette île c'est bien pour ne plus avoir à se battre. Ici, même les pirates n'osent s'aventurer de peur de mourir de faim dans l'épais labyrinthe de l'île.
Et de réflexe, il en a, le Johny. Ce sont des réflexes battis sur des combats qui en ont tués plus d'un. La guerre contre Mandrake, puis la poursuite du roi d'Ivoire, la capture de plusieurs dizaines de pirates renommés sont autant de souvenirs d'un passé pas si ancien que cela.
La journée est belle, aujourd'hui. Le ciel berce le port de ses rayons et la clapotis des vagues enivre les coques de son doux son. Cette jolie mélodie se fait soudain arrêter par un raclement de gorge. Le marine se retourne pour apercevoir une drôle de carrure.
- La drôle de carrure:
Johny se lève, intrigué. L'instant d'après, il sent son menton se faire chatouiller par une lame. Le marine ne peut plus bouger sans se faire embrocher. Celle là, il ne l'avait pas vu venir, le pauvre Johny. L'attaque était de trop rapide. Et pourtant le marine ne croit pas avoir un seul instant cligné des yeux. C'est une erreur de débutant, ça, et le Johny n'est pas un débutant. Il prend son temps. Respire un peu pour reprendre ses esprits. Sa glotte se fait chatouiller par la lame à chaque avalement de salive. La lame est gigantesque, faisant plus de deux mètres. Elle doit plus que son propre poids et le pourtant l'inconnu la porte à l'aide d'une seule poigne.
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Que voulez vous ? Attaquer un marine ici, ce n'est peut être pas la bonne idée.-
Hmm. Où les chasseurs de primes vont déposer leurs captures, sur cette île ?L’inconnu est vraiment étrange. Ses deux énormes yeux cachés derrière un masque de fer font froid dans le dos. Johny se demande quelle horreur cela peut cacher. La carrure du masqué est si imposante que le Johny, pas petit pour un sou est obligé de lever les yeux bien haut pour pouvoir regarder autre chose que le monstrueux poitrail de l'homme à la lame sortie. A côté, un homme habillé en marine écoute la conversation. Sa main ne peut s'empêcher de se perdre dans le peu de cheveux qu'il reste encore sur son crâne. Il doit avoir cinquante ans. Il a encore l'allure militaire, à sa manière de rester droit comme un I, les deux pieds joints. Johny reconnaît la position des marches Marines. Ce ne peut être qu'un homme des Blues pour avoir passé plus de temps à faire l'apparat qu'à combattre.
Le faux marine s'avance vers le vrai pour lui prendre les deux mains et enrouler une corde autour. Le salaud sert bien son nœud. Il n'y a vraiment aucun jeu et ses poignets souffrent déjà du serrer des lamelles de la corde de nylon. Le demi chauve aura au moins appris une bonne chose durant ces années sous le drapeau. A bien y réfléchir, marcher sous le drapeau et arrêter du petit truand sont bien les seules choses que l'on apprend à être soldat sur les Blues.
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Hmm. Je n'aime pas me répéter.Le masqué avance sa gueule à quelques centimètres de celle de Johny. Des effluves de cigare froid s'échappent de la gueule enfermée pour imbiber celle du Marine. Les deux yeux cachés se bloquent sur ceux du prisonnier. La lame s'avance de quelques millimètres pour faire perler les premières gouttes de sang.
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Hmm. Dis moi, ou meurt.Le Marine réfléchit, vite. Son esprit de soldat aguerrit imagine toutes les possibles échappatoires qui lui reste. Sa lame à la ceinture qu'il peut faire voler pour se libérer des cordes attachées à son poignet, le canif caché dans sa chaussette, le bout de bois qu'il s'amusait à tailler en flûte quelques minutes auparavant et dont le bec est déjà formé, le verre de ses lunettes de lecture, enfouies dans son veston...
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Hmm. N'y pense même pas.Les énormes pattes du masqué fouillent les chaussette du soldat pour y sortir le canif avant d'attraper d'un geste ferme les lunettes et la flûte, manquant d'arracher le veston du pauvre Johny. Le fumeur de cigare prend alors le marine par le col pour l'amener à hauteur de ses propres yeux, faisant quitter de la terre ferme les pieds du soldat.
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Hmm. Maintenant plus de blague, plus de mauvaises idées. Juste des pas sans mots jusqu'à l'endroit que l'on vous a demandé.