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L'argent n'a pas d'odeur

L'argent N'a Pas d'Odeur
PREMIÈRE DANSE

{D'ICI}

Une arme à feu dans chaque main, du haut du toit, aménagé en terrasse, de la cabine supérieure de leur navire, Fozia tentait d’atteindre Yamiko qui esquivait chacun de ses tirs depuis le pont. Malgré sa transformation de femme en homme, elle ne semblait pas avoir perdu de sa souplesse d’ancienne acrobate aérienne mais sentait que ses muscles étaient comme un peu rouillés. Elle n'était plus aussi rapide qu'avant mais après une bonne dizaine de minutes d'action, son corps commença à retrouver son agilité.

Soudain un craquement se fit entendre et Yamiko se figea alors qu’elle avait le corps complètement arqué, les pieds et les mains à plat sur le plancher. Un projectile vint l’atteindre au niveau de son mollet exposé vers son assaillante puis un second dans les côtes.

« Touchée ! Lâcha Miss Gun avec fierté alors que Yamiko s’effondra sur le dos. On dirait bien que tu es devenue bien lente avec ce tas de muscle ... Danseuse du vent ! Ajouta Miss Gun d’un ton taquin.
- Ça ne compte pas ! J’ai été perturbée ! Rétorqua Yamiko qui s’était assise en tailleur alors que Fozia et les autres membres d’Eagle Claws - qui s’étaient mis à l’abri des balles à blanc utilisées pour les entrainements mais qui faisaient tout de même assez mal quand on se les prenaient - s’étaient rapprochés.
- T’es devenue mauvaise perdante aussi ?
- Non j’ai juste le slip qui a craqué !
- Quoi ? ... C’est le second ! Râla Sunny qui était le fournisseur en vêtements et sous-vêtements de Yamiko depuis sa transformation car les siens ne lui allaient plus. Je ne t’en prêterai plus. Tu n’as qu’à recoudre les deux que tu as déchirés ! De toute façon j’en ai plus de neuf, mentit-il alors qu’il avait encore un bon paquet de sous-vêtements jamais mis dans sa garde-robe qui était la plus fournie de tous les membres de l’équipage.
- Vu que cela ne sert à rien autant que je n’en ...
- Il n’en est pas question ! Lui coupa court Fozia. Je n’ai pas envie de voir ces trucs qui ont poussé entre tes jambes !
- Ce n’est pas comme si je ne portai rien non plus ! Tu crois vraiment que ça m'emballerait de les exposer ? ... Ça me gêne autant que toi de les voir ! Et puis tu sais très bien que ce sont des fausses.
- Des fausses ? Pourtant tu as failli y passer quand je te les ai latté l’autre jour.
- Ne me rappelle pas ce mauvais souvenir s’il te plaît ! J’ai mal rien que d’y repenser ... J’ai vraiment hâte de retrouver mon corps ! » Ajouta Yamiko d’un ton teinté de nostalgie, tout en se laissant tomber en arrière pour s’allonger, usant de ses bras comme coussin, alors que le silence se fit.

***

Cela faisait plus d’une semaine qu’ils avaient quitté l’île où Yamiko avait fait la malencontreuse rencontre avec Reyson D. Anastasis. Jour après jour, elle entrainait ce corps d’homme dans lequel elle était obligée de vivre alors que son espoir de redevenir celle qu’elle avait été s’estompait peu à peu.

Elle profitait aussi de ce voyage - qu'elle trouvait à trop perdurer bien qu’elle usait de son pouvoir pour faire avancer plus rapidement leur bateau - pour maîtriser correctement le pouvoir de son fruit de démon et de tenter de découvrir d’autres possibilités à son utilisation. À présent, elle était capable de soulever avec aisance une brise ou une bourrasque et de les diriger où elle veut.

Ne désirant pas leur créer d’ennui, si elle venait à perdre le contrôle de son pouvoir, Yamiko préférait attendre d’être sur la terre ferme pour s’entraîner à renforcer la puissance du vent qu’elle contrôlait. En attentant, assise en tailleur au milieu du pont, les deux paumes ouvertes par-dessus une cuvette remplie d’eau, elle s’attelait plutôt à tenter de créer des petits tourbillons, en essayant de faire tournoyer un peu de vent à la surface du liquide. Choupi s’était également installé en tailleur, juste en face d’elle, les mains fermées sur ses mollets et le regard rivé dans le récipient d'eau. L'homme-poisson suivait avec la plus grande attention ce qu'elle était en train de faire.

