-Eeeeeeh, c’est très vexant, ça !
-De quoi parlez…
En général, c’était Haylor qui se présentait seule aux locaux de la guilde des jumeaux, pour éplucher les chiffres en compagnie d’Alastor Dagenert, le grand magasinier de la Translinéenne. Dogaku était davantage présent sur le terrain, à s’entretenir avec les divers marchands de Reverse et leurs équipages. Chacun sa spécialité. En l’occurrence, pourtant… Sigurd était présent. Et visiblement très embêté. Le cadre de la translinéenne le considéra un instant, en se demandant ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Il semblait contrarié, et gêné, et avait visiblement quelque chose à lui dire. Comme s’il allait se jeter dans une situation désagréable mais nécessaire, ou qui lui tenait à cœur. Ce qui fit tout de suite carburer les méninges de Dagenert. Avait-il découvert pour les révolutionnaires ? Pour les pirates ? Tout frôlait l’impossible, aussi ne s’en inquiéta-t-il pas vraiment, mais… il y avait toujours un mais. Pour toute réponse, le Luvneelois déposa un journal sur son bureau, plié en quatre, avec en évidence un article qui traitait de…
Oh. Forcément. D’où l’expression contrariée de celui venu faire promotion de Luvneel.
-Ouais, carrément. Je sais pas trop quoi dire, fut embêté Sigurd. C’est quand même… déprimant. Vous faîtes même pas des appels d’offre quand vous ouvrez des nouvelles bases de ce genre ? Et puis même en gestion, vous avez assez de cash à disposition pour pouvoir vous permettre de ne pas faire jouer la concurrence ? D’où est-ce que Boréa est aujourd’hui LA destination en vogue de North ? Comment ils ont pu nous chourrer une occasion pareille alors que c’est méga loin et que y’a vachement moins de tout ce qu’il faut, aussi ?
-Oh. Oui. Je vois ce qui vous arrive.
Evidemment. L’activité de transport portuaire était un grand gâteau dont les parts étaient innombrables, mais le marché qui venait d’être accordé à Boréa –le monopole de la ligne North-Reverse, rien que ça- constituait une rente de long terme absolument faramineuse. Le fait que l’attribution d’un tel marché à une île plutôt qu’une autre – et à Boréa plutôt qu’une autre – était aussi curieux qu’irritant pour le Luvneelois, évidemment. A fortiori qu’il était précisément présent sur Reverse pour lancer des affaires censées permettre à l’endroit de prendre plus d’importance. Forcément, le fait de voir qu’il n’était pas la seule option prise par la guilde des jumeaux pour le faire ne lui avait pas plu. Ca, c’était de la fierté ; Dagenert n’y pouvait rien. En ce qui concerne la forme, toutefois… c’était peut-être maladroit, oui.
-Comment ça se fait ? Personne en a rien entendu parler, aucune annonce de transaction ou rien, et d’un coup boom, y’a une base transli’ qui pop et une ligne mise en place. Marc Trans a un pote ou un cousin à Boréa ? Le gars en charge du commercial avait la flemme ? Y’a quelqu’un dans votre staff qui a passé plein d’temps à Boréa ?
-Noon. C’est plus simple que ça. Nous avons fait nos recherches par nous-mêmes, sans contacter les partenaires potentiels. En ce qui concerne le processus décisionnel et les critères de sélection retenus… ainsi que le non-candidat retenu… je n’en faisais pas partie. Il faudra voir autre part.
-Mwouais. J’espère au moins que vous nous avez pas fait venir pour une histoire qui ne vaudra que du flan ? Autant j’aime beaucoup être sympa, autant je déteste que…
Il ne termina pas, mais son ton maussade exprimait clairement ce qu’il pensait. Si tout se passait bien, tout se passerait bien. Dans le cas contraire, par contre…
-Je vous assure que vous ne perdez pas votre temps, lui assura Dagenert.
-Bon. On va s’en tenir à ça.
-Pas de coups de poignard dans le dos.
-Content qu’on se comprenne, conclut le Luvneelois. Sur ce, je vous dis bonjour, et j’ai juste quelques trucs à régler avant de revenir vers vous pour voir pour les premières affaires. Vous serez disponible ?
-Un peu plus tard, oui.
-Bieeen. On va y arriver.
Dagenert faisait grise mine. Lui aussi, était contrarié, maintenant. Un regard adressé à Evangeline, au regard neutre et renfermé, lui indiqua qu’elle n’en pensait pas moins. Et tandis qu’ils partaient, il songea que ses affaires demanderaient subitement plus de doigté. Ce ne serait que du plaisir.
Du coté des Nowel, ils attendirent d’être sortis des locaux de la guilde pour s’entretenir. Dans les rues animées de la ville, il y avait moins de chances qu’on puisse être indiscret.