« Je ne l’ai jamais vu aussi sérieuse, finit par lâcher Fozia à Sunny qui se tenait non loin d’elle, alors qu’ils n’avaient cessé d’observer Yamiko en pleine concentration. Elle qui était incapable de rester plus de dix minutes sur place sans rien faire est assise dans cette position depuis presque une heure.
- Elle s’est peut-être endormie ?
- Raaaaaaaah, je n’y arrive pas ! » Lâcha soudain Yamiko comme pour répondre au doute de l’Excentrique, tout en portant les deux mains sur sa tête.

En presque une heure, elle ne réussissait qu’à former un semblant de tourbillon qui disparaissait rapidement alors qu’elle avait déployé tant d’effort pour le faire apparaître. Le dernier, elle avait réussi à le maintenir à peine cinq secondes.

Lasse de tant d’effort pour un résultat si médiocre, Yamiko poussa la cuvette d’eau puis s’allongea, posant sa tête sur les jambes de Choupi qui appréciait ce genre de geste d’attachement à son égard de la part de celle qu’il considérait comme sa maternelle ; même maintenant qu’elle arborait un corps d’homme. L’homme-poisson – tout comme ses autres compagnons – continuait de se comporter avec Yamiko comme il en avait l’habitude. Après tout, au fond, elle était toujours la même malgré sa résolution de devenir plus responsable et intraitable envers ses ennemis ...


Dernière édition par Yamiko le Dim 08 Mai 2016, 20:37, édité 4 fois
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SECONDE DANSE

La terre ferme se pointa enfin à l’horizon mais la joie des agents de la B.N.A retomba rapidement lorsqu’ils se rendirent compte qu’ils venaient d’accoster une île plutôt hostile envers les humains : Nakamura, le dernier royaume des longs bras.

Ne désirant pas s’attirer d’ennui, avant l’abordage d’une île qui leur était étrangère, les chasseurs de primes avaient baissé le pavillon de la Bounty National Angency qui était bien trop connue. Yamiko et ses compagnons avaient conscience de leur limite de puissance pour survivre sur ce monde cruel qui était Grand Line. Lieu où pullulaient des monstres qui ne feraient qu’une bouchée de leurs personnes. Ils préféraient donc ne pas précipiter leur fin, on se montrant distrait. Beaucoup traiteront certainement leur initiative de lâcheté mais pour eux c’était juste une solution de survie comme une autre. Reconnaître sa faiblesse et adopter une solution en conséquence tenait plutôt de l’ingéniosité.

Leur identité n’était affichée que par l’aigle emprisonnant de ses serres une tête de mort qu'arborait la grand-voile mais leur équipage était à peine connu sur les Blues – car ils avaient quitté ces derniers à peine celui-ci avait été formé – et était totalement méconnu sur la Route de tous les périls qu’ils venaient tout juste de fouler.

L’étendard des Eagle Claws pouvait prêter à confusion. Il invitait à le prendre pour un drapeau pirate mais si on analysait bien le dessin qui y figurait, on se rend compte que celui-ci tendait plutôt à dire le contraire. La tête de mort, le symbole de la piraterie, y était loin d’être mis en valeur mais était lacéré par le rapace qui était la mascotte de l'équipage des chasseurs de primes.

Debout sur le pont, les agents de la B.N.A examinaient attentivement le lieu où le destin venait de les jeter alors que leur bateau avait été amarré dans un coin du port, où étaient ancrés d'autres navires occupés par des humains comme eux.

Terry, le rapace de Yamiko quitta l'épaule de cette dernière dès lors que des voix se firent entendre autour d'eux. L'animal n'appréciait guère du monde et préférait jouer à l'abonné absent que de devoir cohabiter avec d'autres humains. Yamiko suivit l'aigle du regard jusqu'à ce que celui-ci finît par disparaitre à l'horizon. Comme d'habitude, il ne reviendrait certainement pas avant plusieurs heures.