-J’étais comment, du coup ?
-Vous avez bien prit la chose, s’étonna sa compagne, limite admirative.
-Ouaaaiiis. Ca j’ai fait attention. Vous vous attendiez à me voir hurler de rage, vomir du fiel partout, me rouler par terre et geindre jusqu’à être desséché ?
-Peut… être pas à ce point, non. Mais… même pas une saute d’humeur… ni même… vous n’êtes pas en colère ?
Sigurd lâcha un petit rire étrange, sardonique, étranglé. Et d’un coup, le pire de ce qu’il contenait fit surface.
-Naaaaan. Je trouve ça complètement dégueulasse de faire ça dans notre dos et je meurs d’envie de vous supplier de ruiner le coin par la forme. On prétexte un combat avec un pirate et on incendie tout Reverse, ça vous botte ?
-… mince. Mais pourquoi j’ai posé cette question ?
-J’exagère, forcément. Encore que c’est très facile pour ces mecs de construire plein de machins vu qu’ils ont du cash en illimité à distribuer sans se soucier de rien, alors pourquoi on se priverait, hein ?
-Sigurd…
-Bon, okay. Si on allait chasser du pirate sur Boréa, du coup ? On se débrouille pour l’asticoter et qu’il casse tout dans la foulée, et seulement une fois que c’est fini, on lui rentre dans le lard… et on se fait glorifier pour par-dessus le marché ! Ca vous botte ?
-Continuez d’être jaloux et je vous laisse finir votre journée tout seul.
-Ahhhrmm. Bon. Et si je fais le gros sensible qui a plein de peine au cœur et en besoin de réconfort, vous faîtes quoi ? J’ai envie de pleurer là d’un coup, j’crois.
-Je ne vous crois même pas, fit-elle en le prenant dans ses bras, cajolante.
-Que si, chuis vraiment dégout… euh… tristounet, marmonna-t-il en plongeant la tête dans ses cheveux.
-Allez… ça va aller.
-Bah non, on arrive jamais à rien. Sinon on serait vraiment pris au sérieux et... pffffffff, déprimant.
-Mais si, mais si, bien sûr que nous...
Et c'est à ce moment qu'une série de bipements retentit. L'escargophone portable d'Haylor, un dénommé Iarwain, s'était manifesté. Arrachant un soupir de contrariété à la jeune femme. Les affaires reprenaient ; Sigurd ne protesta même pas lorsqu'elle le libéra d'un bras pour saisir l'animal et le porter à ses oreilles. Ils avaient l'habitude. Ce qui n'empêcha pas Sigurd de raffermir son étreinte, sans se soucier de rien.
-Madame?
-Mmmh?
C'était le numéro et la voix d'Olrik Zalinsky, un des lieutenants d'Evangeline dans la hiérarchie grandissante d'HSBC. Les deux Nowel avaient décidé de tenter l'aventure des affaires sur Reverse, et fait venir plusieurs de leurs équipes de spécialistes en renfort. Dans un premier temps, pour dresser un état des lieux stratégique sur la situation de leurs interlocuteurs sur Reverse.
-Valerian Loupiote est arrivé.
-Ooooh. Aussi vite? Nous venons. Où pouvons-nous vous retrouver?
-Je l'ai fait venir à votre domicile.
-Excellent. Nous serons là d'ici...
Sigurd lâcha un grognement de protestation. Elle n'eut aucun mal à comprendre qu'il se sentait très bien comme ça, posé dans les bras de sa sorcière bien-aimée, et qu'il n'avait certainement pas envie d'y mettre fin maintenant. Ils étaient toujours debout, pourtant. Pas une position confortable. Et pourtant...
-... une vingtaine de minutes.
-Mmmngh.
-Vingt minutes, maintenu-t-elle.
-C'est noté, lâcha l'escargophone en raccrochant.
-Vingt minutes? Seulement?Journée vraiment pourrie.
-Il faut être raisonnable. Mais tout de même... cela nous laisse du temps, conclut-elle en se serrant contre lui.
-Mwarf. Jamais assez de temps.
Et son sourire idiot... se réfléchit sur l'autre.
-Interdiction de finir au delà de cinq heures, aujourd'hui. Ce soir, on prendra tout notre temps.
-Ca doit pouvoir se faire.