« On aurait pu tomber sur une île encore plus hostile mais je vous conseille d’éviter toute emmerde le temps de notre escale obligatoire ici. Si les longs bras tolèrent la présence des humains au sein de leur royaume, pour des raisons économiques, pour eux, nous ne sommes qu’une race inférieure. D’après ce que je sais, l’esclavage est très actif ici alors le moindre accroc pourrait bien nous faire atterrir sur le marché des esclaves. Du moins, s’ils daignent nous laisser en vie !
- Nous, une race inférieure ? Ils se sont regardés ? Brailla Sunny qui n’appréciait guère l’apparence des autochtones.
- Ça me rappelle la fois où je suis partie en mission avec un moine long-bras. Il était gentil, lui.
- Je vois de qui tu parles et crois-moi, il n’est pas aussi gentil que tu le penses ton moine. Reich n’a de moine que le titre. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme le Moine hérétique. Enfin … dis-toi que ceux qui sont ici sont loin d’être comme lui !
- Ne t’inquiète pas Fozia ! Je ne ferai pas de connerie ! Je ne me mêlerai pas des affaires qui ne me regardent pas, fit Yamiko avant de sauter sur la berge.
- Tu vas où comme ça ?
- Me dégourdir les jambes. À force, je ne les sens plus ! J’en profiterai pour m’acheter quelques vêtements.
- Attends ! Prends ton sabre !
- Je pensais qu’il fallait se montrer discret ?
- Oui mais si tu ne veux pas te faire traquer comme un agneau perdu sur un territoire des loups, tu dois montrer que tu es aussi un animal pourvu des griffes et des dents acérées.
- Ha, je vois ! »

Miss Gun jeta à Yamiko son sabre à double lames avec son support pour pouvoir le porter comme coutumier : dans le dos.

« Ya-chin ? Réclama Choupi à sa manière alors que le borgne s’apprêtait à partir.
- Je peux l’amener ? Demanda Yamiko à Fozia qu’elle avait décidé de toujours consulter avant de prendre d’initiative qui pourrait la fâcher.
- Vas-y si tu veux l’accompagner Choupi ! Je pense même que c’est plus raisonnable que de se promener seul dans cette ville. N’oubliez pas, on évite les emmerdes !
- Compris chef ! » Lâcha Yamiko tout en s’éloignant avec Choupi à ses côtés.

***

Des pas modérés, Yamiko et Choupi déambulèrent dans les ruelles du Royaume des longs bras, sans prêter la moindre attention aux regards hostiles qu’on leur accordait. Bien que personne ne venait les accoster, la tension était pourtant palpable. Il y avait comme du gaz dans l’air et qu’une moindre étincelle enflammerait sans la moindre hésitation.

Yamiko se demanda si le sujet de tant d’attention à leur égard était lié au fait qu’ils leur manquaient une articulation aux membres supérieurs ou bien était-ce son kimono trop petit pour son nouveau physique – manches trop courtes et le bas s’arrêtant au milieu des mollets au lieu de descendre jusqu’aux pieds – ou encore l’homme-poisson qui évoluait à ses côtés. Quoiqu’il en était, ils réussirent à atterrir dans un premier magasin de vêtements pour hommes sans le moindre accroc. Le « montrer qu’on avait aussi des griffes et des dents acérées » de Fozia avait peut-être fonctionné. Le résultat aurait pu cependant être différent si Yamiko avait été dans son corps d’origine. Contrairement à ce dernier, sa nouvelle apparence incitait plutôt à lui foutre la paix alors que l’ancienne la faisait passer pour une jeune fille inoffensive. Et, depuis sa résolution de devenir moins sentimental, son regard avait perdu de sa lueur de naïveté qui avait incité bien des gens à abuser de son affabilité.

L’argent n’ayant pas d’odeur, Yamiko et Choupi furent accueillis convenablement par le long bras qui tenait le petit magasin de vêtements qu’ils venaient de violer. Lieu d’où les deux chasseurs de primes ressortirent à peine vingt cinq minutes plus tard. Yamiko avait troqué le kimono trop petit pour elle par un accoutrement qui mettait en valeur la virilité de son nouveau corps. Son haut était laissé ouvert et elle avait arraché les manches de celui-ci qui étaient bien trop longues pour ses bras de simple humain. Chose qu’elle allait devoir faire avec tous les autres hauts pourvus de manche qu’elle venait d’acheter.


Un sac rempli des nouvelles affaires dans chaque main, au lieu de revenir au port maintenant qu’elle avait trouvé ce qu’elle était venue chercher, Yamiko décida plutôt de poursuivre l’excursion de cette ville bien qu’hostile car elle n’avait pas assez dégourdi ses jambes. Choupi la suivit dans le silence.

Alors que les agents de la B.N.A arpentèrent une ruelle assez animée, le regard de Yamiko fut attiré par trois enfants longs bras qui jouaient aux cerfs-volants, non loin de leur position. Plus que les petits, c’étaient leurs jouets qui dansaient dans le vent qui suscitaient son attention. Le regard levé vers les objets volants, Yamiko se demanda si elle ne pourrait pas utiliser un engin similaire pour voler grâce au pouvoir de son fruit.

Yamiko décida de faire une halte, en s’asseyant sur une murette, posant ses affaires à ses côtés en hauteur. Choupi quant à lui préféra rester debout, les sens aux aguets.

« Ya-chin ? S’inquiéta Choupi, à peine dix secondes plus tard, sentant l’atmosphère devenu encore plus pesant alors que des regards étaient en train de les foudroyer sur place. Certains autochtones avaient même cessé leur activité pour tenter de chasser les importuns de leurs yeux hostiles.
- Ne t’inquiète pas Gros doudou ! Ne leur montre pas ta peur et tout ira bien ! ... Viens plutôt t’assoir à côté de moi !
- Choupi veut rentrer ! Réclama la créature rose qui, de toute évidence, avait peur car il n’était pas de ses habitudes d’aller à l’encontre de la volonté de Yamiko.
- Ok. Laisse-moi juste tenter un truc. »

Un cerf-volant d’un des petits revint vers son maître avant de faire une boucle, sous les regards ahuris des trois enfants, puis l'engin fila rejoindre les deux autres.

« Comment tu as fait ça ?
- Je ne sais pas !
- Aller dis-nous comment tu ...
- Regardez ! » Gueula un des gamins, tout en pointant du doigt leurs cerfs-volants qui effectuaient des figures aériennes sans leur intervention.

Les jouets volants exécutaient les mêmes mouvements dans un alignement parfait et dans un rythme très synchronisé sans que leurs cordes ne se mêlaient. La scène, que même des professionnels n’arriveraient pas à exécuter, finit par attirer les regards de ceux qui se trouvaient aux alentours.

Fascinés, les longs bras oublièrent la présence des chasseurs de primes.
Un des enfants tenta de prendre le contrôle de son jouet mais ce dernier vint l’attaquer, l’obligeant à se baisser pour ne pas le prendre dans la figure puis le cerf-volant fit demi-tour pour filer à grande vitesse, prenant de l’altitude. Les deux autres ne tardèrent pas à le suivre.

Les bambins saisirent les cordes de leurs cerfs-volants, qui se déroulaient à une grande vitesse, pour essayer de retenir leurs biens qui s’éloignaient de plus en plus vers l’horizon. Ne désirant pas disloquer les jouets des petits, en les poussant à aller plus loin alors que leurs propriétaires tiraient dans l’autre sens, Yamiko cessa de contrôler le vent avec lequel elle entrainait les instruments volants.

Alors que certains se demandaient toujours ce qui s’était passé, Yamiko et Choupi reprirent leur chemin, comme si de rien n'était, pour finir par revenir au port une demi-heure plus tard. Durant le trajet, Yamiko avait pris la décision de faire fabriquer un objet s’inspirant d’un cerf-volant qu’elle pourrait user comme un moyen de transport aérien grâce à la maîtrise du vent. Chose qui leur serait certainement très utilise dans leurs aventures qui s’annonçaient bien difficiles sur la Route de tous les périls.