-De quoi parlez…
En général, c’était Haylor qui se présentait seule aux locaux de la guilde des jumeaux, pour éplucher les chiffres en compagnie d’Alastor Dagenert, le grand magasinier de la Translinéenne. Dogaku était davantage présent sur le terrain, à s’entretenir avec les divers marchands de Reverse et leurs équipages. Chacun sa spécialité. En l’occurrence, pourtant… Sigurd était présent. Et visiblement très embêté. Le cadre de la translinéenne le considéra un instant, en se demandant ce qu’il pouvait bien lui vouloir. Il semblait contrarié, et gêné, et avait visiblement quelque chose à lui dire. Comme s’il allait se jeter dans une situation désagréable mais nécessaire, ou qui lui tenait à cœur. Ce qui fit tout de suite carburer les méninges de Dagenert. Avait-il découvert pour les révolutionnaires ? Pour les pirates ? Tout frôlait l’impossible, aussi ne s’en inquiéta-t-il pas vraiment, mais… il y avait toujours un mais. Pour toute réponse, le Luvneelois déposa un journal sur son bureau, plié en quatre, avec en évidence un article qui traitait de…
- Spoiler:
[*]La ligne Bêta, de Borea au Port des Jumeaux et inversement :
Bien que la Belle du Nord puisse paraître une curieuse place pour édifier une base, le choix n'est pas fortuit. Avec le nouveau train inauguré, avec la prospère Académie de Jalabert qui reçoit des milliers d'étudiants venus du monde entier, sans parler des investissements du GM dans ce pays, Boréa est aujourd'hui LA destination en vogue de North Blue. Bien qu'elle se situe assez loin de Red Line et que le thermomètre y gèle.
Prix du trajet : 200 000 Berries
Oh. Forcément. D’où l’expression contrariée de celui venu faire promotion de Luvneel.
-Ouais, carrément. Je sais pas trop quoi dire, fut embêté Sigurd. C’est quand même… déprimant. Vous faîtes même pas des appels d’offre quand vous ouvrez des nouvelles bases de ce genre ? Et puis même en gestion, vous avez assez de cash à disposition pour pouvoir vous permettre de ne pas faire jouer la concurrence ? D’où est-ce que Boréa est aujourd’hui LA destination en vogue de North ? Comment ils ont pu nous chourrer une occasion pareille alors que c’est méga loin et que y’a vachement moins de tout ce qu’il faut, aussi ?
-Oh. Oui. Je vois ce qui vous arrive.
Evidemment. L’activité de transport portuaire était un grand gâteau dont les parts étaient innombrables, mais le marché qui venait d’être accordé à Boréa –le monopole de la ligne North-Reverse, rien que ça- constituait une rente de long terme absolument faramineuse. Le fait que l’attribution d’un tel marché à une île plutôt qu’une autre – et à Boréa plutôt qu’une autre – était aussi curieux qu’irritant pour le Luvneelois, évidemment. A fortiori qu’il était précisément présent sur Reverse pour lancer des affaires censées permettre à l’endroit de prendre plus d’importance. Forcément, le fait de voir qu’il n’était pas la seule option prise par la guilde des jumeaux pour le faire ne lui avait pas plu. Ca, c’était de la fierté ; Dagenert n’y pouvait rien. En ce qui concerne la forme, toutefois… c’était peut-être maladroit, oui.
-Comment ça se fait ? Personne en a rien entendu parler, aucune annonce de transaction ou rien, et d’un coup boom, y’a une base transli’ qui pop et une ligne mise en place. Marc Trans a un pote ou un cousin à Boréa ? Le gars en charge du commercial avait la flemme ? Y’a quelqu’un dans votre staff qui a passé plein d’temps à Boréa ?
-Noon. C’est plus simple que ça. Nous avons fait nos recherches par nous-mêmes, sans contacter les partenaires potentiels. En ce qui concerne le processus décisionnel et les critères de sélection retenus… ainsi que le non-candidat retenu… je n’en faisais pas partie. Il faudra voir autre part.
-Mwouais. J’espère au moins que vous nous avez pas fait venir pour une histoire qui ne vaudra que du flan ? Autant j’aime beaucoup être sympa, autant je déteste que…
Il ne termina pas, mais son ton maussade exprimait clairement ce qu’il pensait. Si tout se passait bien, tout se passerait bien. Dans le cas contraire, par contre…
-Je vous assure que vous ne perdez pas votre temps, lui assura Dagenert.
-Bon. On va s’en tenir à ça.
-Pas de coups de poignard dans le dos.
-Content qu’on se comprenne, conclut le Luvneelois. Sur ce, je vous dis bonjour, et j’ai juste quelques trucs à régler avant de revenir vers vous pour voir pour les premières affaires. Vous serez disponible ?
-Un peu plus tard, oui.
-Bieeen. On va y arriver.
Dagenert faisait grise mine. Lui aussi, était contrarié, maintenant. Un regard adressé à Evangeline, au regard neutre et renfermé, lui indiqua qu’elle n’en pensait pas moins. Et tandis qu’ils partaient, il songea que ses affaires demanderaient subitement plus de doigté. Ce ne serait que du plaisir.