Avoir mangé ce fruit de démon accidentellement était peut-être finalement une bénédiction, se disait intérieurement Yamiko, même si elle n’arrivait toujours pas à se faire à l’idée d’être devenue une enclume et dont le simple fait d’y songer l’irritait ...
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TROISIÈME DANSE

« Ne crois-tu pas qu’il serait plus raisonnable d’attendre que nous atteignions une île plus accueillante pour partir à la recherche de quelqu’un qui pourrait te fabriquer ton engin ? Fit Fozia qui n’avait aucune confiance aux autochtones.
- J’ai l’impression que tant que tu paies tu peux avoir ce que tu veux ici.
- Certes mais imagine que ton bonhomme te vend un truc défectueux !
- Fozia, je veux bien que tu me prennes pour une idiote mais crois-tu vraiment que je vais payer sans avoir testé la marchandise avant !?
- T’en serais capable, oui ! Il suffirait que le vendeur se montre un peu gentil avec toi pour que tu goberais tout ce qu’il te dira !
- J’ai changé et je te le prouverai ! J’irai trouver quelqu’un qui pourrait m’en fabriquer un dès demain matin. »

Ainsi, très tôt le lendemain, Yamiko – accompagnée de Choupi comme la veille - partit en quête d’un bricoleur qui pourrait lui mettre au point son cerf-volant à l’échelle humaine. Elle commença par se renseigner auprès des humains dont le log pose avait fait accoster au port de Nakamura, tout comme eux. La plupart étaient des pirates mais qui ignoraient leur identité.

Sa récolte de renseignement finit par la mener dans une taverne fréquentée par des humains et des longs-bras mais qui ne se mêlaient pas. Situation qui créait une tension insupportable au sein de l’établissement où Yamiko n’avait point envie de traîner.

Après avoir été envoyée balader par nombreux de ses semblables et dont un qui avait même cherché à la cogner gratuitement mais qu’elle avait subtilement évité de répondre à la provocation, Yamiko finit enfin par tomber sur une personne qui daigna lui fournir des informations exploitables. Contre toute attente, il s’agissait d’un long bras de sexe féminin qui servait au sein de la taverne. Celle-ci fit cependant comprendre à Yamiko qu'il fallait qu'elle paie si elle désirait qu'elle parle. Yamiko glissa alors discrètement deux billets sous le verre que l'autochtone lui avait servi.

« Un cerf-volant à la taille humaine ? ... Peut-être Pakbo ! Je ne vois que lui.
- Pakbo ?
- C’est le chef du chantier naval. Le bricolage, c’est son truc alors il pourrait peut-être te fabriquer ton engin là ... Tu comptes voler avec ou quoi ? Demanda sans la moindre hésitation la serveuse comme si elles se connaissaient depuis belle lurette.
- Non pas vraiment, mentit Yamiko sur un ton qui faisait comprendre à la longue bras que là n'étaient pas ses affaires ... Pouvez-vous me dire comment se rendre au chantier naval depuis ici ? »

Les informations récoltées, Yamiko remercia la long bras, tout en glissant un billet supplémentaire sous le verre d’alcool qu’elle avait commandé mais dont elle n’avait même pas trempé ses lèvres avec, avant de prendre la sortie ; Choupi lui emboitant les pas.

Tout en empruntant la direction vers le chantier naval, Yamiko se disait que les choses s’étaient plutôt bien déroulées malgré son appréhension de départ. Elle était convaincue que sa nouvelle apparence y était pour quelque chose. Être un homme semblait être sujet de moins d’emmerdes que d’être une femme aux attraits qui attisaient les désirs malsains des hommes.

Comme pour faire plus "mâle", Yamiko glissa ses mains dans les poches de son pantalon puis bomba son torse viril laissé à découvert, sous le regard inquisiteur de Choupi qui se demandait ce qui lui arrivait. Finalement, elle commençait à s'y faire avec son nouveau corps qui se révélait bien plus pratique que son physique d'origine. Celui-ci était comme un talisman qui éloignait les désagréments.

Après s’être un peu perdus, les chasseurs de primes finirent par atteindre le chantier naval et n’eurent pas de mal à trouver le dénommé Pakbo à qui Yamiko s’empressa de relater sa requête. Le long bras, habitué à négocier avec des êtres avec une articulation en moins aux membres supérieurs, avait accueilli son nouveau client correctement.


« Je peux te faire ça mais ça te coutera sept millions de berries.
- Quatre !
- Six !
- Cinq !
- Je vais devoir laisser des travaux de côté pour mettre au point ton truc alors il faut mettre le prix pour ça petit !
- Ce que je demande est juste un bout de bois avec un peu de tissu dessus alors je trouve que cinq millions sont plus que raisonnables. Je vous en commanderai trois, ce qui vous fera quinze millions cash ! »

De ses longs doigts, Pakbo se gratta le crâne.

« Bon ok mais avec de l’avancement de la moitié de la somme.
- Je paierai seulement lorsque les engins seront opérationnels !
- Il faut que j'achète les matériels pour fabriquer ton truc ! »

Yamiko n'était pas dupe. Elle savait pertinemment que les matériaux de base pour la réalisation de ce qu'elle réclamait étaient trouvables sur un chantier naval. Après tout, il fallait bien du bois solide et du tissu résistant pour fabriquer un navire. Pakbo cherchait de toute évidence à la baratiner.

« Je crois que je ne me suis pas adressé à la bonne personne, fit Yamiko tout en feignant de partir.
- Attends ! … C'est ok.
- Il me les faudrait au plus tard dans une semaine.
- Tu veux que je fabrique trois engins en une semaine ?
- J'ai entendu dire que vous êtes un bricoleur assidu Monsieur Pakbo alors je pense que c'est dans vos cordes !
- Inutile de me caresser dans le sens des poils petit ! Ce genre de chose ne fonctionne pas sur moi !
- Comme vous voudrez mais si je ne les ai pas dans une semaine, vous pouvez oublier notre marché ! ... Ha oui ! Il faudrait qu'il puisse supporter le poids de mon compagnon ici présent, ajouta Yamiko, désignant Choupi qui suivait attentivement la conversation.
- Et il fait combien ton pote ?
- Trois cent trois kilos.
- Trois cents … ? Et tu comptes faire voler comment ton engin avec plus de trois cents kilos de charge ?
- Ne vous souciez pas de détail Monsieur Pakbo ... Je reviendrai voir votre avancée et testez le prototype.
- Trois jours ! Revenez dans trois jours ! »

***


Trois jours plus tard.

« Voilà, il y a l'équivalent de trois cent cinquante kilos de charges accroché dessus, » fit Pakbo tout en désignant un bâton muni de deux voiles type cerf-volant - un grand devant et un beaucoup plus petit à l'arrière - qui était posé sur deux ancres dont il était lesté. Une ancre avait été accrochée de chaque côté de la partie qui formait l'aile principale.

Sans un mot, Yamiko utilisa le pouvoir de son fruit maudit pour soulever une brise dont elle augmenta tout doucement la puissance afin d'éviter que celui-ci n'entraine brusquement le prototype de son cerf-volant à l'échelle humaine et risquer de le casser sous les poids dont il était chargé. Le bâton commença par trembler puis finit par décoller sous les yeux étonnés de Pakbo qui s'était demandé comment il allait s'y prendre pour faire décoller l'engin. Yamiko aurait préféré ne pas user de son pouvoir sous les yeux du long bras mais elle n'avait pas le choix. Il fallait qu'il soit présent au test de la fiabilité de sa création pour être témoin de sa défaillance si cela se produisait.

Tout doucement l'objet prit de l'altitude entrainant les deux ancres avec lui.

Yamiko s'était assez entrainée pour faire voler un objet comme bon lui semblait mais jamais encore elle n'avait contrôlé quelque chose d'aussi lourd. Si ordinairement, elle n'avait besoin d'aucun geste pour maitriser le vol d'un instrument léger, elle dut s'aider d'un bras pour guider le bâton volant et son chargement. Un membre supérieur tendu en direction de ce dernier, elle évita de l'envoyer trop haut ni vers des zones occupées par des êtres vivants.

À peine avoir fait une centaine de mètres, l'engin commença à voler étrangement puis une ancre tomba, entrainant une partie formant l'aile principale du bâton avec elle. Yamiko tenta de reposer en douceur le reste de bâton volant mais qui, déséquilibré à cause du poids que d'un côté, était bien difficile à contrôler et finit par se crasher à environ trois mètres d'altitude.