Du coté des Nowel, ils attendirent d’être sortis des locaux de la guilde pour s’entretenir. Dans les rues animées de la ville, il y avait moins de chances qu’on puisse être indiscret.
-J’étais comment, du coup ?
-Vous avez bien prit la chose, s’étonna sa compagne, limite admirative.
-Ouaaaiiis. Ca j’ai fait attention. Vous vous attendiez à me voir hurler de rage, vomir du fiel partout, me rouler par terre et geindre jusqu’à être desséché ?
-Peut… être pas à ce point, non. Mais… même pas une saute d’humeur… ni même… vous n’êtes pas en colère ?
Sigurd lâcha un petit rire étrange, sardonique, étranglé. Et d’un coup, le pire de ce qu’il contenait fit surface.
-Naaaaan. Je trouve ça complètement dégueulasse de faire ça dans notre dos et je meurs d’envie de vous supplier de ruiner le coin par la forme. On prétexte un combat avec un pirate et on incendie tout Reverse, ça vous botte ?
-… mince. Mais pourquoi j’ai posé cette question ?
-J’exagère, forcément. Encore que c’est très facile pour ces mecs de construire plein de machins vu qu’ils ont du cash en illimité à distribuer sans se soucier de rien, alors pourquoi on se priverait, hein ?
-Sigurd…
-Bon, okay. Si on allait chasser du pirate sur Boréa, du coup ? On se débrouille pour l’asticoter et qu’il casse tout dans la foulée, et seulement une fois que c’est fini, on lui rentre dans le lard… et on se fait glorifier pour par-dessus le marché ! Ca vous botte ?
-Continuez d’être jaloux et je vous laisse finir votre journée tout seul.
-Ahhhrmm. Bon. Et si je fais le gros sensible qui a plein de peine au cœur et en besoin de réconfort, vous faîtes quoi ? J’ai envie de pleurer là d’un coup, j’crois.
-Je ne vous crois même pas, fit-elle en le prenant dans ses bras, cajolante.
-Que si, chuis vraiment dégout… euh… tristounet, marmonna-t-il en plongeant la tête dans ses cheveux.
-Allez… ça va aller.
-Bah non, on arrive jamais à rien. Sinon on serait vraiment pris au sérieux et... pffffffff, déprimant.
-Mais si, mais si, bien sûr que nous...
Et c'est à ce moment qu'une série de bipements retentit. L'escargophone portable d'Haylor, un dénommé Iarwain, s'était manifesté. Arrachant un soupir de contrariété à la jeune femme. Les affaires reprenaient ; Sigurd ne protesta même pas lorsqu'elle le libéra d'un bras pour saisir l'animal et le porter à ses oreilles. Ils avaient l'habitude. Ce qui n'empêcha pas Sigurd de raffermir son étreinte, sans se soucier de rien.
-Madame?
-Mmmh?
C'était le numéro et la voix d'Olrik Zalinsky, un des lieutenants d'Evangeline dans la hiérarchie grandissante d'HSBC. Les deux Nowel avaient décidé de tenter l'aventure des affaires sur Reverse, et fait venir plusieurs de leurs équipes de spécialistes en renfort. Dans un premier temps, pour dresser un état des lieux stratégique sur la situation de leurs interlocuteurs sur Reverse.
-Valerian Loupiote est arrivé.
-Ooooh. Aussi vite? Nous venons. Où pouvons-nous vous retrouver?
-Je l'ai fait venir à votre domicile.
-Excellent. Nous serons là d'ici...
Sigurd lâcha un grognement de protestation. Elle n'eut aucun mal à comprendre qu'il se sentait très bien comme ça, posé dans les bras de sa sorcière bien-aimée, et qu'il n'avait certainement pas envie d'y mettre fin maintenant. Ils étaient toujours debout, pourtant. Pas une position confortable. Et pourtant...
-... une vingtaine de minutes.
-Mmmngh.
-Vingt minutes, maintenu-t-elle.
-C'est noté, lâcha l'escargophone en raccrochant.
-Vingt minutes? Seulement?Journée vraiment pourrie.
-Il faut être raisonnable. Mais tout de même... cela nous laisse du temps, conclut-elle en se serrant contre lui.
-Mwarf. Jamais assez de temps.
Et son sourire idiot... se réfléchit sur l'autre.
-Interdiction de finir au delà de cinq heures, aujourd'hui. Ce soir, on prendra tout notre temps.
-Ca doit pouvoir se faire.
Dernière édition par Sigurd Dogaku le Dim 15 Mai 2016 - 12:40, édité 5 fois