« Il va falloir que je renforce tout ça ! Lâcha Pakbo qui avait ramassé le plus gros reste de son invention cassée. Au moins le tissu que j'ai pris pour les ailes semble être assez résistant pour supporter le poids et la pression du vent … Donne-moi deux jours pour mettre au point un autre … Mais dis-moi petit, t'es un utilisateur de fruit de démon ?
- Oui mais je vous prie de garder cela pour vous ou votre chantier pourrait se trouver malencontreusement pris dans un ouragan !
- Tu me menaces gamin ?
- Loin de moi cette idée. Je vous demande juste de garder cette information pour vous … Je reviendrai donc dans deux jours. »

Yamiko avait menti car jamais encore elle n'avait soulevé un ouragan mais cela Pakbo ne le savait pas.

***

Les deux jours s'écoulèrent et Yamiko revint au chantier naval pour tester la fiabilité de la nouvelle réalisation de Pakbo et qui était l'exacte réplique du prototype.

« J'ai beau renforcer les parties qui soutiennent l'aile principale mais ce n'est jamais assez pour supporter le poids que tu veux. Je pourrai les renforcer avec du métal mais cela risque d'alourdir l'ensemble et le prix également. Donc, pour un poids dépassant les cent vingt kilos, je te propose de le charger directement sur le bâton principal qui lui peut supporter sans problème tes plus de trois cents kilos. »

Yamiko accepta les conditions et deux ancres firent lestés sur le corps principal de l'objet volant qui contrairement au prototype ne montra aucun signe de défaillance durant son test de vol. Satisfaite, la maitresse du vent fit atterrir le bâton volant, en douceur, juste devant eux.

Une fois délesté de son chargement Yamiko demande à Choupi - qui l'accompagnait toujours - de s'accrocher sur le bâton principal, là où avait été accroché les deux ancres, puis elle fit décoller le bâton mais à moins d'un mètre du sol, afin que la chute de son protégé ne soit pas trop rude si jamais il lâchait prise ou si l'objet venait à se casser. Elle désirait vérifier que le bâton pouvait réellement supporter le poids qu'elle avait imposé.

Alors qu'elle s'attendait à ce que l'engin cède sous les plus de trois cents kilos de Choupi car elle n'avait pas entièrement confiance aux paroles du long bras, le bâton résista.

« Satisfait ? Lâcha Pakbo alors que Yamiko venait de faire atterrir Choupi non loin deux.
- Un dernier test et je vous dirai ça.
Yamiko fit décoller le bâton volant, déchargé de tout poids, à environ vingt centimètres du sol puis, tout doucement, elle posa un pied après l'autre sur le bâton principal.
- Mais qu'est-ce que … Pakbo se tut comprenant ce que son client cherchait à faire : voler en équilibre sur le bâton. Pas mal comme idée mais il va te falloir un sacré équilibre pour arriver à le chevaucher de cette façon petit !
- Ne vous en faites pas. L'équilibre est mon truc, » fit Yamiko, perchée sur l'engin, avant de prendre de l'altitude tout en douceur.

Usant de ses bras comme balancier, la chevaucheuse de bâton volant tangua dangereusement un instant avant de réussir à se stabiliser complètement. Avoir été une acrobate aérienne qui a toujours affectionné le funambulisme, l'aidait grandement. N'ayant pas totalement confiance en elle, elle évitait cependant d'accélérer la vitesse de son vol.



Satisfaite des tests qu'elle avait effectués, Yamiko donna le feu vert à Pakbo pour qu'il réalise les bâtons volants restants qu'elle testa quelques jours plus tard comme le premier.

Le délai qu'elle avait imposé avait été dépassé d'une journée mais ne désirant pas faire d'histoire pour si peu, elle avait acquitté la somme convenue contre ses trois nouveaux engins volants. De plus, elle n'était plus si pressée car elle avait appris entre-temps qu'elle et ses compagnons étaient bloqués sur l'île des longs bras pour vingt cinq jours, le temps de rechargement de leur log pose.

Vingt cinq jours à rester sur un territoire où le moindre écart pourrait réduire elle et ses compagnons en esclavage ou pire, leur ôter la vie. Il y avait de quoi s'inquiéter mais étrangement Yamiko était plutôt sereine mais quelque chose lui murmurait que là n'était peut-être que les prémices d'un grand ennui à venir …
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